Réf. : Cass. crim., 4 avril 2024, n° 22-86.530, F-D N° Lexbase : A381923T
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par Pauline Le Guen
le 29 Mai 2024
► La Chambre criminelle applique de façon stricte l’article 222-22-1 du Code pénal, venant considérer que la contrainte morale dans le délit d’agression sexuelle ne peut résulter de la différence d’âge entre l’auteur et la victime lorsqu’ils sont tous deux majeurs au moment des faits.
Rappel des faits et de la procédure. Un homme est poursuivi pour agressions sexuelles aggravées, agression sexuelle et corruption de mineur. Le tribunal correctionnel le déclare coupable, à l’exception d’un délit d’agression sexuelle aggravée. Le prévenu ainsi que le ministère public et une partie civile relèvent appel de cette décision.
En cause d’appel. La cour d’appel déclare l’intéressé coupable de tous les chefs susvisés. Le prévenu s’est alors pourvu en cassation.
Moyens du pourvoi. Il est fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré le prévenu coupable des faits d’agressions sexuelles commis sur une jeune femme entre le 15 et le 21 avril 2019. Pour caractériser l’infraction, la cour d’appel a retenu que l’individu avait profité de la contrainte morale résultant de sa différence d’âge avec la jeune femme, ainsi que de son statut d’assistant familial, lui conférant autorité à ses yeux. Or, au moment des faits, la victime était majeure, de sorte que selon le prévenu, la contrainte ne pouvait se déduire ni de leur différence d’âge, ni de la qualité de personne ayant autorité.
Décisions. La Chambre criminelle casse l’arrêt au visa des articles 222-22, alinéa 1 N° Lexbase : L7222IMG et 222-22-1, alinéa 2 N° Lexbase : L6218LLU du Code pénal, dans leur rédaction applicable au moment des faits.
La Cour rappelle que selon le premier de ces textes, constitue une agression sexuelle « toute atteinte commise avec violence, menace, contrainte ou surprise ». Le second article prévoit que s’agissant des faits impliquant un majeur et un mineur, la contrainte morale peut résulter de la différence d’âge entre l’auteur et la victime.
Or, dans les faits de l’espèce, impliquant un auteur et une victime majeurs, la contrainte morale ne pouvait s’appuyer sur les dispositions de l’article 222-22-1, applicable uniquement aux faits entre un majeur et un mineur.
Par cette décision, la Haute juridiction procède à une application stricte de la lettre de l’article 222-22-1.
Cette affaire n’est pas sans rappeler un arrêt en date du 23 janvier 2019 (Cass. crim., 23 janvier 2019, n° 18-80.349, F-D N° Lexbase : A3180YUC), dans lequel la Cour avait estimé que la différence d’âge entre l’auteur et la victime (en l’espèce tous deux majeurs) pouvait être un élément, parmi d’autres, permettant de caractériser la contrainte morale. Dans cette affaire de 2019, les faits s’étaient déroulés en 2008. Or, l’article 222-22-1 n’est entré en vigueur qu’en 2010 et n’était donc pas applicable. Désormais, l’article précise explicitement que « lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur, la contrainte […] [peut] résulter de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits ». Par une lecture stricte de ces dispositions, la Chambre criminelle écarte donc logiquement la possibilité de caractériser la contrainte morale par la différence d’âge entre deux personnes majeures.
Pour aller plus loin : C. Hardouin-Le Goff et M. Dayan, ÉTUDE : Le viol, in Droit pénal spécial (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E105503H. |
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