Ne dépassent pas les limites de la liberté d'expression les propos mettant en doute le caractère forcé de l'incorporation des Alsaciens dans les unités allemandes, notamment ceux ayant participé ou assisté au crime de guerre commis à Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944, ces propos ne faisant qu'exprimer un doute sur une question historique objet de polémique. Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 16 octobre 2013 (Cass. civ. 1, 16 octobre 2013, n° 12-35.434, FS-P+B
N° Lexbase : A1037KNQ ; cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E4084ETG). En l'espèce, les associations des évadés et incorporés de force du Bas-Rhin et du Haut-Rhin avaient assigné M. H., survivant du massacre perpétré en limousin le 10 juin 1944, en qualité d'auteur de l'ouvrage intitulé "Oradour-sur-Glane - Le drame heure par heure", ainsi que l'éditeur de l'ouvrage contenant le passage de livre mettant en doute le caractère forcé de l'incorporation des Alsaciens dans les unités allemandes des Waffen SS, notamment ceux ayant participé ou assisté au crime de guerre commis en ces lieu et date. Pour accueillir les demandes des associations prétendant qu'avaient été dépassées les limites de la liberté d'expression, la cour d'appel de Colmar avait énoncé que les commentaires de M. H. ne pouvaient pas être assimilés à un témoignage et tendaient davantage à poursuivre une polémique née après la guerre et opposant pendant des décennies le Limousin à l'Alsace, qu'il était en effet un fait historique constant qu'à partir d'août 1942, les Alsaciens avaient été incorporés de force dans l'armée allemande, sous peine de graves mesures de rétorsion, qu'à partir de février 1944 le
Gauleiter W., qui concentrait tous les pouvoirs en Alsace, avait étendu cet enrôlement forcé aux unités SS, contrairement au
Gauleiter B. en Moselle, ce qui expliquait l'absence des Mosellans dans ces unités, que M. H. avait déduit à tort de cette circonstance que les Alsaciens présents à Oradour étaient des volontaires, qu'en outre, le caractère forcé de l'incorporation de treize Alsaciens présents à Oradour le 10 juin 1944, un quatorzième étant volontaire, avait été reconnu tant lors du procès tenu à Bordeaux en 1953 que par la loi d'amnistie du 20 février 1953 (CA Colmar, 14 septembre 2012, n° 10/05855
N° Lexbase : A7032ISA). La décision est cassée par la Cour suprême qui énonce que les propos litigieux, s'ils avaient pu heurter, choquer ou inquiéter les associations demanderesses, ne faisaient qu'exprimer un doute sur une question historique objet de polémique, de sorte qu'ils ne dépassaient pas les limites de la liberté d'expression.
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