Réf. : Loi de finances pour 2005, n° 2004-1484, 31 décembre 2004, art. 104 (N° Lexbase : L5203GUA)
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N4306AB4
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
le 07 Octobre 2010
L'objectif de la réécriture de l'article 209 B était donc clair : trouver une conformité au droit conventionnel, moderniser et redéfinir le champ d'application de ce texte et respecter le droit communautaire (lire Quels sont les enjeux de la réécriture de l'article 209 B du CGI ? Question à... Alexandre Ippolito, avocat au barreau de Paris, Lexbase Hebdo n° 136, du 30 septembre 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N2941ABK).
Aussi, à la lecture de cet article 104 de la loi de finances pour 2005, et ce, à compter du 1er janvier 2006, "lorsqu'une personne morale établie en France et passible de l'impôt sur les sociétés exploite une entreprise hors de France ou détient directement ou indirectement plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique : personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable, établie ou constituée hors de France et que cette entreprise ou entité juridique est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du CGI, les bénéfices ou revenus positifs de cette entreprise ou entité juridique sont imposables à l'impôt sur les sociétés. Lorsqu'ils sont réalisés par une entité juridique, ils sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers imposable de la personne morale établie en France dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement".
C'est cette requalification du bénéfice dégagé par l'entité soumise à un régime fiscal privilégié en revenu de capitaux mobiliers qui constitue la clé de voûte du nouvel édifice de l'article 209 B. En effet, comme le souligne Olivier Fouquet, Conseiller d'Etat, le droit interne et le droit conventionnel s'appliquent de manière combinée et non exclusive. Aussi, lorsqu'une disposition de droit interne n'est pas contraire au droit conventionnel, cette disposition a plein effet. Dans le cas contraire, comme s'agissant de l'article 209 B, il faut et il suffit que la disposition de droit interne ne contredise pas celle issue du droit conventionnel. Ce faisant, la nouvelle rédaction de l'article 209 B, en requalifiant le bénéfice imposable en revenu de capitaux mobiliers, exclut, dans la pratique, l'application du droit conventionnel à ce dispositif de lutte contre l'évasion fiscale. En effet, peu de conventions bilatérales impliquant la France comprennent une disposition régissant les "revenus réputés distribués", même si certaines dispositions intéressent plus particulièrement les dividendes. Par ailleurs, lorsque ces conventions comprennent une "clause balai", pour l'ensemble des revenus non détaillés dans la convention, la plupart du temps, et ce en application du modèle OCDE, c'est à l'Etat du bénéficiaire du revenu que revient le privilège d'imposer ce revenu (pour notre cas, la France). On comprend donc bien, qu'en soustrayant les revenus perçus de ces entités soumises à un régime fiscal privilégié du champ des conventions fiscales internationales, la nouvelle rédaction de l'article 209 B répond bien à son objectif principal d'efficacité.
Pour autant, cette requalification est-elle légale ? Ainsi Renaud Jouffroy, avocat associé du cabinet Landwell, s'interrogeait, lors d'une conférence tenue le 13 janvier 2005, revenant sur l'actualité fiscale des lois de finances, sur la compatibilité d'une telle requalification avec le principe de "bonne foi" d'exécution des conventions internationales contenu au sein de la convention de Vienne. En outre, ce revenu imposable demeure "techniquement" un "bénéfice imposable", tombant, en principe, sous les fourches caudines des conventions bilatérales. Enfin, un certain nombre de convention fiscale prévoit une imposition des revenus de capitaux mobiliers dans l'Etat de la source ; annihilant ainsi le dispositif de l'article 209 B. Sur la base de ces remarques, Michel Taly, avocat associé du cabinet Landwell, posait ainsi la question en ces termes : si l'article 64 du LPF réprime l'abus de droit commis par le contribuable, l'Etat ne commet-il pas, par cette manoeuvre (entendez, la requalification en revenu réputé distribué), un abus de droit ?
Poursuivant la lecture du nouvel article 209 B, "le taux de détention mentionné précédemment est ramené à 5 %, lorsque plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l'entité juridique établie ou constituée hors de France sont détenus par des entreprises établies en France qui, dans le cas où l'entité étrangère est cotée sur un marché réglementé, agissent de concert ou bien par des entreprises qui sont placées directement ou indirectement dans une situation de contrôle ou de dépendance au sens de l'article 57 du CGI à l'égard de la personne morale établie en France.
Les actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus indirectement par la personne morale visée plus-haut s'entendent des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus par l'intermédiaire d'une chaîne d'actions, de parts, de droits financiers ou de droits de vote ; l'appréciation du pourcentage des actions, parts, droits financiers ou droits de vote ainsi détenus s'opère en multipliant entre eux les taux de détention successifs.
La détention indirecte s'entend également des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus directement ou indirectement :
Toutefois, les actions, parts, droits financiers ou droits de vote ne sont pas pris en compte pour le calcul du pourcentage de résultat de l'entité juridique établie hors de France, qui est réputé constituer un revenu de capitaux mobiliers de la personne morale.
Le bénéfice de l'entreprise ou le revenu de capitaux mobiliers est réputé acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de l'entreprise ou de l'entité juridique établie ou constituée hors de France. Il est déterminé selon les règles fixées par le présent code à l'exception des dispositions prévues à l'article 223 A du CGI .
L'impôt acquitté localement par l'entreprise ou l'entité juridique, établie hors de France, est imputable sur l'impôt établi en France, à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés et, s'il s'agit d'une entité juridique, dans la proportion mentionnée plus-haut.
Lorsque les produits ou revenus de l'entreprise ou de l'entité juridique comprennent des dividendes, intérêts ou redevances qui proviennent d'un Etat ou territoire autre que celui dans lequel l'entreprise ou l'entité juridique est établie ou constituée, les retenues à la source auxquelles ont donné lieu ces dividendes, intérêts ou redevances sont imputables dans la proportion mentionnée plus-haut sur l'impôt sur les sociétés dû par la personne morale établie en France. Cette imputation est toutefois subordonnée à la condition que l'Etat ou le territoire d'où proviennent ces dividendes, intérêts ou redevances soit la France ou un Etat lié à la France par une convention d'élimination des doubles impositions en matière d'impôt sur les revenus qui contienne une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, auquel cas l'imputation se fait au taux fixé dans la convention.
Ces dispositions ne sont pas applicables :
En dehors des ces cas visés, ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque les bénéfices ou revenus positifs de l'entreprise ou de l'entité juridique établie ou constituée hors de France proviennent d'une activité industrielle ou commerciale effective exercée sur le territoire de l'Etat de son établissement ou de son siège.
Toutefois, lorsque les bénéfices ou revenus positifs de l'entreprise ou de l'entité juridique établie ou constituée hors de France proviennent :
Un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions d'application du présent régime et notamment les modalités permettant d'éviter la double imposition des bénéfices ou revenus de capitaux mobiliers effectivement répartis ainsi que les obligations déclaratives de la personne morale".
A la suite de cet exposé, trois remarques peuvent être ainsi formulées. Tout d'abord, le régime de l'article 209 B du CGI ne s'applique plus si l'entreprise ou l'entité juridique est établie ou constituée dans un Etat de la Communauté européenne ; toutefois, si montage est "artificiel", au sens donné pour ce terme par la Cour européenne des droits de l'homme, le régime de l'article 209 B demeure applicable. Ensuite, si ce nouveau régime supprime l'imposition séparée de l'entité étrangère, alors la société mère devrait pouvoir remonter les déficits supportés par sa filiale. Enfin, comme le préconisait Alexandre Ippolito, avocat associé du cabinet White & Case LLP (préc. cit.), il conviendra de s'assurer, en pratique, pour éviter, ou en tout cas limiter, l'application du dispositif de l'article 209 B de l'existence de motivations économiques justifiant la création de filiales étrangères et notamment de l'existence d'une activité locale prévisible dans la juridiction concernée ou, éventuellement, dans les juridictions limitrophes (qui, selon notre analyse, doivent être comprises dans la notion de marché local). Par ailleurs, la problématique de la qualification d'un régime en régime fiscal privilégié reste ouverte dans la situation, fréquente en pratique, des juridictions prévoyant un taux normal d'imposition en ligne avec celui pratiqué dans les principaux pays de l'OCDE mais dotées de régimes d'exonération spécifiques à certains produits.
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