Le Quotidien du 27 décembre 2023 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Contrefaçon de marques en raison de la vente de produits cosmétiques de luxe d’occasion et d’échantillons : un rappel utile sur l’épuisement des droits

Réf. : Cass. com., 6 décembre 2023, n° 20-18.653, F-B N° Lexbase : A670117C

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N7783BZB

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[Brèves] Contrefaçon de marques en raison de la vente de produits cosmétiques de luxe d’occasion et d’échantillons : un rappel utile sur l’épuisement des droits. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/102632949-0
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par Vincent Téchené

le 20 Décembre 2023

► La distribution d'échantillons gratuits de produits cosmétiques, même revêtus de la marque, ne vaut pas mise dans le commerce, de sorte que celui qui propose à la vente les échantillons fait un usage illicite de la marque ;

En outre, le titulaire de la marque est fondé à s'opposer à tout acte de commercialisation d'un produit cosmétique et de parfumerie dont il n'a pas été établi qu'il n'ait jamais été utilisé au préalable.

Faits et procédure. La société Ouest SCS, qui exerce une activité de vente de tous objets, d'occasion ou neufs, sous l'enseigne « Easy Cash », a revendu des produits cosmétiques de marque « Chanel », donc certains avaient été acquis auprès de Mme N., qui les avait elle-même achetés auprès d'un revendeur agréé par le réseau de distribution Chanel.

Mandaté par la société Chanel, un huissier de justice s'est rendu dans un magasin « Easy Cash » et a placé sous séquestre des produits portant la mention « Ne peut être vendu que par les dépositaires agréés Chanel », ainsi que des produits dont le film plastique avait été retiré ou qui avaient été partiellement utilisés.

La société Chanel a assigné Mme N. et la société Ouest SCS, la première, pour vente de produits de marque « Chanel » sans l'autorisation du titulaire de la marque, la seconde, pour usage illicite de marque et parasitisme.

La cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 25 février 2020, n° 17/03287 N° Lexbase : A37323GC) a retenu que la société Ouest SCS avait bien fait un usage illicite des marques dont la société Chanel est titulaire en proposant à la vente quatre échantillons qui n'avaient pas été placés dans le commerce par la titulaire des droits. Elle a également condamné la société au titre des produits usagés ou dont l'emballage a été ôté. Elle l’a enfin condamnée pour parasitisme.

La société a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation répond sur les trois chefs de condamnation de la société Ouest SCS.

Concernant d’abord l’usage illicite des marques en proposant à la vente quatre échantillons, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte de l'article L. 713-4, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L3731ADK, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169, du 13 novembre 2019 N° Lexbase : L5296LTC, qui doit s'interpréter à la lumière de l'article 7 de la Directive n° 2008/95/CE, du 22 octobre 2008 N° Lexbase : L7556IBH, applicable au regard de la date des faits, que le droit exclusif du titulaire d'une marque de consentir à la mise sur le marché d'un produit revêtu de sa marque, qui constitue l'objet spécifique du droit de marque, s'épuise par la première commercialisation de ce produit avec son consentement. L'épuisement des droits du titulaire de la marque garantit ainsi la libre circulation des marchandises. Il appartient à celui qui se prévaut de l'épuisement du droit d'en rapporter la preuve pour chacun des produits concernés (v. CJCE, 20 novembre 2001, aff. C-414/99, point 54 N° Lexbase : A5840AXL ; Cass. com., 26 février 2008, n° 05-19.087, F-D N° Lexbase : A1721D7U).

En outre, la Haute juridiction relève que la CJUE (CJUE, 12 juillet 2011, aff. C-324/09 N° Lexbase : A9865HUW) a dit pour droit que la fourniture par le titulaire d'une marque, à ses distributeurs agréés, d'objets revêtus de celle-ci, destinés à la démonstration aux consommateurs dans les points de vente agréés, ainsi que de flacons revêtus de cette marque, dont de petites quantités peuvent être prélevées pour être données aux consommateurs en tant qu'échantillons gratuits, ne constitue pas, en l'absence d'éléments probants contraires, une mise dans le commerce au sens de la Directive n° 89/104 N° Lexbase : L9827AUI ou du Règlement n° 40/94 N° Lexbase : L5799AUC.

Or, comme le retient l'arrêt d’appel, la distribution d'échantillons gratuits, même revêtus de la marque Chanel, ne vaut pas mise dans le commerce. Dès lors la société Ouest SCS ne pouvait pas faire usage de la marque Chanel pour commercialiser ces produits.

Ainsi, pour la Haute juridiction, la cour d'appel, qui a caractérisé l'atteinte à l'objet spécifique du droit des marques et donc l'atteinte à la fonction essentielle de garantie d'origine des produits de la marque, sans confondre le droit de propriété sur l'objet matériel et le droit de propriété intellectuelle sur la marque, a fait une exacte application de l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle.

En ce qui concerne ensuite la condamnation de la société en raison de la vente des produits usagés ou dont l'emballage a été ôté, la Cour de cassation  rappelle d’abord qu’il résulte de l'article 713-4, alinéa 2, du Code de la propriété intellectuelle que, malgré une mise dans le commerce licite, le titulaire de la marque peut s'opposer à tout nouvel acte de commercialisation, s'il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l'altération, ultérieurement intervenue, de l'état des produits.

Or, s'agissant de parfums et de produits cosmétiques, la cour d’appel retient que toute utilisation partielle d'un produit conduit à son altération, laquelle est gravement préjudiciable à l'image de la société Chanel et à l'univers de luxe et de pureté qu'elle véhicule et que la société Chanel, titulaire de la marque, est fondée à s'opposer à tout acte de commercialisation d'un produit cosmétique et de parfumerie dont il n'a pas été établi qu'il n'ait jamais été utilisé au préalable.

Dès lors, la Haute juridiction approuve l’arrêt d’appel d’avoir retenu que la commercialisation de produits cosmétiques dépourvus de leur emballage d'origine constituait une altération de l'état de ces produits.

Enfin, la Cour de cassation considère que la cour d'appel a caractérisé l'action parasite, dès lors que le dirigeant de la société Ouest SCS invitait les clients potentiels à tester les produits chez le revendeur agréé situé dans la même galerie avant de revenir les acheter dans sa boutique où il les vendait moins cher.

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