Imposer aux tribunaux de se prononcer sur le fond d'un grief relatif à l'interdiction du suicide assisté pourrait avoir pour effet de les forcer à assumer un rôle institutionnel que l'ordre constitutionnel interne ne prévoit pas. Telle est la solution retenue par la CEDH dans un arrêt du 16 juillet 2015 (CEDH, 16 juillet 2015, Req. 2478/15,
disponible en anglais). En l'espèce, MM. N. et L. voulaient mettre fin à leurs jours mais étaient l'un comme l'autre dans l'incapacité de le faire sans assistance. M. N. engagea une procédure devant la
Hight Court en novembre 2011. Il contestait l'interdiction légale du suicide assisté et les règles de droit relatives au meurtre, qui ne reconnaissaient pas l'euthanasie volontaire comme un moyen de défense. Concernant le droit relatif au meurtre, le tribunal considéra qu'il aurait été faux de dire que l'article 8 de la CESDH (
N° Lexbase : L4798AQR) commandait que l'euthanasie volontaire constitue un moyen de défense en cas d'accusation de meurtre. S'agissant de l'interdiction du suicide assisté, le tribunal observa que la Cour européenne avait déjà traité la question. Après la mort de M. N., l'action engagée par M. L. fut jointe à la sienne dans la procédure devant la cour d'appel. L'épouse de M. N. se vit accorder l'autorisation de poursuivre en son nom et en celui de son mari la procédure que celui-ci avait engagée. La cour d'appel rejeta leur appel et ils obtinrent l'autorisation de porter l'affaire devant la Cour suprême. Ils choisirent de ne pas maintenir leur argument selon lequel la qualification de meurtre pour l'euthanasie volontaire était incompatible avec les droits garantis par l'article 8 de la CESDH. Leur recours portait exclusivement sur la compatibilité de l'interdiction du suicide assisté avec l'article 8 de la Convention. La Cour suprême, estimant, qu'il appartenait au Parlement de trancher une question aussi sensible, rejeta le recours. Devant la CEDH, Mme N. se plaignait, sur le terrain de l'article 8, de ce que les juridictions internes n'aient pas apprécié la compatibilité du droit relatif au suicide assisté au Royaume-Uni avec son droit et celui de son mari au respect de la vie privée et familiale. Aussi, M. L. a argué de ce que les autorités ne lui ont pas donné la possibilité d'obtenir la permission d'un juge d'autoriser un volontaire à lui administrer un médicament létal avec son consentement. Enonçant la règle précitée, la CEDH conclut que la requête de Mme N. est manifestement mal fondée. Quant à celle de M. L., elle la rejette pour non-épuisement des voies de recours internes dans la mesure où il n'a maintenu devant la Cour suprême que son grief relatif à l'interdiction du suicide assisté et non son argument selon lequel il devrait y avoir une procédure judiciaire permettant l'euthanasie volontaire dans certaines circonstances.
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