Le Quotidien du 11 décembre 2023 : Durée du travail

[Brèves] Inclusion de l’indemnité de congés payés dans la rémunération : attention au contenu de la clause contractuelle

Réf. : Cass. soc., 29 novembre 2023, n° 22-10.494, FS-B N° Lexbase : A926514W

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[Brèves] Inclusion de l’indemnité de congés payés dans la rémunération : attention au contenu de la clause contractuelle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/102200300-0
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par Lisa Poinsot

le 08 Décembre 2023

S’il est possible d’inclure l’indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d’une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de la rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés payés, et que soit précisée l’imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris.

Faits et procédure. Engagée initialement sans formalisation d’un contrat écrit, une salariée conclut un contrat de travail à durée déterminée de remplacement à temps partiel pour une période de 6 mois. Le lendemain du terme de ce CDD, les parties signent un avenant de renouvellement ayant pour terme la fermeture de l’entreprise à sa cessation d’activité. Toutefois, l’activité et les contrats de travail des salariés, comprenant l’intéressée, sont repris.

Licenciée par la suite, l’intéressée saisit la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de ses CDD en CDI, en contestation de la rupture du contrat de travail et en paiement de diverses sommes.

La cour d’appel (CA Versailles, 18 novembre 2021, n° 19/04327 N° Lexbase : A13117CK) relève tout d’abord que la rémunération horaire est fixée à 18 euros, congés payés inclus, sur une base de 30 heures par semaine, 40 semaines par an, soit 1 200 heures par an et 100 heures par mois.

Ensuite, elle soulève que le paiement de la rémunération des heures de travail accomplies sur l’année est lissé sur 12 mois, y compris durant les 12 semaines de fermeture de l’entreprise.

Enfin, elle constate que la rémunération contractuelle se borne à mentionner que la rémunération horaire inclut les congés payés, sans que soit distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés.

En conséquence, elle décide que la rémunération versée pendant les périodes de congés payés et de fermeture du cabinet correspond, non à l’indemnité de congés, mais, en raison du lissage annuel, au paiement des heures de travail.

Peu important que cette rémunération soit supérieure aux minima légal et conventionnel, la salariée peut prétendre à un rappel de salaire au titre des congés payés et de la période de fermeture de l’établissement excédant les 5 semaines de congés légaux.

Elle condamne ainsi l’employeur à lui verser une certaine somme à titre de rappel de rémunération pour la période couvrant les CDD et une certaine somme au titre des congés payés afférents.

Ce dernier forme alors un pourvoi en cassation soutenant que la clause litigieuse n'a jamais empêché la salariée de prendre effectivement les congés qui lui étaient dus pendant les trois années concernées, bien que ces congés payés effectivement pris par celle-ci aient été supérieurs aux congés payés imposés par la loi. En outre, il n’a jamais été contesté que la somme de 1 800 euros mensuelle aboutissait à un montant de rémunération supérieur aux minima exigés par la loi et par la norme conventionnelle. Enfin, la fixité de la rémunération de 1 800 euros mensuels, y compris pendant les périodes de congés de la salariée, n'a jamais laissé le moindre doute possible à cette dernière sur la part correspondant à ses congés payés, de sorte que cette clause était transparente et compréhensible.

Rappel. Le droit aux congés payés ne peut donner lieu à l’inclusion de son indemnité compensatrice dans la rémunération que sous réserve d’une stipulation transparente et compréhensible, quels que soient les congés effectivement pris sur la période concernée (C. trav., art. L. 3141-3 N° Lexbase : L6946K97 ; art. L. 3141-22 N° Lexbase : L6927K9G et L. 3141-26 N° Lexbase : L6923K9B ; Cass. soc., 14 novembre 2013, n° 12-14.070, FS-P+B+R N° Lexbase : A6232KPI ; Directive n° 2003/88, du 4 novembre 2003, art. 7 N° Lexbase : L5806DLM ; CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99 N° Lexbase : A1717AWI ; CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04 et C-257/04 N° Lexbase : A6372DNC).

Dès lors, le droit aux congés payés ne se conçoit pas comme un simple avantage salarial, mais comme un droit essentiel à la protection de la santé et de la sécurité du travail. Ce droit se traduit par le versement d’une indemnité calculée sur la rémunération brute perçue. Cette indemnité n’a vocation qu’à en permettre la jouissance concrète ou son indemnisation lorsque les circonstances empêchent sa prise effective, non de le réduire à une valeur purement économique. Même lorsque son montant contractuel est supérieur au minimum légal, cette indemnisation ne peut suppléer le repos effectif du salarié, sauf à exposer celui-ci ou autrui à des risques.

Il est ainsi demandé à la Cour de cassation si une clause du contrat de travail incluant l’indemnité de congés payés au taux horaire dans la rémunération, sans préciser ce taux hors congés payés, mais ayant permis au salarié de prendre des congés payés supérieurs aux minima légaux, doit-elle être considérée comme transparente et compréhensible, et dès lors opposable à l’intéressée ?

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi principal en application des articles L. 3141-22 ; L. 3141-24 N° Lexbase : L6925K9D ; L. 3141-29 N° Lexbase : L6920K98 et L. 3141-31 N° Lexbase : L6918K94 du Code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088, du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C.

De cette décision, il en résulte que le caractère plus favorable de l’indemnité versée à un moment donné à la salariée, partie faible au contrat de travail, ne saurait dispenser l’employeur de remplir son devoir de clarté, ce qu’à défaut un tel système ferait dépendre l’effectivité de son droit à congés payés du seul bon vouloir de l’employeur, sans en assurer la protection dans la durée ni pour l’ensemble du salariat.

Si une clause ne répond pas à cette exigence de clarté, elle ne peut être reconnue comme opposable au salarié, quelle que soit la quotité de congés payés accordée en fait par l’employeur sur la période contestée.

La Haute juridiction confirme donc la décision de la cour d’appel qui a exactement jugé que la clause litigieuse d’inclusion de l’indemnité compensatrice de congés payés dans la rémunération sans détermination du taux horaire est inopposable à la salariée.

Pour aller plus loin :

  • lire Ch. Radé, Nouvelles précisions concernant le paiement anticipé de l’indemnité de congés payés, Lexbase Social, juin 2019, n° 785 N° Lexbase : N9233BXA ;
  • v. infographie, INFO603, Les congés payés, Droit social N° Lexbase : X7382CNQ ;
  • v. ÉTUDE : Les congés annuels payés, La forfaitisation des congés payés, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0103ETY.

 

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