Réf. : CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 23 février 2010, n° 09/06754 (N° Lexbase : A9088ESE)
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N4376BPR
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par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI)
le 07 Octobre 2010
En l'espèce, une convention de mise à disposition et de services avait effectivement été conclue entre un avocat et des avocats associés. Ceux-ci ayant donné congé à l'avocat, un litige était né entre eux sur les comptes à faire. Les parties avaient saisi le Bâtonnier, puis avaient signé un procès-verbal d'arbitrage. L'avocat avait fait valoir qu'il avait payé un loyer triple de celui qu'acquittaient les locataires principaux, loyer s'ajoutant aux charges communes, qu'il n'avait pas bénéficié des services communs et en avait pâti dans l'exercice de ses activités d'avocat, notamment lors de multiples dysfonctionnements téléphoniques. L'arbitre ayant débouté l'avocat de sa demande en nullité de la convention de mise à disposition et de services, celui-ci avait interjeté appel de la sentence, développant, devant elle, plusieurs arguments, en ordre, il faut bien le dire, quelque peu dispersé. Synthétiquement, il soutenait avoir été victime d'un dol de la part de ses cocontractants qui auraient précipité les discussions ayant précédé la signature de la convention litigieuse, mettait en avant son état de santé précaire ayant au demeurant conduit à une incapacité totale de travail de près de deux ans, invoquait le fait que le cabinet avec lequel il avait contracté avait, dans le même temps que celui de la signature de la convention litigieuse, consenti à un tiers une convention du même type mais pour un coût moindre, et contestait le montant du loyer qui lui était réclamé, estimant que le loyer devait être calculé au prorata de la surface qu'il occupait. De cet enchevêtrement de griefs, il ressortait, en définitive, que l'avocat cherchait à obtenir la nullité de la convention de mise à disposition et de services et, subsidiairement, une indemnité correspondant à la réduction des loyers. Ses prétentions sont, cependant, rejetées par la cour d'appel qui confirme la sentence en toutes ses dispositions. Elle décide, en effet, d'abord, que "c'est par une exacte analyse en fait et en droit que la cour fait sienne que la sentence, ayant retenu à juste titre que les relations avec les tiers sont sans intérêt si elles n'ont pas de conséquences sur la situation personnelle de [l'avocat] et qu'en particulier peu importe par exemple que les titulaires du bail principal n'aient pas obtenu dès l'origine les autorisations administratives, en particulier quant à la déclaration à l'ordre, qui s'est faite tardivement et de manière chaotique mais a été régularisée [...], ce qui n'a pas d'incidence pour le sous-locataire qui ne peut l'invoquer à son profit". La cour poursuit, ensuite, en relevant que l'avocat, "qui a reconnu avoir pris connaissance du bail principal, ne peut soutenir, au seul motif de difficultés de santé qui ne sauraient être imputables à ses cocontractants, que son consentement aurait été vicié", pour en déduire que "la convention [...] qu'il a librement signée ne saurait être annulée". Enfin, après avoir validé le congé régulièrement remis à l'avocat, la cour juge que "le loyer ne peut être ramené à un simple calcul arithmétique lié au montant du loyer principal divisé par le nombre de m² occupé par chacun des locataires, puisqu'il s'agit aussi de services allant au-delà de la mise à disposition d'espaces de travail ou de rangement et justifiant à eux seuls une partie de la somme facturée, autonome vis-à-vis de la surface occupée".
La décision paraît cohérente.
En effet, aucun des arguments avancés par l'appelant au soutient de sa demande en nullité de la convention pour dol ne paraissait convaincant. La preuve du dol, au sens de l'article 1116 du Code civil (N° Lexbase : L1204AB9), n'était, en effet, aucunement rapportée, et c'est avec raison que la cour relève que les relations qu'a pu avoir le bailleur avec les tiers sont sans intérêt dans le débat, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elles aient eu une incidence sur la situation du demandeur. En outre, c'est à juste titre que la cour décide que le seul argument tiré des difficultés de santé du demandeur n'est pas suffisant à établir la preuve de l'existence d'un vice du consentement : encore aurait-il fallu démontrer que son état de santé l'avait affaibli et que, peut-être, cette situation l'avait rendu moins vigilant et l'avait conduit à se méprendre sur la teneur et/ou la portée de son engagement (3), ce qui n'était manifestement pas le cas.
Les arguments invoqués pour obtenir une réduction du loyer, donc une remise en cause des termes de la convention, ne pouvaient, pas plus que les précédents, emporter l'adhésion. En dehors même du fait, relevé par les magistrats, que, en raison de son expérience professionnelle "très suffisante pour en apprécier, avant de contracter, la justesse", il est acquis que le loyer ne peut être ramené à un simple calcul arithmétique lié au montant du loyer principal divisé par le nombre de m² occupé par chacun des locataires puisqu'il intègre aussi l'accès à un certain nombre de services distincts de la seule occupation des locaux. Au demeurant, l'idée n'est pas propre à l'exercice de la profession d'avocat. Ainsi, par exemple, a-t-il été jugé que le locataire d'un centre commercial qui profite comme tous les autres du service de sécurité doit contribuer au paiement des charges de sécurité, dès lors que les charges de sécurité sont destinées à assurer le financement du personnel de sécurité dont le nombre et la qualification sont imposés et contrôlés par l'administration, faute de quoi celle-ci peut à tout moment révoquer son autorisation d'ouverture au public de l'immeuble entier (4).
(1) Cass. com., 26 novembre 2003, n° 00-10.243, FS-P (N° Lexbase : A2938DA3), JCP éd. E, 2004, p. 738, note Ph. Stoffel-Munck ; Cass. civ. 3, 28 juin 2006, n° 04-20.040, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A1027DQ4) ; Cass. civ. 3, 7 janvier 2009, n° 07-20.783, FS-P+B (N° Lexbase : A1578ECG).
(2) M. Pédamon, Nouvelles règles relatives à la rupture des relations commerciales établies, Lamy Droit économique, décembre 2001, n° 146 ; J. Beauchard, Stabilisation des relations commerciales : la rupture des relations commerciales continues, LPA, 5 janvier 1998, p. 14 ; H. Dewolf, Réflexion sur le déréférencement abusif, LPA, 7 février 1997, p. 13 ; P. Vergucht, La rupture brutale d'une relation commerciale établie, RJ com., 1997, p. 129 ; E. Bouretz, L'article 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : revue de trois ans de jurisprudence, JCP éd. E, 2001, 649 ; J.-M. Meffre, La rupture des relations commerciales établies : 36-5° vs 1135 Harmattan ou Sirocco ?, Cah. dr. entr., 2000, n° 4, p. 10 ; V. Sélinsky, Nouvelles régulations : comment améliorer l'effectivité du droit de la concurrence ?, Rev. Lamy droit aff., 2000, n° 27.
(3) Ou encore que sa faiblesse avait été exploitée, caractérisant une violence au sens de l'article 1112 du Code civil (N° Lexbase : L1200AB3). Mais la jurisprudence se montre exigeante : v. not. CA Toulouse, 15 juin 2004, n° 03/03603.
(4) CA Paris, 13 juin 2001, n° 1999/24425.
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