Les femmes nigérianes victimes d'un réseau transnational de traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle, qui sont parvenues à s'en extraire ou ont entamé des démarches en ce sens, partagent une histoire vécue et un statut de victime qui présentent des caractéristiques communes, constantes et spécifiques, et qui leur confèrent une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante et les institutions, qu'il s'agisse des trafiquants, de la population et des familles ou de la puissance publique, de sorte qu'elles constituent un groupe social au sens de l'article 1A2 de la Convention de Genève (
N° Lexbase : L6810BHP), sans pouvoir espérer une protection effective de la part des autorités nigérianes sur une quelconque partie du territoire du Nigéria. Tel est l'apport de la décision rendue par la CNDA le 30 mars 2017 (CNDA, 30 mars 2017, n° 16015058
N° Lexbase : A9535U7B).
Dans cette affaire, Mme F., ressortissante du Nigéria, qui résidait dans l'Etat d'Edo, soutenait que le réseau de traite auquel elle avait échappé en France menaçait de représailles sa famille au Nigéria, si la dette qu'elle devait au réseau n'était pas totalement remboursée. Elle demande à la Cour d'annuler la décision ayant rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugiée ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
La CNDA juge, d'abord, que la traite des femmes organisée par un réseau criminel transnational à des fins d'exploitation sexuelle constitue une persécution. Elle constate, ensuite, que les femmes enrôlées ont été le plus souvent victimes d'une tromperie assortie d'une contrainte physique et/ou psychologique. Elle constate, aussi, que la traite transnationale aux fins de prostitution, si elle s'est principalement implantée et développée dans l'Etat d'Edo, concerne l'ensemble du territoire nigérian et, que les moyens manquent pour accueillir et protéger durablement les victimes de cette traite. Lorsqu'elles rentrent dans leur pays sans s'être acquittées de la dette contractée auprès du réseau qui les a recrutées,
a fortiori dans le cas où elles ont dénoncé celui-ci aux autorités françaises, ces victimes ne peuvent espérer reprendre une vie normale au Nigeria et s'exposent à un risque sérieux de marginalisation, y compris vis-à-vis de leur propre famille, voire à une menace d'être renvoyées en Europe par le réseau.
Le juge de l'asile reconnaît, en l'espèce, la qualité de réfugiée à Mme F. (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E6034EY7).
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