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N4226AB7
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
le 07 Octobre 2010
Les objectifs minimums de la recodification ont été déterminés par le Parlement, dans la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit (N° Lexbase : L4734GUU). L'article 84 de ce texte confie, en effet, au Gouvernement le soin d'adapter "des parties législatives" du Code du travail "afin d'inclure les dispositions de nature législative qui n'ont pas été codifiées et pour remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification".
La lecture de cet article montre, immédiatement, l'ambiguïté de la notion même de simplification. A priori, simplifier n'implique pas de réformer ; il s'agit, simplement, de retoucher les dispositions inutilement complexes et de parvenir à un résultat identique en empruntant des chemins plus accessibles.
Or, il suffira de relire l'article 84 de la loi du 9 décembre 2004 pour s'apercevoir que telle n'est pas la conception retenue par le législateur. Si l'intégration dans le Code de dispositions existantes jusque-là non codifiées correspond bien à cet objectif et, dans une certaine mesure, la correction d'erreurs matérielles ou d'emplois de termes différents pour désigner les mêmes règles, les mesures destinées à remédier aux "insuffisances" du Code actuel excèdent, cela va sans dire, les objectifs de la simplification, puisque le Gouvernement sera amené à proposer l'intégration dans le Code de nouvelles normes, afin de combler les lacunes de la version existante.
Par ailleurs, on pourrait s'étonner que l'exigence de simplification ne se traduise pas, au moins dans les objectifs affirmés, par une harmonisation des régimes et le regroupement, au sein de mêmes divisions du Code du travail, de règles ayant le même objet.
L'exemple des dispositions relatives au licenciement est, de ce point de vue, caractéristique. A l'heure actuelle, ces dispositions se trouvent éclatées dans trois livres distincts : les règles communes sont dans le livre Premier, consacré aux "Conventions relatives au travail", avec un certain nombre de régimes particuliers (maladie, maternité, discriminations), le livre Troisième est consacré au placement et à l'emploi, pour ce qui concerne le licenciement pour motif économique et le Livre Quatrième concerne le licenciement des salariés protégés et les compétences des institutions représentatives du personnel dans le cadre des procédures.
Dans ces conditions, l'objectif de simplification impose de rassembler toutes les dispositions relatives au licenciement au sein d'un même livre, quitte à procéder ensuite à des renvois internes, ce qui impliquera, nécessairement, d'harmoniser les règles de fond et d'éviter le chevauchement des procédures, comme c'est aujourd'hui le cas dans le cadre des grands licenciements économiques, où la double procédure de consultation du comité d'entreprise pose, comme on le sait, de sérieux problèmes d'articulation.
D'autres difficultés peuvent, également, naître de la nécessité d'intégrer dans le Code du travail des dispositions présentes actuellement dans d'autres Codes, ou simplement des principes généraux dégagés par la jurisprudence.
Ainsi, on sait que le Code du travail actuel s'est peu intéressé aux conditions de validité du contrat de travail, renvoyées, par le biais de l'article L. 121-1 (N° Lexbase : L5443ACL), aux dispositions du droit commun, ni au régime du contrat de travail et, singulièrement, aux règles relatives à la modification du contrat de travail. Or, on sait que l'application des règles du Code civil fait difficulté, car certaines de ses techniques concurrencent directement ou perturbent les régimes particuliers présents dans le Code du travail, que l'on songe à l'accord de rupture amiable, à la résolution judiciaire, à la transaction ou à la responsabilité civile des salariés et organisations syndicales. Par ailleurs, la Cour de cassation a développé des règles générales en matière de réintégration après annulation du licenciement, qu'il serait sans doute opportun d'intégrer, d'une manière ou d'une autre, dans le nouveau Code du travail.
Que dire, également, des règles applicables aux clauses du contrat de travail (exclusivité, dédit-formation, mobilité, non-concurrence, etc), en pratique extrêmement importantes, et dont le régime résulte exclusivement de la jurisprudence ?
2. Recodifier, mais comment ?
La recodification du droit du travail pose, également, des problèmes de méthode, à commencer par celui de la numérotation. Le système actuel semble insuffisant pour absorber les modifications successives des textes codifiés et nombreux sont les articles assortis de sous articles, voire de sous sous articles, qui nuisent à la lisibilité des textes. Il semblerait donc nécessaire de passer à une numérotation à quatre chiffres, comme cela a été le cas lors de la recodification du droit de la santé publique.
Une autre difficulté devrait résider dans le plan du Code. Ce dernier comporte, en effet, aujourd'hui, neuf parties qui nuisent, bien évidemment, à la cohésion de l'ensemble. Par ailleurs, les regroupements opérés dans l'actuel Code ne sont pas tous judicieux. Pour ne prendre que l'exemple du Livre premier, consacré aux "Conventions relatives au travail", le Titre premier concerne le Contrat d'apprentissage, le second le Contrat de travail (alors que le contrat d'apprentissage est, également, un contrat de travail), le Troisième les Conventions et accords collectifs de travail, qui devraient se trouver dans un Livre à part entière, et le Quatrième le salaire, alors que ces éléments devraient figurer à proximité immédiate du Contrat de travail.
Il sera, également, nécessaire de s'interroger sur la place réservée aux sanctions pénales. L'organisation actuelle situe les dispositions répressives en fin de division, ce qui conduit à des renvois à des numéros d'articles qui brouillent la lecture et nuisent, selon nous, au caractère dissuasif de la sanction. Une bonne recodification devrait, par conséquent, respecter un principe de "proximité" des infractions pénales.
Il conviendra, également, de s'interroger sur le maintien dans le Code de dispositions en grande partie anachroniques, comme celles qui concernent, dans le livre VII, certaines professions, aujourd'hui presque disparues.
Une autre question de méthode, qui touche, cette fois-ci, plus directement le fond du droit, concerne l'absence quasi-totale de définition des notions clefs du droit du travail. Le Code actuel ne définit pas le contrat de travail, figure pourtant centrale du droit du travail contemporain, ni véritablement le salaire, ne comporte aucune disposition sur les frais professionnels, ne définit pas la grève, etc. Il serait nécessaire de poursuivre l'effort entrepris en matière de durée du travail par la loi du 19 janvier 2000 (loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : L0988AH3), qui avait défini les notions de travail effectif et d'astreinte, afin de stabiliser l'interprétation des notions juridiques.
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