La passivité des autorités turques dans la mise en oeuvre des poursuites à la suite d'un dépôt de plainte pour violences conjugales (cinq ans et six mois) et l'impossibilité de bénéficier, avant la loi de 2012, des mesures de protection pour une femme divorcée victime de ces violences violent, respectivement, les articles 3 (
N° Lexbase : L4764AQI) et 14 (
N° Lexbase : L4747AQU) de la Convention européenne des droits de l'Homme. Telle est la solution retenue par la Cour européenne dans un arrêt du 22 mars 2016 (CEDH, 22 mars 2016, Req. 646/10
N° Lexbase : A4300Q8R). En l'espèce, Mme G., ressortissante turque, saisit le procureur de la République d'une plainte à l'encontre de son époux, le 18 juillet 2006, affirmant s'être enfuie de son domicile en raison des violences conjugales qu'elle subissait depuis le début de son mariage, en 1997. Son conjoint fut inculpé le 22 février 2012, du chef de blessures à l'encontre de son épouse. Entre-temps, le 31 août 2006, Mme G. saisit le tribunal de la famille d'une action en divorce et d'une demande de mesures de protection. Le tribunal fit droit à sa demande. Le jugement devint définitif le 14 décembre 2007. Les 1er novembre 2012, 10 octobre 2013 et 19 juin 2014, Mme G. saisit à nouveau le tribunal de la famille de demandes de mesures préventives à l'égard de son ex-époux, alléguant être constamment menacée de violences et de mort. Le tribunal fit droit à ses demandes, interdisant notamment à l'ex-époux de s'approcher du domicile de Mme G. et de la déranger par le biais de communications. Le 6 mars 2014, la fondation qui a recueilli Mme G. et ses enfants, établit un rapport d'enquête sociale, précisant notamment qu'elle vivait continuellement sous la menace et que sa sécurité posait toujours problème. Mme G. introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l'Homme, le 15 décembre 2009. La Cour retient la solution susvisée et précise, en outre, que le manquement des Etats à leur obligation de protéger les femmes contre les violences domestiques s'analyse en une violation du droit de celles-ci à une égale protection de la loi et que selon l'article 3 de la Convention d'Istanbul, le terme "violences à l'égard des femmes" doit être compris comme une violation des droits de l'Homme et une forme de discrimination à l'égard des femmes. A cet égard, elle relève que, dans les circonstances de la présente affaire, la passivité généralisée et discriminatoire de la justice turque est de nature à créer un climat propice à la violence (sur l'ordonnance de protection prévue par la loi française, cf. l’Ouvrage "Droit du divorce"
N° Lexbase : E1144EUW).
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