Réf. : Cass. soc., 25 septembre 2024, n° 22-20.672, FS-B N° Lexbase : A297154S
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par Chantal Mathieu, Maîtresse de conférences HDR à l’Université de Franche-Comté
le 16 Octobre 2024
Mots-clés : vie personnelle • vie privée • nullité • liberté fondamentale • licenciement
Doit être cassé, l'arrêt qui prononce la nullité du licenciement d'un salarié, alors que le motif de cette sanction, fondée sur des faits de détention de stupéfiant à bord de son véhicule personnel, ne relevait pas de l'intimité de sa vie privée, de sorte que, si le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, il n'était pas atteint de nullité en l'absence de violation d'une liberté fondamentale.
D’un point de vue juridique, la vie d’un salarié ressemble à un jeu de petites figurines s’emboitant les unes dans les autres : la vie professionnelle, la vie personnelle, la vie privée et l’intimité de la vie privée se déploient en couches successives, chacune étant dotée d’un régime juridique qui lui est propre. Un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation, le 25 septembre 2024, contribue ainsi à mieux identifier les différences essentielles entre ces différentes sphères.
En l’espèce, un salarié de la RATP fait l’objet d’un contrôle d’identité par des agents de police alors qu’il se trouve sur la voie publique après une journée de travail. Est découvert à bord de son véhicule, un sac contenant de l’herbe de cannabis. Il fait l’objet d’un test de dépistage qui se révèle négatif. L’affaire est classée sans suite par le procureur de la République mais les agents de police communiquent tout de même l’information à l’employeur. La RATP décide alors de révoquer son salarié, faisant valoir un comportement portant gravement atteinte à l’image de l’entreprise et incompatible avec l’obligation de sécurité de la structure. Saisis du litige, les juges du fond considèrent que l’employeur a porté atteinte à la vie privée du salarié et prononcent la nullité de sa révocation et ordonnent sa réintégration et le versement d’une indemnité d’éviction. La RATP se pourvoit en cassation et la Cour régulatrice censure la décision de la cour d’appel : le licenciement n’est pas nul mais simplement sans cause réelle et sérieuse [1]. Pour être bien comprise, la décision doit être lue à la lumière d’un autre arrêt du même jour où, à l’inverse, la Cour confirme la nullité d’un licenciement car l’employeur a porté atteinte à la vie privée du salarié [2]. Ainsi, la Cour expose clairement les différents registres de sanctions attachés à un licenciement fondés sur des faits relevant de la vie personnelle du salarié. Si la décision a le mérite de clarifier ces sanctions (I.), elle laisse le praticien devant une difficulté abyssale : identifier les critères permettant de départager les différentes vies du salarié (II.).
I. La clarification des sanctions
L’expression « vie personnelle » apparaît en 1997, dans des affaires dont les faits sont assez similaires à ceux de l’arrêt commenté [3]. Sous l’impulsion du doyen Philippe Waquet, la Cour entend distinguer deux sphères bien distinctes : la vie professionnelle et la vie personnelle. L’enjeu de la qualification est simple : seuls les faits relevant de la vie professionnelle peuvent être sanctionnés par l’employeur. Les faits de vie personnelle n’ont aucun lien avec l’exécution du contrat de travail et échappent par conséquent au pouvoir patronal [4]. Les deux arrêts du 25 septembre s’inscrivent dans cette ligne jurisprudentielle, distinguant vie professionnelle et vie personnelle (A.). Ils apportent toutefois une précision nouvelle : les actes relevant de l’intimité de la vie privée bénéficient d’une protection renforcée (B.).
A. Vie professionnelle et vie personnelle
La RATP avait sanctionné le salarié en considérant que son comportement relevait de sa vie professionnelle. Pour rattacher les actes à la sphère professionnelle, l’employeur faisait valoir, d’une part, que le salarié avait signalé sa profession lors du contrôle d’identité et, d’autre part, qu’il avait violé une obligation professionnelle puisque son contrat interdisait toute consommation de stupéfiants avant ou pendant le service. Les juges du fond avaient, toutefois, et à juste titre, rapidement écarté cette qualification. D’une part, mentionner sa profession lors d’un contrôle d’identité n’est qu’une réponse à une question posée par un agent de police. Cette situation ne permet pas de caractériser un lien étroit entre les faits en cause et l’activité professionnelle [5]. D’autre part, le contrat de travail n’interdisait pas la consommation de stupéfiants après la prise de service. Le dépistage s’étant avéré négatif, on pouvait en déduire qu’aucune drogue n'avait été consommée dans un temps proche du contrôle, donc au cours du travail [6]. La Cour de cassation admet, dès lors, le raisonnement des juges du fond : le licenciement était bien fondé sur un motif tiré de la vie personnelle du salarié et ne pouvait justifier un licenciement disciplinaire.
Le second arrêt du 25 septembre retient la même prémisse. En l’espèce, le salarié avait été licencié en raison de la teneur de mails (des images pornographiques) transmis à des tiers. Certes, la conversation s’était tenue en utilisant l’ordinateur professionnel, peut-être même au temps et lieu de travail [7]. Mais cette conversation ne constituait pas un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat car elle avait une nature privée, n’était pas destinée à être rendue publique et n’avait aucun rapport avec son activité professionnelle [8]. Là encore, le comportement du salarié relevait bien de sa vie personnelle, excluant nécessairement tout licenciement disciplinaire. Restait toutefois à identifier les conséquences du caractère illégal du licenciement et c’est sur ce point que les deux affaires se différencient.
B. Vie personnelle et intimité de la vie privée
Dans les deux affaires, la Chambre sociale était appelée à préciser si le licenciement reposant sur un fait de vie personnelle était sans cause réelle et sérieuse ou nul. L’enjeu est important : le licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvre uniquement droit à des dommages-intérêts dont le montant est strictement encadré par un barème, le salarié ne pouvant obtenir davantage que le plafond fixé [9]. En revanche, le licenciement nul offre une option au salarié : soit sa réintégration assortie d’une indemnité d’éviction [10], soit une indemnité de 6 mois de salaire minimum [11]. Au terme de l’article L. 1235-3-1 du Code du travail N° Lexbase : L1441LKL, le licenciement est nul lorsque l’employeur viole une liberté fondamentale [12]. Toutefois, comme il n’existe pas de liste énumérant les libertés auréolées d’un tel adjectif, c’est la Chambre sociale qui, au cas par cas, retient cette qualification. Et au regard de sa jurisprudence [13], seuls certains droits ou libertés à valeur constitutionnelle, voire éventuellement garantis par une norme internationale, méritent ce supplément de protection [14]. Il était donc nécessaire de vérifier, en l’espèce, si le comportement du salarié relevait ou non de l’exercice d’une liberté fondamentale.
Dans l’arrêt concernant la RATP, la Cour de cassation rappelle « qu’il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen implique le droit au respect de la vie privée » (point 10). Mais la Cour opère ensuite - et subtilement - un glissement sémantique. C’est le droit au respect de l’intimité de la vie privée qui est ici qualifié de fondamental (point 14). Il convenait donc de déterminer si le comportement du salarié relevait ou non de l’intimité de sa vie privée. Et c’est à ce stade que le raisonnement des juges du fond encourt la cassation pour violation de la loi. Pour reprendre l’image des poupées russes, la vie personnelle est une sphère plus vaste que l’intimité de la vie privée. La vie personnelle englobe tous les actes, comportements, propos, choix du salarié qui échappent au regard de l’employeur car ce dernier n’a aucune qualité à les connaitre [15]. Ils peuvent être publics ou privés. Certains de ces actes traduisent parfois l’exercice d’une liberté particulière [16] ou sont garantis par un droit spécifique, notamment le droit au respect de la vie privée. Mais l’essentiel des actes relevant de la vie personnelle ne sont que l’expression de ce qu’on pourrait nommer la capacité d’agir à sa guise, tout en supportant les conséquences de ses actes. Ainsi, la détention de stupéfiants dans son véhicule personnel ou plus généralement la commission d’une infraction pénale peut relever de la vie personnelle [17]. Il ne s’agit toutefois pas d’un fait qui mérite une protection au titre du respect de l’intimité de la vie privée. Le licenciement prononcé pour ce motif n’est donc pas nul mais simplement sans cause réelle et sérieuse. En revanche, un échange de mails entre amis, même au temps et au lieu de travail, même avec l’ordinateur professionnel, est couvert par le secret des correspondances, qui se rattache au droit au respect de l’intimité de la vie privée. Le licenciement est donc nul.
Le raisonnement est cohérent et s’inscrit parfaitement dans la jurisprudence actuelle de la Cour sur les nullités du licenciement. Il est, par ailleurs, remarquable que les Hauts magistrats évitent d’évoquer ici un « droit à la vie personnelle » [18]. L’expression est en effet source de confusion car, si la vie personnelle est un concept qui encadre efficacement le pouvoir, elle n’est pas, en soi, une prérogative subjective opposable à l’employeur [19], et encore moins une liberté fondamentale [20]. La vie personnelle n’est pas la vie privée. Les deux arrêts de la Cour apportent donc une contribution bienvenue au régime des sanctions mais la question des frontières entre intimité de la vie privée, vie privée et vie personnelle s’avère alors cruciale.
II. Le flottement des critères de qualification
Il était déjà particulièrement difficile de distinguer la vie professionnelle de la vie personnelle [21]. Ainsi, la Chambre sociale n’a pas hésité à affirmer que le fait de dissimuler une relation amoureuse avec un collègue pouvait caractériser un manquement professionnel [22] ! Les critères de temps et de lieu de travail ne sont pas vraiment pertinents puisque, comme le rappelle l’un des arrêts, une conversation entre amis avec l’ordinateur professionnel, donc éventuellement au temps de travail, peut relever de la vie personnelle [23]. Mais avec les arrêts commentés, c’est une tout autre opération de qualification qui s’impose au travailliste. Pour obtenir la nullité du licenciement, il faut identifier des actes relevant de l’intimité de la vie privée. La Chambre sociale semble ainsi s’orienter vers une lecture particulièrement stricte du droit au respect de la vie privée, sans y inclure la liberté de la vie privée (A.). Reste que quiconque s’est déjà penché sur les frontières du droit énoncé à l’article 9 du Code civil N° Lexbase : L3304ABY sait combien toute tentative de définition s’avère délicate (B.).
A. Liberté de la vie privée et secret de la vie privée
Si le droit au respect de la vie privée figure aux articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union, il est introuvable dans la Constitution de 1958. Aussi, depuis 1999, le Conseil constitutionnel déduit ce droit de la liberté énoncée à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme [24]. Or, le droit au respect de la vie privée peut faire l’objet de deux lectures assez différentes. La première, dite classique, envisage le droit au respect de la vie privée comme la protection d’un jardin secret. Il s’agit de garantir à l’individu que certaines informations le concernant ne feront pas l’objet d’une immixtion indiscrète de la part des tiers ou de l’Etat. C’est donc un « droit de se masquer ». Cette approche correspond à celle retenue par le Conseil constitutionnel qui, sans proposer de définition de la vie privée, l’associe à l’intimité, aux correspondances et au domicile [25]. Mais, sous l’impulsion de la CEDH, une autre approche de la vie privée s’est développée. La vie privée, la privacy [26], est alors appréhendée comme une liberté de choisir son mode de vie. Pour la Cour de Strasbourg, l’article 8 de la Convention garantit le droit au développement personnel, le droit d'établir et d’entretenir des rapports avec les autres [27]. C’est alors un « droit de se découvrir ».
De quelle vie privée parle-t-on exactement lorsqu’on reproche à l’employeur de licencier un salarié pour des faits relevant de sa vie personnelle ? Pour le découvrir, il est intéressant de mettre en évidence les textes convoqués par la Chambre sociale dans les deux arrêts commentés. Dans l’affaire mettant en cause la détention de stupéfiants par un agent de la RATP, la Chambre sociale se réfère à la lecture, par le Conseil constitutionnel, de la Déclaration de 1789 mais n’évoque à aucun moment la Convention européenne. Pourtant, la jurisprudence de la Cour de Strasbourg ne heurtait pas la solution adoptée par la Cour de cassation. En effet, l’article 8 ne saurait être invoqué « pour se plaindre d’une atteinte à sa réputation qui résulterait de manière prévisible de ses propres actions, telle une infraction pénale » [28]. La référence à la seule position du Conseil constitutionnel sert donc implicitement à rappeler sa vision classique, justifiant la conclusion : « le fait était tiré de la vie personnelle sans toutefois relever de l’intimité de sa vie privée ». Dans la seconde affaire, mettant en cause un salarié envoyant des images pornographiques à des amis, ce n'est pas son intimité qui était bafouée puisque les photos ne le représentaient ni lui, ni un proche. En revanche, cela dénotait certainement un trait de sa personnalité. La Cour convoque, cette fois, l’article 8 de la CEDH mais pour préciser que « l’intimité de la vie privée implique en particulier le secret des correspondances ». Cette référence insistante à l’intimité doit faire sens : ce n’est pas la liberté de vivre comme on veut, la liberté de s’épanouir qui se voit protéger par la nullité du licenciement mais uniquement le droit de conserver secrètes certaines informations.
B. L’incertitude des limites de l’intimité de la vie privée
Il n’existe aucun texte législatif qui fixe une liste limitative des informations protégées au titre de la vie privée, encore moins de la sphère intime. La doctrine insiste d’ailleurs souvent sur l’inutilité d’une telle démarche et un auteur a proposé de se référer à un standard, c’est-à-dire à l’attitude prévisible de la plupart des individus envers cette information [29]. Le juge doit alors dire, au cas par cas, si l’information dévoilée relève de la vie privée pris au sens « du droit de se masquer ». C’est sans doute pourquoi la Chambre sociale se réfère ici à « l’intimité » [30]. Le juge des relations de travail devra donc indiquer si la vie familiale, la vie affective, la sexualité, la santé, le patrimoine [31] d’un salarié relève de sa sphère intime. Dans la droite ligne de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la référence à l’intimité de la vie privée permettra également de protéger le secret des correspondances et le domicile. Mais sans étendre la vie privée à la liberté de s’épanouir, il est délicat d’identifier les limites de l’intime. Quel sera le statut du respect de l’image d’un salarié, sa voix, voire sa géolocalisation ? Ces droits de la personnalité, présentés comme autonome de la vie privée [32], sont-ils fondamentaux en soi ou le juge du travail devra-t-il les intégrer à l’intimité ? La Chambre sociale s’est déjà appuyée sur l’article 9 du Code civil pour fonder une demande d’indemnisation d’un salarié en raison d’une atteinte au droit à son image [33]. Une captation illicite de celle-ci ne devrait-elle pas entrainer la nullité du licenciement ?
A l’heure où la mobilisation du droit à la preuve risque de conduire certains employeurs à fouiller un peu rapidement dans les affaires privées d’un salarié ou à enregistrer leurs conversations, il est essentiel que la Cour adopte une sanction à la hauteur des risques de dérives. Ces fouilles, ces enregistrements clandestins, portent atteinte à la vie privée [34]. Aussi, lorsque les faits invoqués à l’appui d’un licenciement par ces modes de preuves déloyaux ne relèvent pas de la vie professionnelle, la nullité du licenciement – qui, rappelons-le, permet d’échapper au barème - pourrait bien s’avérer une sanction adéquate.
[1] Considérant, par ailleurs, que l’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie qu’elle statue au fond, la Cour condamne la RAPT à verser au salarié 14 170 euros de dommages-intérêts ainsi que diverses indemnités de rupture.
[2] Cass. soc., 25 septembre 2024, n° 23-11.860, FS-B N° Lexbase : A2981548. Dans cette seconde affaire, rendu sur renvoi après cassation, un cadre est licencié pour avoir communiqué à 3 personnes extérieures à l’entreprise, mais par le biais de la messagerie professionnelle, des photos à caractère pornographique. Or, il s’agissait d’une conversation privée non destinée à être rendue publique. Il y a donc atteinte au secret des correspondances.
[3] Cass. soc., 16 décembre 1997, n° 95-41.326 N° Lexbase : A2206AAX : concernant le licenciement d’un clerc de notaire, poursuivi pénalement pour aide à séjour irrégulier d’étranger, mais par la suite relaxé ; Cass. soc., 14 mai 1997, n° 94-45.473, publié N° Lexbase : A1682ACB : concernant le comportement agressif d’un salarié pendant un arrêt maladie à l’égard d’un de ses voisins.
[4] Tout au plus, l’employeur peut-il faire état d’un trouble objectif caractérisé, c’est-à-dire une réaction vive des tiers susceptible de provoquer un dommage à l’entreprise, pour justifier un licenciement non disciplinaire. Compte tenu de la répercussion des actes de vie personnelle sur le fonctionnement de l'entreprise, la poursuite du contrat s’avère impossible. V., par exemple : Cass. soc., 9 mars 2011, n° 09-42.150, FS-P+B N° Lexbase : A2470G9D. Reste que c’est le trouble, et non le comportement personnel lui-même, qui est appréhendé par l’employeur. Voir notre article, L’immunité disciplinaire de la vie personnelle en question, Droit social, 2006, p. 848.
[5] Tel ne serait pas le cas si le salarié avait utilisé sa qualité de salarié pour commettre, même hors temps de travail, une infraction pénale. Son comportement déloyal se rattacherait alors à sa vie professionnelle. Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-18.317, FS-P+B N° Lexbase : A11673RN, D., 2020, p. 2312, obs. S. Vernac ; Bull. Joly Travail, septembre 2020, p. 18, note J. Icard : un salarié d’Air France avait soustrait le portefeuille d'un client d'un hôtel dans lequel il séjournait en tant que membre d'équipage, pendant le temps d'une escale. Or, c’est l’employeur qui avait réservé à ses frais les chambres, c'est à la société Air France que l'hôtel avait signalé le vol et la victime n'avait pas porté plainte en raison de l'intervention de la société. La Cour considère donc que les faits relèvent de la vie professionnelle du salarié.
[6] En revanche, peut être sanctionnée, la consommation de drogue en dehors du temps de travail (lors d’une escale pour un steward), si le salarié se trouve toujours sous l’empire de stupéfiants, pendant le service : Cass. soc., 27 mars 2012, n° 10-19.915, FS-P+B N° Lexbase : A9930IGU, Droit social, 2012, p. 525, note J. Mouly.
[7] L’arrêt ne permet pas d’identifier le moment où se sont déroulés les faits.
[8] V. déjà Ass. plén., 22 décembre 2023, n° 21-11.330 N° Lexbase : A27232A4, D., 2024, p. 296, note T. Pasquier ; D., 2024, p. 1636, obs. S. Vernac ; Droit social, 2024, p. 293, note Ch. Radé : pour des propos (insultants) échangés lors d'une conversation privée avec une collègue au moyen de la messagerie intégrée au compte Facebook personnel du salarié, installé sur son ordinateur professionnel.
[9] C. trav., art. L. 1235-3 N° Lexbase : L1442LKM ; Cass. soc., 11 mai 2022, n° 21-14.490, FP-B+R N° Lexbase : A56507W8, RDT, 2022, p. 361, note C. Wolmark ; D., 2022, p. 1088, note P. Lokiec.
[10] L’indemnité d’éviction correspond à l’ensemble des salaires dont le salarié a été privé entre son licenciement et sa réintégration. En principe, il convient de déduire le montant des revenus de remplacement (Cass. soc., 3 juillet 2003, n° 01-44.522, publié N° Lexbase : A0223C97 ; Cass. soc., 28 octobre 2003, n° 01-40.762, publié N° Lexbase : A9963C9U), sauf atteinte à une liberté « fondamentale » (Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 18-21.862, FS-P+B N° Lexbase : A89793CK ; Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 13-16.434, FS-P+B N° Lexbase : A4264MUH).
[11] C. trav., art. L. 1235-3-1 N° Lexbase : L1441LKL.
[12] Le texte ne fait que reprendre une position prétorienne : Cass. soc.,13 mars 2001, n° 99-45.735 N° Lexbase : A0149ATP ; Cass. soc., 31 mars 2004, n° 01-46.960, publié N° Lexbase : A7474DBG ; Cass. soc., 29 octobre 2013, n° 12-22.447, FS-P+B N° Lexbase : A8165KNQ, Ch. Radé, Nullité du licenciement prononcé en violation de la liberté fondamentale de témoigner en justice, Lexbase Social, novembre 2013, n° 547 N° Lexbase : N9337BTY.
[13] La qualification de liberté fondamentale est ainsi reconnue à la liberté du salarié d’intenter une action en justice (Cass. soc., 16 mars 2016, n° 14-23.589, FS-P+B+R N° Lexbase : A3418Q84) ; à la liberté de témoigner en justice (Cass. soc., 29 octobre 2013, n° 12-22.447, FS-P+B N° Lexbase : A8165KNQ) ; à la liberté syndicale (Cass. soc., 2 juin 2010, n° 08-43.277, FP-D N° Lexbase : A2119EY7), au droit de grève (Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-20.527, FS-P+B N° Lexbase : A0867NYR) ; au droit à la protection de la santé (Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 10-15.905, FS-P+B N° Lexbase : A8095IQU) ; au principe d'égalité des droits entre l'homme et la femme (Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 18-21.862, FS-P+B N° Lexbase : A89793CK) ; au droit à un recours juridictionnel (Cass. soc., 21 novembre 2018, n° 17-11.122, FS-P+B N° Lexbase : A0000YNC) ; à la liberté d'expression (Cass. soc., 30 juin 2016, n° 15-10.557, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0019RWM).
[14] J.-G. Huglo et E. Durlach, Qu'est-ce qu'une liberté fondamentale au sens de la Chambre sociale ?, RDT, 2018, p. 346. Un droit créance comme le droit à l’emploi ne s’est pas vu reconnaitre le caractère de droit fondamental (Cass. soc., 21 septembre 2017, n° 16-20.270, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4137WSZ).
[15] Ou, pour le dire autrement, les actes sont sans lien avec la relation de travail car ils ne caractérisent aucun manquement à une obligation née du contrat, aucune insubordination, aucun manquement à une règle de l’entreprise.
[16] Tel pourrait être le cas de la liberté d’expression, la liberté de manifestation, la liberté d’association, la liberté religieuse…
[17] Du moins lorsque, comme en l’espèce, les faits se déroulent en dehors du temps et du lieu de travail et n’ont aucun lien avec l’activité professionnelle. En revanche, des faits de harcèlement sexuel, même hors temps de travail, peuvent relever de la vie professionnelle : Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-12.930, FS-P+B N° Lexbase : A5262IA7, L. Casaux-Labrunée, Le harcèlement sexuel en dehors du temps et du lieu de travail constitue une faute grave, Lexbase Social, janvier 2012, n° 470 N° Lexbase : N9830BSU.
[18] L’expression est pourtant parfois utilisée, v. par exemple : Cass. soc., 11 septembre 2024, n° 23-11.658, F-D N° Lexbase : A21255ZQ ou encore Cass. soc., 4 octobre 2023, n° 21-25.452, F-D N° Lexbase : A33171K3. Mais, à l’analyse des faits, il s’agit alors plutôt du droit au respect de la vie privée. Outre la Cour, certains auteurs évoquent également un « droit à la vie personnelle » (G. Auzero, D. Baugard, E. Dockès, Droit du travail, Précis Dalloz, 37° éd., n° 728).
[19] V. toutefois un arrêt du 29 mai 2024, n° 22-21.814, F-B N° Lexbase : A84165D3, où la Cour évoque « le droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale », pour permettre à un travailleur de nuit de refuser de passer à un horaire de jour car il doit s’occuper de sa fille handicapée. Mais il s’agit plutôt, en l’espèce, du droit de mener une vie familiale normale, qui résulte de l’alinéa 10 du Préambule de 1946, plus que d’un « droit à la vie personnelle ». L’employeur doit, en effet, parfois tenir compte des obligations familiales impérieuses d’un salarié, mais cela ne signifie pas qu’il doit tenir compte de tous les choix personnels du salarié.
[20] En ce sens, v. E. Peskine et C. Wolmark, Droit du travail, Hypercours, Dalloz, n° 364.
[21] V. notamment, P. Adam, Vie personnelle et faute disciplinaire, Droit social, 2024, p. 300, qui explicite les difficultés des deux critères retenus par la Cour : la « méconnaissance d’une obligation du contrat » ou du « rattachement à la vie professionnelle ».
[22] Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-16.218, F-B N° Lexbase : A84155DZ, nos obs., Loyauté et dévoilement de ses relations amoureuses : une liaison trop dangereuse, Lexbase Social, juin 2024, n° 988 N° Lexbase : N9656BZN ; P. Adam, Le DRH et la syndicaliste : l'amour, la loyauté et le juge, Droit social, 2024, p. 750.
[23] La formulation alambiquée de la Cour selon laquelle « un motif tiré de la vie personnelle ne peut justifier en principe un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail » est elle-même assez maladroite et il serait sans doute plus simple de retenir que le manquement à une obligation découlant du contrat de travail relève… de la vie professionnelle !
[24] La première décision révélant implicitement la valeur constitutionnelle du droit au respect de la vie privée date de 1977, mais la solution n’est explicite qu’en 1995 (Cons. const., décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995 N° Lexbase : A8320AC7). Toutefois, le droit découlait alors de l’article 66 de la Constitution. En 1999, le Conseil change de fondement et s’appuie sur l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 (Cons. const., décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999 N° Lexbase : A8782ACA, cons. 45). V. V. Mazaud, La constitutionnalisation du droit au respect de la vie privée, Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, juin 2015, n° 48, p. 7.
[25] La formule du Conseil constitutionnel n’est pas stable, parfois la vie privée inclut l’une de ces 3 composantes (Cons. const., décision n° 2019-772 QPC du 5 avril 2019 N° Lexbase : A1618Y8G), parfois les trois paraissent autonomes mais découlent du même article 2 (Cons. const., décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 N° Lexbase : A3770DBA).
[26] F. Rigaux, L'élaboration d'un right of privacy par la jurisprudence américaine, RIDC, 1980, p. 701 et du même auteur, La liberté de la vie privée, RIDC, 1991/3, p. 539.
[27] CEDH, 29 avril 2002, Req. 2346/02 N° Lexbase : A5415AY9.
[28] CEDH, 27 juillet 2004, Req. 55480/00 et 59330/00 }. L’arrêt réserve toutefois l’hypothèse où l’enjeu va au-delà de la seule protection de la réputation ; CEDH, 3 avril 2012, Req. 41723/06 N° Lexbase : A1294IHE. Dans l’affaire commentée du 25 septembre 2024, il faut rappeler qu’aucune poursuite pénale n’avait été engagée contre le salarié de la RATP.
[29] D. Gutmann, Le sentiment d'identité, LGDJ, 2000, n° 263.
[30] Selon l’article 9, alinéa 2 du Code civil, l’atteinte à l’intimité est nécessaire pour justifier des mesures propres à l’empêcher ou la faire cesser. L’atteinte à l’intimité est également un élément matériel de certaines infractions pénales : C. pén., art. 226-1 N° Lexbase : L9105MLS.
[31] Pour des références et une présentation précise : A. Lepage, Droit de la personnalité, Rep. civ., n° 75 et s..
[32] V. A. Lepage, préc..
[33] Cass. soc., 14 février 2024, n° 22-18.014, F-D N° Lexbase : A05492NN : « Il résulte de ce texte que le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation, et que la seule constatation d'une atteinte ouvre droit à réparation ».
[34] Cass. soc., 25 septembre 2024, n° 23-13.992, FS-B N° Lexbase : A2979544 : « L'accès par l'employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans des clés USB personnelles, qui ne sont pas connectées à l'ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée du salarié ». Mais, dans cet arrêt, le droit à la preuve justifie la production des fichiers car « l'atteinte à la vie privée de la salariée était strictement proportionnée au but poursuivi ». A contrario, si l’atteinte n’est pas justifiée, le licenciement devrait donc être nul. Cass. crim., 30 avril 2024, n° 23-80.962, FS-B N° Lexbase : A647129K, Droit social, 2024, p. 660, note P. Adam : « Le fait que les données à caractère personnel collectées par [un enquêteur privé] aient été pour partie en accès libre sur internet ne retire rien au caractère déloyal de cette collecte, dès lors qu'une telle collecte, de surcroît réalisée à des fins dévoyées de profilage des personnes concernées et d'investigation dans leur vie privée, à l'insu de celles-ci, ne pouvait s'effectuer sans qu'elles en soient informées ».
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