La lettre juridique n°366 du 8 octobre 2009 : Avocats

[Evénement] Assemblée générale extraordinaire du CNB du 25 septembre 2009 - L'union fait la force

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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

le 07 Octobre 2010

"Là où est la société est le droit. Là où est le droit est l'avocat. Notre société a, plus que jamais, besoin de ses avocats, parce que notre société a, plus que jamais, besoin du droit", a déclaré, à la grande satisfaction de l'assistance, le Garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, lors de l'assemblée générale extraordinaire du Conseil National des Barreaux (CNB), tenue à la Maison de la Chimie, le 25 septembre 2009.
Etre là, c'est bien, le faire savoir c'est mieux. Le CNB, qui a poursuivi sa vaste campagne de communication initiée en 2004 (1), l'a compris, faisant de cet événement suffisamment médiatisé une tribune pour défendre la profession des nombreux assauts subis ces derniers mois, voire ces dernières années. L'occasion fut, ainsi, de passer en revue la majorité des propositions formulées dans le cadre de la réforme des professions du droit (2). Car, si le Gouvernement reconnaît l'importance du rôle social des avocats, il ne lui revient pas de moderniser seul la profession, comme l'a souligné le ministre de la Justice. Mais, pour faire efficacement entendre leur voix, les avocats doivent s'accorder, ce qui n'a pas toujours été une mince affaire.

Le mot d'ordre a, donc, été l'union. Dès l'introduction de la manifestation par Jean-Michel Darrois, unanimement plébiscité, puis lors de l'intervention de Thierry Wickers, président du Conseil, jusqu'à la clôture de l'événement par le Garde des Sceaux : unissez-vous et vous vaincrez. Il est vrai que les notaires ont adopté cette stratégie, qui s'est, jusqu'à présent, révélée payante.

Soit, mais comment s'y prendre et, surtout, derrière qui ? S'il a été soufflé dans la salle que la légitimité ne se déclare pas, mais s'acquiert, peu conteste encore celle du CNB. En tout cas, Madame le ministre, le président de la Conférence des bâtonniers et le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris n'en font pas partis. Ces deux derniers, membres de droit de l'institution depuis peu, exercent, également, les fonctions de vice-présidents de droit du bureau du Conseil, pour la durée de leur mandat. L'union est donc amorcée, le CNB parle, désormais, d'une seule voix, ainsi que l'a indiqué Jean Castelain, "Dauphin" de l'Ordre de Paris : les discussions auront lieu en interne et non plus par médias interposés.

Le porte-parole étant officiellement désigné, quels messages doit-il transmettre ?

Sur l'acte d'avocat (3) : Les intervenants (Michel Bénichou -président d'honneur du CNB et président de la Fédération des barreaux d'Europe-, Christophe Jamin -Directeur scientifique du CREA, professeur à Sciences-Po-, Andréanne Sacaze -président de la commission textes du CNB- et Jean-Jacques Uettwiller -avocat-) ont dénoncé les vives réactions des notaires, partis en croisade contre cette forme d'acte, depuis le communiqué du Président de la République du 26 août 2009, quant à son souhait de voir rapidement examinée la proposition de loi portant création de l'acte sous contreseing d'avocat, déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale par le député UMP, Etienne Blanc. Le Conseil supérieur du notariat a récemment adressé à chaque parlementaire une lettre dénonçant une atteinte à la sécurité juridique des contrats et une déresponsabilisation de l'avocat. Selon eux, le régime prévu par la proposition de loi serait moins contraignant que celui imposé, aujourd'hui, par la jurisprudence. Ils ont, pour l'instant, obtenu que le texte ne soit pas inscrit à l'ordre du jour. Mais, l'assurance de la nécessité d'un tel acte en droit français et l'annonce par Michèle Alliot-Marie d'un examen de cette proposition de loi d'ici la fin de l'année ont, toutefois, entraîné la satisfaction de l'assistance.

Sur l'interprofessionnalité : A "la grande profession du droit", finalement rejetée dans le rapport "Darrois", s'est substituée la notion de "communauté de juristes", puisque l'interprofessionnalité a été préférée. Si la fusion des professions d'avocats et d'avoués doit entrer en vigueur le 1er janvier 2011, l'opportunité d'une fusion des conseils en propriété industrielle et des avocats (prévue dans la proposition de loi "Béteille") devrait être examinée par l'Assemblée avant 2010, aux dires du Garde des Sceaux. Le CNB envisage de remettre, lors de son assemblée du mois d'octobre, un rapport d'étape sur la possibilité pour les avocats d'exercer en entreprise, pour autant, il ne s'est pas prononcé sur la question du maintien des passerelles existantes en sens contraire (qui permettent aux juristes d'entreprise de devenir avocat). Enfin, la fusion des professions de notaire et d'avocat n'étant, à l'heure actuelle, pas envisageable, leur rapprochement doit, pour le moins, être renforcé.

Sur la formation : Le CNB (par les voix de Jean-François Lecas -président délégué de la commission formation du CNB-, Denis Lequai -trésorier du CNB- et Christophe Regnard -président de l'Union syndicale des magistrats-) a déclaré adhérer à la préconisation du rapport "Darrois" d'instituer une école commune à l'ensemble des professions du droit, qui dispensera une formation d'une année portant sur des matières transversales telles l'expertise comptable, la fiscalité, les langues étrangères, la culture juridique etc.. Les futurs avocats y apprendraient, également, à travailler en équipe. Le rapport "Darrois" met, en effet, l'accent sur l'importance du regroupement des professionnels (au sein d'associations par exemple) pour faire face à la forte concurrence que connaît l'avocature.

Le rapport prévoit que cet enseignement serait dispensé sur douze mois, à l'issue des études universitaires. Il constituerait un passage obligé entre les universités et les stages professionnels. Dans ce cadre, la question se pose du maintien des écoles de spécialisation existantes, en particulier, celui de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) et celui de l'Ecole de formation du barreau (EFB). Selon le CNB, il n'existe pas nécessairement d'incompatibilité à les conserver toutes les deux et instaurer parallèlement une formation commune. Deux pistes peuvent être explorées :

- soit, une école commune est créée, ce qui posera forcément les questions de son financement et de la durée totale des études ;

- soit, un tronc commun d'enseignement est mis en place parallèlement aux Master 1 et 2, cette dernière solution ayant la préférence du Conseil.

L'assistance a profité de l'occasion pour évoquer un autre sujet relatif à la formation : celui de la possibilité de créer une grande école nationale des avocats. Si certains y sont favorables, le Conseil y est réticent, tout comme le directeur de l'EFB de Paris, Gérard Nicolay, qui rappelle, déjà, les difficultés de gestion, eu égard au nombre important d'élèves-avocats.

Sur la gouvernance : L'intégration du président de la Conférence des bâtonniers et du Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris comme membre de droit du CNB a été saluée par chacun, en ce qu'elle permet un renforcement de la représentation de la profession vis-à-vis des pouvoirs publics. Les avocats souffraient, jusqu'alors, de l'éparpillement des points de vue.

Concernant les ordres, le CNB s'est déclaré favorable à leur maintien, mais il estime que la création de structures intermédiaires au niveau régional est indispensable. Ces "ordres régionaux" (si cette terminologie est retenue) permettraient de mutualiser au mieux les moyens de chacun et de proposer des interlocuteurs privilégiés aux pouvoirs publics.

Enfin, les intervenants (Pascal Eydoux -président de la Conférence des bâtonniers-, Paul-Albert Iweins -président d'honneur du CNB- et Carlo Vermiglio -vice-président du Consiglio Nazionale Forense-) ont évoqué la création du Haut conseil du droit, en remplacement du Conseil national du droit, qui s'inscrirait dans l'effort d'interprofessionnalité voulu par la commission "Darrois". Si une grande profession du droit n'est pas envisageable, il faut a minima des structures communes. Ce conseil serait, notamment, en charge des questions ayant trait au rapprochement des notaires et des avocats, dont celle délicate du partage des tarifs.

Sur l'aide juridictionnelle : Le CNB a fermement fait connaître sa position ; il n'appartient pas aux professionnels du droit de financer l'aide juridictionnelle au-delà de ce qu'ils font déjà. L'Etat doit prendre des engagements en la matière. Michèle Alliot-Marie a, quant à elle, annoncé la mise en place, d'ici peu, d'un groupe de travail qui sera chargé de lui faire des propositions. Pour mémoire, le rapport "Darrois" préconisait, outre l'engagement de l'Etat, la création d'une taxe spéciale à percevoir de l'ensemble des professions du droit, par le Haut conseil du droit à créer.

Sur le rapport "Léger" : Si le rapport "Darrois" emporte l'adhésion de la profession sur la majorité de ses recommandations, les intervenants ont fustigé certains des points figurant au rapport "Léger", longuement évoqué au cours de l'événement. "Les propositions de supprimer le juge d'instruction, de confier le pouvoir d'enquête unique au procureur de la République, de faire du président de la cour d'assises un arbitre et d'introduire la reconnaissance de culpabilité en matière criminelle ne peuvent se concevoir qu'à la double et impérative condition d'être accompagnées d'un nouveau statut du parquet et d'un renforcement véritable des droits de la défense. Le refus de l'accès de l'avocat à tout ou partie de la procédure dès la première heure de garde à vue et au dossier de l'enquête pendant toute la garde à vue manifeste une défiance inacceptable à l'égard de la profession d'avocat" (4). A cela, le ministre de la Justice répond qu'un rapport reste un rapport et ne constitue en aucune façon une loi. La garantie du respect des droits de la défense et de ceux des victimes est "le premier objectif" ; "le rôle accru des avocats contribuera à renforcer les droits de la défense lors de la garde à vue. L'intervention de l'avocat aux auditions du mis en cause, sa mission d'assistance dans le cadre des interrogatoires si la garde à vue est prolongée font partie de la réflexion engagée".

Enfin, sur la question plus générale du renforcement de la place de l'avocat dans la société, le CNB regrette que la procédure prévue par la loi "Hadopi 2" (loi sur la protection pénale de la propriété littéraire et artistique) n'impose pas qu'il y soit associé. Il peut, cependant, se consoler : Michèle Alliot-Marie a indiqué que la proposition de loi "Béteille", relative à la procédure participative de négociation assistée par un avocat (forme de règlement amiable des litiges), devrait être discutée à l'Assemblée nationale d'ici la fin de l'année.

L'assemblée générale extraordinaire du CNB du 25 septembre 2009 s'inscrit dans les réflexions actuelles sur la réforme des professions juridiques. Le Conseil a pu, lors de cet événement, livrer ses différents points de vue et défendre les intérêts de la profession. Le timing est parfait : le ministre de la Justice a annoncé qu'un projet de loi visant à "une modernisation profonde de l'organisation et des moyens de la profession d'avocat" devrait être présenté au premier trimestre 2010, une fois aboutie la concertation annoncée par le Président de la République le 26 août dernier.


(1) Le CNB a, notamment, lancé la campagne de communication intitulée "La semaine des avocats et du droit", qui se déroulera du 16 au 20 novembre 2009 et qui sera annoncée le 12 novembre sur Europe 1. Il s'agit de mettre en place, au sein des ordres, des plateformes téléphoniques, afin que les citoyens puissent soumettre gratuitement leurs questions aux avocats. Ceci permettrait une meilleure visibilité de la profession.
(2) Lire nos obs., Concertation sur la réforme des professions du droit : réforme a minima ou simple étape ?, Lexbase Hebdo n° 1 du 1er octobre 2009 - édition professions (N° Lexbase : N9361BLB).
(3) Pour un point sur l'acte d'avocat, lire Le point sur l'acte contresigné par un avocat - questions à Maître Michel Bénichou, président de la Fédération des Barreaux d'Europe, Lexbase Hebdo n° 1 du 1er octobre 2009 - édition professions (N° Lexbase : N9384BL7)
(4) Cf. le communiqué du CNB du 1er septembre 2009, Le Conseil national des barreaux estime que toute réforme cohérente de la procédure pénale doit être fondée sur un renforcement des droits de la défense.

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