La surveillance illicite d'une victime d'accident de la route par une compagnie d'assurances suisse était contraire à son droit à la vie privée. C'est en ce sens que s'est prononcée la Cour européenne des droits de l'Homme dans un arrêt rendu le 18 octobre 2016 (CEDH, 18 octobre 2016,
Req. 61838/10, V. c/ Suisse ; cf. récemment sur la même question : Cass. civ. 1, 22 septembre 2016, n° 15-24.015, FS-P+B+I
N° Lexbase : A6513R3M, lire
N° Lexbase : N4433BW4). En l'espèce, victime d'un accident de la route, Mme V. demanda par la suite une pension d'invalidité. Dans le cadre d'un litige avec son assureur quant au montant de cette pension, après plusieurs années de contentieux, ce dernier lui demanda de passer un autre examen médical de manière à évaluer à nouveau son état de santé, ce qu'elle refusa. A la suite de cela, il engagea des détectives privés afin de la mettre sous surveillance en secret. Les preuves ainsi recueillies furent produites au cours d'un procès ultérieur, qui se solda par la diminution du montant des prestations offertes à Mme V.. Cette dernière estimait que cette surveillance était contraire à son droit au respect de sa vie privée et que ces preuves n'auraient pas dû être admises au cours du procès. Elle obtient gain de cause devant la CEDH. La Cour a jugé, tout d'abord, que, l'assureur étant regardé comme une entité publique en droit suisse, son action avait engagé la responsabilité de l'Etat sur le terrain de la Convention. Elle a également estimé que, bien qu'elle eût été conduite dans des lieux publics, la surveillance secrète litigieuse avait porté atteinte à la vie privée de Mme V., les enquêteurs ayant collecté et stocké des données de manière systématique et les ayant utilisées à des fins précises. De plus, cette mesure n'avait pas été prévue par la loi, les dispositions de droit suisse sur lesquelles elle était fondée étant insuffisamment précises. En particulier, elles n'indiquaient pas clairement à quel moment et pendant quelle durée la surveillance pouvait être conduite, ni selon quelles modalités les données ainsi recueillies pouvaient être stockées et consultées. Il en avait résulté un risque d'accès et de divulgation non autorisés d'informations. Il y avait donc eu violation de l'article 8 (
N° Lexbase : L4798AQR). La Cour a également jugé que l'utilisation des preuves obtenues au moyen de la surveillance dans le litige qui opposait Mme V. à son assureur n'a pas rendu le procès inéquitable. Cette dernière avait dûment eu la possibilité de contester les preuves ainsi recueillies et les juridictions internes avaient motivé leurs décisions autorisant l'admission de ces pièces.
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