La lettre juridique n°114 du 1 avril 2004 : Avocats

[Textes] Loi professions : ce qui a changé pour les avocats

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N1039AB4

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par Marine Parmentier et Julien Prigent, Avocats à la cour d'appel de Paris

le 07 Octobre 2010

Annoncée depuis un certain temps, la loi réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en vente aux enchères publiques a été définitivement adoptée puis publiée au Journal officiel du 12 février dernier (loi n° 2004-130, 11 février 2004 N° Lexbase : L7957DNZ). Ce texte tend essentiellement à moderniser le statut de nombreuses professions du droit ou participant au service public de la justice. Il poursuit un double objectif : d'une part, donner les moyens à ces professionnels d'affronter une concurrence de plus en plus vive et, d'autre part, préserver l'indépendance et l'éthique caractéristiques de leur déontologie. Concernant plus spécifiquement la profession d'avocat, profession à laquelle cet article sera consacré, la loi élargit les conditions d'accès à la profession d'avocat conformément aux obligations posées par la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 ouvrant aux avocats communautaires le droit d'exercer leur profession dans un autre Etat que celui dans lequel ils ont acquis leur qualification (directive 98/5 N° Lexbase : L8300AUX). L'organisation de la formation initiale et continue, gage d'une meilleure compétitivité, est profondément réformée. Est également proposée une rénovation de la procédure disciplinaire, afin de la rendre plus conforme aux exigences du procès équitable et plus respectueuse des droits de la défense. Enfin des modifications importantes ont eu lieu en matière de secret professionnel.

I - L'accès à la profession

  • La liberté d'établissement des avocats de la Communauté européenne

La loi du 11 février 2004, dite "loi profession" introduit dans notre droit les dispositions de la directive du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise. Pour mémoire, cette directive aurait dû être transposée en droit interne avant le 14 mars 2000, date limite imposée aux Etats membres pour mettre en conformité leur droit avec ses dispositions. En France, il aura pourtant fallu attendre six ans pour que cette transposition soit faite...

Rappelons, avant de présenter ces nouvelles dispositions, quel était le statut en France des avocats de la Communauté européenne avant la transposition de la directive de 1998. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la "loi profession", les avocats de la Communauté européenne bénéficiaient du principe de libre prestation de services. En effet, la directive de 1977 tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats a été intégrée en droit français une première fois par un décret de 1979, puis, une seconde fois (pour tenir compte d'une condamnation prononcée par la Cour de justice des Communautés européennes) par le décret plus connu du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat (décret n° 91-1197 N° Lexbase : L0285A9G). Ainsi, le Titre V dudit décret (art. 200 et s.) organise la libre prestation de services en France par les avocats des Etats membres des Communautés européennes. Mais, comme le fait justement remarquer Raymond Martin, la libre prestation de services "concerne les activités de l'avocat communautaire en France de nature temporaire et épisodique" (R. Martin, Déontologie de l'avocat, Litec, 7e éd., 2002, n° 94).

De cela il faut donc distinguer l'exercice permanent de la profession en France par un avocat ressortissant d'un autre Etat membre de la communauté. C'est précisément cette dernière faculté qu'offre la "loi profession".

Elle introduit donc un nouveau Titre au sein de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires (loi n° 71-1130 N° Lexbase : L6343AGZ) qui s'intitule : "Dispositions relatives à l'exercice permanent de la profession d'avocat en France par les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ayant acquis leur qualification dans un autre Etat membre".

Ainsi, aux termes du nouvel article 83 : "Tout ressortissant de l'un des Etats membres de la Communauté européenne peut exercer en France la profession d'avocat à titre permanent sous son titre professionnel d'origine, à l'exclusion de tout autre, si ce titre professionnel figure sur une liste fixée par décret".

Donc, dès lors que l'avocat possède un titre qui est visé dans la liste qui sera déterminée par décret à venir, il peut exercer la profession en France de manière permanente sous son titre d'origine.

Hormis l'application de la loi de 1971 à laquelle il sera soumis, l'avocat qui usera de la liberté d'établissement se verra appliquer quelques dispositions particulières. Il sera notamment inscrit sur une liste spéciale du tableau du barreau de son choix, étant précisé que cette inscription est de droit. S'il est privé de manière temporaire ou définitive de son droit d'exercer la profession dans l'Etat où le titre a été acquis, le droit d'exercer en France lui sera retiré de manière temporaire ou définitive (il appartient, dans cette hypothèse, au conseil de l'ordre de prendre la décision).

En outre, la mention du titre professionnel d'origine est toujours suivie de l'indication de l'organisation professionnelle dont l'intéressé relève ou de la juridiction auprès de laquelle il est inscrit dans l'Etat membre où le titre a été acquis.

Concernant plus spécialement les modalités d'exercice de la profession, l'avocat ressortissant d'un autre Etat membre bénéficie de plusieurs solutions : il peut, tout d'abord, bénéficier du statut de collaborateur ou de salarié. Il peut également exercer en France à titre individuel ou en étant membre d'un groupement de droit français. Il peut, enfin, sous réserve de certaines conditions - concernant, notamment, la dénomination, les titulaires des pouvoirs de direction et d'administration et la répartition des droits de vote -, exercer au sein ou au nom d'un groupement d'exercice régi par le droit de l'Etat membre où le titre a été acquis. Pour ce faire, il doit également en informer le conseil de l'ordre qui a procédé à son inscription.

Enfin, s'agissant des poursuites disciplinaires, il est nécessaire, préalablement à toute poursuite, que le bâtonnier en informe l'autorité compétente de l'Etat membre où l'intéressé est inscrit (il est en effet inscrit auprès d'un barreau français et auprès de son barreau d'origine) qui doit être mis en mesure de formuler ses observations écrites.

  • L'accès à la profession d'avocat des ressortissants communautaires

La "loi profession" met également en place l'accès des avocats ressortissants communautaires à la profession d'avocat en France. Ainsi, un nouvel article 89 est intégré dans la loi de 1971 et prévoit que l'avocat exerçant sous son titre professionnel d'origine, qui justifie d'une activité effective et régulière - conditions appréciées par le conseil de l'ordre - sur le territoire national d'une durée au moins égale à trois ans en droit français, peut demander son intégration auprès d'un barreau national : il obtient alors le titre d'"avocat au barreau de ...".

En revanche, si l'avocat qui exerce sous son titre professionnel d'origine justifie d'une activité effective et régulière sur le territoire national d'une durée au moins de trois ans, mais d'une durée moindre en droit français, il appartient au conseil de l'ordre d'apprécier le caractère effectif et régulier de l'activité exercée ainsi que la capacité de l'intéressé à poursuivre celle-ci.

  • La formation professionnelle des avocats

Avant l'adoption du texte définitif de la "loi profession", deux arrêtés de septembre 2003 modifiaient déjà les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats (arrêté du 11 septembre 2003 N° Lexbase : L4525DIG ; lire la présentation qui en a été faite : "Examen d'accès au CRFPA : ce qui va changer", Lexbase n° 86, du 18 septembre 2003 - Edition Professions N° Lexbase : N8770AA3) et les modalités de l'examen d'aptitude à la profession d'avocat (arrêté du 11 septembre 2003 N° Lexbase : L4524DIE).

La "loi profession" supprime le stage qui, jusqu'à présent, était obligatoire. Dorénavant, la formation professionnelle de l'avocat comprendra une formation théorique et pratique de dix-huit mois, sanctionnée par le certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA). Au titre des dispositions transitoires de la loi, il est précisé que les personnes, en cours de formation professionnelle à la date d'entrée en vigueur des dispositions concernant la formation professionnelle, poursuivent leur formation selon les modalités en vigueur avant cette date. Toutefois, les titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat n'ayant pas commencé ou terminé leur stage dans les deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur du titre II de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 précitée en sont dispensés à l'expiration de cette période de deux ans. Les personnes qui demeurent inscrites sur la liste du stage conservent le droit de participer à l'élection du conseil de l'ordre et du bâtonnier.

La formation sera toujours assurée par les centres régionaux de formation professionnelle, établissements d'utilité publique dotés de la personnalité morale. Ces centres sont chargés d'organiser la préparation au CAPA, de statuer sur les demandes de dispense d'une partie de la formation professionnelle, d'assurer la formation générale de base et la formation continue - qui devient obligatoire aux termes de la loi - des avocats, etc.

II - La discipline

  • La création du conseil de discipline

La loi "profession" opère une modification importante en matière disciplinaire. Son article 28 remanie en intégralité l'article 22 de la loi du 31 décembre 1971 relatif à l'institution compétente en la matière.

Désormais, ce n'est plus le conseil de l'Ordre qui siégera en tant qu'institution disciplinaire, mais un "conseil de discipline" institué au niveau de chaque cour d'appel. Une exception est toutefois prévue pour le barreau de Paris où le conseil de l'Ordre voit sa compétence maintenue en la matière.

Le but de cette modification a été de créer une distance plus importante entre le "juge" (l'institution disciplinaire) et le "justiciable" (l'avocat) aux fins de favoriser l'impartialité du premier. L'importance du barreau parisien et l'anonymat qui en découle ne rendait pas nécessaire l'application de cette réforme à Paris.

L'article 29 de la loi du 11 février 2004 intègre un nouvel article 22-1 à la loi du 31 décembre 1971. Cette nouvelle disposition organise la composition et le fonctionnement du conseil de discipline. Un décret en Conseil d'Etat précisera ces modalités. Le nouvel article 22-1 en donne toutefois les grandes lignes. Le conseil sera composé de représentants des conseils de l'Ordre du ressort de la cour d'appel, sans qu'aucun de ces conseils ne puissent désigner plus de la moitié des membres du conseil de discipline et chaque conseil de l'Ordre devant désigner au moins un représentant. Des anciens bâtonniers pourront être désignés, ainsi que les membres des différents conseils de l'Ordre, à l'exception du bâtonnier en exercice. Les membres qui ont cessé leur fonction depuis moins de huit ans pourront également y siéger.
Le conseil de discipline devra siéger en formation d'au moins cinq membres, délibérant en nombre impair. Lorsque le nombre d'avocats d'une cour d'appel excède cinq cents, plusieurs formations pourront être constituées.
Des dispositions proches ont été également adoptées, par la création d'un article 22-2, en ce qui concerne le conseil de l'Ordre statuant en tant qu'institution disciplinaire.

  • La procédure disciplinaire

L'article 31 de la loi profession remplace l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971, consacré jusqu'ici à la suspension de l'avocat (mesure qui fait désormais l'objet du nouvel article 24), par des nouvelles dispositions portant sur la procédure disciplinaire.

Désormais, l'instance disciplinaire est saisie par le procureur général ou le bâtonnier dont l'avocat relève. En vue d'assurer le droit à un procès équitable, en séparant, notamment, l'autorité de poursuite et l'autorité de jugement, il est indiqué que l'ancien bâtonnier ne peut siéger dans la formation de jugement s'il avait engagé, au titre de ses anciennes fonctions, les poursuites. Ce même objectif du procès équitable a conditionné la composition de l'instance de discipline dont on rappellera, qu'en vertu des nouveaux articles 22-1 et 22-2, qu'elle ne compte pas, parmi ses membres, de bâtonnier.
Dans le même esprit, l'instruction à laquelle procédera, le cas échéant, l'instance disciplinaire, sera contradictoire et effectuée par un membre du conseil de l'Ordre de l'avocat poursuivi. Ce membre du conseil de l'Ordre ne pourra alors siéger dans la formation de jugement dans l'hypothèse où il serait membre de l'instance disciplinaire.

La décision de l'instance disciplinaire pourra être déférée devant la cour d'appel, comme l'était, auparavant, celle du conseil de l'Ordre statuant en matière disciplinaire.

III - Les instances

  • Le conseil de l'Ordre

L'article 23 de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 modifie l'article 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 relatif aux pouvoirs et au fonctionnement du conseil de l'Ordre.

Tout d'abord, les dispositions de l'article 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, conférant au conseil de l'Ordre le pouvoir de statuer sur l'admission au stage ou l'omission de la liste du stage des maîtres ou docteurs en droit qui ont prêté serment et sur l'inscription au tableau des avocats stagiaires après l'accomplissement de leur stage, ont été supprimées. La loi profession a, en effet, réorganisé l'accès à la profession d'avocat en supprimant, notamment, la liste du stage. La suppression des dispositions de l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 se référant à la liste de stage n'est que la conséquence de cette réorganisation.

Ensuite, l'article 23 de la loi du 11 février 2004 apporte également des modifications quant à la composition des formations restreintes du conseil de l'Ordre. L'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 permet, en effet, dans les barreaux de plus de cinq cents avocats, au conseil de l'Ordre de siéger en une ou plusieurs formations pour statuer sur l'inscription au tableau et sur l'ouverture de bureaux secondaires. La modification a porté, d'une part, sur la diminution du nombre de membres composant ces formations, qui passe de neuf à cinq, ainsi que sur les qualités mêmes de ces membres dans la mesure où elles peuvent réunir des anciens membres du conseil de l'Ordre, à condition qu'ils aient quitté leurs fonctions depuis moins de huit années. Cette mesure vise à faciliter l'exercice par le conseil de ses fonctions.

  • Le Conseil national des barreaux

L'article 25 de la loi "profession" modifie l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 relatif au pouvoir du Conseil national des barreaux (CNB) en conférant, à ce dernier, un pouvoir normatif "dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur".

Pour mesurer la portée de cette modification, il est nécessaire d'en retracer l'origine. Par un arrêt fracassant en date du 21 janvier 2003, la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 21 janvier 2003, n° 00-22.553, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7378A4Z, "L'étendue du pouvoir normatif des conseils de l'Ordre en matière de déontologie", J. Prigent, Lexbase Hebdo n° 56 du jeudi 30 janvier 2003 - édition Professions N° Lexbase : N5728AAE) avait opéré un revirement de jurisprudence en affirmant que la fixation des règles de déontologie revêtant un caractère impératif pour la profession d'avocat, elle relevait de la compétence du Gouvernement agissant dans le respect des principes posés par l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L7626AHW). In fine, cette décision retirait au CNB un pouvoir normatif que la Cour de cassation lui avait auparavant reconnu et permettait aux différents conseils de l'Ordre de ne pas adopter le règlement intérieur harmonisé dans son intégralité. Aux termes de l'ancien article 21 de la loi du 31 décembre 197, le CNB avait reçu pour mission d'harmoniser les règles et les usages de la profession. La Cour de cassation avait refusé, finalement, d'interpréter cette disposition comme lui conférant le pouvoir d'imposer ces règles. La solution avait été fortement critiquée par la profession. La Haute cour l'a pourtant toujours maintenue (voir, par exemple, Cass. civ. 1, 18 février 2003, n° 01-13.163, FS-P N° Lexbase : A1886A7Y et Cass. civ. 1, 23 septembre 2003, n° 01-03.049, F-D N° Lexbase : A6234C9R). Il est vrai, qu'au regard des textes, il était difficile de soutenir une autre position.
La loi du 11 février 2004 a donc opéré la modification textuelle qui s'imposait en précisant que "dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le CNB unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d'avocat".
Cependant, certains ont déjà souligné les limites d'une telle disposition (R. Martin, "Les modifications au statut de l'avocat", JCP éd. G, 2004, actualité, p. 373) : elle laisse, en effet, le pouvoir réglementaire libre de limiter comme bon lui semble le pouvoir normatif ainsi reconnu au CNB.

IV - Le secret professionnel

  • Confidentialité des correspondances

L'article 34 de la loi "profession" modifie l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 relatif à la confidentialité des correspondances. L'ancien article 66-5 de la loi disposait "qu'en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat , entre l'avocat et ses confrères, les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel". Les termes très généraux de ce texte avaient amené la Cour de cassation à rendre une décision qui, en dépit de son respect de la lettre de l'article 66-5 de la loi, avait été fortement critiquée, en raison, notamment, des paralysies qu'elle risquait d'entraîner. Dans un arrêt du 4 février 2004, la Haute cour avait, en effet, affirmé que "toutes les correspondances échangées entre avocats sont couvertes par le secret professionnel", y compris celles portant la mention "officielle" (Cass. civ. 1, 4 février 2003, n° 00-10.057, FS-P+B N° Lexbase : A9203A4M, "La fin des correspondances "officielles" ?", F. Pons, Lexbase Hebdo n° 77 du mercredi 25 juin 2003 - édition Affaires N° Lexbase : N7908AA7).

L'article 34 de la loi profession met un terme à la rigidité de cette solution en prévoyant, à l'article 66-5 de la loi, une exception à la confidentialité pour les lettres échangées entre avocats et portant la mention "officielle".

  • La déclaration de soupçon de blanchiment d'argent

L'article 70 de la loi profession modifie l'article L. 562-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6306DIE) et ajoute un article L. 562-2-1 au même Code. Ces nouvelles dispositions visent à soumettre l'avocat à l'obligation de déclaration de soupçon de blanchiment d'argent. Cette obligation est cependant limitée dans son étendue, car elle ne concerne que certains types d'opérations et, surtout, elle est exclue en matière de consultation ou d'activité judiciaire : elle ne s'applique, en effet, qu'en matière de rédaction d'acte. Par ailleurs, c'est le bâtonnier qui doit être averti et qui transmettra ou non cette déclaration de soupçon au TRACFIN.
Cependant, même ainsi limitée, cette obligation reste discutable : à partir de quand, en effet, est-il possible d'estimer qu'un soupçon de blanchiment existe et que, par conséquent, l'avocat doit faire part de ses doutes au bâtonnier ? La gravité d'une telle démarche appelait plus de précisions.

V - La suspension provisoire

L'article 32 de la loi du 11 février 2004 a remplacé les anciennes dispositions de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, par des dispositions relatives à la suspension provisoire. Cette mesure était auparavant prévue à l'article 23 de la loi mais les modalités de sa prononciation ont été précisées.

Tout d'abord, et en dépit de la création d'une nouvelle instance disciplinaire, le prononcé d'une mesure de suspension provisoire est maintenu dans le giron des compétences du conseil de l'Ordre. Elle n'est pas, en effet, une sanction disciplinaire.

La mesure peut être prononcée sur requête du procureur général ou du bâtonnier. Elle ne peut plus, comme auparavant, être prononcée d'office. Si elle ne concerne toujours que l'hypothèse de l'avocat faisant l'objet d'une poursuite disciplinaire ou pénale, le nouvel article 24 ajoute une condition : le prononcé de cette mesure doit être justifié par l'urgence ou la protection du public. Une autre nouveauté dans le régime de la suspension provisoire réside dans l'instauration d'une durée maximale. La suspension provisoire ne peut, en effet, excéder quatre mois. Toutefois, elle est renouvelable sans qu'une limite ait été fixée. Il appartient également au conseil de l'Ordre de mettre fin à cette suspension, sur demande du procureur général, du bâtonnier ou de l'intéressé, sauf si elle a été prononcée par la cour d'appel qui, dans ce cas, reste compétente. Par ailleurs, elle cesse de plein droit lors de l'extinction de l'action pénale ou disciplinaire.
En vue de respecter les standards du droit à un procès équitable, les membres du conseil de l'Ordre prononçant une mesure de suspension provisoire ne peuvent siéger à l'instance disciplinaire.
Enfin, les décisions de suspension peuvent être déférées à la cour d'appel par l'avocat intéressé, le bâtonnier ou le procureur général.

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