Réf. : Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006, relative à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L3736HI9).
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le 21 Octobre 2014
D'un point de vue formel, le code, conçu à l'usage des gestionnaires, s'organise autour de cinq parties consacrées à l'acquisition, à la gestion, à la cession, aux autres opérations immobilières des personnes publiques et à des dispositions relatives à l'outre-mer.
Ce travail de codification, auquel la Commission supérieure de codification a été associée, a pris en compte la démarche de modernisation de la gestion des immeubles de l'Etat engagée par le Gouvernement depuis 2005.
Il est important de relever que la codification ainsi effectuée ne se contente pas de simplifier et d'harmoniser les règles ou d'améliorer la gestion domaniale, elle s'étend aussi à des modifications de fond qui dépassent, ainsi, le strict encadrement d'une codification classique à droit constant. Dans le sens où cette codification réformatrice ne bouleverse pas l'économie générale des législations modifiées et qu'elle ne prive pas de garanties légales les exigences constitutionnelles qui s'attachent à la protection de l'ordre public, elle a été déclarée conforme à la Constitution dès lors que la finalité des mesures est précisée (4).
La codification amène donc à une meilleure visibilité et un accès plus facile au droit domanial (I) tout en améliorant, grâce aux possibilités offertes par la nouvelle habilitation, la valorisation économique de la propriété publique (II).
I. L'amélioration de la lisibilité et de l'accès à la propriété publique
Le nouveau Code général de la propriété publique va permettre une meilleure visibilité et un accès plus facile aux règles applicables. Il harmonise et améliore ainsi les règles de la gestion domaniale (A) tout en clarifiant la définition de la propriété publique.
A. L'harmonisation et l'amélioration des règles de la gestion domaniale
L'ensemble des définitions et des procédures applicables à la gestion domaniale des biens publics est rassemblé dans un document unique et ceci qu'ils appartiennent à l'Etat, aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics. Les dispositions obsolètes du Code du domaine de l'Etat sont supprimées.
Les règles applicables aux collectivités territoriales étaient, par définition, étrangères au Code du domaine de l'Etat sans que le Code général des collectivités territoriales, institué à droit constant, n'ait, du reste, totalement pris en charge l'ensemble du droit domanial des propriétés publiques locales. Le droit domanial applicable aux établissements publics est fragmentaire et souvent empirique, il se calque souvent sur celui de l'Etat moyennant des aménagements plus ou moins explicites.
Le nombre des acteurs concernés, propriétaires et gestionnaires, s'est largement accru depuis une quarantaine d'années. Cela a entraîné l'imbrication de dispositions diverses figurant au surplus dans des supports législatifs et réglementaires éparpillés. Il est devenu ainsi essentiel de préserver une certaine unicité du droit domanial en fixant un code de référence.
Le choix d'élaborer un code général permet d'atténuer les inconvénients liés à la prolifération et à l'éclatement des textes domaniaux en vigueur, sans pour autant remettre en cause les acquis des codes techniques propres à certaines catégories de dépendances domaniales. Ce choix s'accompagne, en tant que de besoin, d'un recours à la technique du code pilote/code suiveur, entre le Code général de la propriété des personnes publiques et les codes spécialisés (Code général des collectivités territoriales, Code de l'environnement, Code général des impôts, Code du patrimoine, Code de l'urbanisme...).
B. La clarification de la définition de la propriété publique
Sur le fond, la distinction entre les domaines privé et public est maintenue et la maîtrise régalienne de l'Etat sur son domaine public est réaffirmée. Le nouveau code apporte toutefois des modifications substantielles autorisées par l'habilitation dont disposaient les rédacteurs du code. Par exemple, si le code reprend la définition jurisprudentielle du domaine public immobilier fondée sur le critère de l'affectation d'un bien, soit à l'usage direct du public, soit au service public, le bien, dans le second cas, devra désormais faire l'objet, non plus d'un simple aménagement spécial, mais d'un aménagement indispensable à la mission en cause. Le champ d'application des règles protectrices du domaine public est donc limité aux seuls immeubles comportant des aménagements indispensables au service public. Les autres immeubles relèveront du domaine privé. Cette nouvelle définition du domaine public met fin, selon le Gouvernement, à certaines incertitudes liées en particulier à l'application de la théorie dite "du domaine public virtuel".
Le code précise également le contenu du domaine public maritime naturel. D'une part, il définit plus strictement le rivage de la mer "constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles". D'autre part, il inclut les terrains soustraits artificiellement des flots ainsi que les lais et relais de la mer qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat lors de l'entrée en vigueur de la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963, relative au domaine public maritime (5). L'effort de clarification s'applique, enfin, au domaine public fluvial, au sein duquel sont désormais distinguées les parties naturelles et les dépendances artificielles, et au domaine public mobilier qui repose dorénavant sur sa seule composante culturelle et artistique.
Cette redéfinition du domaine public affecte la consistance et la définition même du domaine privé. Alors que le Code du domaine de l'Etat prévoyait que le domaine privé était constitué de biens publics susceptibles d'une appropriation privative, le nouveau code se borne à poser que "font partie du domaine privé les biens des personnes publiques [...] qui ne relèvent pas du domaine public". Prolongeant l'ordonnance n° 2004-825 du 19 août 2004 (6), celle du 21 avril 2006 confirme que les immeubles de bureaux sont rangés dans le domaine privé afin d'autoriser leur vente sans procédure préalable de déclassement.
II. L'amélioration de la valorisation économique de la propriété publique
La codification à droit constant ne se limite pas à une clarification de la définition de la propriété publique, elle autorise, en outre, une refonte normative fondée sur la modernisation de la gestion du patrimoine immobilier (A) ou la modernisation du régime de l'occupation du domaine public (B).
A. La modernisation de la gestion domaniale
Les évolutions les plus notables, ces dernières années, dans la sphère de la domanialité publique, ont porté sur l'émergence de la notion de valorisation économique du domaine public, l'accroissement des transferts en propriété ou en gestion de biens domaniaux aux collectivités décentralisées.
L'ordonnance ne se borne pas à clarifier la définition de la propriété publique. Elle ambitionne également d'améliorer sa valorisation économique. C'est ainsi que les opérations de cession ou d'échange sont rendues possibles, même lorsque ces immeubles continuent provisoirement à être utilisés pour un service public et à la condition que la continuité du service public soit assurée, en vue, notamment, de permettre leur reprise en location auprès d'un investisseur. L'Etat et ses établissements publics peuvent ainsi céder un bien en prévoyant dans l'acte de cession, sous peine de résolution de la vente, sa désaffection ultérieure dans un délai dont la durée ne peut excéder trois ans.
Dans le même ordre d'idées, le propriétaire public pourra, en cas de cession à l'amiable entre administrations, s'affranchir de la contrainte du déclassement préalable du domaine public ce qui permettra de mieux faire coïncider propriété et responsabilité au bénéfice de la collectivité gestionnaire et d'encourager une démarche de propriétaire. La même simplification est réalisée pour les échanges d'immeubles afin de conforter les opérations foncières entre l'Etat et les collectivités territoriales.
B. La modernisation du régime de l'occupation du domaine public
Tout d'abord, il convient d'indiquer qu'en matière d'occupation du domaine public les principes sont déterminés par la doctrine et la jurisprudence. En effet, il n'existe aucun texte législatif fixant le régime juridique de la matière. L'ordonnance modernise, ainsi, le régime d'occupation du domaine public puisque les règles sont actualisées et rendues communes à l'ensemble des personnes publiques. Il est consacré, sur le plan législatif, le principe selon lequel toute occupation ou utilisation du domaine public, quel qu'en soit le propriétaire, donne lieu au paiement d'une redevance tenant compte des avantages de toute nature qui sont procurés à l'occupant. Le droit fixe auquel sont assujettis les occupants, en sus de la redevance lors de la délivrance du titre d'occupation, est supprimé.
Corrélativement, elle clarifie les situations où un intérêt public justifie la gratuité de l'occupation. L'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement : soit lorsque l'occupation ou l'utilisation est la condition naturelle et forcée de l'exécution de travaux ou de la présence d'un ouvrage, intéressant un service public qui bénéficie gratuitement à tous ; soit lorsque l'occupation ou l'utilisation contribue directement à assurer la conservation du domaine public lui-même .
Le régime des occupations constitutives de droits réels sur le domaine public est repris à droit constant pour l'Etat et ses établissements publics, mais une dernière innovation instaure en faveur des collectivités territoriales le droit de disposer, à côté du régime des baux emphytéotiques administratifs, d'un dispositif adapté d'autorisations d'occupation constitutives de droits réels sur leur propre domaine qui est inspiré de celui applicable à l'Etat . Il s'agit d'un régime optionnel ouvert aux collectivités territoriales à côté de celui des baux emphytéotiques administratifs. Il est rendu en particulier opérationnel pour la gestion des ports et des aéroports transférés en propriété aux collectivités territoriales (7).
Christophe De Bernardinis
Maître de conférences à l'Université de Metz
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