Réf. : Cass. crim., 3 avril 2024, n° 23-85.513, F-B N° Lexbase : A34952ZH
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par Pauline Le Guen
le 25 Avril 2024
► La seule mention en procédure de l’habilitation des enquêteurs à consulter le TAJ et à utiliser l’ATRT suffit à en établir la preuve.
Rappel des faits et de la procédure. À la suite d’un renseignement anonyme, une enquête préliminaire concernant les infractions à la législation sur les stupéfiants a été ouverte. Des réquisitions en vue d’obtenir des images extraites de dispositifs de vidéosurveillance ont été remises à une société.
Les enquêteurs, agents de la gendarmerie nationale, ayant des raisons de soupçonner la participation d’un homme à ce trafic, ont consulté le fichier TAJ le concernant. Au regard des investigations diligentées, ils ont également eu recours à un logiciel de rapprochement judiciaire, dit application de traitement des relations transactionnelles (ATRT). Cela a abouti à l’ouverture d’une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs précités. Un homme a été mis en examen.
Son avocat a déposé une requête en nullité des pièces de la procédure, jugée non fondée. L’intéressé a alors relevé appel de ce jugement.
En cause d’appel. Le prévenu a soutenu la nullité des pièces de la procédure en raison de l’irrégularité des consultations du fichier TAJ et du logiciel ATRT par les gendarmes, faute d’habilitation.
La cour d’appel écarte ce moyen en nullité, en énonçant que les procès-verbaux de consultation du fichier et d’utilisation du logiciel ne portent nullement mention de leurs habilitations, mais que par complément d’information, le commandant de la section de recherche a attesté que tous les deux étaient effectivement habilités à procéder à de tels actes.
Le prévenu a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel.
Moyens du pourvoi. Le premier moyen critique le fait que la cour d’appel ait retenu, pour conclure au caractère volontaire de la remise des images de vidéosurveillance, que la société « ait pu » permettre aux enquêteurs d’exploiter le système, alors que la réquisition comprenait une erreur quant à la période pour laquelle elle était valable.
Dans le second moyen, il est fait grief à l’arrêt d’avoir écarté le moyen en nullité alors que seuls les personnels des services de police et de gendarmerie bénéficiant d’une habilitation spéciale, précisant la nature et les données dont l’accès est autorisé, peuvent avoir accès aux informations contenues dans le fichier TAJ et les logiciels en cause. Le respect de ces conditions supposerait la production de l’habilitation à la procédure. Or, la cour d’appel ne l’a pas exigé, se fondant sur l’attestation du commandant dont relevaient les gendarmes, qui certifiait qu’ils étaient habilités. Il était également soutenu que cette habilitation ne pouvait émaner d’un commandant de gendarmerie en vertu des articles R. 40-28 N° Lexbase : L3832LGZ et R. 40-39 N° Lexbase : L1014I3X du Code de procédure pénale.
Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi au visa des articles 230-10 N° Lexbase : L5213LRI, 230-25 N° Lexbase : L9518IY8, 15-5 N° Lexbase : L6166MHT et R. 40-28 du Code de procédure pénale.
Elle écarte le premier moyen, considérant que si c’est à tort que la cour d’appel a jugé régulières les réquisitions de la société, alors qu’elles comprenaient une erreur quant aux dates, cette irrégularité ne fait pas encourir la censure de l’arrêt, les images ayant été remises volontairement et sans coercition aux gendarmes.
La Haute juridiction ne fait pas droit au second moyen. Elle rappelle d’abord que peuvent accéder aux informations contenues dans le fichier TAJ les personnels spécialement habilités des services de la gendarmerie et qu’ils peuvent seuls, individuellement et spécialement habilités, utiliser les logiciels ATRT lorsqu’ils sont chargés d’une mission de police judiciaire. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs indiqué dans une décision en date du 10 mars 2011 (Cons. const., décision n° 2011-625 DC, du 10-03-2011 N° Lexbase : A2186G9T) que les données exploitées par le logiciel sont nécessairement seulement celles obtenues au cours de la procédure en cours. Ainsi, l’absence de mention de cette habilitation à la procédure n’emporte pas nullité de celle-ci, la seule mention de son existence suffisant à en établir la preuve.
Cette décision confirme la position de la Chambre criminelle, tout en semblant témoigner d’une certaine souplesse. En effet, dans un arrêt du 25 octobre 2022 (Cass. crim., 25 octobre 2022, n° 22-81.466, F-D N° Lexbase : A69078QU), elle s’était voulue plus sévère en rappelant l’exigence particulière à ce que certaines mentions et habilitations figurent en procédure, et en sanctionnant de nullité leur absence. Aujourd’hui, la seule mention de son existence suffit, sa production étant sans pertinence.
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