Dernière modification le 15-07-2024
La garde à vue est une mesure de contrainte définie à l’article 62-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, est maintenue à la disposition des enquêteurs.
Les conditions de la garde à vue, le placement en garde à vue, l'exercice des droits lors de la garde à vue et le déroulement de la garde à vue sont les principales thématiques abordées dans cette étude.
Sont également traitées, les auditions à travers les axes de l'audition libre du suspect et de l'audition des témoins et de la victime.
Pratique policière très ancienne, la garde à vue a fait l’objet de nombreuses réformes qui se sont intensifiées depuis la loi n° 2000-516, du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes N° Lexbase : L0618AIQ, sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), du Conseil constitutionnel et finalement de la Cour de cassation, pour aboutir au régime actuel.
Après avoir été principalement l’instrument de la puissance policière, la garde à vue, si elle reste un instrument de contrainte au service de la recherche de la vérité, est graduellement devenue un mécanisme plus équilibré, au sein duquel les droits de la défense sont en progression.
Les conditions de la garde à vue, le placement en garde à vue, l’exercice des droits lors de la garde à vue et le déroulement de la garde à vue sont régis par les articles 62-2 et suivants du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA et seront exposés successivement.
Récemment, sur le fondement des articles 62 et 78 du Code de procédure pénale, la Chambre criminelle a précisé que les témoins ne peuvent être assistés au cours de leur audition dans le cadre d'une enquête préliminaire par un avocat, dont l'intervention vise à garantir l'exercice des droits de la défense et ne peut bénéficier à une personne contre laquelle n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elle ait commis ou tenté de commettre une infraction. L'assistance d'un témoin par un avocat lors de son audition constitue une irrégularité touchant aux conditions d'administration de la preuve, ce dont il résulte que toute partie qui a intérêt à obtenir l'annulation de l'acte peut s'en prévaloir. Cette irrégularité ayant par ailleurs irrévocablement affecté les droits de la personne mise en examen, elle lui fait nécessairement grief (Cass. crim. 23 mai 2024, n° 23-85.888, F-B N° Lexbase : A86185C8).
Afin de limiter le nombre de gardes à vue et de les encadrer strictement, le législateur a soumis le placement sous cette mesure de contrainte à des conditions supplémentaires empruntées à la technique déjà connue en matière de détention provisoire, consistant à définir des cas limitatifs de placement en garde à vue. Ainsi, depuis la loi n° 2011-392, du 14 avril 2011, relative à la garde à vue N° Lexbase : L9584IPN, les critères de la garde à vue, autrefois justifiée par les « nécessités de l'enquête » répondent à des conditions strictes tenant à l’infraction et à l’auteur de celle-ci.
Concernant les conditions tenant à l’infraction, depuis la loi n° 2011-392, du 14 avril 2011 N° Lexbase : L9584IPN, la garde à vue est réservée aux seuls crimes et délits passibles d'une peine d'emprisonnement.
Concernant les conditions tenant à l’auteur, l’article 62-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA liste les cas de placement en garde à vue, laquelle ne peut s’appliquer qu’à une personne, à l’encontre de laquelle « il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ».
C’est à l’officier de police judiciaire (OPJ) sous le contrôle d'un magistrat de décider de la mise en œuvre d’une garde à vue. Il peut le faire d’office ou sur instruction du procureur de la République ou du juge d'instruction.
En dehors de l'instruction préparatoire, la garde à vue s’exécute sous le contrôle du procureur de la République (C. proc. pén. art. 63 N° Lexbase : L7438LP8) et, dans certains cas, du juge des libertés et de la détention (JLD) (C. proc. pén., art. 63-4-2 N° Lexbase : L4968K8I ; C. proc. pén., art. 706-88 à 706-88-2 N° Lexbase : L4973K8P en matière de prolongation de la mesure au-delà de la 48e heure). En cas d’instruction préparatoire, en vertu de l’article 154, alinéa 2, du Code de procédure pénale, les attributions conférées au procureur de la République lors de la garde à vue sont exercées par le juge d'instruction. Dans ce cas, le contrôle de la garde à vue est exercé uniquement par le juge d’instruction, autorité judiciaire au sens de l’article 66 de la Constitution. En raison de ce statut, il n’y a pas lieu de partager cette compétence avec le JLD. Le juge d’instruction est ici l’autorité exclusive du contrôle de la garde à vue.
Dans tous les cas, dès le début de la mesure, l’officier de police judiciaire (OPJ) informe par tout moyen du placement de la personne en garde à vue.
L’article 63-1 du Code de procédure pénal N° Lexbase : L4971K8M définit les règles relatives à l’information et la notification des droits du gardé à vue par le magistrat chargé du contrôle.
Le gardé à vue bénéficie du droit d’aviser un proche ou l’employeur (C. proc. pén., art. 63-2 N° Lexbase : L7437LP7), du droit à un examen médical (C. proc. pén., art. 63-3 N° Lexbase : L9745IPM), du droit à l’assistance d’un avocat (C. proc. pén., art. 63-3-1 N° Lexbase : L4969K8K et 63-4-2 N° Lexbase : L4968K8I), du droit au silence (C. proc. pén., art. 63-1 N° Lexbase : L4971K8M) et du droit d’accès aux pièces énumérées (C. proc. pén., art. 63-4-1 N° Lexbase : L3162I3I).
Au cours de l’enquête de police judiciaire, le procureur de la République apprécie si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont nécessaires à l’enquête et proportionnels à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre.
La durée de la garde à vue ne peut excéder 24 heures (C. proc. pén., art. 63 N° Lexbase : L7438LP8). La durée de la garde à vue n'est pas excessive, même s'il n'est diligenté aucun acte à part l'audition de l'intéressé en début de garde à vue, si cette mesure n'excède pas la durée légale de 24 heures (Cass., ch. mixte, 7 juillet 2000, n° 98-50.007, publié au bulletin N° Lexbase : A3810AUN).
Les auditions et les confrontations de la garde à vue sont encadrées par l’article 63-4-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9632IPG.
L’article 63-8 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9637IPM prévoit qu’à l’issue de la garde à vue, la personne est, sur instruction du procureur de la République sous la direction duquel l’enquête est menée, soit remise en liberté soit déférée devant ce magistrat.
L’article 77-2, I, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4940K8H prévoit que toute personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’une peine privative de liberté et qui a fait l’objet d’une garde à vue, peut, un an après l’accomplissement du premier de ces actes, demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, de consulter le dossier de la procédure aux fins de formuler ses observations.
Alors que le renouvellement de la mesure supposait que le suspect ait été présenté au procureur de la République, la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC précise désormais que le procureur de la République peut subordonner son autorisation à la présentation de la personne devant lui. Le principe est désormais celui d’un renouvellement sans présentation. En effet, l’article 63, II, alinéa 3, du Code de procédure pénale dispose que : « Le procureur de la République peut subordonner son autorisation à la présentation de la personne devant lui. Cette présentation peut être réalisée par l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle ».
La loi n° 2011-392, du 14 avril 2011, relative à la garde à vue N° Lexbase : L9584IPN a maintenu la possibilité d’auditionner librement les personnes suspectées d’une infraction à travers deux articles relatifs aux enquêtes de flagrance, l'article 73, alinéa 2 N° Lexbase : L3153I38 et l’article 62, alinéa 2 N° Lexbase : L3155I3A du Code de procédure pénale, ce dernier article étant également applicable aux enquêtes préliminaires par renvoi de l’article 77 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L5572I3R.
Dans sa version issue de la loi du 14 avril 2011, l’article 73, alinéa 2, disposait : « Lorsque la personne est présentée devant l'officier de police judiciaire, son placement en garde à vue, lorsque les conditions de cette mesure prévues par le présent code sont réunies, n'est pas obligatoire dès lors qu'elle n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu'elle a été informée qu'elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie. Le présent alinéa n'est toutefois pas applicable si la personne a été conduite par la force publique devant l'officier de police judiciaire ».
Le législateur entendait ainsi faire dépendre l’application du régime plus protecteur de la garde à vue de l’existence d’une mesure de contrainte et non de l’existence de raisons plausibles de soupçonner.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité au moment de l’entrée en vigueur de la loi, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans une décision du 18 novembre 2011 : « Considérant que, si le respect des droits de la défense impose, en principe, qu'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction ne peut être entendue, alors qu'elle est retenue contre sa volonté, sans bénéficier de l'assistance effective d'un avocat, cette exigence constitutionnelle n'impose pas une telle assistance dès lors que la personne soupçonnée ne fait l'objet d'aucune mesure de contrainte et consent à être entendue librement » (Cons. const., décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC, du 18 novembre 2011 N° Lexbase : A9214HZB).
Cette déclaration était toutefois assortie de deux réserves d’interprétation en ces termes : « Considérant que, toutefois, le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ; que, sous cette réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de la présente décision, les dispositions du second alinéa de l'article 62 du [C]ode de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense ».
Ainsi, au moment de son entrée en vigueur, la crainte existait de voir les autorités judiciaires recourir à ce mécanisme de manière abusive pour contourner les formalités contraignantes de la garde à vue et la présence de l’avocat.
Trois ans plus tard, la loi n° 2014-535, du 27 mai 2014 (entrée en vigueur le 2 juin 2014), portant transposition de la Directive (UE) n° 2012/13 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L2680I3N, a permis d’intégrer dans la procédure pénale les réserves du Conseil constitutionnel en consacrant par ailleurs l’autonomie du régime de l’audition libre et la création du statut de suspect libre (Circ. DACG, NOR: JUSD1430472C, du 19 décembre 2014, de présentation des dispositions applicables à compter du 1er janvier 2015 de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la Directive (UE) n° 2012/13 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 N° Lexbase : L4208I7Y).
La loi a par ailleurs permis un alignement du régime juridique de l’audition libre sur celui de la garde à vue, par la création de l’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN spécifique à l’audition libre, dans lequel a été notamment prévue la possibilité pour le suspect libre d’avoir accès à un avocat.
Les dispositions de l’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7470LPD s’appliquent à l’enquête de flagrance ; ainsi qu’à l’enquête préliminaire (C. proc. pén., art. 77 N° Lexbase : L5572I3R) ; à l’exécution d’une commission rogatoire (C. proc. pén., art. 154 N° Lexbase : L4962K8B) et à l’enquête douanière (C. douanes, art. 67 F N° Lexbase : L3127I39).
L’audition libre d’un témoin simple ou d’un témoin suspecté en enquête préliminaire est envisagée aux articles 61-1 et suivants du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7470LPD .
Ces prévisions viennent encadrer le régime applicable à cette forme d’audition et tout particulièrement les droits qui leur sont accordés, l’assistance de l’avocat ou encore la question de la contrainte.
L’audition libre peut se définir de façon négative par l’absence de contrainte et l’absence de conditions.
Depuis le 1er janvier 2015, les convocations écrites adressées à la personne en vue de son audition doivent indiquer, l’infraction dont elle est suspectée, son droit d’être assistée par un avocat ainsi que les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, les modalités de désignation d’un avocat d’office et les lieux où elle peut obtenir des conseils juridiques avant cette audition (C. proc. pén., art. 61-1, al. 3 N° Lexbase : L7470LPD).
Toutefois, cette obligation est assortie d’une réserve importante puisqu’elle n’est effective que pour autant que « le déroulement de l'enquête le permet », ce qui laisse en pratique une marge de manœuvre importante pour les enquêteurs, décriée du côté de la défense.
En toute hypothèse, même si une convocation écrite a été adressée à la personne soupçonnée avec mention de ses droits, l'ensemble des droits prévus à l'article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7470LPD doivent être à nouveau notifiés à son arrivée dans les locaux de police ou de gendarmerie (Circ. DACG, NOR: JUSD1430472C, du 19 décembre 2014, de présentation des dispositions applicables à compter du 1er janvier 2015 de la loi n° 2014-535, du 27 mai 2014, portant transposition de la Directive (UE) n° 2012/13 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, p. 4 N° Lexbase : L4208I7Y).
Le suspect bénéficie du droit de quitter les lieux, du droit à l’assistance d’un avocat et du droit au silence (C. proc. pén., art. 61-1 N° Lexbase : L7470LPD).
Concernant la fin de l’audition libre, le suspect peut éventuellement être placé en garde à vue. De jurisprudence constante, une personne peut parfaitement être placée en garde à vue après avoir été entendue librement sur les mêmes faits (Cass. crim., 6 mai 2002, n° 01-88.358, publié au bulletin N° Lexbase : A5698CND).
Les dispositions de l’article 77-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4940K8H trouvent à s’appliquer en matière d’audition libre et peuvent permettre à la personne entendue de consulter le dossier de procédure après l’écoulement d’un délai d’un an à compter de l’audition.
L’audition des témoins peut intervenir durant l’enquête, l’instruction et l’audience de jugement.
Une fois une convocation émise, les personnes visées sont tenues de comparaître. Le juge d’instruction, ou dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance, l’officier de police judiciaire (OPJ), sur l’autorisation du procureur de la République, peuvent en cas de refus de la personne de comparaître, contraindre cette dernière par la force (C. proc. pén., art. 153 N° Lexbase : L0042LB8, 62 N° Lexbase : L3155I3A, 438 N° Lexbase : L4545AZD, 439 N° Lexbase : L4571AZC). Un tel refus est sanctionné pénalement d’une peine d’amende de 3 750 euros (C. pén., art. 434-15-1 N° Lexbase : L2426AMS).
Le faux témoignage est également sanctionné pénalement (C. pén., art. 434-13 N° Lexbase : L1785AM3).
L’article 62 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3155I3A prévoit que « les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction sont entendues par les enquêteurs sans faire l'objet d'une mesure de contrainte ». Il s’agit du témoin libre.
Au contraire, l’article 61 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4985K87 prévoit que si les nécessités de l'enquête le justifient, ces personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction peuvent être retenues sous contrainte le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée puisse excéder 4 heures. Le témoin a alors le statut de témoin « contraint ».
Les officiers de police judiciaire (OPJ) et agents de police judiciaire informent par tout moyen les victimes de leur droit d’être, « si elles souhaitent se constituer partie civile, assistées d’un avocat qu’elles peuvent choisir ou qui, à leur demande, est désigné par le [B]âtonnier de l’[O]rdre des avocats près la juridiction compétente, les frais étant à la charge des victimes sauf si elles remplissent les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle ou si elles bénéficient d’une assurance de protection juridique » (C. proc. pén., art. 10-2, § 3 N° Lexbase : L7394LPK).
L’audition ou la confrontation est menée sous la direction de l’officier ou l’agent de police judiciaire qui peut à tout moment en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe s’il y a lieu, le Bâtonnier aux fins de désignation d’un autre avocat (C. proc. pén., art. 63-4-3, al. 1er N° Lexbase : L9632IPG).
La loi reconnaît dans un pur parallélisme, le droit pour la victime confrontée avec une personne gardée à vue d'être assistée par un avocat (C. proc. pén., art. 61-2 N° Lexbase : L2751I3B).