La poursuite d'une stratégie d'intégration verticale décidée par une société-mère, comme les consignes données à ses filiales, n'ont pas privé ces dernières de leur autonomie de décision et partant, ne sont pas de nature à constituer une faute imputable à la société-mère susceptible d'engager sa responsabilité
in solidum avec ses filiales pour rupture brutale des relations commerciales. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 20 mai 2014 (Cass. com., 20 mai 2014, n° 12-26.705, F-P+B
N° Lexbase : A5055MM8, sur cet arrêt lire également
N° Lexbase : N2411BUT ; cf. N° Lexbase : E2825EYB). En l'espèce, une société (le fournisseur) entretenait des relations commerciales, soit directement, soit par le canal de sa filiale, avec deux sociétés appartenant à un groupe néerlandais. Ces relations commerciales ont abouti à la signature d'un contrat d'approvisionnement à long terme avec chacune des deux sociétés, ces deux contrats ayant pour terme le 31 décembre 2008, et l'un d'eux contenant cependant une clause de tacite reconduction sauf préavis notifié deux mois avant le terme contractuel. Entre-temps, l'une des sociétés avait été rachetée par le groupe néerlandais, dont l'objectif était de parvenir à une intégration verticale de sa production. Les contrats d'approvisionnement ayant été résiliés, le producteur et sa filiale ont assigné les sociétés clientes (les deux filiales du groupe néerlandais) en responsabilité pour résiliation fautive et pour rupture brutale des relations commerciales et ont reproché à la
holding son immixtion fautive dans les relations commerciales de ses filiales et donc demandé sa condamnation
in solidum à réparer leurs préjudices. Après avoir approuvé la cour d'appel qui a conclu à la responsabilité pour rupture abusive des relations commerciales au motif que les éléments de faits ne caractérisent pas une volonté ferme et définitive de mettre fin à la relation commerciale, notifiée au fournisseur, qui était alors fondé à croire en sa poursuite, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, confirme l'analyse des juges du fond qui ont estimé qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la société mère. En effet, la preuve n'est pas rapportée d'une immixtion fautive de la société mère dans l'exécution des contrats qui ont pris fin et dans leur rupture respective, et il n'apparaît pas que les deux interlocuteurs du fournisseur soient intervenus dans les discussions, négociations, relations, comme représentant la société-mère et pouvant engager cette dernière. En outre, si les deux filiales ont respecté les consignes et la stratégie de leur société-mère, en ne poursuivant pas les relations commerciales avec leurs fournisseurs, la responsabilité de la société mère, qui n'a pas commis de faute civile en s'immisçant dans la gestion de ses filiales de telle sorte qu'elles en perdraient toute autonomie et toute personnalité morale, ne peut être retenue en l'espèce.
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