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par La Rédaction
le 24 Janvier 2025
D’un tribunal à l’autre, la justice parisienne était très concentrée sur les dossiers politico-financiers, cette semaine. Mais, mardi 21 janvier, il n’y avait pas d’audience au procès portant sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 au tribunal judiciaire de Paris. Les protagonistes de cette affaire avaient donc, toute latitude, pour attendre la décision de la cour d’appel rendue dans un autre dossier, tout aussi important pour eux : celui de l’affaire Karachi.
Dans l’analyse de plusieurs experts, il y a une sorte de « continuum » dans le financement des campagnes présidentielles de la droite entre les années 1990 et 2010. Cela a été démontré par la justice pour la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 avec l’affaire Bygmalion (des pourvois en cassation doivent encore être examinés). Cela est en cours d’examen pour la campagne de 2007 avec le retentissant procès en cours devant le tribunal judiciaire de Paris. Mais avant tout ça, il y a toujours l’affaire Karachi qui attendait son dénouement.
Plus de trente ans après les faits et après une procédure longue et chaotique, la cour d’appel a donc rendu sa décision mardi 21 janvier avec un sérieux revirement. Elle a en effet relaxé Nicolas Bazire, l’ancien directeur de campagne d’Édouard Balladur, en 1995. Contrairement au jugement rendu en première instance, la cour d’appel a estimé qu’il n’y avait pas de « lien clair » entre des commissions occultes perçues sur des contrats d’armement avant l’année 1995 et la campagne perdue par l’ancien Premier ministre à l’époque.
La décision de la cour d’appel dans la continuité de celle de la Cour de justice de la République
Pour bien comprendre, il faut remonter le temps jusqu’à la période des guerres intestines de la droite française. En 1994, la France conclut des contrats pour la vente de frégates et de sous-marins avec l’Arabie saoudite (contrat Sawari II) et le Pakistan (contrat Agosta). En marge des contrats, de colossales commissions sont alors versées à des intermédiaires. À l’époque tout ça est légal.
Ce qui ne l’est pas, en revanche, c’est que ces commissions reviennent, au final, dans la poche d’hommes politiques français. En première instance, le tribunal judiciaire de Paris avait estimé qu’une partie de ces fameux pots-de-vin étaient revenus en France, sous la forme de rétrocommissions pour alimenter la campagne présidentielle d’Edouard Balladur. Il en voulait alors pour preuve un dépôt suspect de 10,25 millions de francs en liquide le 26 avril 1995 sur le compte du candidat.
Mais dans son arrêt rendu mardi, la cour d’appel abandonne finalement cette hypothèse. Ou plutôt, elle indique qu’il ne peut « être établi que ces espèces ont été celles qui ont alimenté le compte ». En conséquence, et comme le parquet général l’avait requis à l’audience, elle a choisi de relaxer Nicolas Bazire. « L’autorité judiciaire a compris qu’il n’avait strictement aucun rôle de nature à voir sa responsabilité engagée, a réagi Frédéric Landon, son avocat. Ça fait 14 ans que tout cela dure. C’est un grand soulagement. »
En réalité, pas trop de surprise là-dedans. La décision de la cour d’appel vient parachever celle rendue, en 2021, par la Cour de justice de la République (CJR) qui à l’époque avait jugé Édouard Balladur (relaxé) et son ancien ministre de la Défense, François Léotard (condamné, lui, à deux ans de prison avec sursis).
En fuite, Ziad Takieddine voit sa peine confirmée
Mais l’affaire ne se limite pas au seul cercle politique évidemment. Et à l’encontre des autres intermédiaires, la cour d’appel a été plus sévère. Considérant qu’il y avait bien eu un réseau d’intermédiaires « inutiles » surnommé le « réseau K » dans la conclusion de ces contrats, elle a prononcé des condamnations à l’encontre de cinq hommes qui se sont enrichis au passage et ont donc été reconnus coupables d’abus de biens sociaux, de complicité ou de recel au préjudice de deux entités détenues alors par l’État. Celles qui avaient versé les commissions
Parmi les hommes condamnés, on retrouve évidemment certains noms bien connus de la droite française. À commencer par Thierry Gaubert qui écope d’une peine d’un an de prison ferme aménagé et 60 000 euros d’amende et surtout de Ziad Takieddine. En fuite au Liban depuis la condamnation prononcée en première instance, il a vu sa peine de cinq ans de prison confirmée mardi dernier. Deux hommes qui sont justement prévenus dans le procès portant sur les soupçons de financement libyen de la campagne de 2007. Où l’on risque encore de reparler de « continuum » dans le financement politique de ces dernières décennies, d’ici au 10 avril donc.
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