La lettre juridique n°151 du 20 janvier 2005 : Fiscalité des entreprises

[Textes] Adaptation des dispositions fiscales à l'évolution des règles comptables et assouplissement des règles de transfert des déficits lors d'opérations de fusion

Réf. : Loi de finances rectificative pour 2004, n° 2004-1485, 31 décembre 2004, art. 33 (N° Lexbase : L5204GUB)

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par Valérie Le Quintrec, Université de Bourgogne

le 07 Octobre 2010


Depuis le 1er janvier 2005 et ce, à la suite de la loi de finances rectificative pour 2004, les dispositions fiscales ont suivi l'évolution des règles comptables. Par ailleurs, les règles de transfert de déficits lors d'opérations de fusion ont été assouplies. Mises en place par le Conseil national de la comptabilité (CNC) avec la collaboration du ministère des Finances, ces nouvelles dispositions ont enfin vu le jour et s'orientent ainsi vers une véritable harmonisation fiscale européenne. Rappelons qu'il existe, en droit français, une connexité patente entre le droit comptable et le droit fiscal. Dès lors, il était indubitable que toute modification des normes comptables allait venir changer le sort des normes fiscales Avec la mise en place des nouvelles normes internationales IAS/IFRS (International accounting standards/International financial reporting standards), la comptabilité des entreprises n'a cessé et ne cesse d'évoluer (lire Sabine Dubost, L'impact fiscal du passage aux normes IFRS, Lexbase Hebdo n° 122, du 27 mai 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N1732ABR).

Aussi, le CNC est venu interpréter successivement chacune de ces normes internationales, afin que le plan comptable général s'aligne au nouveau référentiel. A titre d'exemple, le règlement n° 2002-10 du Comité de la réglementation comptable (CRC) sur la dépréciation et l'amortissement des actifs, homologué par un arrêté du 27 décembre 2002, le règlement n° 2004-01 du CRC du 4 mai 2004 sur le traitement comptable des fusions et opérations assimilées et l'avis n° 2004-15 du CNC du 23 juin 2004 sur la définition, la comptabilisation et l'évaluation des actifs viennent d'être pris en considération par le législateur fiscal. Par conséquent, depuis le 1er janvier 2005, ce nouveau référentiel comptable a exercé un impact réel sur certaines dispositions du Code général des impôts (CGI), en particulier celles relatives à l'évaluation des actifs (1) et au traitement des opérations de fusion et assimilées (2).

Toutefois, il est à noter que ce nouveau référentiel comptable n'a pas entraîné de modification en ce qui concerne l'assiette de l'impôt sur les sociétés. En effet, cette dernière est déterminée, non pas en fonction des comptes consolidés, mais à partir des comptes sociaux.

1. Modifications des règles fiscales en matière d'évaluation et d'amortissement des actifs

De nouvelles règles d'évaluation et d'amortissement des actifs ont été mises en place. Il en va ainsi de l'approche de valorisation des actifs par composants (1.1). La suppression des charges à répartir fait, également, partie des modifications précitées (1.2).

1.1. Modifications des règles fiscales en matière d'évaluation des actifs : l'approche par composants

Le nouveau régime de valorisation des actifs appelé "approche par composants" ne permet plus aux entreprises, pour leurs exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005, de doter des provisions pour grosses réparations aux fins de remplacer les éléments principaux d'immobilisation corporelle.

En effet, les dépenses de remplacement, antérieurement inscrites au passif du bilan, sont, désormais, considérées comme des immobilisations figurant à l'actif du bilan, se dépréciant de façon irréversible et pouvant dès lors faire l'objet d'un amortissement.

Précisons que l'article 15-1 du règlement n° 2002-10 du CRC sur la dépréciation et l'amortissement des actifs, précité, prévoit que, lors de la première application du règlement, l'effet à l'ouverture des changements de méthode doit être calculé de façon rétrospective, c'est-à-dire comme si la nouvelle méthode avait toujours été appliquée. La première application en 2005 conduira donc les entreprises à reprendre toutes les provisions pour grosses réparations destinées à couvrir le remplacement des composants, et à reconstituer les composants des immobilisations inscrites au bilan.

Le CRC a préconisé deux méthodes de reconstitution des composants compatibles avec la norme internationale IFRS 16, mais dont l'incidence fiscale est distincte :

- la reconstitution du coût historique amorti. Cette méthode rétrospective consiste à traduire au bilan de première application les conséquences de cette approche comme si elle avait toujours été appliquée. Elle se traduit par les effets suivants, une fois que le composant a été identifié : activation du dernier coût de remplacement, reconstitution des amortissements comme s'ils avaient été pratiqués depuis l'origine, et constatation de la perte sur le composant d'origine, qui n'existe plus. En application des dispositions du 2 de l'article 38 du CGI , cette méthode a pour effet de minorer ou majorer le bénéfice imposable du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2005 ;

- la réallocation des valeurs nettes comptables entre les composants. Cette méthode est prospective puisqu'elle ne reconstitue pas le passé et autorise seulement un nouveau calcul des amortissements pour le futur. Elle se traduit par les deux effets suivants : d'une part, la répartition de la valeur nette comptable de l'immobilisation entre les différents composants, cette répartition s'effectuant par évaluation des composants à la date du 1er janvier 2005 ; et d'autre part, la détermination d'un nouveau plan d'amortissement sur la valeur de ces composants. Elle n'a en revanche aucun impact sur le bénéfice imposable.

Dans les deux méthodes, la provision pour grosses réparations, destinée à anticiper le coût de remplacement du composant, doit être reprise au 1er janvier 2005.

1.2. La suppression des charges à répartir

L'avis 2004-15 du CNC conduit à supprimer dans le plan comptable général la notion de "charges à répartir", dont on admettait jusqu'à présent l'étalement sur cinq ans ou la comptabilisation en charges. Selon leur nature au regard de la nouvelle qualification des actifs, ces dépenses devront, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005, être comptabilisées de manière rétrospective soit en charges, soit en immobilisations. Cette notion n'est en effet pas fiscale, dans la mesure où les charges sont immédiatement déductibles dès lors qu'elles sont engagées, et ne peuvent donc faire l'objet d'un étalement analogue au traitement comptable.

La nouvelle méthode d'évaluation et d'amortissement des actifs n'est pas la seule adaptation fiscale face au nouveau référentiel comptable.

Les opérations de restructuration, telles que la fusion, subissent, également, sur le plan fiscal, une refonte de grande ampleur.

2. Adaptation des règles fiscales aux règles comptables en matière d'opérations de restructuration

A la suite du règlement n° 2004-01 du CRC concernant la détermination de la valeur d'apport et le traitement du mali technique de fusion, les règles fiscales se sont adaptées (2.1). Dans le même sens, la loi de finances rectificative pour 2004 a pris en considération ces changements en modifiant certaines dispositions du CGI (2.2).

2.1. Adaptation des règles fiscales au règlement n° 2004-01 du CRC sur la détermination de la valeur d'apport et sur le traitement du mali technique de fusion

2.1.1. Règles fiscales avant le règlement n° 2004-01 du CRC sur la détermination de la valeur d'apport et sur le traitement du mali technique de fusion

En cas de fusion de sociétés, le régime fiscal de cette opération de restructuration suit, en principe, celui de la cessation d'entreprises, c'est-à-dire imposition des plus-values, reprise des provisions, imposition du dernier bénéfice...

Cependant, au titre de l'article 210 A du CGI , un régime de faveur d'exonération et de sursis d'imposition pour les fusions et les opérations assimilées des fusions est applicable de plein droit ou sur agrément selon les situations. Ce régime préférentiel, sous réserve de remplir des conditions strictes, confère à ces opérations un caractère purement intercalaire.

En d'autres termes, les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion sont ainsi exonérés d'impôt sur les sociétés, de même que les provisions de la société absorbée qui ne deviennent pas sans objet, et la plus-value éventuellement dégagée par la société absorbante lors de l'annulation d'actions ou parts de son propre capital qu'elle reçoit en apport. Le régime de droit commun peut, cependant, se révéler intéressant si la société absorbée ou scindée est déficitaire, dans la mesure où ce déficit fiscal ne peut, dans le régime de faveur, être reporté sur les bénéfices ultérieurs de la société bénéficiaire de l'apport, sauf octroi préalable d'un agrément administratif.

Il est à noter qu'aux termes du II de l'article 209 du CGI , le montant de ce déficit transférable est toutefois plafonné, soit à la valeur brute des éléments de l'actif immobilisé, hors immobilisations financières, soit à la valeur d'apport de ces mêmes éléments.

Précisons aussi que c'est, en principe, la valeur réelle des biens apportés qui est retenue. Toutefois, il est admis que la valeur comptable puisse être utilisée pour valoriser les apports si cette valeur est suffisamment proche de la situation réelle de la société. Mais, il est à noter que cela ne vaut que dans le cadre du régime de faveur. Ainsi, une fusion à la valeur comptable ne peut bénéficier du régime de faveur que si l'absorbante reconstitue à son bilan les valeurs éclatées.

2.1.2. Impact en droit fiscal du règlement n° 2004-01 du CRC sur la détermination de la valeur d'apport et sur le traitement du mali technique de fusion

L'annexe du règlement n° 2004-01 du CRC, intitulée "Comptabilisation et évaluation des opérations de fusions et opérations assimilées, rémunérées par des titres et retracées dans un traité d'apport, y compris les confusions de patrimoine" prévoit de nouveaux principes de détermination de la valeur d'apport, en fonction de la situation de la société absorbante ou de la bénéficiaire des apports et de l'existence ou non d'un contrôle commun entre les sociétés participant à l'opération. Cette notion de contrôle commun ou distinct est centrale dans le règlement n° 2004-01 et permet de caractériser les fusions sur le plan économique.

Comme le souligne le rapporteur général Philippe Marini, les apports sont ainsi évalués à leur valeur comptable lorsque l'opération est réalisée "à l'endroit" ou "à l'envers" et implique des sociétés liées, c'est-à-dire déjà placées sous contrôle commun avant l'opération, ainsi que dans le cas d'opérations "à l'envers" impliquant des sociétés sous contrôle distinct. Les apports sont en revanche retenus à leur valeur réelle lorsque l'opération est "à l'endroit" et implique des sociétés sous contrôle distinct. Dès lors, le montant du déficit reportable sur la société bénéficiaire sera réduit dans le cas d'une évaluation des apports à la valeur comptable.

Le règlement précise, également, le traitement du "mali technique" de fusion encore appelé faux mali, qui correspond, à hauteur de la participation antérieurement détenue, aux plus-values latentes sur éléments d'actifs de la société absorbée, comptabilisés ou non dans les comptes de cette société, et diminués des passifs non comptabilisés. Il s'agit donc de passifs pour lesquels il n'existe pas d'obligation comptable, tels que les provisions pour retraites ou les impôts différés passifs.

Le mali technique est, désormais, inscrit en totalité dans un compte d'immobilisations incorporelles, et non plus comme charge fiscalement non déductible, conformément à la nouvelle doctrine également applicable aux charges à répartir. Cette solution permet d'assurer la neutralité des opérations au niveau des résultats et des capitaux propres de la société absorbante. Le mali technique peut conduire à la déduction de charges ultérieures, via des provisions pour dépréciation ou lors de la cession de l'actif sous-jacent.

2.2. Prise en considération de l'évolution des règles comptables par la loi de finances rectificatives pour 2004

2.2.1. Déplafonnement du transfert de déficits entre sociétés

Avant l'intervention de la loi de finances rectificative pour 2004, les cinquième, sixième et septième alinéas de l'article 209-II du CGI disposaient : "Les déficits sont transférés dans la limite de la plus importante des valeurs suivantes appréciées à la date d'effet de l'opération: la valeur brute des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exploitation hors immobilisations financières ou la valeur d'apport de ces mêmes éléments".

Mais en raison des nouvelles règles comptables de valorisation des apports, ces précisions légales ont été supprimées.

Dès lors, le législateur fiscal a opéré un déplafonnement du transfert de déficits entre sociétés, ce qui tendra très certainement à favoriser des opérations de restructuration des groupes.

En dépit des modifications apportées à l'article 209 du CGI, le reste de cette disposition n'a pas changé.

Il convient de préciser que la loi de finances rectificative pour 2004 a prévu d'insérer un II bis à l'article 209 du CGI, afin de prévenir la double déduction de l'actif net négatif, lorsque la reprise d'un passif excède la valeur réelle de l'actif transféré à l'occasion d'une opération de fusion telle que mentionnée au 3° du I de l'article 210-0 A , soit les opérations "pour lesquelles il n'est pas procédé à l'échange de titres de la société absorbante ou bénéficiaire de l'apport contre les titres de la société absorbée ou scindée lorsque ces titres sont détenus soit par la société absorbante ou bénéficiaire de l'apport, soit par la société absorbée ou scindée".

La charge résultant de cet excédent de passif ne peut alors être déduite. Le rapporteur Philippe Marini souligne que cette non déductibilité apparaît justifiée par l'avancée que constituent, par ailleurs, les nouvelles règles précitées de "transférabilité" sans limitation des déficits de la société apporteuse. Les déficits transférables étant déjà compris dans l'actif net négatif repris par la société bénéficiaire des apports, il subsistait bien un risque de double déduction.

2.2.2. Conséquences fiscales sur le "faux mali" de fusion

En raison de la nouvelle réglementation du CRC, la provision pour dépréciation du mali technique n'est pas déductible. Ce dernier n'est pas pris en considération dans le calcul des plus ou moins-values, de la quote-part de mali affectée aux immobilisations cédées. L'article 210 A du CGI est modifié en conséquence.

Toutes les adaptations de notre droit fiscal, eu égard à l'évolution des normes comptables, tend indéniablement, selon certains, à inverser la tendance qui voulait que ce soit les règles comptables qui se façonnent en fonction des règles fiscales. Cependant, la fiscalité ne pouvant se comprendre sans référence à la comptabilité et inversement, il est peut-être préférable de dire qu'un véritable rapport d'équilibre entre la comptabilité et la fiscalité s'est mis en place.

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