Réf. : CA Aix-en-Provence, 14 janvier 2014, trois arrêts, n° 13/17317 (N° Lexbase : A3113KTH) et n° 13/18013 (N° Lexbase : A3210KT3) et n° 13/13135 (N° Lexbase : A3666KTX)
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par Jean-Paul Lévy, Ancien membre du conseil de l'Ordre, Ancien membre du Conseil national des barreaux
le 20 Février 2014
Par une décision confirmative, le premier Président valide la convention d'honoraires, mais en rejette l'exécution dans la mesure où les clientes n'ont encore récupéré aucune somme et ne sont donc pas encore redevables de l'honoraire de résultat.
On relèvera que cette solution apparait conforme à celle adoptée, depuis le 11 mai 2009, par le Règlement intérieur du barreau de Paris, visée à l'article P.6.0.4 et énoncée par l'article 2 de l'annexe XV à ce Règlement, relative à la négociation de biens immobiliers à vendre ou à louer qui prescrit qu'"aucune rémunération autre que celle perçue au titre de la rédaction des actes (projets, avant-contrat, contrat)ne pourrait être perçue dans l'hypothèse où l'opération ne serait pas effectivement conclue". L'article 6 de l'annexe prévoit que l'Ordre des avocats contrôlera les conditions d'exercice de l'activité de négociation et le respect des règles déontologiques en la matière.
Le barreau de Paris n'est pas le seul à avoir encadré cette activité, le Barreau de Lille, ceux de Bordeaux et de Nice et, enfin, le Conseil national des barreaux, dans son guide de l'avocat mandataire en transactions du 16 janvier 2012 (III, p. 9) ont fait de même.
Dans la seconde décision du premier Président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (n°v2014/16), les faits sont un peu différents : il s'agit d'une opération immobilière menée par un client cherchant à acquérir un bien à un prix ne dépassant pas une enveloppe fixé.
Il n'y a pas de convention en la forme, mais des échanges de courriels. Consensualisme oblige au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), ils sont interprétés au regard de la commune intention des parties.
Les accords ainsi dégagés stipulent un honoraire forfaitisé payable au jour de la signature des actes définitifs pour une mission consistant en une assistance prêtée par l'avocat à des négociations avec le notaire et le conseil des vendeurs potentiels, en la rédaction d'une offre d'acquisition et la mise en place des instruments de la réalisation de la vente. Il n'existe aucun honoraire de diligence.
La sanction tombe : c'est la nullité au visa de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971. Le juge d'appel infirme la décision du Bâtonnier qui avait validé la convention estimant de surcroît que les honoraires étaient dus, alors que les actes n'avaient pas été encore signés, dès lors que toutes les conditions pour la signature de l'acte avaient été remplies !
Le premier Président fixe, en conséquence, les honoraires dus à l'avocat conformément aux dispositions de l'article 11.3 du RIN. C'est-à-dire en considération de la situation de fortune du client, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété, de la difficulté de l'affaire et des diligences accomplies. Cette ordonnance s'inscrit, encore une fois, dans le droit fil de la jurisprudence et des règles déontologiques applicables y compris aux mandats de transactions immobilières comme on l'a vu plus haut. On se reportera, notamment, pour ce qui concerne l'interprétation des accords sur les honoraires de résultat se déduisant des échanges de courriers à un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 16 janvier 2014, n° 12-35.126, F-D N° Lexbase : A7854KT3), cette décision rejetant la notion d'accord tacite sur l'honoraire de résultat pour exiger un accord préalable et exprès du client.
Dans la troisième ordonnance rendue le 14 janvier 2014 par le premier Président de la cour d'Aix-en-Provence, l'avocat et le client ont échangé deux courriels : le premier contenant la pollicitation et sollicitant la "confirmation de nos accords sur le montant des honoraires forfaitaires de mon cabinet lors du bouclage de ces affaires [...] SCI X 65OOO euros Y/Z dation en paiement d'un appartement. Hôtel des pins : 100.000 euros HTVA" ; le second constituant l'acceptation le même jour "En ce qui concerne vos modalités financières, je suis OK pour l'Hôtel des pins...". On ne saurait être plus lapidaire.
Hélas, trois fois hélas (pour reprendre une célèbre formule), cela ne suffira pas car pour être forfaitaire l'honoraire n'en est pas moins fixé intégralement en fonction du résultat : la convention ainsi formée est donc, là aussi, frappée de nullité puisque constituant un pacte de quota litis, même si les parties ne sont pas en l'attente d'une décision judiciaire et alors que les actes définitifs n'ont pas encore été signés.
Cela ne signifie pas pour autant que l'avocat n'a droit à rien, comme le soutenait avec une certaine mauvaise foi le client. Les dispositions de l'article 11.3 du RIN sont, une fois de plus, mises à contribution l'honoraire sera fixé à une somme bien moindre que celle initialement convenue en cas de signature.
Si les avocats peuvent, aujourd'hui, intervenir en tant que mandataires en transactions immobilières dans des opérations, certes lucratives compte tenu des intérêts en cause, ils ne doivent pas perdre de vue l'observations des principes déontologiques qu'ils soient ceux du conflits d'intérêts ou de la prohibition du pacte de quota litis, même si ils sont en concurrence dans ces domaines avec des professionnels qui ne sont pas astreints aux même règles, constatation d'évidence que faisait déjà mon confrère Maître Chantal Meininger Bothorel, alors secrétaire de la commission de prospective du Barreau de Paris, en 2010 (La responsabilité de l'avocat mandataire en transactions immobilières, Gaz. Pal., 8 mai 2010, n° 128, p. 20). Comme le faisait également observer le Président de l'association des avocats mandataires en transactions immobilières, Maître Michel Vauthier, dans un autre article paru dans la même publication, deux ans plus tard (L'activité nouvelle d'avocat mandataire en transactions immobilières : une jeune pousse pleine de promesse, Gaz. Pal. ; 4 et 5 mai 2012, p.21 à 24) : "les compétences que les avocats ont à développer doivent conduire leurs clients à venir les voir d'abord pour la qualité de leurs conseils et la fiabilité des actes auxquels ils participent".
Mais à la condition de ne pas s'abstraire de l'observation de leur déontologie, car, à défaut, ils risquent, comme on l'a vu plus haut, de se retrouver "Gros Jean comme devant".
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