Le Quotidien du 9 janvier 2024 : Responsabilité

[Brèves] Autorité de la chose jugée d’une transaction et aggravation de l’état de santé : l’importance du lien de causalité

Réf. : Cass. civ. 2, 30 novembre 2023, n° 22-15.159, F-D N° Lexbase : A503417L

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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D

le 08 Janvier 2024

L’autorité de la chose jugée d’une transaction exclut une nouvelle demande d’indemnisation d’une victime d’un accident de la circulation, sauf si est rapportée la preuve que les dépenses demandées résultent d’une aggravation de l’état de santé ; l’appréciation de l’aggravation et du lien de causalité avec les dépenses de santé futures relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Faits et procédure. Un accident de la circulation, impliquant un véhicule automobile conduit par un assuré des sociétés MMA, a entraîné l'amputation de la jambe gauche du demandeur. Il a été indemnisé de ses préjudices par les sociétés MMA, selon des transactions intervenues le 31 août 2007 et en 2008. Une nouvelle transaction est intervenue en 2014 en indemnisation des préjudices liés à une aggravation de son état de santé, consolidée le 14 juin 2012. Invoquant une nouvelle aggravation, la victime de l’accident a saisi, le 7 juin 2016, un juge des référés pour voir ordonner une expertise médicale puis a, en 2019, assigné le conducteur et les sociétés MMA, en présence de la CPAM de la Sarthe, en indemnisation de divers préjudices, dont le coût d'acquisition et de renouvellement de certains modèles de prothèses dites « de base » et de modèles destinés à la pratique de plusieurs handisports.

La cour d’appel déboute la victime de sa demande en considérant, en substance, que la réparation des postes de santé futures et préjudice d’agrément ne peuvent être remises en cause en raison de l’autorité de la chose jugée de la transaction du 31 août 2007, sauf si est rapportée la preuve d’une aggravation de l’état de santé ayant généré de nouveaux besoins qui n’existaient pas à la date de la transaction. Si la victime de l’accident justifie en l’espèce d’une aggravation de son état de santé en raison de problèmes liés au port de sa prothèse (des lésions cutanées, apparues en 2016, en lien avec l'utilisation de sa prothèse et gênant le port de celle-ci), les dépenses de santé réclamées ne sont cependant pas en lien avec cette aggravation. En l’absence d’un préjudice nouveau lié à l’aggravation de l’état de santé de l’intéressé, les demandes sont déclarées irrecevables en raison de l’autorité de la chose jugée (CA Versailles, 13 janvier 2022, n° 20/03410 N° Lexbase : A19137IP).

La victime de l’accident forme un pourvoi en cassation. Seul le troisième moyen est discuté par la Cour de cassation. Il repose sur l’existence d’un lien de causalité entre les dépenses de santé futures (les nouvelles prothèses dont il est demandé le paiement) et l’existence d’une aggravation. Il soutient que l’aggravation de l’état de santé donne droit à réparation dès lors qu’il résulte des constatations des juges du fond que l’état de santé de la victime, qui nécessitait de nouvelles prothèses, avait connu une aggravation liée au port de prothèses, quelles qu’elle soit – peu important que les complications évoquées soient des problèmes connus et fréquents dans le cas de port de prothèses.

Solution. La Cour de cassation rejette le pourvoi en renvoyant à l’appréciation souveraine des juges du fond et à l’autorité de la chose jugée par la transaction. Elle rappelle que l’arrêt a retenu l’aggravation de l’état de santé, conséquence du port d’une prothèse, quelle qu'elle soit, sans être liées au type de prothèse utilisé la victime et que les modèles dont celui-ci réclame le remboursement pourront, elles aussi, générer des difficultés d'ordre cutané. La cour d’appel a pu en déduire l’absence de lien de causalité entre l'aggravation de l'état de santé et les demandes présentées au titre des dépenses de santé futures. Elle en a exactement déduit que la demande relative aux dépenses de santé futures se heurtait à l'autorité de la chose jugée par la transaction du 31 août 2007.

La solution ne surprend guère. Il résulte de la jurisprudence antérieure que l’aggravation suppose que l’état de santé de la victime se soit dégradé depuis qu’elle a été indemnisée (Cass. civ. 1, 26 septembre 2018, n° 17-14.946 F-D [LXB= A1943X8H]). L’existence ou l’inexistence d’une aggravation relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. civ. 2, 25 janvier 2007, n° 06-10.130 F-D [LXB= A6920DTH]). Quant à l’effet extinctif de la transaction, sauf aggravation de l’état de santé, il résulte d’une jurisprudence constante que lorsque la victime d’un accident de la circulation signe une transaction en reconnaissant qu’elle couvre l’ensemble des préjudices résultant de l’accident, la victime ne peut plus agir pour obtenir l’indemnisation d’un poste de préjudice inclus dans la transaction (Cass. civ. 2, 16 janvier 2020, n° 18-17.677 F-D N° Lexbase : A92183BZ ; Cass. civ. 2, 4 mars 2021, n° 19-16.859 F-P N° Lexbase : A00484KY). La Cour de cassation, comme l’illustre cet arrêt, n’exerce alors qu’un contrôle de motivation de la décision des juges du fond et sur les conséquences qui s’évinçaient des faits souverainement constatés. Tout au plus peut-on regretter que n’est pas été évoquée la notion « d’aggravation fonctionnelle » parfois admise (Cass. civ. 2, 28 mars 2002, n° 00-12.079 F-D [LXB= A3975AYU] ; Cass. civ. 2, 19 février 2004, n° 02-17.954 F-D N° Lexbase : A3247DBU ; Cass. civ. 2, 22 octobre 2009, n° 08-17.333 FS-D {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 2858668, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cass. civ. 2, 22-10-2009, n\u00b0 08-17.333, FS-D, Cassation partielle", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A2661EMI"}}).

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