Le Quotidien du 4 mars 2025 : Santé et sécurité au travail

[Observations] Dispense de recherche de reclassement : quand une formule « équivalente » sur l’avis d’inaptitude suffit

Réf. : Cass. soc., 12 février 2025, n° 23-22.612, FS-B N° Lexbase : A55946UQ

Lecture: 5 min

N1778B3A

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Observations] Dispense de recherche de reclassement : quand une formule « équivalente » sur l’avis d’inaptitude suffit. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/116618181-observations-dispense-de-recherche-de-reclassement-quand-une-formule-equivalente-sur-lavis-dinaptitu
Copier

par Emmanuelle Dutoit, Consultante juridique au sein du cabinet d’avocats AJE et Maître de conférences associé à l'Université de Picardie Jules Verne

le 03 Mars 2025

Un employeur peut être dispensé de rechercher un reclassement si l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionne, dans des termes « équivalents », la formule de dispense prévue à l’article L. 1226-2-1 du Code du travail.

Possibilité légale pour le médecin du travail de dispenser l’employeur de toute recherche de reclassement en cas d’inaptitude. Selon l’article L. 1226-2-1 du Code du travail N° Lexbase : L6778K9W, l’employeur peut licencier un salarié déclaré inapte, sans recherche de reclassement, si l'avis du médecin du travail mentionne expressément « que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Avant l’entrée en vigueur du modèle d’avis d’inaptitude prévoyant des cases à cocher pour ces dispenses (arrêté du 16 octobre 2017), le médecin du travail devait reproduire lui-même l’une des mentions du Code du travail dans son avis pour dispenser l’employeur de la recherche de reclassement. Ce sont donc les termes utilisés par le médecin du travail qui permettaient de déterminer les obligations de l’employeur.

Dans les faits ayant conduit à la décision du 12 février 2025, un salarié avait été déclaré inapte en ces termes : « inapte à la reprise du poste occupé. L'état de santé du salarié ne permet pas de faire des propositions de reclassement au sein de l'entreprise filiale et holding compris et le rend inapte à tout poste ».

Cette rédaction pouvait-elle permettre à l’employeur de se considérer comme dispensé de toute recherche de reclassement ou, au contraire, l’absence de reproduction, à l’identique, d’une des mentions de dispense prévues par le Code du travail, devait-elle conduire l’employeur à plus de prudence ?

Une mention « équivalente » à celle prévue par le Code du travail peut suffire pour valoir dispense de recherche de reclassement. La Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel (CA Rouen, 6 juillet 2023, n° 21/00603 N° Lexbase : A89861A3) au motif que l'employeur était dispensé de rechercher un reclassement, dans la mesure où « la formule utilisée par le médecin du travail étant équivalente à la mention de l'article L. 1226-2-1 du Code du travail ».

Il convient de noter que, comme le rappelle Madame Filliol - Conseillère rapporteure - le médecin du travail est le seul habilité à pouvoir apprécier l’aptitude du salarié. En conséquence, son avis s’impose et le juge ne peut substituer son interprétation à cet avis (Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-42.674, FS-P+B+R N° Lexbase : A7572ENR). Ce dernier ne peut donc que vérifier si l’avis du médecin du travail correspond à l’une des dispenses de recherche de reclassement prévues par le Code du travail.

Sur ce point, l’Avocat général a relevé que la loi n’impose pas que le médecin du travail reprenne à l’identique la formulation légale de dispense.

Cela étant précisé, une rédaction similaire peut suffire si - toujours selon l’Avocat général - deux conditions sont remplies :

  • l’avis du médecin du travail est clair, sans ambiguïté ;
  • la formule utilisée par le médecin du travail correspond exactement à l’une des deux situations de dispense prévues légalement.

Il n’est donc pas nécessaire que la formule utilisée soit celle prévue par le Code du travail, mais il faut qu’elle « corresponde » à la situation légale - ce qui laisse davantage de souplesse.

Une appréciation « souple » à relativiser. Cette décision ne doit cependant pas conduire les employeurs à avoir une appréciation trop large des formulations des médecins du travail. La vigilance reste nécessaire.

En effet, il a déjà été constaté que l’absence de reproduction à l’identique des formules de dispense pouvait, en réalité, dissimuler une restriction du médecin du travail ne permettant pas à l’employeur de se dispenser de toute recherche de reclassement :

  • La mention par le médecin du travail que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement « dans cette entreprise » contraint l’employeur à procéder à une recherche de reclassement au niveau du groupe (Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-11.356, FS-D N° Lexbase : A66409CW) ;
  • Plus subtile, la mention que tout maintien du salarié dans un emploi « dans cette entreprise » serait gravement préjudiciable à sa santé, et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, oblige l’employeur à rechercher un reclassement (Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-12.970, F-B N° Lexbase : A47981GS) ;
  • Même si le médecin du travail a coché la case mentionnant que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, le fait qu’il précise ensuite que l'inaptitude faisait obstacle « sur le site » à tout reclassement dans un emploi restreint la dispense au site concerné. En conséquence, l’employeur doit réaliser une recherche de reclassement sur ses autres établissements (Cass. soc., 13 décembre 2023, n° 22-19.603, F-B N° Lexbase : A526518I).

De plus, avec le modèle d’avis d’inaptitude actuel, le médecin du travail n’a plus qu’à cocher une des deux cases correspondant aux cas légaux pour dispenser l’employeur de toute recherche de reclassement.

En conséquence, en l’absence de toute case cochée, même avec une mention manuscrite du médecin du travail qui semble équivalente, l’employeur devra faire preuve de prudence.

Il en est également de même en présence d’une case cochée qui serait annotée, de deux cases cochées au lieu d’une ou de précisions complémentaires du médecin du travail dans l’avis.

Toutes ces situations doivent conduire l’employeur à interroger le médecin du travail pour qu’il se prononce clairement et pour éviter toute ambiguïté sur l’obligation ou non de recherche de reclassement.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'inaptitude médicale au poste de travail du salarié à la suite d'une maladie non professionnelle, La décision d’inaptitude : l’avis du médecin du travail, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E079403S.

 

newsid:491778

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus