Le Quotidien du 15 novembre 2023 : Temps de travail

[Brèves] Salariés itinérants et temps de travail effectif : éclairage sur la qualification de leur temps de déplacement entre le domicile et le site des premier et dernier clients

Réf. : Cass. soc., 25 octobre 2023, n° 20-22.800, FS-B N° Lexbase : A33451PL

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[Brèves] Salariés itinérants et temps de travail effectif : éclairage sur la qualification de leur temps de déplacement entre le domicile et le site des premier et dernier clients. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/101237381-breves-salaries-itinerants-et-temps-de-travail-effectif-eclairage-sur-la-qualification-de-leur-temps
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par Lisa Poinsot

le 19 Novembre 2023

► Ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif, les temps de trajet du salarié itinérant entre son domicile et le site des premier et dernier clients dès lors que l’intéressé ne se tient pas à disposition de l’employeur, peut vaquer à des occupations personnelles avant son premier rendez-vous et après le dernier et a la possibilité de désactiver la géolocalisation par le biais d’un interrupteur dans son véhicule de service.

Faits et procédure. Un salarié itinérant saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir l’annulation de sa convention de forfait en jours et le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution de son contrat de travail.

La cour d’appel relève que le nombre des heures supplémentaires que le salarié estime avoir accomplies résulte de la prise en considération dans son temps de travail effectif des temps de trajet entre le domicile et les sites des premier et dernier clients.

Utilisant la méthode du faisceau d’indices, elle constate que :

  • le véhicule de service utilisé par l’intéressé dispose d’un dispositif de géolocalisation. Toutefois, un interrupteur « vie privée » sur le véhicule de service permet au salarié de désactiver la géolocalisation ;
  • le salarié reçoit un planning mensuel ;
  • le salarié doit impérativement soumettre à l’accord de son supérieur la réalisation d’heures supplémentaires, tout décalage, anticipation ou annulation d’un contrôle ;
  • il reçoit également un planning hebdomadaire indiquant les contrôles à effectuer et les dates de ces derniers.

Toutefois, le contrôle, quant au respect des plannings, à l’optimisation des temps de trajet et au respect de la note de service relative aux soirées étapes ne suffit pas à établir que le salarié se tenait à la disposition de l’employeur durant ses premiers et derniers trajets de la journée. En effet, l’intéressé prend l’initiative de son circuit quotidien. Les contrôles de l’employeur ne sont pas rétrospectifs et se justifient pleinement dès lors que l’employeur a mis en place un dispositif d’indemnisation des trajets anormaux ouvrant droit à une indemnisation au-delà de 45 minutes.

En outre, en qualité de travailleur itinérant, le salarié reste libre de vaquer à des occupations personnelles avant son premier rendez-vous et après le dernier. L’intéressé ne saurait davantage arguer de l’existence de soirées étapes imposées par l’employeur au-delà d’une certaine distance, dès lors qu’il peut les choisir et que cette prescription n’a nullement pour objet ni pour conséquence de le maintenir à la disposition de l’employeur, mais d’éviter de trop longs trajets.

Par ailleurs, le salarié ne caractérise pas l’importance effective des tâches administratives accomplies à domicile, de sorte que ces tâches ne confèrent pas audit domicile la qualité de lieu de travail, quand bien même son usage ponctuel justifie que l’employeur lui alloue une indemnité mensuelle.

Par conséquent, les temps de trajets entre le domicile du salarié et les sites des premier et dernier clients ne constituent pas du temps de travail effectif.

Le salarié forme alors un pourvoi en cassation en soutenant que :

  • les parties ont convenues qu’il effectuerait, aux frais de l'employeur, un travail administratif à son domicile, de sorte que le temps de trajet entre le domicile du salarié, lieu où ce dernier devait exercer une partie de ses fonctions, et les locaux des clients de l'employeur constitue un temps de travail effectif et doit être rémunéré comme tel ;
  • il doit utiliser, pour faire le trajet entre les locaux des clients de son employeur et son domicile, un véhicule de service doté d'un dispositif de géolocalisation, de façon que le temps de trajet pour se rendre aux locaux des clients constitue un temps de travail effectif devant être rémunéré comme tel ;
  • toutes les tâches administratives effectuées à son domicile, avant de partir ou en rentrant, représentent plus de « dix heures de travail par mois ».

Rappel. La position du législateur (C. trav., art. L. 3121-4 N° Lexbase : L6909K9R) diverge de la position de la CJUE (CJUE, 10 septembre 2015, aff. C-266/14 N° Lexbase : A7149NN4). Cette dernière affirme que, lorsque les travailleurs n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, le temps de déplacement consacré par ces travailleurs aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par l’employeur est du temps de travail effectif au sens de la Directive n° 2003/88, du 4 novembre 2003 N° Lexbase : L5806DLM. La Cour de cassation a, quant à elle, affirmé, dans un arrêt du 23 novembre 2022 (n° 20-21.924, FP-B+R N° Lexbase : A10708U8), que, pour savoir si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non un temps de travail effectif, il faut que :

  • le salarié itinérant soit obligé de se tenir à la disposition de l’employeur (utilisation d’un téléphone professionnel et un kit mains libres dans un véhicule mis à la disposition par son employeur pour prendre des rendez-vous professionnels) ;
  • le salarié itinérant soit obligé de se conformer aux directives de l’employeur sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles (absence de lieu de travail habituel et réalisation d’un parcours de visites programmé sur un secteur géographique très étendu).

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi sur le fondement des articles L. 3121-1 N° Lexbase : L6912K9U et L. 3121-4 du Code du travail, interprétés à la lumière de la Directive n° 2003/88.

La Haute juridiction apporte un éclairage sur l’interprétation du temps de travail effectif pour les salariés itinérants en affirmant que ces temps de déplacement ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du Code du travail.

Autrement dit, un salarié itinérant n’est pas nécessairement à la disposition de son employeur durant ses trajets entre son domicile et ses clients. Il faut prendre en compte les contraintes auxquelles il est tenu pour déterminer si son temps de trajet constitue ou non, un temps de travail effectif.

Pour aller plus loin :

  • v. sur le positionnement de la Cour de cassation : Cass. soc., 1er mars 2023, n° 21-12.068, F-B N° Lexbase : A17959GL ; Cass. soc., 7 juin 2023, n° 21-22.445, FS-B N° Lexbase : A69139YP ;
  • v. ÉTUDE : Le temps de travail effectif et le décompte, Le temps de trajet domicile-lieu de travail inhabituel, in Droit du travail, Lexbase {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 7245881, "corpus": "encyclopedia"}, "_target": "_blank", "_class": "color-encyclopedia", "_title": "Le temps de trajet domicile-lieu de travail inhabituel", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: E0293ETZ"}}.

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