ETUDE : La garde à vue et les auditions
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avec cacheDernière modification le 15-07-2024
Cette étude est rédigée par Capucine Lanta de Bérard, Avocate associée, cabinet Soulez Larivière & Associés.
La garde à vue est une mesure de contrainte définie à l’article 62-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, est maintenue à la disposition des enquêteurs.
Les conditions de la garde à vue, le placement en garde à vue, l'exercice des droits lors de la garde à vue et le déroulement de la garde à vue sont les principales thématiques abordées dans cette étude.
Sont également traitées, les auditions à travers les axes de l'audition libre du suspect et de l'audition des témoins et de la victime.
Pratique policière très ancienne, la garde à vue a fait l’objet de nombreuses réformes qui se sont intensifiées depuis la loi n° 2000-516, du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes N° Lexbase : L0618AIQ, sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), du Conseil constitutionnel et finalement de la Cour de cassation, pour aboutir au régime actuel.
Après avoir été principalement l’instrument de la puissance policière, la garde à vue, si elle reste un instrument de contrainte au service de la recherche de la vérité, est graduellement devenue un mécanisme plus équilibré, au sein duquel les droits de la défense sont en progression.
Les conditions de la garde à vue, le placement en garde à vue, l’exercice des droits lors de la garde à vue et le déroulement de la garde à vue sont régis par les articles 62-2 et suivants du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA et seront exposés successivement.
Récemment, sur le fondement des articles 62 et 78 du Code de procédure pénale, la Chambre criminelle a précisé que les témoins ne peuvent être assistés au cours de leur audition dans le cadre d'une enquête préliminaire par un avocat, dont l'intervention vise à garantir l'exercice des droits de la défense et ne peut bénéficier à une personne contre laquelle n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elle ait commis ou tenté de commettre une infraction. L'assistance d'un témoin par un avocat lors de son audition constitue une irrégularité touchant aux conditions d'administration de la preuve, ce dont il résulte que toute partie qui a intérêt à obtenir l'annulation de l'acte peut s'en prévaloir. Cette irrégularité ayant par ailleurs irrévocablement affecté les droits de la personne mise en examen, elle lui fait nécessairement grief (Cass. crim. 23 mai 2024, n° 23-85.888, F-B N° Lexbase : A86185C8).
Afin de limiter le nombre de gardes à vue et de les encadrer strictement, le législateur a soumis le placement sous cette mesure de contrainte à des conditions supplémentaires empruntées à la technique déjà connue en matière de détention provisoire, consistant à définir des cas limitatifs de placement en garde à vue. Ainsi, depuis la loi n° 2011-392, du 14 avril 2011, relative à la garde à vue N° Lexbase : L9584IPN, les critères de la garde à vue, autrefois justifiée par les « nécessités de l'enquête » répondent à des conditions strictes tenant à l’infraction et à l’auteur de celle-ci.
Concernant les conditions tenant à l’infraction, depuis la loi n° 2011-392, du 14 avril 2011 N° Lexbase : L9584IPN, la garde à vue est réservée aux seuls crimes et délits passibles d'une peine d'emprisonnement.
Concernant les conditions tenant à l’auteur, l’article 62-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA liste les cas de placement en garde à vue, laquelle ne peut s’appliquer qu’à une personne, à l’encontre de laquelle « il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ».
C’est à l’officier de police judiciaire (OPJ) sous le contrôle d'un magistrat de décider de la mise en œuvre d’une garde à vue. Il peut le faire d’office ou sur instruction du procureur de la République ou du juge d'instruction.
En dehors de l'instruction préparatoire, la garde à vue s’exécute sous le contrôle du procureur de la République (C. proc. pén. art. 63 N° Lexbase : L7438LP8) et, dans certains cas, du juge des libertés et de la détention (JLD) (C. proc. pén., art. 63-4-2 N° Lexbase : L4968K8I ; C. proc. pén., art. 706-88 à 706-88-2 N° Lexbase : L4973K8P en matière de prolongation de la mesure au-delà de la 48e heure). En cas d’instruction préparatoire, en vertu de l’article 154, alinéa 2, du Code de procédure pénale, les attributions conférées au procureur de la République lors de la garde à vue sont exercées par le juge d'instruction. Dans ce cas, le contrôle de la garde à vue est exercé uniquement par le juge d’instruction, autorité judiciaire au sens de l’article 66 de la Constitution. En raison de ce statut, il n’y a pas lieu de partager cette compétence avec le JLD. Le juge d’instruction est ici l’autorité exclusive du contrôle de la garde à vue.
Dans tous les cas, dès le début de la mesure, l’officier de police judiciaire (OPJ) informe par tout moyen du placement de la personne en garde à vue.
L’article 63-1 du Code de procédure pénal N° Lexbase : L4971K8M définit les règles relatives à l’information et la notification des droits du gardé à vue par le magistrat chargé du contrôle.
Le gardé à vue bénéficie du droit d’aviser un proche ou l’employeur (C. proc. pén., art. 63-2 N° Lexbase : L7437LP7), du droit à un examen médical (C. proc. pén., art. 63-3 N° Lexbase : L9745IPM), du droit à l’assistance d’un avocat (C. proc. pén., art. 63-3-1 N° Lexbase : L4969K8K et 63-4-2 N° Lexbase : L4968K8I), du droit au silence (C. proc. pén., art. 63-1 N° Lexbase : L4971K8M) et du droit d’accès aux pièces énumérées (C. proc. pén., art. 63-4-1 N° Lexbase : L3162I3I).
Au cours de l’enquête de police judiciaire, le procureur de la République apprécie si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont nécessaires à l’enquête et proportionnels à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre.
La durée de la garde à vue ne peut excéder 24 heures (C. proc. pén., art. 63 N° Lexbase : L7438LP8). La durée de la garde à vue n'est pas excessive, même s'il n'est diligenté aucun acte à part l'audition de l'intéressé en début de garde à vue, si cette mesure n'excède pas la durée légale de 24 heures (Cass., ch. mixte, 7 juillet 2000, n° 98-50.007, publié au bulletin N° Lexbase : A3810AUN).
Les auditions et les confrontations de la garde à vue sont encadrées par l’article 63-4-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9632IPG.
L’article 63-8 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9637IPM prévoit qu’à l’issue de la garde à vue, la personne est, sur instruction du procureur de la République sous la direction duquel l’enquête est menée, soit remise en liberté soit déférée devant ce magistrat.
L’article 77-2, I, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4940K8H prévoit que toute personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’une peine privative de liberté et qui a fait l’objet d’une garde à vue, peut, un an après l’accomplissement du premier de ces actes, demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, de consulter le dossier de la procédure aux fins de formuler ses observations.
Alors que le renouvellement de la mesure supposait que le suspect ait été présenté au procureur de la République, la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC précise désormais que le procureur de la République peut subordonner son autorisation à la présentation de la personne devant lui. Le principe est désormais celui d’un renouvellement sans présentation. En effet, l’article 63, II, alinéa 3, du Code de procédure pénale dispose que : « Le procureur de la République peut subordonner son autorisation à la présentation de la personne devant lui. Cette présentation peut être réalisée par l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle ».
La loi n° 2011-392, du 14 avril 2011, relative à la garde à vue N° Lexbase : L9584IPN a maintenu la possibilité d’auditionner librement les personnes suspectées d’une infraction à travers deux articles relatifs aux enquêtes de flagrance, l'article 73, alinéa 2 N° Lexbase : L3153I38 et l’article 62, alinéa 2 N° Lexbase : L3155I3A du Code de procédure pénale, ce dernier article étant également applicable aux enquêtes préliminaires par renvoi de l’article 77 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L5572I3R.
Dans sa version issue de la loi du 14 avril 2011, l’article 73, alinéa 2, disposait : « Lorsque la personne est présentée devant l'officier de police judiciaire, son placement en garde à vue, lorsque les conditions de cette mesure prévues par le présent code sont réunies, n'est pas obligatoire dès lors qu'elle n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu'elle a été informée qu'elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie. Le présent alinéa n'est toutefois pas applicable si la personne a été conduite par la force publique devant l'officier de police judiciaire ».
Le législateur entendait ainsi faire dépendre l’application du régime plus protecteur de la garde à vue de l’existence d’une mesure de contrainte et non de l’existence de raisons plausibles de soupçonner.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité au moment de l’entrée en vigueur de la loi, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans une décision du 18 novembre 2011 : « Considérant que, si le respect des droits de la défense impose, en principe, qu'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction ne peut être entendue, alors qu'elle est retenue contre sa volonté, sans bénéficier de l'assistance effective d'un avocat, cette exigence constitutionnelle n'impose pas une telle assistance dès lors que la personne soupçonnée ne fait l'objet d'aucune mesure de contrainte et consent à être entendue librement » (Cons. const., décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC, du 18 novembre 2011 N° Lexbase : A9214HZB).
Cette déclaration était toutefois assortie de deux réserves d’interprétation en ces termes : « Considérant que, toutefois, le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ; que, sous cette réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de la présente décision, les dispositions du second alinéa de l'article 62 du [C]ode de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense ».
Ainsi, au moment de son entrée en vigueur, la crainte existait de voir les autorités judiciaires recourir à ce mécanisme de manière abusive pour contourner les formalités contraignantes de la garde à vue et la présence de l’avocat.
Trois ans plus tard, la loi n° 2014-535, du 27 mai 2014 (entrée en vigueur le 2 juin 2014), portant transposition de la Directive (UE) n° 2012/13 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L2680I3N, a permis d’intégrer dans la procédure pénale les réserves du Conseil constitutionnel en consacrant par ailleurs l’autonomie du régime de l’audition libre et la création du statut de suspect libre (Circ. DACG, NOR: JUSD1430472C, du 19 décembre 2014, de présentation des dispositions applicables à compter du 1er janvier 2015 de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la Directive (UE) n° 2012/13 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 N° Lexbase : L4208I7Y).
La loi a par ailleurs permis un alignement du régime juridique de l’audition libre sur celui de la garde à vue, par la création de l’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN spécifique à l’audition libre, dans lequel a été notamment prévue la possibilité pour le suspect libre d’avoir accès à un avocat.
Les dispositions de l’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7470LPD s’appliquent à l’enquête de flagrance ; ainsi qu’à l’enquête préliminaire (C. proc. pén., art. 77 N° Lexbase : L5572I3R) ; à l’exécution d’une commission rogatoire (C. proc. pén., art. 154 N° Lexbase : L4962K8B) et à l’enquête douanière (C. douanes, art. 67 F N° Lexbase : L3127I39).
L’audition libre d’un témoin simple ou d’un témoin suspecté en enquête préliminaire est envisagée aux articles 61-1 et suivants du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7470LPD .
Ces prévisions viennent encadrer le régime applicable à cette forme d’audition et tout particulièrement les droits qui leur sont accordés, l’assistance de l’avocat ou encore la question de la contrainte.
L’audition libre peut se définir de façon négative par l’absence de contrainte et l’absence de conditions.
Depuis le 1er janvier 2015, les convocations écrites adressées à la personne en vue de son audition doivent indiquer, l’infraction dont elle est suspectée, son droit d’être assistée par un avocat ainsi que les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle, les modalités de désignation d’un avocat d’office et les lieux où elle peut obtenir des conseils juridiques avant cette audition (C. proc. pén., art. 61-1, al. 3 N° Lexbase : L7470LPD).
Toutefois, cette obligation est assortie d’une réserve importante puisqu’elle n’est effective que pour autant que « le déroulement de l'enquête le permet », ce qui laisse en pratique une marge de manœuvre importante pour les enquêteurs, décriée du côté de la défense.
En toute hypothèse, même si une convocation écrite a été adressée à la personne soupçonnée avec mention de ses droits, l'ensemble des droits prévus à l'article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7470LPD doivent être à nouveau notifiés à son arrivée dans les locaux de police ou de gendarmerie (Circ. DACG, NOR: JUSD1430472C, du 19 décembre 2014, de présentation des dispositions applicables à compter du 1er janvier 2015 de la loi n° 2014-535, du 27 mai 2014, portant transposition de la Directive (UE) n° 2012/13 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, p. 4 N° Lexbase : L4208I7Y).
Le suspect bénéficie du droit de quitter les lieux, du droit à l’assistance d’un avocat et du droit au silence (C. proc. pén., art. 61-1 N° Lexbase : L7470LPD).
Concernant la fin de l’audition libre, le suspect peut éventuellement être placé en garde à vue. De jurisprudence constante, une personne peut parfaitement être placée en garde à vue après avoir été entendue librement sur les mêmes faits (Cass. crim., 6 mai 2002, n° 01-88.358, publié au bulletin N° Lexbase : A5698CND).
Les dispositions de l’article 77-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4940K8H trouvent à s’appliquer en matière d’audition libre et peuvent permettre à la personne entendue de consulter le dossier de procédure après l’écoulement d’un délai d’un an à compter de l’audition.
L’audition des témoins peut intervenir durant l’enquête, l’instruction et l’audience de jugement.
Une fois une convocation émise, les personnes visées sont tenues de comparaître. Le juge d’instruction, ou dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance, l’officier de police judiciaire (OPJ), sur l’autorisation du procureur de la République, peuvent en cas de refus de la personne de comparaître, contraindre cette dernière par la force (C. proc. pén., art. 153 N° Lexbase : L0042LB8, 62 N° Lexbase : L3155I3A, 438 N° Lexbase : L4545AZD, 439 N° Lexbase : L4571AZC). Un tel refus est sanctionné pénalement d’une peine d’amende de 3 750 euros (C. pén., art. 434-15-1 N° Lexbase : L2426AMS).
Le faux témoignage est également sanctionné pénalement (C. pén., art. 434-13 N° Lexbase : L1785AM3).
L’article 62 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3155I3A prévoit que « les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction sont entendues par les enquêteurs sans faire l'objet d'une mesure de contrainte ». Il s’agit du témoin libre.
Au contraire, l’article 61 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4985K87 prévoit que si les nécessités de l'enquête le justifient, ces personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction peuvent être retenues sous contrainte le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée puisse excéder 4 heures. Le témoin a alors le statut de témoin « contraint ».
Les officiers de police judiciaire (OPJ) et agents de police judiciaire informent par tout moyen les victimes de leur droit d’être, « si elles souhaitent se constituer partie civile, assistées d’un avocat qu’elles peuvent choisir ou qui, à leur demande, est désigné par le [B]âtonnier de l’[O]rdre des avocats près la juridiction compétente, les frais étant à la charge des victimes sauf si elles remplissent les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle ou si elles bénéficient d’une assurance de protection juridique » (C. proc. pén., art. 10-2, § 3 N° Lexbase : L7394LPK).
L’audition ou la confrontation est menée sous la direction de l’officier ou l’agent de police judiciaire qui peut à tout moment en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe s’il y a lieu, le Bâtonnier aux fins de désignation d’un autre avocat (C. proc. pén., art. 63-4-3, al. 1er N° Lexbase : L9632IPG).
La loi reconnaît dans un pur parallélisme, le droit pour la victime confrontée avec une personne gardée à vue d'être assistée par un avocat (C. proc. pén., art. 61-2 N° Lexbase : L2751I3B).
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Pratique policière très ancienne, la garde à vue a fait l’objet de nombreuses réformes qui se sont intensifiées depuis la loi n° 2000-516, du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes N° Lexbase : L0618AIQ sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 27 novembre 2008, Req. 36391/02, Salduz c/ Turquie N° Lexbase : A3220EPX ; CEDH, 13 octobre 2009, Req. 7377/03, Dayanan c/ Turquie N° Lexbase : A3221EPY ; CEDH, 14 octobre 2010, Req. 1466/07, Brusco c/ France N° Lexbase : A7451GBL), du Conseil Constitutionnel (Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC, du 30 juillet 2010 N° Lexbase : A4551E7P) et finalement de la Cour de Cassation (Cass. ass. plén., 15 avril 2011, 4 arrêts, n° 10-17.049, P+B+R+I N° Lexbase : A5043HN4, n° 10-30.242, P+B+R+I N° Lexbase : A5044HN7, n° 10-30.313, P+B+R+I N° Lexbase : A5050HND et n° 10-30.316, P+B+R+I N° Lexbase : A5045HN8), avant d'aboutir au régime actuel.
Après avoir été principalement l’instrument de la puissance policière, la garde à vue, si elle reste un instrument de contrainte au service de la recherche de la vérité, est graduellement devenue un mécanisme plus équilibré, au sein duquel les droits de la défense sont en progression, voire font des percées significatives tendant, selon certains professionnels du droit dont des membres de la police judiciaire, vers un déséquilibre des forces.
Il faut rappeler ici principalement les avancées de la loi n° 2011-392, du 14 avril 2011, relative à la garde à vue N° Lexbase : L9584IPN sur le droit à l’assistance effective d’un avocat dès le début de la garde à vue, la loi n° 2013-711, du 5 août 2013, portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France N° Lexbase : L6201IXX et son décret d’application n° 2013-958, du 25 octobre 2013, inscrivant dans le Code de procédure pénale le droit à l’assistance d’un interprète N° Lexbase : L4789IYZ (C. proc. pén., art. préliminaire, III N° Lexbase : L3311LTS ; C. proc. pén., art. 803-5 N° Lexbase : L3187I3G ; C. proc. pén., art. D. 594-3 N° Lexbase : L4081MC7), puis la loi n° 2014-535, du 27 mai 2014, portant transposition de la Directive (UE) n° 2012/13 du Parlement européen et du conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L2680I3N et qui a introduit l’information de la personne des motifs du placement, enfin la loi n° 2016-731, du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale N° Lexbase : L4202K87, permettant l'assistance par un avocat des personnes soupçonnées lors des opération de reconstitution ou encore des séances d'identification des suspects.
Plus récemment, la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC a introduit plusieurs modifications du régime de la garde à vue qui constituent un mouvement de retrait de certains droits, avec en particulier la présentation devenue facultative de la personne devant le procureur de la République ou le juge d’instruction en cas de prolongation de la mesure (C. proc. pén., art. 63 N° Lexbase : L7438LP8).
Depuis cette réforme de 2019, plusieurs modifications notables du régime de la garde à vue ont eu lieu. Parmi celles dont il sera simplement fait mention ici, on peut citer le décret n° 2023-932, du 9 octobre 2023, modifiant les articles R. 15-33-77 à R. 15-33-82 du Code de procédure pénale relatifs au traitement de données à caractère personnel dénommé : « Informatisation de la gestion des gardes à vue et autres mesures privatives de liberté » (IGAV) N° Lexbase : L8298MI8, entré en vigueur le lendemain de sa publication. Ce décret modifie les dispositions réglementaires relatives au traitement IGAV, afin de prendre en compte l'ensemble des mesures privatives de liberté mises en œuvre par la police nationale et la gendarmerie nationale. Dans ce cadre, il élargit les finalités de gestion, de contrôle et de suivi des mesures de garde à vue à l'ensemble des mesures privatives de liberté mises en œuvre dans les services de police et les unités de gendarmerie et modifie en conséquence les catégories de données collectées. Il procède également à la mise en conformité du traitement avec les dispositions de la loi n° 78-17, du 6 janvier 1978, modifiée, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS.
Une autre modification notable a procédé du décret n° 2023-1330, du 28 décembre 2023, relatif à la mise en œuvre de systèmes de vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue et de retenue douanière N° Lexbase : L9456MKG. Celui-ci a été pris pour l'application des articles L. 256-1 et suivants du Code de la sécurité intérieure, créés par l'article 13, de la loi n° 2022-52, du 24 janvier 2022, relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure N° Lexbase : Z68655TW. Il a créé un titre V bis au livre II de la partie réglementaire du Code de la sécurité intérieure. Il autorise la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel ayant pour finalité de prévenir les risques d'évasion de la personne placée en garde à vue ou en retenue douanière et les menaces sur cette personne ou sur autrui. Il précise les données enregistrées, les modalités et la durée de leur conservation, les conditions d'accès aux enregistrements ainsi que les droits des personnes concernées. On peut ajouter que l’article L. 256-1 du Code de la sécurité intérieure N° Lexbase : L8166MAP dispose que : « L'autorité administrative peut mettre en œuvre des systèmes de vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue et de retenue douanière pour prévenir les risques d'évasion de la personne placée en garde à vue ou en retenue douanière et les menaces sur cette personne ou sur autrui ».
Une autre modification notable du régime de la garde à vue, dont les détails seront précisés au cours de la présente étude, a procédé de la loi n° 2024-364, du 22 avril 2024, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole N° Lexbase : L1795MMG. En effet, sur le plan pénal, cette loi est venue adapter aux règles européennes les dispositions relatives notamment au droit à l’assistance d’un avocat en garde à vue. Pour information, ces nouvelles dispositions qui sont entrées en vigueur le 1er juillet 2024 s’appliqueront également à l’information d’un tiers et à l’intervention de l’avocat dans le cadre de la retenue douanière, conformément aux dispositions de l’article 323-5 du Code des douanes N° Lexbase : L5697LZZ procédant par renvoi aux dispositions des articles 63-2 à 63-4-4 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2087MMA concernant les droits du gardé à vue, afin de définir les droits de la personne placée en retenue douanière.
Il résulte de ce panorama que la garde à vue demeure un terrain privilégié d’affrontement entre la protection des droits de la défense et la volonté de préserver une procédure efficace. Parmi de nombreuses illustrations, on peut mentionner une enquête sur les mesures de garde à vue prises dans le contexte des manifestations contre la réforme des retraites rendue publique le 3 mai 2023 par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Il constatait des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes enfermées. D’une part, les conditions matérielles de prise en charge dans certains locaux n'étaient pas satisfaisantes. D’autre part, de nombreuses procédures étaient contraires aux règles relatives à la garde à vue. Le CGLPL rappelait notamment que la garde à vue est conditionnée à l'existence d'un soupçon caractérisé de commission d'une infraction, ce qui ne ressortait pas de l'examen des fiches d'interpellations consultées dans les commissariats au moment des contrôles.
► Pour aller plus loin. – Pour tout connaître de la garde à vue en un coup d'œil, voir infographie INFO122, Garde à vue, Procédures N° Lexbase : X9569AP4
Depuis la loi n° 2011-392, du 14 avril 2011 N° Lexbase : L9584IPN, la garde à vue est réservée aux seuls crimes et délits passibles d'une peine d'emprisonnement.
Sur ce fondement, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré, dans un avis rendu le 5 juin 2012, que les étrangers sans papiers ne pourraient plus être placés en garde à vue de ce seul chef (Cass. crim., avis n° 9002, du 5 juin 2012). Elle a en effet rappelé, qu'il résulte de l'article 62-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA dans sa version issue de la loi du n° 2011-392, du 14 avril 2011 N° Lexbase : L9584IPN, qu'une mesure de garde à vue ne peut être décidée par un officier de police judiciaire (OPJ) que s'il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne concernée a commis, ou tenté de commettre, un crime ou un délit puni d'emprisonnement. Or l’article L. 621-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (« CESEDA ») N° Lexbase : L3662LZN, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne relatif au ressortissant d'un État tiers mis en cause pour séjour ou pénétration irrégulier en France n'encourt pas l'emprisonnement, lorsqu'il n'a pas été soumis préalablement aux mesures coercitives visées à l'article 8 de la Directive (CE) n° 2008/115, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier N° Lexbase : L3289ICS. Il ne peut donc pas être placé en garde à vue à l'occasion d'une procédure diligentée de ce seul chef.
La mesure doit en outre obéir à l'un des objectifs nécessaires à la conduite de la procédure pénale engagée.
La Cour de cassation a confirmé par la suite l'irrégularité de la garde à vue pour les étrangers au seul motif qu'ils sont dépourvus de papiers (Cass. civ. 1, 5 juillet 2012, n° 11-30.371, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4775IQW ; Cass. civ. 1, 5 juillet 2012, n° 11-19.250, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4776IQX ; Cass. civ. 1, 5 juillet 2012, n° 11-30.530, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5008IQK).
On pourrait noter enfin que si une personne est soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit et une contravention, cela ne fait pas obstacle au placement en garde à vue. Simplement, il faudra que ce placement soit justifié par des soupçons de commission du crime ou du délit et que les actes réalisés au cours de cette mesure, comme les auditions, ne portent pas sur les faits contraventionnels. Aussi bien la lettre que l’esprit du texte semblent imposer cette solution.
La garde à vue doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants :
Une mesure de garde à vue peut ainsi être décidée lorsqu'elle constitue l'unique moyen de permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ou de garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République, afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête (Cass. crim., 18 novembre 2014, n° 14-81.332, F-P+B+I N° Lexbase : A4328M3P). Dans cette affaire, un contrôle routier avait révélé qu’une personne conduisait un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique en récidive. L'intéressée avait été convoquée le 30 mai 2013 à la gendarmerie, placée en garde à vue à 7 heures 45 et déférée à 9 heures, après son audition, au procureur de la République qui l'avait renvoyée devant le tribunal correctionnel en comparution immédiate. Avant toute défense au fond, la prévenue avait soulevé la nullité de sa garde à vue et des actes subséquents. Le tribunal a fait droit à cette demande et renvoyé le dossier au procureur de la République. Confirmant le jugement, la cour d'appel a relevé que l'enquête était achevée dès le 25 mai 2013, que la mesure de garde à vue, prise dans l'unique but d'assurer le déferrement de l'intéressée, n'était pas justifiée, qu'une comparution immédiate aurait pu être envisagée le 25 mai 2013 et qu'elle ne nécessitait pas un placement en garde à vue et un déferrement immédiat, dès lors que la personne mise en cause s'est présentée volontairement devant les enquêteurs. Selon la Cour de cassation, en statuant ainsi la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 62-2 du Code de procédure pénale ainsi que le principe ci-dessus rappelé.
Au contraire, dès lors que le placement en garde à vue n'était pas, en l'état des éléments dont disposaient les officiers de police judiciaire (OPJ) ayant décidé d'y recourir, l'unique moyen de garantir la comparution éventuelle du gardé à vue devant le procureur de la République, au terme de ces investigations, la chambre de l'instruction, qui a déclaré nuls les actes établis lors de la garde à vue, a justifié sa décision, au regard des dispositions de l'article 62-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA (Cass. crim., 7 juin 2017, n° 16-87.588, FS-P+B N° Lexbase : A4346WHG).
Il incombe à la chambre de l'instruction de contrôler que la mesure de garde à vue remplit les exigences de l'article 62-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA. Cette dernière dispose, dans l'exercice de ce contrôle, de la faculté de relever un autre critère que celui ou ceux mentionnés par l'officier de police judiciaire (OPJ) (Cass. crim., 28 mars 2017, n° 16-85.018, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6075UMX).
Une autre précision utile est donnée en la matière, par un arrêt de la Chambre criminelle du 20 décembre 2017. Dans cette espèce, la cour d’appel avait écarté, à bon droit, le moyen du demandeur selon lequel le motif de placement en garde à vue, à savoir permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne, était fallacieux, dès lors qu’il n’avait été procédé à aucun acte d’investigation à l’exception des auditions de l’intéressé placé en garde à vue. En effet, pour la Haute juridiction, « une audition est une investigation » et le fait qu’il n’ait été procédé à aucun autre acte d’enquête au cours de la garde à vue ne saurait constituer une cause d’irrégularité de celle-ci (Cass. crim., 20 décembre 2017, n° 16-81.680, FS-D N° Lexbase : A0658W9A).
Enfin, le fait de placer en garde à vue un avocat, venu au commissariat dans le cadre de sa mission d'assistance, et de le soumettre à une fouille et un test d'alcoolémie, excède les impératifs de sécurité et établit une intention étrangère à la finalité d'une garde à vue (CEDH, 23 avril 2015, Req. 26690/11, François c/ France N° Lexbase : A0405NHH).
L’article 63-6 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9886I3K rappelle que les mesures de sécurité ayant pour objet de s’assurer que la personne gardée à vue ne détient aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui, sont définies par arrêté de l’autorité ministérielle compétente. Ces mesures ne peuvent consister en une fouille intégrale.
Lorsqu’il est indispensable pour les nécessités de l’enquête de procéder à des investigations corporelles internes sur une personne gardée à vue, l’article 63-7 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9636IPL prévoit que celles-ci doivent être décidées par un officier de police judiciaire et réalisées dans un espace fermé par une personne de même sexe que la personne faisant l’objet de la fouille. Ces investigations ne peuvent être réalisées que par un médecin requis à cet effet. En outre, la fouille intégrale n’est possible que si la fouille par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique ne peuvent être réalisés.
La personne gardée à vue dispose au cours de son audition des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité (Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC, du 30 juillet 2010 N° Lexbase : A4551E7P ; v. également circulaire du 23 mai 2011 : Circ. DACG, n° 2011-13, du 23 mai 2011, relative à l'application des dispositions relatives à la garde à vue de la loi n° 2011-392, du 14 avril 2011, relative à la garde à vue N° Lexbase : L5261IQW).
L’arrivée du procureur de la République sur les lieux dessaisit l’officier de police judiciaire (OPJ). Le procureur de la République accomplit alors tous les actes de police judiciaire prévus au chapitre I, titre II, livre I, du Code de procédure pénale (C. proc. pén., art. 68 N° Lexbase : L7127A4Q). Il peut aussi prescrire à tout officier de police judiciaire (OPJ) de poursuivre les opérations.
Le procureur de la République assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi de la personne gardée à vue. Il peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée à lui ou remise en liberté. Il va sans dire qu’au cours de l’instruction préparatoire, le juge d’instruction assure le même office. On notera également ici que la mise en œuvre d’une mesure de garde à vue peut également intervenir sur commission rogatoire émanant du juge d’instruction. L’article 14 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7024A4W prévoit en son alinéa 2 que lorsqu’une information judiciaire est ouverte, la police judiciaire exécute les délégations des juridictions d’instruction et défère à leur réquisition. Cet article fait écho aux prévisions de l’article 81 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9490LP8 qui dispose que « si le juge d’instruction est dans l’impossibilité de procéder lui-même à tous les actes d’instruction il peut donner commission rogatoire aux OPJ afin de leur faire exécuter tous les actes d’information nécessaires dans les conditions et sous les réserves prévues aux articles 151 et 152 ». En pratique, la commission rogatoire mentionne la nature de l’infraction, objet des poursuites. Elle est datée et signée par le magistrat qui la délivre et revêtue de son sceau. Elle peut également préciser le délai dans lequel la commission rogatoire doit lui être retournée avec les procès-verbaux dressés pour son exécution par l’OPJ. À défaut, ils devront lui être retournés dans les huit jours suivant la fin des opérations exécutées.
Dès le début de la mesure, l’officier de police judiciaire (OPJ) informe le procureur de la République par tout moyen du placement de la personne en garde à vue. Afin de s’assurer du respect de l’obligation pour l’OPJ d’aviser, dès le début de la mesure, le procureur de la République du placement de la personne en garde à vue, celui-là doit indiquer dans le procès-verbal qu’il dresse l’heure à laquelle il a donné ledit avis (Cass. crim. 6 mars 2024, n° 22-80.895, F-B N° Lexbase : A29612SH). Il s’agit d’une exigence pratique indispensable pour s’assurer de la réalité du respect de la loi.
Il faut souligner que, quelle que soit la qualification de l'infraction retenue à l'issue de l'enquête, il est nécessaire que le procureur de la République ait été informé de la mesure de garde à vue prise à l'encontre du prévenu dès son début, tout retard dans la mise en œuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, lui faisant nécessairement grief (Cass. crim., 16 novembre 2021, n° 21-81.613, F-D [LXB=]). Dans le même sens, l’audition d’une personne gardée à vue pour des faits autres que ceux ayant motivé son placement sous ce régime suppose soit qu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a participé, en tant qu’auteur ou complice, à la commission de l’infraction, soit, si tel n’est pas le cas, que les nécessités de l’enquête l’exigent. Il appartient à l’OPJ d’informer le procureur de la République, dès le début de la mesure, tant des soupçons pesant sur l’intéressé que de la qualification susceptible d’être notifiée à celui-ci. Le défaut d’un tel avis fait nécessairement grief aux intérêts du gardé à vue et entraîne la nullité des procès-verbaux de son audition portant sur les nouveaux faits et des actes subséquents qui trouvent dans cette nullité leur support nécessaire et exclusif (Cass. crim., 30 mars 2021, n° 20-86.407, FS-D N° Lexbase : A47644NR).
L'avis peut résulter d'une télécopie intitulée « billet de garde à vue ». Le 14 avril 2010, la Chambre criminelle a rejeté le pourvoi formé par M. S. contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 16 octobre 2009, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viol aggravé, violences aggravées et vol aggravé, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. En l'espèce, la cour d'appel a écarté l'exception de nullité tirée d'un retard injustifié dans l'avis donné au procureur de la République de la mesure de garde à vue de M.S. Cette décision a été approuvée par la Chambre criminelle. L'information, que l'article 63 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7438LP8 ne soumet à aucune forme, a été donnée dès le début de la garde à vue et a permis au procureur de la République d'exercer son contrôle sur cette mesure, de sorte que la chambre de l'instruction a justifié sa décision, sans encourir les griefs allégués (Cass. crim., 14 avril 2010, n° 10-80.562, F-P+F N° Lexbase : A1838EXD). Aucun texte n'exige que le récépissé de l'envoi par télécopie soit annexé au procès-verbal.
Tout retard dans l'avis délivré non justifié par des circonstances insurmontables fait nécessairement grief à la personne placée en garde à vue. (Cass. crim., 10 mai 2001, n° 01-81.441 N° Lexbase : A5695AT4). Il en est ainsi d'un retard de 2 heures dans la notification des droits non justifié par des circonstances insurmontables (Cass. crim., 31 mai 2007, n° 07-80.928, F-P+F N° Lexbase : A9586DWX). Il a été jugé aussi que la complexité de l'interpellation ne saurait toutefois justifier l’écoulement d’un délai d'1 heure 15 minutes entre l'interpellation d'un individu et l'information du procureur de la République (Cass. crim., 20 mars 2007, n° 06-89.050, F-P+F+I N° Lexbase : A8102DUM). On peut noter également que dans une espèce les « circonstances insurmontables » dont faisait état l’OPJ était la conduite d’une perquisition faisant suite à l’interpellation, circonstance qui a été considérée comme insuffisante par la Chambre criminelle (Cass. crim., 24 mai 2016, n° 16-80.564, FS-P+B N° Lexbase : A0262RR7).
En revanche, il a été jugé que l'information du procureur 3 heures 40 après l'interpellation d'une personne ne lui porte pas atteinte lorsque celle-ci est due à des circonstances insurmontables, tel est le cas si les opérations ont nécessité le transport d'un groupe important de personnes (Cass. civ. 2, 19 février 2004, n° 03-50.025, FS N° Lexbase : A3314DBD). De même, est justifié l'arrêt qui rejette la demande de nullité de la garde à vue alors que, sur instructions de l’OPJ de permanence, l'intéressée lui a été présentée à 3 heures 35, son placement en garde à vue et les droits afférents à cette mesure lui étant notifiés à 3 heures 55, le début de celle-ci étant fixé à 3 heures 05, heure d'interpellation. Le délai de 20 minutes écoulé entre la présentation à l’OPJ et le placement en garde à vue, qui inclut la notification des droits afférents à cette mesure, est justifié compte tenu des circonstances de l'interpellation, de la zone dans laquelle elle a eu lieu et des délais de transport, le procureur de la République ayant été par ailleurs préalablement avisé de la mesure à 3 heures 49 (Cass. crim., 15 octobre 2019, n° 19-82.380, FS-P+B+I N° Lexbase : A1967ZRB ; v. B. Daligaux, Accusez-vous, Lexbase Pénal, décembre 2019, n° 22 N° Lexbase : N1489BYS). Cependant, la défaillance d’un fax n’est pas constitutive de l'existence de circonstances insurmontables (Cass. crim., 19 décembre 2007, n° 07-83.340, FS-D N° Lexbase : A5097E38).
Aujourd’hui, la jurisprudence tend à admettre une information qui aurait été réalisée 25 ou 30 minutes après le début de la garde à vue (Cass. crim., 6 février 2018, n° 17-84.700, F-D N° Lexbase : A6721XCW ; Cass. crim., 20 décembre 2017, n° 17-84.017, F-P+B N° Lexbase : A0735W94).
Il faut également ajouter que la Chambre criminelle a apporté d’utiles précisions s’agissant de l’avis de placement en garde à vue. Elle a en effet estimé que c'est à tort que des juges du fond ont retenu que le procureur de la République du lieu où est exécutée la garde à vue exerce une compétence concurrente avec celui sous la direction duquel l'enquête est menée pour recevoir l'avis de placement en garde à vue, dès lors que l'article 63-9, alinéa 2, du Code de procédure pénale, ne prévoit cette compétence concurrente que pour contrôler et ordonner la prolongation de la garde à vue, alors que l'avis de placement en garde à vue doit être adressé au procureur de la République qui assure la direction de l'enquête. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que cet avis, qui n'est soumis à aucune condition de forme, a été donné sans délai au procureur de la République compétent, la mesure ayant, par ailleurs, été prise conformément à ses instructions (Cass. crim., 13 avril 2023, n° 22-85.907, F-B N° Lexbase : A02329PB).
Il ne saurait être soutenu que le procureur de la République n'a pas été informé des motifs du placement en garde à vue et de la qualification des faits dès lors que cette mesure a été, à l'issue de la retenue douanière dont le prévenu avait initialement fait l'objet, notifiée en exécution des instructions de ce magistrat (Cass. crim., 13 novembre 2013, n° 12-86.951, F-P+B N° Lexbase : A6088KP8).
L’officier de police judiciaire (OPJ) donne connaissance au procureur des motifs justifiant ce placement et l’avise de la qualification des faits qu’il a notifiée à la personne en application du 2°, de l’article 63-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4971K8M.
Le procureur de la République peut modifier cette qualification. Dans cette situation, la nouvelle qualification doit être notifiée à la personne dans les conditions prévues à l’article 63-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4971K8M.
La mention de l’information donnée en application du présent article est portée au procès-verbal de déroulement de la garde à vue.
En application des articles 63-1 N° Lexbase : L4971K8M et 803-6 N° Lexbase : L2753I3D du Code de procédure pénale, un document énonçant ses droits est remis à la personne lors de la notification de sa garde à vue. La circulaire du 23 mai 2014 (Circ. DACG, NOR: JUSD1412016C, du 23 mai 2014, de présentation des dispositions de procédure pénale applicables le 2 juin 2014 de la loi portant transposition de la Directive (UE) n° 2012/13 du Parlement européen et du Conseil N° Lexbase : L4128I3B) précise qu’il est souhaitable que la remise de la déclaration des droits à la personne fasse l’objet d’une mention dans le procès-verbal de notification des droits. La personne gardée à vue est, en outre, autorisée à conserver ce document pendant toute la durée de sa garde à vue.
La Cour de cassation a précisé que l'article 63-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4971K8M dispose que, si la personne ne parle pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète, le cas échéant, après qu'un formulaire lui ait été remis pour son information immédiate, et que la remise du document d'information des droits, s'il ne vaut pas notification, n'est pas optionnelle mais doit être opérée, dès lors que l'interprète n’est pas disponible dans le meilleur délai (Cass. civ. 1, 21 novembre 2012, n° 11-30.458, F-D N° Lexbase : A4913IXA). Il a également été jugé que si c'est à tort que la chambre de l'instruction a énoncé qu'il avait été satisfait aux dispositions de l'article 63-1 par la remise d'un formulaire, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par l'examen du procès-verbal de garde à vue, que les droits dont bénéficiait le demandeur en application dudit article lui ont été notifiés par un OPJ dans les conditions prévues par la loi (Cass. crim., 2 novembre 2016, n° 16-81.716, FS-P+B N° Lexbase : A8965SER). Il faut retenir également qu’il résulte des articles 63-1 et 803-6 du Code de procédure pénale que le formulaire, prévu par ces dispositions et destiné à chaque personne soumise à une mesure de privation de liberté, doit être remis, en cas de placement en garde à vue, lors de la notification des droits inhérents à cette mesure, et n’a pas à l'être préalablement (Cass. crim., 28 octobre 2020, n° 19-85.812, F-P+B+I N° Lexbase : A49423Z3).
En ce qui concerne les ressortissants étrangers, plusieurs modèles de notification des droits existent sur le site internet du ministère de la Justice. Si un tel document n’existe pas dans une langue comprise par la personne celle-ci devra être informée oralement de ses droits dans une langue qu’elle comprend, c’est-à-dire avec l’intervention d’un interprète. Néanmoins, la circulaire du 23 mai 2014 précise qu’il est prévu qu’une version du document dans une langue qu’elle comprend sera ensuite remise à la personne sans retard. Il a été jugé par exemple que toute personne gardée à vue doit être immédiatement informée des droits attachés à cette mesure et que si elle ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète, le cas échéant, après qu'un formulaire lui a été remis pour son information immédiate. Tout retard dans la mise en œuvre de ces obligations, non justifié par des circonstances insurmontables, porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’étranger (Cass. civ. 1, 29 septembre 2021, n° 20-17.036, FS-B N° Lexbase : A053648D).
Dans un arrêt du 6 novembre 2013, la Cour de cassation a précisé que le mineur, conduit par les policiers auprès d'un officier de police judiciaire (OPJ) pour être entendu sur une infraction qu'il était soupçonné d'avoir commise, se trouve nécessairement dans une situation de contrainte et doit bénéficier dès le début de la mesure des droits attachés au placement en garde à vue, prévus par l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174, du 2 février 1945, relative à l'enfance délinquante N° Lexbase : L4662AGR (Cass. crim., 6 novembre 2013, n° 13-84.320, FS-P+B N° Lexbase : A1991KPG), solution toujours applicable sous l’empire du Code de la justice pénale des mineurs.
La personne placée en garde à vue est immédiatement informée de la nature et de la date présumée de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre (Cass. crim., 16 juin 2015, n° 14-87.878, FS-P+B N° Lexbase : A5254NL8). Il est à noter que dans cette affaire, suite à des mains-courantes et à la plainte de son épouse pour des violences, menaces et viols, M. T. a été placé en garde à vue pour violences habituelles sur conjoint et menaces de mort aggravées. Il a renoncé à l'assistance d'un avocat. À l'issue d'une première audition, ses déclarations ultérieures ont été enregistrées sur instruction du parquet sans qu'il lui ait été notifiée une mesure de garde à vue pour les faits de viols aggravés. Mis en examen pour l'ensemble des chefs susvisés, M. T. a présenté une requête en annulation de la procédure aux motifs qu'il n'avait pas été immédiatement informé des faits de nature criminelle dénoncés dans la plainte. Pour rejeter cette requête, la cour d'appel a énoncé qu'après une première audition, qui confortait les accusations de viol de la plaignante jusqu'alors non étayées, les déclarations ultérieures effectuées sans une nouvelle notification de la garde à vue pour viol sont entachées de nullité et que la partie du procès-verbal viciée n'est pas le seul support de la mise en examen de M. T.. Par conséquent, il y a lieu de canceller, dans cet interrogatoire, la seule question faisant référence à l'audition en garde à vue annulée et la réponse apportée par M. T. à cette question. Les juges suprêmes censurent ledit arrêt car en statuant ainsi, alors qu'il existait, dès le début de la garde à vue, une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne faisant l'objet de cette mesure avait également commis un viol ou tenté de le commettre, et que le défaut d'information de cette infraction a porté atteinte aux intérêts de la personne concernée, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 63-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4971K8M dans sa rédaction alors en vigueur et le principe ci-dessus rappelé.
La Chambre criminelle impose également la notification de la circonstance aggravante entraînant une qualification criminelle. En effet, la nature criminelle des infractions de faux et complicité de faux en écriture publique, tenant à la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique, doit être notifiée à la personne mise en examen dès le début de sa garde à vue. Le défaut de notification de cette qualification porte nécessairement atteinte aux intérêts des personnes concernées dès lors que leurs auditions n’ont pas été enregistrées, comme elles auraient dû l’être en application de l’article 64-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L8170ISE (Cass. crim., 29 septembre 2020, n° 20-82.509 N° Lexbase : A41423WC).
Les dispositions de l'article 5, § 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme N° Lexbase : L4786AQC ont pour seul objet d'aviser la personne arrêtée des raisons de sa privation de liberté afin qu'elle puisse en discuter la légalité devant un tribunal, et l'article 6 de la Directive (UE) n° 2012/13, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L3181ITY, prescrit aux États membres de veiller à ce que les personnes arrêtées soient informées de l'acte pénalement sanctionné qu'elles sont soupçonnées d'avoir commis. Toutefois, ce texte précise que les informations détaillées sur l'accusation, notamment sur la nature de leur participation, doivent être communiquées au plus tard au moment où la juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l'accusation et non pas nécessairement dès le stade de l'arrestation, ce dont il résulte que l'article 63-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4971K8M constitue une transposition complète de l'article 6 de ladite Directive (Cass. crim., 4 octobre 2016, n° 16-82.309, FS-P+B+I N° Lexbase : A9343R4S). On rappellera simplement qu’un accès au dossier, plus poussé que dans le cadre de la garde à vue, est prévu à l’article 77-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3214MKA.
La Chambre criminelle a précisé que l'omission, dans la notification à la personne gardée à vue prévue à l'article 63-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4971K8M, d'une partie des faits qu'elle est soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre ne peut entraîner le prononcé d'une nullité que s'il en est résulté pour elle une atteinte effective à ses intérêts et que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer qu'en répondant aux questions des enquêteurs, le demandeur n'a tenu aucun propos par lequel il s'est incriminé (Cass. crim., 2 novembre 2016, n° 16-81.716, FS-P+B N° Lexbase : A8965SER). À cela, il faut ajouter que quand une personne a été placée en garde à vue du chef d'une infraction, l'omission, dans la notification prévue à l'article 63-1 du Code de procédure pénale, d'autres infractions qu'elle est soupçonnée d'avoir commises ou tenté de commettre, emporte l'annulation des seules auditions effectuées pendant la garde à vue lorsqu'il en est résulté pour elle une atteinte effective à ses intérêts, et des actes dont elles sont le support nécessaire (Cass. crim., 31 octobre 2017, n° 17-81.842, FS-P+B N° Lexbase : A8114WXS).
En passant, il doit être précisé que l'état d'ivresse du prévenu, s'il a justifié le report de la notification de ses droits lors de sa garde à vue, faute de lucidité suffisante pour en comprendre le sens et la portée, ne constitue pas, en soi, une cause d'irresponsabilité pénale (Cass. crim., 21 juin 2017, n° 16-84.158, FS-P+B N° Lexbase : A7159WLQ).
Exemple. – Notification de la circonstance aggravante entraînant une qualification criminelle - Cass. crim., 29 septembre 2020, n° 20-82.509, inédit N° Lexbase : A41423WC : la nature criminelle des infractions de faux et complicité de faux en écriture publique, tenant à la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique, doit être notifiée à la personne mise en examen dès le début de sa garde à vue. Le défaut de notification de cette qualification porte nécessairement atteinte aux intérêts des personnes concernées dès lors que leurs auditions n’ont pas été enregistrées, comme elles auraient dû l’être en application de l’article 64-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L8170ISE. |
Il faut savoir que l’absence de mention, au dossier de la procédure, des raisons pour lesquelles l’avis à famille du gardé à vue a été différé n’est susceptible de constituer une cause nullité que s’il est démontré que cela a porté une atteinte effective à ses intérêts (Cass. crim., 7 février 2024, n° 22-87.426, F-B N° Lexbase : A66192KD).
Dans le cas particulier du mineur suspect, l’article L. 413-7 du Code de la justice pénale des mineurs N° Lexbase : L2990L8A dispose que : « Après avoir avisé le procureur de la République ou le juge d'instruction du placement en garde à vue du mineur, l'OPJ en informe les représentants légaux et la personne ou le service auquel le mineur est confié.
Il ne peut être dérogé aux dispositions de l'alinéa précédent que pour permettre le recueil ou la conservation des preuves ou pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne, sur décision du procureur de la République ou du juge d'instruction prise au regard des circonstances de l'espèce, et pour la durée que le magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures ou, lorsque la garde à vue ne peut faire l'objet d'une prolongation, douze heures.
Les représentants légaux sont informés du droit du mineur à être assisté par un avocat ».
La Chambre criminelle a précisé que lors du placement en garde à vue d'un mineur, l’OPJ doit informer de cette mesure les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur. En revanche, il n'appartient pas au mineur de désigner la personne responsable du foyer dans lequel il se trouve placé. La personne responsable du foyer peut d'autant moins être désignée comme représentant légal du mineur qu'elle est la victime présumée de ce dernier et de ses violences, puisque cela ne garantit pas la conduite d'une procédure respectueuse des intérêts contraires en présence. L'irrégularité de cette information fait nécessairement grief au mineur dès lors que la formalité a pour finalité de permettre à la personne désignée d'assister le mineur dans ses choix de personne gardée à vue dans le seul intérêt de sa défense (Cass. crim., 17 juin 2020, n° 20-80.065, F-P+B+I N° Lexbase : A71323NH).
S’agissant de ces dispositions légales, la cour d’appel de Paris a également précisé que si elles ne sont pas prescrites à peine de nullité, l'information du représentant légal ou de l'adulte approprié le substituant du placement d'un mineur en garde à vue constitue une formalité substantielle et non purement formelle. Le non-respect de cette formalité expressément prévue par le législateur fait nécessairement grief au mineur en ce que cette formalité a pour finalité de permettre à l'adulte désigné – représentant légal ou adulte approprié – d'assister le mineur dans ses choix de personne gardée à vue, dans l'intérêt de sa défense, et ce, indépendamment de son assistance (CA Paris, 11-1, 23 novembre 2023, n° 23/04684 N° Lexbase : A17011ZZ).
D’un point de vue plus spécifique encore, le tribunal judiciaire de Paris a estimé qu’en l'absence d'actes d'enquête tendant au recueil ou à la conservation de preuves entre la notification de placement en garde à vue d'un mineur et l'avis différé à ses représentants légaux, ou bien au service ou à la personne désigné(e) par lui, cet avis différé, même autorisé par le procureur de la République, est illégal et engendre la nullité de la garde à vue (TJ Paris, 6 janvier 2023, n° 22287000760).
Pour en revenir au cas du majeur placé en garde à vue, il peut en outre faire prévenir son employeur.
À cet égard, la Chambre criminelle a précisé que le prononcé d'une annulation fondée sur la méconnaissance des dispositions de l'article 63-2 du Code de procédure pénale suppose N° Lexbase : L2087MMA, en application des articles 171 N° Lexbase : L3540AZ7 et 802N° Lexbase : L4265AZY du même code, la démonstration par le demandeur d'un grief. Ce grief ne peut être établi, en ce qui concerne l'absence d'avis donné à l'employeur, ou la tardiveté de cet avis, que lorsque ces circonstances ont empêché ou gêné l'exercice du droit à l'assistance d'un avocat (Cass. crim., 26 juin 2024, n° 23-84.154, F-B N° Lexbase : A12485LS).
Enfin, lorsque la personne gardée à vue est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays.
Sauf en cas de circonstances insurmontables, qui doivent être mentionnées au procès-verbal, les diligences incombant aux enquêteurs afin de prévenir un proche du gardé à vue, doivent intervenir au plus tard dans un délai de 3 heures à compter du moment où la personne a formulé la demande.
Le procureur de la République peut, à la demande de l’officier de police judiciaire (OPJ), décider que cet avis sera différé ou ne sera pas délivré, si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou l’intégrité physique d’une personne.
Si la garde à vue est prolongée au-delà de 48 heures, le report de l’avis peut être maintenu, pour les mêmes raisons par le juge des libertés et de la détention (JLD) ou le juge d’instruction, sauf lorsque l’avis concerne les autorités consulaires. Si la demande de communication concerne les autorités consulaires, l’officier de police judiciaire (OPJ) ne peut pas s’y opposer au-delà de la 48e heure de la garde à vue.
Par ailleurs, en application de l’article 63-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6530MGX, l’officier de police judiciaire (OPJ) peut également autoriser la personne en garde à vue qui en fait la demande à communiquer par écrit, par téléphone ou lors d’un entretien avec l’un des tiers ci-dessus mentionnés s’il lui apparaît que cette communication n’est pas incompatible avec les objectifs mentionnés à l’article 62-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA et qu’elle ne risque pas de permettre une infraction.
Afin d'assurer le bon ordre, la sûreté et la sécurité des locaux dans lesquels s’effectue la garde à vue, c'est à l’officier ou l’agent de police judiciaire de déterminer le moment venu, les modalités et la durée de cette communication, qui ne peut excéder 30 minutes et intervient sous son contrôle, le cas échéant, en sa présence ou en la présence d’une personne qu’il désigne.
On notera aussi que la demande de communication avec un tiers est refusée s’agissant des personnes dont il aura été préalablement décidé, qu’elles ne pouvaient être avisées de la garde à vue. On pense notamment ici aux événtuels coauteurs ou complices.
Il faut citer, à titre d’exemple, un arrêt de la Chambre criminelle par lequel elle a validé l’arrêt d’une chambre de l’instruction ayant considéré qu’il avait été satisfait aux dispositions de l’article 63-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6530MGX dans une espèce où l'officier de police judiciaire (OPJ) s’était référé au procureur de la République moins d'1 heure 15 minutes après le placement en garde à vue de l'intéressé, et dans laquelle le magistrat avait pris sa décision avant l'expiration du délai de 3 heures prévu au 3e alinéa de l'article 63-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6530MGX (Cass. crim., 31 octobre 2017, n° 17-80.872, F-P+B N° Lexbase : A8110WXN).
L’article L. 413-8 du Code de la justice pénale des mineurs N° Lexbase : L2989L89 est davantage protecteur. En effet, dès le début de la garde à vue d'un mineur de moins de seize ans, le procureur de la République ou le juge d'instruction désigne un médecin qui examine le mineur dans les conditions prévues par l'article 63-3 du Code de procédure pénale. Lorsqu'un mineur d'au moins seize ans est placé en garde à vue, il est informé de son droit de demander un examen médical conformément aux dispositions de l'article 63-3 du Code de procédure pénale. Ses représentants légaux sont avisés de leur droit de demander un examen médical lorsqu'ils sont informés de la garde à vue. L'avocat du mineur peut également demander que celui-ci fasse l'objet d'un examen médical.
Après avoir rappelé que l’examen médical du mineur de treize à seize ans dès le début de la garde à vue est obligatoire, le tribunal judiciaire de Paris a précisé qu’est donc recevable l’exception de nullité sur l’absence de cet examen médical s’agissant d’un mineur de seize ans, constatant qu’il n’a pas été satisfait aux dispositions de l’article L. 413-8 du Code de la justice pénale des mineurs sans justifier d’une quelconque circonstance insurmontable qui aurait empêché cet examen (TJ Paris, 20 juillet 2023, n° 22041000544).
En cas de prolongation, la personne gardée à vue peut demander à être examinée une seconde fois. Le médecin se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue et procède à toute constatation utile.
Sauf en cas de circonstances insurmontables, les diligences incombant aux enquêteurs doivent intervenir au plus tard dans un délai de 3 heures à compter du moment où la personne a formulé la demande. Sauf décision contraire du médecin, l’examen médical doit être pratiqué à l’abri du regard et de toute écoute extérieure afin de permettre le respect de la dignité et du secret professionnel. Cela permet également d’éviter que le médecin subisse une quelconque pression extérieure, ce qui renforce la protection du suspect.
À tout moment, le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire peut d’office désigner un médecin pour examiner la personne gardée à vue.
En l’absence de demande de la personne gardée à vue, du procureur de la République ou de l’officier de police judiciaire (OPJ), un examen médical est de droit si un membre de sa famille ou la personne prévenue en application du premier alinéa du I de l’article 63-2 N° Lexbase : L2087MMA le demande. Le médecin est désigné par le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire. Le médecin examine sans délai la personne gardée à vue, le certificat médical est versé au dossier.
Bien que peu utilisée, cette disposition est essentielle lorsque la personne connaît des problèmes de santé avant ou au cours de la garde à vue. Les proches peuvent agir dès qu’ils sont informés de la mesure pour solliciter cet examen et évoquer dans un écrit adressé au procureur de la République la situation médicale de la personne.
La poursuite de la garde à vue d'une personne dans des conditions qui sont, selon le constat médical, incompatibles avec son état de santé porte nécessairement atteinte à ses intérêts.
Tel est le principe rappelé par la Chambre criminelle dans une arrêt rendu le 27 octobre 2009. Elle a ainsi censuré l’arrêt d’une chambre de l’instruction qui, pour rejeter la requête en nullité en raison de l’incompatibilité de la mesure avec l’état de santé de la personne gardée à vue, retenait qu’aucune atteinte n’avait été portée aux intérêts du prévenu. Celle-ci relevait que l’avocat de l’intéressé n’avait formulé aucune observation après l’établissement du certificat médical ou encore que le prévenu ne s’était pas plaint de son état de santé au cours de sa garde à vue et lors de son interrogatoire de première comparution devant le juge d’instruction (Cass. crim., 27 octobre 2009, n° 09-82.505, F-P+F N° Lexbase : A6197EMH).
En revanche, la personne mise en examen, qui n'a, à aucun moment, sollicité durant sa garde à vue un examen médical, ne saurait invoquer le non-respect du délai de 3 heures, fixé par l'article 63-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6531MGY, lequel n'est applicable qu'en cas de demande formulée par la personne gardée à vue (Cass. crim., 25 mai 2016, n° 16-80.379, F-P+B N° Lexbase : A0204RRY).
Par ailleurs, même si la personne concernée n'a pas bénéficié du soutien psychiatrique qu'il était conseillé de lui apporter, sa garde à vue n'a pas été pour autant irrégulière, le médecin n'ayant pas subordonné la poursuite de cette mesure privative de liberté à l'examen par un psychiatre (Cass. crim., 30 mars 2016, n° 15-86.195, FS-D N° Lexbase : A1584RBB).
Pour illustration, on peut souligner que justifie sa décision la chambre de l'instruction qui, pour écarter l'exception tirée d'une incompatibilité de la garde à vue et des auditions avec l'état de santé du requérant, relève que, cette incompatibilité ayant été constatée, l'intéressé a été hospitalisé pour une intervention chirurgicale et qu'après celle-ci, lorsque le service des urgences lui a indiqué qu'il pouvait être entendu, un OPJ lui a notifié ses droits sans qu'il ne formule de demande d'examen médical (Cass. crim., 11 juillet 2012, n° 12-82.136, F-P+B N° Lexbase : A8079IQB).
Ce principe est d'application immédiate depuis le 15 avril 2011 (Cass. ass. plén., 15 avril 2011, n° 10-17.049, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5043HN4 ; Cass. ass. plén., 15 avril 2011, n° 10-30.242, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5044HN7 ; Cass. ass. plén., 15 avril 2011, n° 10-30.313, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5050HND ; Cass. ass. plén., 15 avril 2011, n° 10-30.316, publié au bulletin N° Lexbase : A5045HN8 ; Cass. crim., 31 mai 2011, n° 10-80.034, F-P+B+R+I N° Lexbase : A9408HSA ; Cass. crim., 31 mai 2011, n° 10-88.293, F-P+B+R+I N° Lexbase : A9409HSB ; Cass. crim., 31 mai 2011, n° 10-88.809, F-P+B+R+I N° Lexbase : A9410HSC ; Cass. crim., 31 mai 2011, n° 11-81.412, F-P+B+R+I N° Lexbase : A9411HSD).
En application de l'article 63-3-1, alinéa 1er, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6532MGZ, dès le début de la garde à vue et à tout moment au cours de celle-ci, la personne peut demander à être assistée d’un avocat désigné par elle ou commis d’office. Se pose donc la question pratique des modalités de désignation de l'avocat.
Si la personne n'est pas en mesure de désigner un avocat ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le Bâtonnier (C. proc. pén., art. 63-3-1 N° Lexbase : L6532MGZ).
Il faut noter que l’article 63-3-1 du Code de procédure pénale ne fixe pas les modalités de l'information de l'avocat choisi par la personne placée en garde à vue. Par conséquent, justifie sa décision que l’avocate choisie a été régulièrement désignée, la chambre de l'instruction qui constate qu’elle a été jointe par l'intermédiaire de la permanence de son barreau, selon les dispositions de la convention conclue avec ce barreau (Cass. crim., 13 février 2024, n° 23-80.497, FS-B N° Lexbase : A19202M3).
Une évolution notable a été apportée par la loi n° 2024-364, du 22 avril 2024, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole N° Lexbase : L1795MMG. Le nouvel alinéa 4 de l’article 63-3-1 du Code de procédure pénale dispose que : « Si l'avocat désigné dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas de cet article ne peut être contacté ou déclare ne pas pouvoir se présenter dans un délai de 2 heures à compter de l'avis qui lui a été adressé ou si la personne gardée à vue a demandé à être assistée par un avocat commis d'office, l’officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l’agent de police judiciaire ou l'assistant d'enquête saisit sans délai et par tous moyens le bâtonnier aux fins de désignation d'un avocat commis d'office. Il en informe la personne gardée à vue ». L’alinéa 5 précise que la même procédure est applicable si l'avocat désigné ne s'est pas présenté après l'expiration du délai de deux heures.
Il faut rappeler que ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er juillet 2024. Un auteur a justement remarqué que « même si le délai de carence ne permet plus de restreindre le droit à l'assistance par un avocat, il est devenu une limite au libre choix du défendeur, en permettant d'écarter l'avocat choisi au profit d'un avocat commis d'office. La même règle s'applique lorsque l'avocat désigné ne peut pas être contacté » (T. Scherer, Dispositions pénales de la loi d'adaptation au droit de l'Union européenne : une bombe à retardement ?, Dalloz actualité, 3 mai 2024). S’agissant de la réception de ces nouvelles dispositions, elle est variable. Si du côté de la défense, l’heure est davantage aux réjouissances avec cette spécificité de la garde à vue « à la française » (sur les éléments de droit comparé, v. l’étude d’impact du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole rendu, en date du 14 novembre 2023, p. 270, 1.4.), du côté des enquêteurs de police judiciaires et des magistrats, le mécontentement ou, à tout le moins, la réserve est de mise. Les nouvelles dispositions soulèvent des difficultés pratiques. On peut en mentionner ici quelques-unes : la charge de travail des enquêteurs et des magistrats n’est-elle pas excessivement alourdie ? Est-ce que l’efficacité globale de la garde à vue, et par extension de l’enquête, sera renforcée ? Les droits de la défense bénéficient-ils d’un réel progrès ? Qu’en sera-t-il du contentieux des nullités qui est complètement passé sous silence ? On notera que l’étude d’impact du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole rendu , en date du 14 novembre 2023 a indiqué que : « La suppression du délai de carence est susceptible d’avoir un impact sur le déroulement des enquêtes, dont les auditions réalisées en garde à vue constituent des actes essentiels, dès lors que ces auditions ne pourront débuter hors la présence de l’avocat, sauf exceptions ou renonciation expresse de la personne gardée à vue. Il semble cependant que les impacts liés à l’impossibilité de procéder à l’audition en cas de carence de l’avocat initialement contacté pourront être limités par la désignation d’un avocat commis d’office, laquelle sera susceptible d’augmenter la charge administrative et procédurale reposant sur les services enquêteurs ». Pour répondre à l’une des questions soulevées précédemment, cette étude affirme clairement que : « La présente réforme entraîne un renforcement du droit d’accès à un avocat de la personne gardée à vue en ce qu’elle améliore l’effectivité de l’exercice de ce droit ». Pour avoir une réponse concrète aux autres, il faudra certainement attendre les retours de terrain. En attendant, la circulaire d’application du 14 juin 2024 (circulaire DACG, n° 2024-7, du 14 juin 2024, de présentation des dispositions de procédure pénale des articles 32 et 33 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (DDADUE) N° Lexbase : L7307MML) apporte des précisions utiles.
Il a été jugé que la simple mention « désire un avocat commis d'office » suffit à établir la réalité de l'information délivrée par les officiers de police judiciaire (OPJ) (Cass. crim., 18 juin 2008, n° 08-82.356, F-D N° Lexbase : A5413EB4).
L'avocat peut également être désigné par la ou les personnes prévenues en application du premier alinéa du I de l'article 63-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6530MGX. Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne gardée à vue. Cette désignation par un proche doit corrélativement lui être aussitôt notifiée afin qu'elle puisse la confirmer (Cass. crim., 4 octobre 2016, n° 16-81.778, FS-P+B N° Lexbase : A4347R77). La loi du 22 avril 2024 a consacré cette solution jurisprudentielle à l’article 63-3-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale.
La Chambre criminelle a précisé que le père de la gardée à vue est irrecevable à désigner un avocat pour assister sa fille, dès lors que celle-ci a demandé que sa mère, et non son père, soit prévenue de la mesure prise à son égard, en application de l'article 63-2, I, alinéa 1er, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2087MMA (Cass. crim., 19 octobre 2021, n° 21-81.569, F-B N° Lexbase : A523149M).
L'avocat désigné est informé par l'OPJ ou, sous le contrôle de celui-ci, par un APJ ou un assistant d'enquête de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête. Il accomplit les diligences requises pour se présenter sans retard indu.
Dans tous les cas, il appartient à l'officier de police judiciaire (OPJ) de prendre contact « par tous moyens et sans délai » avec l'avocat désigné par le gardé à vue ou d'informer le Bâtonnier de la demande de commission d'un avocat d'office (Cass. crim., 9 mai 1994, n° 94-80.802 N° Lexbase : A8711ABA) ; confirmé par Cass. crim., 13 février 1996, n° 95-85.676 N° Lexbase : A9276AB8). Il a notamment été jugé que le délai d'1 heure s'écoulant entre la demande du gardé à vue et l'information donnée au service de permanence des avocats viole ce droit à un avocat (Cass. crim., 6 décembre 2005, n° 04-50.139, F-P+B N° Lexbase : A9293DLR).
La logique de l'assistance retenue par le législateur avec la loi n° 2011-392, du 14 avril 2011, relative à la garde à vue N° Lexbase : L9584IPN conduit à abandonner l'ancienne jurisprudence retenant à la charge de l'officier de police judiciaire (OPJ) une simple obligation de moyen consistant seulement à contacter l'avocat désigné sans pour autant être tenu d'obtenir le déplacement effectif de l'avocat choisi ou commis d'office.
Il est important de retenir que les auditions recueillies postérieurement au moment où le gardé à vue a sollicité l'assistance d'un avocat sont irrégulières (Cass. crim., 5 novembre 2013, n° 13-82.682, F-P+B N° Lexbase : A2248KPX).
La décision prise collectivement par un barreau de suspendre toute participation des avocats au service des commissions d'office constitue une circonstance insurmontable de nature à empêcher l'assistance du gardé à vue par un avocat (Cass. crim., 9 février 2016, n° 15-84.277, F-P+B N° Lexbase : A0448PL8).
Par ailleurs, lorsqu’au cours de la garde à vue l’avocat du suspect a sciemment fait le choix de partir, alors que la confrontation n'était pas terminée et que les enquêteurs n'ont en aucun cas fait obstacle à l'assistance de la personne gardée à vue par un avocat, il n’y a pas de méconnaissance du droit à cette assistance. En effet, selon la Chambre criminelle, la nécessité de procéder aux actes d'enquête utiles à la manifestation de la vérité permet de poursuivre le déroulement de la confrontation, auquel le comportement de l'avocat ne peut faire obstacle, et que la notification du droit de garder le silence, régulièrement faite lors du placement en garde à vue, n'a pas à être renouvelée (Cass. crim., 26 juin 2024, n° 23-86.945, F-B N° Lexbase : A12375LE).
S'il constate un conflit d'intérêts, l'avocat fait demander la désignation d'un autre avocat. En cas de divergence d'appréciation entre l'avocat et l'officier de police judiciaire (OPJ) ou le procureur de la République sur l'existence d'un conflit d'intérêts, l'officier de police judiciaire (OPJ) ou le procureur de la République saisit le Bâtonnier qui peut désigner un autre défenseur.
Le procureur de la République, saisi d'office ou saisi par l'officier de police judiciaire (OPJ) ou l'agent de police judiciaire (APJ), peut également saisir le Bâtonnier afin qu'il soit désigné plusieurs avocats lorsqu'il est nécessaire de procéder à l'audition simultanée de plusieurs personnes placées en garde à vue.
Dès lors que la personne gardée à vue a accepté, faute d'avoir pu être assistée par l'avocat désigné, d'en choisir un autre, elle ne saurait invoquer une quelconque irrégularité (Cass. crim., 3 juin 2008, n° 08-81.771, F-P+F N° Lexbase : A0670D9P).
Le refus d'informer l'avocat choisi porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée (Cass. crim., 21 octobre 2015, n° 15-81.032, F-P+B+I N° Lexbase : A7680NTM).
En outre le choix d’un défenseur doit être libre. Aux termes d'une décision rendue le 17 février 2012, le Conseil constitutionnel a censuré l'article 706-88-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9641IPR qui limitait la liberté de choix du gardé à vue en matière de terrorisme en prévoyant une liste d'avocats habilités à intervenir et parmi lesquels un magistrat aurait pu choisir un défenseur à la place de la personne mise en cause. Par la suite, un décret n° 2012-476 N° Lexbase : L7756IS3 a été publié le 13 avril 2012, afin d’abroger le décret du 14 novembre 2011 relatif à la désignation des avocats pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme.
On peut noter enfin qu’il appartient à la chambre de l’instruction de vérifier si la personne présente sur les images de l'enregistrement audiovisuel de la garde à vue, au besoin au moyen d'un supplément d'information, n'était pas, malgré l'absence de mention du procès-verbal à cet égard, l'avocat de la personne gardée à vue (Cass. crim., 12 avril 2016, n° 15-86.802, F-D N° Lexbase : A7034RID).
L’article 63-4 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9746IPN prévoit que l’avocat désigné dans les conditions à l’article 63-3-1 N° Lexbase : L6532MGZ peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien. La durée de l’entretien ne peut excéder 30 minutes.
En application de l’article 63-4-4 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9633IPH, sans préjudice de l’exercice des droits de la défense, l’avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu’il assiste, ni des informations qu’il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions ou confrontations. Il s’agit d’un rappel circonstancié du secret de la mise en état du procès pénal.
Lorsque la garde à vue fait l’objet d’une prolongation, la personne peut, à sa demande, s’entretenir à nouveau avec un avocat dès le début de la prolongation, dans les conditions et pour la durée prévue aux deux premiers alinéas.
En pratique, il est important que le défenseur s’assure de ce que la personne placée en garde à vue soit désentravée lors de cet entretien. L’objectif de l'entretien de 30 minutes est d’abord d’informer la personne de ses droits, de lui expliquer le déroulement de la garde à vue, d’aborder les faits, l’opportunité du droit au silence et, enfin, de lui expliquer en pratique le déroulement d’une audition et l’attitude à adopter.
La Chambre criminelle a précisé que la personne gardée à vue entendue dans le cadre d’une procédure suivie du chef d’une infraction autre que celle ayant justifié son placement en garde à vue et à l’encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre cette infraction doit bénéficier, après avoir été informée de son droit à l’assistance d’un avocat et si elle a déclaré vouloir l’exercer, du droit de communiquer avec celui-ci lors d’un entretien confidentiel, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes, avant toute audition sur les nouveaux faits. De plus, le fait que, d'une part, l'avocat n'ait pas expressément demandé à s'entretenir confidentiellement avec son client et, d'autre part, que celui-ci, en présence de son avocat, ait accepté d'être entendu sur les nouveaux faits sans entretien préalable, ne peut être interprété comme une renonciation tacite au bénéfice de ce droit (Cass. crim., 2 mars 2021, n° 20-85.491, FS-P+I N° Lexbase : A49974IW).
Dans ce cas, elle ne peut être entendue sur les faits sans la présence de l'avocat choisi ou commis d'office, sauf renonciation expresse de sa part mentionnée au procès-verbal. La loi n° 2024-364, du 22 avril 2024 N° Lexbase : L1795MMG, a en effet supprimé la faculté ouverte au procureur de la République par l’ancien alinéa 3, de l’article 63-4-2, d’autoriser que l’audition débute, sans attendre l’arrivée du conseil, « lorsque les nécessités de l’enquête l’exigent ».
Plus précisément, l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale dispose désormais que :
« La personne gardée à vue peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations. Dans ce cas, elle ne peut être entendue sur les faits sans la présence de l'avocat choisi ou commis d'office, sauf renonciation expresse de sa part mentionnée au procès-verbal. Au cours des auditions ou confrontations, l'avocat peut prendre des notes.
« À titre exceptionnel, sur demande de l'OPJ, le procureur de la République ou le JLD, selon les distinctions prévues par l'alinéa suivant, peut autoriser, par décision écrite et motivée, le report de présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale, soit pour prévenir une atteinte grave et imminente à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne.
« Le procureur de la République ne peut différer la présence de l'avocat que pendant une durée maximale de douze heures. Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le JLD peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l'avocat, au-delà de la douzième heure, jusqu'à la vingt-quatrième heure. Les autorisations du procureur de la République et du JLD sont écrites et motivées par référence aux conditions prévues à l'alinéa précédent au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l'espèce.
« Lorsque, conformément aux dispositions des deux alinéas qui précèdent, le procureur de la République ou le JLD a autorisé à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, il peut également, dans les conditions et selon les modalités prévues par ces mêmes alinéas, décider que l'avocat ne peut, pour une durée identique, consulter les procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue ».
S’agissant des modalités de mise en œuvre de ces nouvelles dispositions, la circulaire d’application du 14 juin 2024 (circulaire DACG, n° 2024-7, du 14 juin 2024, de présentation des dispositions de procédure pénale des articles 32 et 33 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (DDADUE) N° Lexbase : L7307MML) apporte des précisions utiles.
Concernant la suppression du délai de carence, la circulaire précise que : « Lorsque la personne gardée à vue a désigné un avocat ou a demandé à ce qu’il lui en soit commis un d’office, la première audition sur les faits ne peut débuter hors la présence de ce dernier. A contrario, il demeure possible de l’entendre sur ses éléments d’identité ». Concernant la possibilité de maintenir la faculté offerte au procureur de la République d’autoriser l’audition de la personne gardée à vue hors la présence de son avocat, dans certaines circonstances et sous certaines conditions, elle précise que dans les hypothèses visées par le texte de loi, « il conviendra d’aviser immédiatement la personne gardée à vue de l'arrivée de son avocat et de sa possibilité de s’entretenir avec lui, y compris si une audition ou une confrontation est en cours (C. proc. pén., art. 63-4-2-1, al.2 N° Lexbase : L2093MMH), ainsi que de permettre à l’avocat de consulter les procès-verbaux des auditions et confrontations de la personne qu’il assiste réalisées hors sa présence (C. proc. pén., art. 63-4-1 N° Lexbase : L2091MME) ».
Il faut également mentionner ici l’article 61-3 du même code N° Lexbase : L2775LBE qui dispose que :
« Toute personne à l'égard de laquelle existent une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a participé, en tant qu'auteur ou complice, à la commission d'un crime ou d'un délit puni d'emprisonnement peut demander qu'un avocat de son choix ou, si elle n'est pas en mesure d'en désigner un, qu'un avocat commis d'office par le bâtonnier :
1° L'assiste lorsqu'elle participe à une opération de reconstitution de l'infraction ;
2° Soit présent lors d'une séance d'identification des suspects dont elle fait partie.
La personne est informée de ce droit avant qu'il soit procédé à ces opérations.
L'avocat désigné peut, à l'issue des opérations, présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure. Il peut directement adresser ces observations ou copie de celles-ci au procureur de la République.
Lorsque la victime ou le plaignant participe à ces opérations, un avocat peut également l'assister dans les conditions prévues à l'article 61-2 ».
La Chambre criminelle a eu l’occasion de juger que doit être cassé l'arrêt de la chambre de l'instruction rejetant une requête en nullité de procédure alors que, d’une part, après une première identification en présence de l'avocat de la personne gardée à vue, une seconde présentation à la victime s'était déroulée en l’absence de sonavocat, en méconnaissance des dispositions de l'article 61-3 du Code de procédure pénale, et que, d'autre part, les circonstances de la présentation, telles que transcrites au seul procès-verbal rédigé d'initiative par les enquêteurs, étaient manifestement inexactes (Cass. crim., 28 septembre 2022, n° 20-86.054, F-B N° Lexbase : A38458MD). Elle a également précisé que le droit de demander qu’un avocat soit présent lors d'une séance d'identification de suspects dont la personne fait partie ne s'étend pas, s'agissant d'un acte distinct, à l'audition des témoins qui fait suite à cette séance (Cass. crim., 19 septembre 2023, n° 23-81.285, F-B N° Lexbase : A28701HR).
Par ailleurs, selon la Chambre criminelle, aucune disposition légale ne prévoit la présence d’un avocat lors de l’exploitation d’un téléphone portable par un OPJ, laquelle est assimilable à une perquisition. Ne constitue pas une audition, au sens de l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2092MMG, nécessitant la présence de l’avocat de la personne gardée à vue, la communication, à un OPJ, sur sa sollicitation, du code d’accès d’un téléphone portable, pour les besoins d’une perquisition (Cass. crim., 12 janvier 2021, n° 20-84.045, F-P+B+I N° Lexbase : A96684BP).
L’avocat désigné est informé par l’officier de police judiciaire (OPJ) ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire (APJ) de la nature et de la date présumée de l’infraction sur laquelle porte l’enquête.
L’article 63-4-3-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7436LP4 prévoit que si la personne gardée à vue est transportée sur un autre lieu où elle doit être entendue ou faire l’objet d’un des actes prévus à l’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN, son avocat en est informé sans délai.
Dans deux arrêts importants, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé les modalités de mise en œuvre du droit à l'assistance d'un avocat durant la garde à vue.
Dans la première affaire la Chambre criminelle a indiqué, sur le fondement de l'article 6, § 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme N° Lexbase : L7558AIR que toute personne placée en garde à vue, doit pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat dès qu'elle en fait la demande. Dès lors, est censurée la décision des juges du fond validant la régularité de la garde à vue d’une personne auditionnée sans son avocat bien qu’ayant sollicité, après le renouvellement de la mesure, l’assistance d’un conseil (Cass. crim., 14 décembre 2011, n° 11-81.329, F-P+B N° Lexbase : A8102IAC).
Il en résulte que les auditions recueillies postérieurement au moment où un prévenu a sollicité la présence d'un avocat sont irrégulières, qu'il appartient aux juges du fond de les annuler et le cas échéant, d'étendre les effets de cette annulation aux actes qui en étaient le support nécessaire.
À noter. – En l'espèce, dans une enquête ouverte à la suite de la plainte de son employeur pour abus de confiance, Mme C. a été placée en garde à vue. Son droit à l'assistance d'un avocat lui a aussitôt été notifié ainsi que lors du renouvellement de cette mesure. À ces deux moments, elle a renoncé à ce droit. Cependant, postérieurement à la prolongation de sa garde à vue, elle a, confrontée aux charges réunies à son encontre, déclaré aux enquêteurs qu'elle ne s'exprimerait qu'après avoir demandé conseil et avis à son avocat. Néanmoins, son audition a été poursuivie et la cour d'appel a rejeté sa demande d'annulation de la procédure d'enquête. Saisie d'un pourvoi, la Cour de cassation a censuré l'arrêt des juges du fond (Cass. crim., 14 décembre 2011, n° 11-81.329, F-P+B N° Lexbase : A8102IAC). |
S’agissant de la renonciation à l'assistance d'un avocat, si toute personne placée en garde à vue doit pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat dès qu'elle en fait la demande, elle doit corrélativement demeurer libre de refuser l'assistance d'un défenseur, le juge devant alors s'assurer, au vu des circonstances de la cause, que cette renonciation a bien été voulue et non subie. Tel est le premier enseignement dispensé par la Chambre criminelle dans son arrêt du 17 janvier 2012. Cette renonciation doit être libre et non équivoque (Cass. crim. 31 mai 2011, n° 11-81.412, F-P+B+R+I N° Lexbase : A9411HSD ; Cass. crim., 5 octobre 2011, n° 11-84.050, F-D N° Lexbase : A8816HZK).
Il n'y a pas violation de l'article 6, § 1 et 3, c), de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L7558AIR (droit à un procès équitable et droit à l'assistance d'un défenseur de son choix), dès lors que le droit de l'accusé à se défendre lui-même ou par le biais d'une assistance juridique n'a pas été restreint d'une manière qui aurait compromis l'équité globale de son procès ; l’intéressé ayant refusé, par deux fois, l'assistance d'avocats commis d'office (CEDH, 6 octobre 2016, Req. 37364/05, Jemeljanovs c/ Lettonie).
Pour illustrer mieux cette appréciation du caractère globalement équitable de la procédure, on peut citer l’arrêt Beuze contre Belgique (CEDH, 9 novembre 2018, Req. 71409/10, Beuze c/ Belgique N° Lexbase : A6428YKB ; v. not. aussi CEDH, 11 juillet 2019, Req. 30828/13, Bloise c/ France N° Lexbase : A5427ZIT ; CEDH, 11 juillet 2019, Req. 62313/12, Olivieri c/ France N° Lexbase : A5429ZIW ; CEDH, 24 avril 2024, arrêts de comité : Req. 78630/17, Paresseux c/ France, Req. 29248/18, Besançon c/ France, Req. 78465/16, Guelain dit Yezeguelain c/ France, et Req. 21764/16, Monteil et Boiche c/ France). Rappelant le caractère très strict du contrôle auquel elle doit procéder en l’absence de raisons impérieuses justifiant la restriction du droit d’accès, la CEDH a estimé que la procédure pénale menée à l’égard du requérant, considérée dans son ensemble, n’a pas permis de remédier aux lacunes procédurales survenues durant la phase préalable au procès, parmi lesquelles les suivantes apparaissaient particulièrement importantes :
Au contraire, sont irrégulières les déclarations qui ont fondé la culpabilité de la personne gardée, par lesquelles la personne a contribué à sa propre incrimination, sans être assistée d'un avocat puis s'est rétractée (Cass. crim., 11 mai 2011, n° 10-84.251, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A1160HRE).
En revanche, la culpabilité d'une personne reposant sur des motifs qui ne sont fondés ni exclusivement, ni essentiellement sur les déclarations recueillies lors d'une garde à vue intervenue sans l'assistance d'un avocat, n'est pas contraire aux dispositions de l'article 6, § 3, de CESDH N° Lexbase : L7558AIR (Cass. crim., 6 décembre 2011, n° 11-80.326, F+P+B N° Lexbase : A1836H4R ; dans le même sens, Cass. crim., 7 février 2012, n° 11-83.676, FS-P+B+I N° Lexbase : A2214ICY).
Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le juge des libertés et de la détention (JLD) peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l’avocat, au-delà de la 12e heure, jusqu’à la 24e heure.
Les autorisations du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention (JLD) sont écrites et motivées au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l’espèce.
Lorsque le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention (JLD) a donné son autorisation pour différer la présence de l’avocat lors des auditions/confrontations, il peut également décider que l’avocat ne peut, pour une durée identique, consulter les procès-verbaux d’auditions de la personne gardée à vue.
La circulaire du 23 mai 2011 N° Lexbase : L5261IQW précise très clairement que l'existence de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce peut justifier la restriction exceptionnelle de l'accès à un avocat dès le début de la garde à vue. Ces raisons impérieuses doivent être appréciées in concreto et non au regard de la seule qualité des faits. On peut ainsi aisément penser qu'en cas de garde à vue d'une personne soupçonnée d'enlèvement, l'audition démarrera immédiatement de façon à recueillir toutes les informations permettant de retrouver la victime en vie. De même, la nécessité d'accomplir des recherches immédiates afin de rechercher une personne en péril constitue une raison impérieuse de retarder l'intervention de l'avocat du gardé à vue (Cass. crim., 17 décembre 2013, n° 12-84.297 et 13-86.565, F-D N° Lexbase : A7500KSL). Le report ne peut être décidé que par le procureur de la République et uniquement pour une durée, à compter du début de la mesure, de 12 heures pour les gardes à vue de droit commun, et de 24 heures pour celles concernant des crimes ou délits relevant de l'article 706-73 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4173ML7.
À l'issue de l'expiration de ces délais, la prolongation du report ne peut être décidée que par le juge des libertés et de la détention (JLD) saisi par le procureur de la République.
À noter que le report, en droit commun, ne porte que sur la consultation des pièces de la procédure et la présence de l'avocat au cours des auditions. L'entretien de trente minutes dès le début de la mesure ne peut être reporté, sauf pour les gardes à vue concernant les infractions de l'article 706-73 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4173ML7.
La question du droit au silence a évolué dans la législation française. Alors que la loi du 15 juin 2000 N° Lexbase : L0618AIQ avait organisé le droit de se taire, la loi du 4 mars 2002 N° Lexbase : L1451AXZ a assoupli la formulation initialement prévue de l'affirmation légale de ce droit. Estimant cette formule encore trop rigoureuse, la loi du 18 mars 2003 N° Lexbase : L9731A9B a purement et simplement supprimé le principe du droit au silence mettant la France en indélicatesse avec le droit conventionnel. C'est ainsi que la France a été condamnée pour violation des articles 6, § 1 et 6, § 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L7558AIR à propos du droit de garder le silence et de ne pas s'auto-incriminer (CEDH, 14 octobre 2010, Req. 1466/07, BRUSCO c/ FRANCE N° Lexbase : A7451GBL ; CEDH, 25 février 1993, Req. 82/1991/334/407, Funke c/ FranceN° Lexbase : A6542AW9).
Ce droit a, comme le relève la Cour européenne des droits de l’Homme, pour but de protéger l'accusé contre une « coercition abusive de la part des autorités et ainsi d'éviter les erreurs judiciaires » (CEDH, 8 février 1996, Req. 41/1994/488/570, John Murray c/ Royaume-Uni N° Lexbase : A8396AWU). Selon la Cour, la manière dont l'interrogatoire a été mené, au poste de police, notamment en lui posant la question de savoir si elle avait envisagé auparavant de recourir à la violence contre son époux, était de nature à affecter sa position dans la suite de la procédure et il s'ensuit qu'elle peut valablement se prévaloir des garanties de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L7558AIR.
Le droit au silence est en outre protégé au titre de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L7558AIR même s'il n’est pas expressément énoncé, la Cour de Strasbourg ayant jugé « qu'il ne fait aucun doute que, même si l'article 6 de la Convention ne les mentionne pas expressément, le droit de se taire lors d'un interrogatoire de police et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable consacrée par l'article 6 » (CEDH, 8 février 1996, Req. 18731/91, John Murray c. Royaume-Uni N° Lexbase : A8396AWU).
Dans une espèce dans laquelle la personne gardée à vue n’avait pas disposé de la possibilité de se faire traduire les questions posées par un interprète et d'avoir une connaissance aussi précise que possible des faits reprochés, la Cour européenne des droits de l’Homme a jugé que celle-ci n’était pas en situation de mesurer pleinement les conséquences de sa renonciation à son droit de garder le silence et à bénéficier de l'assistance d'un avocat (CEDH, 14 octobre 2014, Req. 45440/04, Baytar c/ Turquie N° Lexbase : A2693MYE).
Consacré par la loi du 14 avril 2011, ce droit de se taire figure parmi les droits devant bénéficier au gardé à vue et lui être notifiés (C. proc. pén., art. 63-1, al. 3 N° Lexbase : L4971K8M).
Sur ce fondement, la Chambre criminelle a estimé que le défaut de notification du droit de se taire au prévenu dès le début de la mesure constituait une violation de l'article 6, § 3, de ladite Convention N° Lexbase : L7558AIR (Cass. crim., 17 janvier 2012, n° 11-86.797, F-P+B N° Lexbase : A8910IBM).
En cas de défaut de notification du droit au silence et à défaut d’assistance effective d’un avocat, la personne gardée à vue est recevable à soulever la nullité de sa propre garde à vue. Il n’est en revanche pas possible de demander l’annulation de la garde à vue d’un tiers (Cass. crim., 7 mars 2012, n° 11- 88.118, F-P+B N° Lexbase : A8997IBT). Cependant, l’absence de notification du droit de se taire n'entraîne pas l'annulation de l'intégralité de la garde à vue, dès lors que l'interpellation, le placement en garde à vue et la notification des autres droits ont bien été effectués (Cass. crim., 13 mars 2012, n° 11-88.737, F-P+B N° Lexbase : A9957IGU). Il s’agit de la simple application de la condition du support nécessaire afin que puisse être prononcée la nullité subséquente.
La Chambre criminelle a récemment jugé que les propos tenus par une personne placée en garde à vue avant que son droit de garder le silence lui ait été notifié ne peuvent être retranscrits (Cass. crim. 22 novembre 2023, n° 23-80.575, F-B N° Lexbase : A664613K). On notera par ailleurs qu’elle a précisé que les déclarations faites hors auditions ne peuvent faire l’objet d’une retranscription dans un procès-verbal, et ce, quand bien même l’individu aurait reçu notification de son droit de se taire (Cass. crim., 31 janvier 2024, n° 23-84.662, F-D N° Lexbase : A96992I3). Dans les deux cas, il s’agit de respecter le cadre légal de la garde à vue et de protéger les droits de la défense.
Toute personne, placée en garde à vue, devrait être informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses, pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat (Cass. crim., 10 septembre 2014, n° 13-82.507, F-P+B N° Lexbase : A4296MWZ).
En revanche, si un interrogatoire peut porter atteinte à l'équité de la procédure, dirigée ultérieurement à l'encontre d'une personne, en raison de ce que celle-ci n'a pas été informée de son droit au silence, il n'y a pas lieu de retenir la violation de la garantie du droit à un procès équitable dès lors que les juges s'étaient appuyés sur d'autres dépositions pour justifier sa condamnation (Cass. crim., 14 avril 2015, n° 14-88.515, FS-P+B N° Lexbase : A9202NGW). Il s’agit là encore de l’appréciation du caractère globalement équitable de la procédure vue précédemment.
La Cour de cassation a également affirmé que « le prévenu qui, avant toute défense au fond a sollicité l'annulation des procès-verbaux de garde à vue faute d'avoir reçu notification de son droit de se taire, ne saurait se faire grief de ce que l'annulation sollicitée n'a pas été prononcée dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que, pour le déclarer coupable de l'infraction poursuivie, la cour d'appel ne s'est fondée ni exclusivement, ni même essentiellement sur les déclarations recueillies au cours de la garde à vue » (Cass. crim., 18 septembre 2012, n° 11-85.031, F-P+B N° Lexbase : A9758ITL).
De la même manière, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme n'interdit pas de prendre en compte le silence d'un accusé pour conclure à sa culpabilité, sauf si sa condamnation se fonde exclusivement ou essentiellement sur son silence (CEDH, 2 mai 2017, Req. 23572/07, Steve Mitchell ZSCHUSCHEN c/ BELGIQUE N° Lexbase : A8511WEX).
Le droit à ne pas être forcé de témoigner contre soi-même ou de s'avouer coupable est également reconnu de manière formelle aux personnes accusées d'une infraction pénale et consacré à l'article 14, § 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.
Le périmètre du droit au silence et celui de ne pas contribuer à sa propre incrimination ont été quelque peu précisés par la Chambre criminelle. En effet, ces droits ne s'étendent pas au recueil de données qu'il convient d'obtenir indépendamment de la volonté de la personne concernée, en l’espèce les vérifications tendant à apporter la preuve d'un état alcoolique (Cass. crim., 6 janvier 2015, n° 13-87.652, F-P+B N° Lexbase : A0705M9Y).
L’avocat ne peut en demander ou en réaliser copie, il peut toutefois prendre des notes. La personne gardée à vue peut également consulter les documents mentionnés ci-dessus.
Toute méconnaissance de ces prescriptions porte nécessairement atteinte aux droits de la défense (Cass. crim., 17 novembre 2015, n° 15-83.437, F-P+B N° Lexbase : A5583NX3). En outre, en application du dernier alinéa de l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2092MMG, lorsque le report de l’avocat est décidé soit par le procureur de la République soit par le juge des libertés et de la détention (JLD), l’accès aux procès-verbaux d’auditions de la personne gardée à vue peut être refusé à l’avocat.
Ces dispositions ont été adoptées pour transposer la Directive (UE) n° 2012/13, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L3181ITY, dont l'article 7 notamment précise, que « lorsqu'une personne est arrêtée et détenue à n'importe quel stade de la procédure pénale, les États membres veillent à ce que les documents relatifs à l'affaire en question détenus par les autorités compétentes qui sont essentiels pour contester de manière effective conformément au droit national la légalité de l'arrestation ou de la détention soient mis à la disposition de la personne arrêtée ou de son avocat ». Les personnes mises en causes doivent avoir « accès au minimum à toutes les preuves matérielles à charge ou à décharge [...], qui sont détenues par les autorités compétentes, afin de garantir le caractère équitable de la procédure et de préparer leur défense ».
Le législateur français a toutefois restreint l’accès aux seules pièces énumérées par l’article 63-4-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3162I3I.
Ces dispositions ont été déclarées conformes par la Chambre criminelle en 2016 (Cass. crim., 4 octobre 2016, n° 16-82.309, FS-P+B+I N° Lexbase : A9343R4S), qui interprète la Directive comme laissant la faculté aux États-membres de n'ouvrir l'accès à l'intégralité des pièces du dossier que lors de la phase juridictionnelle du procès pénal (articles 7 § 2 et 7 § 3).
Cette décision s’inscrit dans le courant jurisprudentiel classique de la Chambre criminelle, qui avait déjà antérieurement à la réforme de 2014, considéré que le fait qu'un avocat ne puisse pas consulter l'ensemble du dossier de son client pendant la garde à vue ne privait pas ce dernier de l'accès à un procès équitable au sens de l'article 6, § 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L7558AIR (Cass. crim., 11 juillet 2012, n° 12-82.136, F-P+B N° Lexbase : A8079IQB ; Cass. crim., 19 septembre 2012, n° 11-88.111, FS-P+B N° Lexbase : A0985ITN) ; et que l'absence de communication de l'ensemble des pièces du dossier, à ce stade de la procédure, n'était pas de nature à priver la personne d'un droit effectif et concret à un procès équitable, l'accès à ces pièces étant garanti devant les juridictions d'instruction et de jugement (Cass. crim., 14 avril 2015, n° 14-88.515, FS-P+B N° Lexbase : A9202NGW).
Il sera toutefois intéressant de voir si cette analyse est confortée à l’avenir par une jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne, qui, depuis quelques années, avec l’accroissement des questions préjudicielles qui lui sont transmises, est amené à opérer un contrôle de plus en plus large de l’interprétation faite par les États membres des Directives européennes.
La durée de la garde à vue ne peut excéder 24 heures (C. proc. pén., art. 63 N° Lexbase : L7438LP8). La durée de la garde à vue n'est pas excessive, même s'il n'est diligenté aucun acte à part l'audition de l'intéressé en début de garde à vue, si cette mesure n'excède pas la durée légale de 24 heures (Cass. ch. mixte, 7 juillet 2000, n° 98-50.007, publié au bulletin N° Lexbase : A3810AUN).
Dès qu’une personne, à la suite de son interpellation, est à la disposition des services d’enquête et se trouve retenue contre son gré, elle doit être considérée comme placée en garde à vue.
Cette solution était à l’origine issue de la jurisprudence (Cass. crim., 6 décembre 2000, n° 00-86.221, publié au bulletin N° Lexbase : A4004CGE ; Cass. crim., 6 mai 2003, n° 02-87.567, F-P+F+I N° Lexbase : A1598B93), et elle est désormais expressément prévue par l’article 63 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7438LP8, qui prévoit dans son III que « si, avant d'être placée en garde à vue, la personne a été appréhendée ou a fait l'objet de toute autre mesure de contrainte pour ces mêmes faits, l'heure du début de la garde à vue est fixée, pour le respect des durées prévues au II du présent article, à l'heure à partir de laquelle la personne a été privée de liberté ».
Cette règle implique également que dès le moment de la coercition, les enquêteurs ne peuvent continuer à l’interroger sans lui avoir notifié ses droits. Ainsi, si la personne s’est vue notifier par l’officier de police judiciaire (OPJ) l’interdiction de s’éloigner du lieu de l’infraction (C. proc. pén., art. 61 N° Lexbase : L4985K87), cette mesure doit prendre effet à compter de ce moment-là..
L’existence de mesures coercitives précédant le placement en garde à vue peut donc influer sur sa durée et elle peut conduire à fixer de manière rétroactive le point de départ de la garde à vue. Ainsi, le placement d’une personne en cellule de dégrisement est pris en compte dans la durée de garde à vue. Le Conseil constitutionnel a ainsi précisé dans une décision QPC du 8 juin 2012 que : « lorsque la personne est placée en garde à vue après avoir fait l'objet d'une mesure de privation de liberté en application du premier alinéa de l'article L. 3341-1 du Code de la santé publique, la protection constitutionnelle de la liberté individuelle par l'autorité judiciaire exige que la durée du placement en chambre de sûreté, qui doit être consignée dans tous les cas par les agents de la police ou de la gendarmerie nationales, soit prise en compte dans la durée de la garde à vue » (Cons. const., décision n° 2012-253 QPC, du 8 juin 2012 N° Lexbase : A4075INA). De même, la durée de la rétention douanière doit également être imputée sur celle de la garde à vue, que les deux mesures, prises pour des faits identiques, se succèdent immédiatement ou qu’elles soient séparées dans le temps.
De plus, lorsque l’intéressé se présente volontairement après une convocation pour une audition en qualité de témoin ou en qualité de suspect, et qu’à la suite de son audition, l’officier de police judiciaire (OPJ) décide de la placer en garde à vue, le délai de la garde à vue rétroagit au début de cette première audition (C. proc. pén., art. 63, III N° Lexbase : L7438LP8, reprenant ici une solution jurisprudentielle) et le temps de l’audition sera alors décompté du temps de la garde à vue.
En revanche, lorsqu’une personne ayant comparu volontairement est laissée libre de se retirer à la fin de son audition, rien n’interdit qu’un placement en garde à vue soit décidé ultérieurement à son encontre ; le temps de l’audition précédente ne sera alors pas décompté, l’article 63, III N° Lexbase : L7438LP8 ne visant que l’hypothèse d’une garde à vue dans le prolongement immédiat d’une audition.
Il faut encore ajouter une précision importante. Si une personne a déjà été placée en garde à vue pour les mêmes faits, la durée des précédentes périodes de garde à vue s'impute sur la durée de la nouvelle mesure (C. proc. pén., art. 63 N° Lexbase : L7438LP8 et loi n° 2014-535, du 27 mai 2014, portant transposition de la Directive (UE) n° 2012/13 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L2680I3N).
Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de 24 heures au plus, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si l'infraction que la personne est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an et si la prolongation de la mesure est l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA ou de permettre, dans les cas où il n'existe pas dans le tribunal de locaux relevant de l'article 803-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9883I3G, la présentation de la personne devant l'autorité judiciaire.
Alors que le renouvellement de la mesure supposait que le suspect ait été présenté au procureur de la République, la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC précise que le procureur de la République peut subordonner son autorisation à la présentation de la personne devant lui. Le principe est désormais celui d’un renouvellement sans présentation.
La présentation peut également être réalisée par l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle (C. proc. pén., art. 706-71 N° Lexbase : L6581MGT).
Il suffit que l'autorisation intervienne avant l'expiration du premier délai de 24 heures (Cass. crim., 30 octobre 2001, n° 01-85.530, F-P+F N° Lexbase : A2982AXQ). Il n'importe que l'autorisation parvienne à l'officier de police judiciaire (OPJ) après qu'il a notifié la prolongation de la mesure, dès lors qu'elle a été accordée avant l'expiration du délai (Cass. crim., 30 octobre 2001, n° 01-85.328, publié au bulletin N° Lexbase : A5874CKR).
La garde à vue de l'intéressé, ayant bien été maintenue au-delà du temps strictement nécessaire à l'enquête pénale, dans l'attente de documents administratifs nécessaires à son placement en rétention, contrairement aux dispositions des articles 53 N° Lexbase : L5572DYZ et 62-2 N° Lexbase : L9627IPA du Code de procédure pénale, une telle mesure coercitive pour des motifs qui lui sont étrangers vicie la procédure et justifie qu'il ne soit pas fait droit à la requête visant à prolonger la rétention administrative (CA Douai, 25 novembre 2013, n° 13/00942 N° Lexbase : A2190KQ8).
On peut préciser enfin que la compétence concurrente que le procureur de la République sous la direction duquel l'enquête est menée et celui du lieu d'exécution de la mesure tirent de l'article 63-9 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9638IPN pour ordonner la prolongation de la garde à vue a pour conséquence que ces magistrats sont semblablement compétents pour saisir le JLD compétent aux fins de prolongation supplémentaire de la garde à vue en application de l'article 706-88 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2301MI3, ce texte ne comportant aucune restriction à cet égard (Cass. crim., 23 novembre 2016, n° 16-81.904, FS-P+B+I N° Lexbase : A3380SIZ). Par ailleurs, on ne décèle pas dans ce procédé une quelconque atteinte à un droit de la personne concernée.
Le Conseil constitutionnel fut amené à se prononcer sur la question de la conformité du régime de garde à vue de 96 heures en matière d’escroquerie en bande organisée. Il a considéré que, même s'il est commis en bande organisée, le délit d'escroquerie, n'est pas susceptible de porter atteinte en lui-même à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes. En permettant de recourir à la garde à vue, au cours des enquêtes ou des instructions portant sur ce délit, le législateur a permis qu'il soit porté à la liberté individuelle et aux droits de la défense une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi. C’est dans ce contexte que le 8° bis de l'article 706-73 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4173ML7 a été déclaré contraire à la Constitution (Cons. const., décision n° 2014-420/421 QPC, du 9 octobre 2014 N° Lexbase : A0029MYQ).
La personne gardée à vue doit être présentée au magistrat qui statue sur la prolongation préalablement à cette décision. La seconde prolongation peut toutefois, à titre exceptionnel, être autorisée sans présentation préalable de la personne en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer (C. proc. pén., art. 706-88 N° Lexbase : L2301MI3).
Toutefois, une telle dérogation ne peut être autorisée que pour permettre « d'empêcher la réalisation d'un acte de terrorisme en France ou à l'étranger dont l'imminence a été établie soit grâce aux éléments recueillis dans le cadre de l'enquête ou de la garde à vue elle-même, soit dans le cadre de la coopération internationale. Qu'ainsi, elle ne peut être mise en œuvre qu'à titre exceptionnel pour protéger la sécurité des personnes et des biens contre une menace terroriste imminente et précisément identifiée » (Cons. const., décision n° 2010-31 QPC, du 22 septembre 2010, cons. 5 N° Lexbase : A8927E9I).
L'application de l'article 706-88 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2301MI3 peut être décidée, en cours de garde à vue, en fonction de l'évolution d'une enquête ou d'une instruction sur l'une des infractions mentionnées à l'article 706-73 dudit code N° Lexbase : L4173ML7 et que le demandeur a été régulièrement informé, lors de son placement sous le régime de la garde à vue, de la nature de l'infraction qu'il était soupçonné d'avoir commise, de la durée alors prévisible de la mesure et, à chaque stade de celle-ci, de ses droits (Cass. crim., 11 février 2014, n° 13-86.878, F-P+B+I N° Lexbase : A3775MEK). Il est à noter que depuis la loi n° 2023-610, du 23 juillet 2023 N° Lexbase : L2073MIM, les dispositions de l’article 706-88 du Code de procédure pénale ne s’appliquent pas aux délits prévus au 21° de l'article 706-73 N° Lexbase : L3313MMN, à savoir les délits prévus au dernier alinéa de l'article 414 du Code des douanes N° Lexbase : L3313MMN, lorsqu'ils sont commis en bande organisée.
Dès lors que la prolongation de la garde à vue au-delà de 48 heures, la personne concernée étant informée des soupçons pesant sur elle d'avoir commis l'infraction d'escroquerie en bande organisée, a été spécialement motivée par un juge d'instruction devant lequel la personne gardée à vue a été présentée au préalable, la chambre de l'instruction, qui a analysé sans insuffisance les nécessités de l'instruction motivant cette prolongation, a justifié sa décision au regard de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L4786AQC (Cass. crim., 19 janvier 2016, n° 15-81.041, FS-P+B N° Lexbase : A5741N4E).
► Pour aller plus loin. – V. J.-B. Perrier, ÉTUDE : La procédure dérogatoire applicable à la criminalité et à la délinquance organisées et aux crimes, Les outils de la procédure dérogatoire, La garde à vue, in Procédure pénale, Lexbase N° Lexbase : E9295ZPX.
L’officier ou l’agent de police judiciaire ne peut s’opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête. Mention de ce refus est porté au procès-verbal.
À l’issue de chaque entretien avec la personne gardée à vue et de chaque audition ou confrontation à laquelle il a assisté, l’avocat peut présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées en application du deuxième alinéa. Celles-ci sont jointes à la procédure. L’avocat peut adresser ses observations, ou copie de celles-ci, au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue.
L’article 63-5 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9747IPP prévoit que la garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne. Seules peuvent être imposées à la personne gardée à vue les mesures de sécurité strictement nécessaires. Par une décision n° 2023-1064 QPC, du 6 octobre 2023 N° Lexbase : A24291K8, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution le premier alinéa de l’article 63-5 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9747IPP dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-392, du 14 avril 2011 N° Lexbase : L9584IPN, sous la réserve énoncée à son paragraphe 22, aux termes de laquelle en cas d’atteinte à la dignité de la personne résultant des conditions de sa garde à vue, les dispositions contestées ne sauraient s’interpréter, sauf à méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, que comme imposant au magistrat compétent de prendre immédiatement toute mesure permettant de mettre fin à cette atteinte ou, si aucune mesure ne le permet, d’ordonner sa remise en liberté. À défaut, la personne gardée à vue dans des conditions indignes peut engager la responsabilité de l’État, afin d’obtenir réparation du préjudice en résultant.
L’exigence de respect de la dignité est également imposée au niveau européen. On peut citer une affaire qui concernait les conditions de détention de cinq ressortissants français gardés à vue dans les cellules du commissariat central de police de Nouméa (Nouvelle-Calédonie). La CEDH a jugé que les conditions dans lesquelles ils ont été détenus, notamment le manque d’espace, de lumière et d’aération, ont causé aux requérants des souffrances aussi bien physiques que mentales ainsi qu’un sentiment de profonde atteinte à leur dignité humaine, et qu’elles s’analysent en un traitement inhumain et dégradant (CEDH, 2 octobre 2014, Req. 2871/11, Fakailo dit Safoka et a. c/ France N° Lexbase : A4683MXQ).
L'article 63-5 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9747IPP se combine ainsi avec les prévisions de l’article 803 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4266AZZ lequel dispose : « Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite. Dans ces deux hypothèses, toutes mesures utiles doivent être prises, dans les conditions compatibles avec les exigences de sécurité, pour éviter qu'une personne menottée ou entravée soit photographiée ou fasse l'objet d'un enregistrement audiovisuel. » Cette dernière exigence vise également à protéger la présomption d’innocence de la personne concernée.
L’article 65 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3161I3H indique que si au cours de sa garde à vue, la personne est entendue dans le cadre d’une procédure suivie du chef d’une autre infraction et qu’il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre cette infraction, elle doit faire l’objet d’une information prévue aux 1 (qualification, date et lieu de l’infraction), 3 (droit à un interprète) et 4 (droit de faire des déclarations, de répondre aux questions, de se taire) de l’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN et être avertie qu’elle a le droit d’être assistée par un avocat conformément aux article 63-3-1 à 63-4-3 du même code N° Lexbase : L6532MGZ. Pour autant, une telle extension ne génère pas une garde à vue distincte (Cass. crim., 14 novembre 2019, n° 19-83.285, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6678ZYY.
L’article 66 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7444LPE précise que les procès-verbaux dressés par l’officier de police judiciaire (OPJ) en exécution des articles 54 à 62 de ce code N° Lexbase : L7227IMM, sont rédigés sur le champ ou dès que possible et signés par lui sur chaque feuillet du procès-verbal.
Enfin, lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction le justifient, l'audition ou l'interrogatoire d'une personne ainsi que la confrontation entre plusieurs personnes peuvent être effectués en plusieurs points du territoire de la République ou entre le territoire de la République et celui d'un État membre de l'Union européenne et se trouvant reliés par des moyens de télécommunications garantissant la confidentialité de la transmission.
Les avocats ne peuvent donc en principe, intervenir au cours des interrogatoires que de manière limitée. On peut y voir une limitation excessive des droits de la défense, comme une limitation nécessaire afin de préserver l’efficacité de la garde à vue, et plus largement de la procédure.
Par ailleurs, à l'issue de chaque entretien avec la personne gardée à vue et de chaque audition ou confrontation à laquelle il a assisté, l'avocat peut présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées en application du deuxième alinéa. Il appartient à l'avocat, s'il l'estime utile à l'exercice des droits de la défense, à la suite du refus de lui permettre de poser de nouvelles questions, de saisir lui-même le magistrat, en lui transmettant ses observations écrites et, s'il le souhaitait, les questions refusées (Cass. crim., 20 novembre 2013, n° 13-84.280, FS-P+B+I N° Lexbase : A7758KPZ).
L'avocat peut adresser ses observations, ou copie de celles-ci, au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue. Le refus de ces observations est porté au procès-verbal. Afin de produire un réel effet, cette pratique devrait être réservée aux violations graves ou manifestes de droits et libertés de la personne gardée à vue. Dans les autres cas, cette pratique n’est cependant pas dénuée d’utilité. Dans une perspective d’action en nullité, ces observations manifestent la réactivité exigée de la part de la défense afin d’apporter ultérieurement la preuve d’un intérêt à agir et surtout de l’atteinte effective à un droit ou intérêt protégé.
Ces mentions doivent être spécialement émargées par la personne gardée à vue. En cas de refus, il en est également fait mention.
Conseil pratique. – D’un point de vue stratégique, l’établissement du procès-verbal et sa relecture par le gardé à vue et son avocat est un moment central de l’audition qui impose une grande vigilance. Il est recommandé de prendre les notes les plus complètes possibles durant les auditions, afin de s’assurer de l’absence de dénaturation des déclarations faites par le gardé à vue, dans un sens qui lui serait défavorable. En cas de décalages persistants et sérieux entre le contenu du procès-verbal et les déclarations du gardé à vue, celui-ci pourra refuser de signer le procès-verbal et son avocat pourra déposer des observations en ce sens. |
L'obligation d'enregistrement audiovisuel est strictement limitée au domaine criminel, à l'exclusion des délits même punis d'une peine d'emprisonnement (Cass. crim., 2 décembre 2009, n° 09-85.103, F-P+F N° Lexbase : A2235EQT).
L’enregistrement ne peut être consulté, au cours de l’instruction ou devant la juridiction de jugement, qu’en cas de contestation du contenu du procès-verbal d’audition, sur la décision du juge d’instruction ou de la juridiction de jugement, à la demande du ministère public ou d’une des parties.
Il faut noter également que les dispositions de l'article 64-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L8170ISE ne prévoient pas que le juge d'instruction puisse donner mission à un expert de consulter les enregistrements audiovisuels effectués en application de ce texte, lesquels ont pour seul objet de garantir l'authenticité des déclarations qui ont été retranscrites au procès-verbal d'audition. Une telle consultation porte atteinte aux intérêts de la personne concernée lorsque les conclusions de l'expert s'appuient sur ces enregistrements. Cependant, l'avocat de l'intéressé, en ne sollicitant pas une modification de la question posée à l'expert, a renoncé à se prévaloir de la nullité prise de la méconnaissance de ces dispositions (Cass. crim., 6 juin 2023, n° 22-86.46, FS-B N° Lexbase : A24609YR).
Cet enregistrement est détruit dans un délai de cinq ans à compter de la date d’extinction de l’action publique.
Lorsque le nombre de personnes gardées à vue devant simultanément être interrogées au cours de la même procédure ou de procédure distincte, fait obstacle à l’enregistrement de toutes les auditions, l’officier de police judiciaire (OPJ) en réfère sans délai au procureur de la République qui désigne, par décision écrite versée au dossier, au regard des nécessités de l’enquête, la ou les personnes qui ne feront pas l'objet d'un enregistrement, à peine de nullité (Cass. crim., 22 juin 2010, n° 10-81.275, F-P+F N° Lexbase : A6921E44).
Si l’enregistrement ne peut être effectué en raison d’une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès-verbal d’audition qui précise la nature de cette impossibilité. Le procureur de la République en est immédiatement avisé.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a censuré le 7e alinéa de l'article 64-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L8170ISE, lequel prévoyait : « Le présent article n'est pas applicable lorsque la personne est gardée à vue pour un crime mentionné à l'article 706-73 du présent code ou prévu par les titres Ier et II du livre IV du [C]ode pénal, sauf si le procureur de la République ordonne l'enregistrement ». Selon le Conseil la différence de traitement instituée entre les personnes suspectées d'avoir commis l'un des crimes visés par les dispositions contestées et celles qui sont entendues ou interrogées, alors qu'elles sont suspectées d'avoir commis d'autres crimes, entraîne une discrimination injustifiée ; par suite, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité et doivent être déclarées contraires à la Constitution (Cons. const., décision n° 2012-228/229 QPC, du 6 avril 2012 N° Lexbase : A1496IIA).
De plus, la Chambre criminelle a précisé qu'il ressort de l'alinéa 1er de l'article 64-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L8170ISE qu'il ne doit être procédé à un enregistrement que « dans les locaux d'un service ou d'une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire ». Autrement dit, une audition dans un autre lieu à l’instar d’un hôpital ne nécessite pas d’enregistrement audiovisuel (Cass. crim., 11 juillet 2012, n° 12-82.136, F-P+B N° Lexbase : A8079IQB).
Enfin, si lors de l’audience un problème technique vient affecter une partie de l’enregistrement de la mesure de garde à vue et limite la consultation des auditions, cette défaillance n’est pas une cause de nullité des procès-verbaux des auditions (Cass. crim., 10 février 2016, n° 15-80.622, F-P+B N° Lexbase : A0314PL9). La Chambre criminelle a par ailleurs précisé que le caractère partiel, voire erroné, de la retranscription par procès-verbal des déclarations d'une personne gardée à vue, dont les auditions ont été enregistrées en application de l'article 64-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L8170ISE n'est pas, en lui seul, une cause de nullité de ce procès-verbal, la personne mise en examen disposant, en application de ce même texte, de la faculté de solliciter une retranscription intégrale de ses déclarations dans un cadre contradictoire, en présence de son avocat le cas échéant, sous le contrôle du juge d'instruction et du greffier (Cass. crim., 8 mars 2022, n° 21-84.524, F-B N° Lexbase : A88937P3).
À titre expérimental, à compter du 1er janvier 2019 et jusqu'au 1er janvier 2022, il pouvait être procédé, selon des modalités précisées par voie réglementaire, dans des services ou unités de police judiciaire désignés conjointement par le ministre de la Justice et le ministre de l'Intérieur, à l'enregistrement sonore ou audiovisuel des formalités prévoyant, pour les personnes entendues, arrêtées ou placées en garde à vue, la notification de leurs droits. Cet enregistrement, conservé sous format numérique dans des conditions sécurisées, dispensait les enquêteurs de constater par procès-verbal, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, le respect de ces formalités. En cas de contestation, cet enregistrement pouvait être consulté sur simple demande (décret n° 2019-1421, du 20 décembre 2019, portant application de l'article 50, de la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L1579LUZ).
L’article 48, I, de la loi de programmation de la justice 2018-2022 permet également la prolongation de la garde à vue de 24 heures supplémentaires, dans les cas où il n'existe pas dans le tribunal, de locaux relevant de l'article 803-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9883I3G permettant la présentation de la personne devant l'autorité judiciaire (C. proc. pén., art. 63, II, al. 2 N° Lexbase : L7438LP8).
Le Conseil a ainsi jugé que l'assistance d'un avocat n'est pas requise lors du déférrement devant le procureur de la République à l'issue de la garde à vue (Cons. const., décision n° 2011-125 QPC, du 6 mai 2011, cons. 12 N° Lexbase : A7885HPQ).
La personne qui fait l'objet d'un déferrement à l'issue de sa garde à vue ne peut être retenue jusqu'au lendemain dans l'attente de sa comparution devant un magistrat qu'en cas de nécessité et il incombe à la juridiction, saisie d'une requête en nullité de la rétention, de s'assurer de l'existence des circonstances ou contraintes matérielles ayant justifié la mise en œuvre de cette mesure (Cass. crim. 13 juin 2018, n° 17-85.940, FS-P+B N° Lexbase : A3308XRX).
Il faut savoir aussi que ni l'article 803-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : A45017BC ni aucune autre disposition ne prévoit que soient versés à la procédure des procès-verbaux relatant les conditions dans lesquelles les personnes sont déférées, puis retenues dans les locaux de la juridiction. En revanche, l'article 803-3, alinéa 5, prévoit la tenue d'un registre spécial dans lequel doivent être consignées l'identité de la personne retenue, l'heure de son arrivée dans les locaux et celle de sa conduite devant le magistrat ainsi que l'application des dispositions mentionnées à l'alinéa 4 de ce texte relatives à son droit à s'alimenter, à faire prévenir un proche et son employeur, à bénéficier d'un examen médical et à pouvoir s'entretenir avec un avocat, registre permettant d'effectuer des vérifications lorsqu'est alléguée la violation des garanties prévues par l'article 803-3 (Cass. crim., 9 novembre 2021, n° 21-82.606, F-B N° Lexbase : L9883I3G).
Par ailleurs, L’article 803-3 précité n'interdit pas que l'interrogatoire de première comparution, régulièrement commencé avant l'expiration du délai de vingt heures, notamment pour constater l’identité de la personne déférée, se poursuive postérieurement au terme dudit délai en présence de l’avocat, la personne restant alors sous le contrôle effectif du juge d'instruction (Cass. crim., 21 février 2023, n° 22-83.695, FS-B N° Lexbase : A56019DS).
Si la personne est remise en liberté à l’issue de la garde à vue sans qu’aucune décision n’ait été prise par le procureur de la République sur l’action publique, les dispositions de l’article 77-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3214MKA sont portées à sa connaissance.
Ainsi, l’article 77-2, I, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3214MKA prévoit que toute personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’une peine privative de liberté et qui a fait l’objet d’une garde à vue, peut, un an après l’accomplissement du premier de ces actes, demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, de consulter le dossier de la procédure aux fins de formuler ses observations.
Dans le cas où une telle demande lui a été présentée, le procureur de la République doit, lorsque l’enquête lui parait terminée et s’il envisage de poursuivre la personne par citation directe ou selon la procédure prévue à l’article 390-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6548MGM, aviser celle-ci, ou son avocat, de la mise à disposition de son avocat ou d’elle-même si elle n’est pas assistée d’un avocat, d’une copie de la procédure et de la possibilité de formuler des observations ainsi que des demandes d’actes utiles à la manifestation de la vérité dans un délai d’un mois.
Lorsqu’une victime a porté plainte dans le cadre de cette enquête et qu’une demande de consultation du dossier de la procédure a été formulée par la personne mise en cause, le procureur de la République avise cette victime qu’elle dispose des mêmes droits dans les mêmes conditions.
Pendant ce délai d’un mois, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision sur l’action publique, hors l’ouverture d’une information, l’application de l’article 393 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L5538LZ7 ou le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Par ailleurs, à tout moment de la procédure, et même en l’absence de la demande prévue à l’article 77-2, I, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3214MKA, le procureur de la République peut communiquer tout ou partie de la procédure à la personne mise en cause ou à la victime pour recueillir leurs éventuelles observations ou celles de leur avocat (C. proc. pén., art. 77-2, II N° Lexbase : L3214MKA).
Dans cette hypothèse, les observations ou demandes d’actes de la personne ou de son avocat sont versées au dossier de la procédure. Le procureur de la République apprécie les suites devant être apportées à ces observations et demandes. Il en informe les personnes concernées (C. proc. pén., art. 77-2, III N° Lexbase : L3214MKA).
L’article 77-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1321MA8 prévoit que la demande prévue à l’article 77-2, I N° Lexbase : L3214MKA, est faite au procureur de la République sous la direction duquel l’enquête est menée. À défaut, si cette information n’est pas connue de la personne, elle peut être adressée au procureur de la République du tribunal judiciaire dans le ressort duquel l’un des actes mentionnés au même article a été réalisé, qui la transmet sans délai au procureur de la République qui dirige l’enquête.
On n’omettra pas de souligner enfin que l'annulation de la mesure de garde à vue ne saurait entraîner par voie de subséquence la nullité du procès-verbal de comparution immédiate, le tribunal reste donc valablement saisi (Cass. crim., 26 mars 2008, n° 07-83.814, FP-P+F N° Lexbase : A6159D7A).
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Dans sa version issue de la loi du 14 avril 2011, l’article 73, alinéa 2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3153I38, disposait que : « lorsque la personne est présentée devant l'officier de police judiciaire, son placement en garde à vue, lorsque les conditions de cette mesure prévues par le présent code sont réunies, n'est pas obligatoire dès lors qu'elle n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu'elle a été informée qu'elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie. Le présent alinéa n'est toutefois pas applicable si la personne a été conduite par la force publique devant l'officier de police judiciaire ».
Le législateur entendait ainsi faire dépendre l’application du régime plus protecteur de la garde à vue de l’existence d’une mesure de contrainte et non à l’existence de raison plausibles de soupçonner la tentative ou commission d’une infraction.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité au moment de l’entrée en vigueur de la loi, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la constitution dans une décision du 18 novembre 2011 : « Considérant que, si le respect des droits de la défense impose, en principe, qu'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction ne peut être entendue, alors qu'elle est retenue contre sa volonté, sans bénéficier de l'assistance effective d'un avocat, cette exigence constitutionnelle n'impose pas une telle assistance dès lors que la personne soupçonnée ne fait l'objet d'aucune mesure de contrainte et consent à être entendue librement » (Cons. const., décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC, du 18 novembre 2011 N° Lexbase : A9214HZB).
Cette déclaration était toutefois assortie de deux réserves d’interprétation en ces termes : « Considérant que, toutefois, le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ; que, sous cette réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de la présente décision, les dispositions du second alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense ».
Ainsi, au moment de son entrée en vigueur, la crainte existait de voir les autorités judiciaires recourir à ce mécanisme de manière abusive pour contourner les formalités contraignantes de la garde à vue et la présence de l’avocat (H. Matsopoulou, Les dispositions de la loi du 14 avril 2011 sur la garde à vue déclarées conformes à la Constitution, Recueil Dalloz, 2011, p. 3034).
Trois ans plus tard, la loi n° 2014-535, du 27 mai 2014 (entrée en vigueur le 2 juin 2014), portant transposition de la Directive (UE) n° 2012/13 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L2680I3N, a permis d’intégrer dans la procédure pénale les réserves du Conseil constitutionnel en consacrant par ailleurs l’autonomie du régime de l’audition libre et la création du statut de suspect libre (Circ. DACG, NOR: JUSD1430472C, du 19 décembre 2014, de présentation des dispositions applicables à compter du 1
La loi a par ailleurs permis un alignement du régime juridique de l’audition libre sur celui de la garde à vue, par la création de l’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN spécifique à l’audition libre, dans lequel a été notamment prévue la possibilité pour le suspect libre d’avoir accès à un avocat.
Les dispositions de l’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN s’appliquent à l’enquête de flagrance, ainsi qu’à l’enquête préliminaire (C. proc. pén., art. 77 N° Lexbase : L5572I3R), à l’exécution d’une commission rogatoire (C. proc. pén., art. 154 N° Lexbase : L4962K8B) et à l’enquête douanière (C. douanes, art. 67 F N° Lexbase : L1666MAX).
L’audition libre d’un témoin simple ou d’un témoin suspecté en enquête préliminaire est envisagée aux articles 61-1 et suivants du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN.
Ces prévisions viennent encadrer le régime applicable à cette forme d’audition et tout particulièrement les droits qui leur sont accordés, l’assistance de l’avocat ou encore la question de la contrainte.
L’application des articles 61-1 N° Lexbase : L7360IB9 et 73 N° Lexbase : L3153I38 du Code de procédure pénale est en effet exclue lorsque la personne a été conduite, sous la contrainte, par la force publique devant l’officier de police judiciaire (OPJ) (C. proc. pén., art. 61-1 N° Lexbase : L7360IB9).
Quand bien même la personne suspectée et soumise à une mesure de contrainte accepterait ensuite de demeurer à la disposition des enquêteurs, on considère que son consentement ne peut plus être valablement recueilli.
Dans cette hypothèse, la seule voie ouverte pour l’audition de la personne contre laquelle il existe des raisons de soupçonner qu’elle ait pu tenter de ou commettre l’infraction est donc la garde à vue.
Reprenant la circulaire du 23 mai 2011, relative à la garde à vue, la circulaire d’application du 23 mai 2014 précise à cet égard qu’une personne doit être considérée comme ayant subi une mesure de contrainte par les agents de la force publique lorsque ceux-ci « l’ont contrainte à monter dans leur véhicule, […] ou lorsqu’elle a été menottée durant le trajet » (circulaire du 23 mai 2011, relative à l’application des dispositions relatives à la garde à vue de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue N° Lexbase : L5261IQW ; circulaire du 23 mai 2014, de présentation des dispositions de procédure pénale applicables le 2 juin 2014 de la loi portant transposition de la Directive (UE) n° 2012/13 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 N° Lexbase : L4128I3B).
Aux termes de cette même circulaire, une personne appréhendée ayant accepté de suivre de son plein gré les agents interpellateurs, et éventuellement accepté de monter dans leur véhicule, peut néanmoins être entendue librement à condition, pour prévenir toute contestation sur l’existence d’une contrainte, de lui demander de confirmer qu’elle a suivi de son plein gré les agents de la force publique et qu’elle n’a subi aucune contrainte de leur part lors du transport avant de procéder aux notifications de l’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN. Confirmation qui devra faire l’objet d’une mention dans le procès-verbal d’audition.
La contrainte qui fait obstacle à l’audition libre est celle qui émane de la force publique. La Cour de cassation a ainsi pu considérer qu’il n’y avait pas de contrainte lorsque c’est la mère de l’intéressé qui l’avait conduit au commissariat : « Attendu que, pour déclarer irrégulières les mesures de garde à vue, l'arrêt attaqué relève que les intéressés ont été présentés aux policiers par leur mère de façon coercitive et qu'étaient réunis à leur arrivée au service de police des indices graves laissant présumer leur participation aux faits reprochés ; qu'il retient que la méconnaissance des règles en matière de garde de vue a nécessairement porté atteinte aux intérêts des deux mineurs » (Cass. crim., 25 octobre 2000, n° 00-84.726, N° Lexbase : A3441AUY). Cette solution est tout de même discutable dès lors que la réalité de la contrainte est avérée.
La contrainte peut prendre différentes formes, physique ou psychologique, elle peut être réelle ou ressentie.
En cas d’incertitude sur l’existence d’une mesure de contrainte, la Cour de cassation procède généralement à une analyse in concreto pour déterminer, si le consentement de la personne était effectivement dénué de toute contrainte, réelle ou seulement ressentie (S. Guinchard et J. Buisson, Procédure Pénale, 11e édition p. 575, citant l’arrêt de la Cour de cassation : Cass. crim., 6 décembre 2000, n° 00-82.997 N° Lexbase : A3370AUD).
À titre d’illustration, la Chambre criminelle a censuré l’arrêt d’une chambre de l’instruction en ces termes :
« Attendu que, pour rejeter la requête en annulation de cette audition, l'arrêt attaqué énonce que Moïse X... avait accepté de suivre les policiers jusqu'à leur service sans que la pose d'entraves soit nécessaire, le quittant ensuite librement après son audition, sans même en aviser les forces de l'ordre, depuis la simple salle d'attente où il se trouvait ; que les juges ajoutent que dans ce contexte, nonobstant l'absence de mention expresse quant à l'information du requérant de son droit de quitter à tout moment les locaux de police, il résulte de la procédure un faisceau d'indices établissant qu'il avait bien connaissance de cette faculté et qu'il avait parfaitement conscience, lors de son audition, de ne pas s'être trouvé dans une situation de contrainte pouvant imposer son placement en garde à vue. Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le mineur, conduit par les policiers auprès d'un officier de police judiciaire pour être entendu sur une infraction qu'il était soupçonné d'avoir commise, se trouvait nécessairement dans une situation de contrainte et devait bénéficier des droits attachés au placement en garde à vue, prévus par l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 , la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations » (Cass. crim., 6 novembre 2013, n° 13-84.320, FS-P+B N° Lexbase : A1991KPG).
La Cour européenne des droits de l’Homme a admis qu’une personne suspectée et accompagnée au commissariat, mais conduisant son propre scooter, soit entendue librement alors qu’elle avait été retenue menottée pendant une courte période (CEDH, 31 mars 2016, Req. 56825/13, Ursulet c/ France N° Lexbase : A6836RAG, cité par F. Saint-Pierre, Pratique de la Défense pénale, Les intégrales, 2017).
Elle a également jugé que c’est en violation de l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L4786AQC que le requérant a été entendu sous le statut de l’audition libre, alors qu’il avait été conduit au commissariat de police sous la contrainte. L’intéressé aurait dû bénéficier des garanties particulières liées au placement en garde à vue (CEDH, 9 décembre 2021, Req. 56138/16, Jarrand c/ France N° Lexbase : A29147GZ).
Il existe néanmoins des cas particuliers dans lesquels la personne suspectée peut être entendue librement quand bien même elle aurait fait l’objet d’une mesure de contrainte.
Par exemple, l’article L. 3341-2 du Code de la santé publique N° Lexbase : L5009K8Z prévoit dans sa rédaction issue de la loi du 3 juin 2016 (loi n° 2016-731, du 3 juin 2016, art. 83 N° Lexbase : L4202K87) : « Lorsqu'il est mis fin à la rétention en chambre de sûreté de la personne, son placement en garde à vue, si les conditions de cette mesure prévues par le Code de procédure pénale sont réunies, n'est pas obligatoire dès lors qu'elle n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu'elle a été informée des droits mentionnés à l'article 61-1 du Code de procédure pénale ».
Il en est de même des articles L. 234-18 N° Lexbase : L5950K8U et L. 235-5 N° Lexbase : L5949K8T du Code de la route, qui permettent de procéder à une audition libre à la suite d’une retenue permettant des épreuves de dépistage et des vérifications prévues par les articles L. 234-3 N° Lexbase : L6345L4R et L. 234-5 N° Lexbase : L7450LPM (alcool), d’une part, et L. 235-2 N° Lexbase : L7448LPK du Code de la route (stupéfiants), d’autre part. Ces articles renvoyant directement aux dispositions de l’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN.
En revanche, lorsqu’une mesure de contrainte a été appliquée avant que la personne ne soit présentée devant l’officier de police judiciaire (OPJ), l’audition ne peut avoir lieu que sous le régime de la garde à vue à moins que celui-ci préfère libérer la personne suspectée et la convoquer pour une audition libre ultérieurement.
En effet, à la différence de l’article 62-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA qui précise les objectifs auxquels doit parvenir la garde à vue, l’article 61-1 du même code N° Lexbase : L7280LZN ouvre simplement la possibilité pour l’enquêteur d’entendre le suspect librement.
Les enquêteurs, sous le contrôle du procureur de la République ou du magistrat instructeur, disposent d’un pouvoir quasi-souverain de recourir ou non à cette mesure nécessairement moins attentatoire aux libertés individuelles. En pratique, l’audition libre sera envisagée par les enquêteurs pour les infractions les moins graves ou pour les cas où la personne suspectée fait preuve d’une réelle volonté de coopération qui rend la mesure de contrainte inadaptée.
Toutefois, cette obligation est assortie d’une réserve importante puisqu’elle n’est effective que pour autant que « le déroulement de l'enquête le permet[te] », ce qui laisse en pratique une marge de manœuvre importante que les enquêteurs n’hésitent généralement pas à utiliser.
La circulaire d'application du 23 mai 2014 N° Lexbase : L5261IQW précise à ce sujet : « En tout état de cause, cette nouvelle forme de convocation constitue une faculté laissée à la seule appréciation des enquêteurs en fonction des nécessités de l’enquête, et sous réserve des éventuelles instructions pouvant leur être données par le procureur de la République ou le juge d’instruction. Lorsque les nécessités de l’enquête ne le permettent pas, en particulier si les enquêteurs estiment que l’envoi d’une convocation à une personne l’informant du fait qu’elle est suspectée d’une infraction risquerait de l’inciter à prendre la fuite, à faire pression sur les témoins ou les victimes ou à détruire des preuves, ils peuvent la convoquer sans lui donner aucune indication sur les raisons de cette convocation ».
Une telle interprétation du texte ne permet évidemment pas de prévenir les recours abusifs à ce motif par les enquêteurs et il n’est pas rare en pratique que les officiers de police judiciaire (OPJ) s’abstiennent de transmettre ladite convocation ou envoient des convocations incomplètes sur lesquelles ne figure pas l’infraction poursuivie.
Il revient le cas échéant à l’avocat de contacter les enquêteurs afin d’obtenir ces éléments.
En toute hypothèse, même si une convocation écrite a été adressée à la personne soupçonnée avec mention de ses droits, l'ensemble des droits prévus à l'article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN doit lui être à nouveau notifié à son arrivée dans les locaux de police ou de gendarmerie (circulaire DACG, du 19 décembre 2014, de présentation des dispositions applicables à compter du 1er janvier 2015 de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, p. 4 N° Lexbase : L4208I7Y).
La notification de ces informations doit être consignée par procès-verbal. Toutefois, la loi est silencieuse sur l’autorité compétente pour délivrer ces informations au suspect alors qu’il doit obligatoirement s’agir d’un officier de police judiciaire (OPJ) dans le cadre d’une garde à vue. Il conviendrait d’observer ici un parallélisme des formes.
Un formulaire récapitulatif des droits de la personne entendue dans le cadre de l’audition libre pourra être remis à la personne, comme en matière de garde à vue.
La CEDH a apporté d’importantes précisions. Elle a jugé que les manquements constatés au cours d’une audition libre, aux obligations de notification de la possibilité de se taire, d’être assisté d’un avocat et de bénéficier de l’assistance d’un interprète (lesquels sont en l’espèce antérieurs aux lois renforçant ces obligations), ne portent pas atteinte au principe du procès équitable lorsque les éléments apportés lors de l’audition libre ne jouent pas un rôle déterminant dans l’inculpation du requérant (CEDH, 28 avril 2022, Req. 52833/19, Dubois c/ France N° Lexbase : A65977UU ; CEDH, 28 avril 2022, Req. 83700/17, Wang c/ France N° Lexbase : A65957US). Dans le même sens, elle a jugé que lorsque la juridiction constate le défaut de notification aux requérants, dans le cadre de l’audition libre, du droit de garder le silence et que les requérants se sont auto-incriminés, elle doit rechercher si les restrictions litigieuses aux droits garantis ont été compensées de telle manière que les procédures peuvent être considérées comme ayant été équitables dans leur ensemble. En l’espèce, tel n’est pas le cas, la cour d’appel ayant notamment placé les aveux recueillis au cœur de son raisonnement (CEDH, 20 septembre 2022, Req. n° 38288/15, Merahi et Delahaye c/ France N° Lexbase : A54738IK).
Le Conseil constitutionnel avait considéré à cette occasion que « l'audition libre se déroule selon ces mêmes modalités lorsque la personne entendue est mineure et ce, quel que soit son âge. Or, les garanties précitées ne suffisent pas à assurer que le mineur consente de façon éclairée à l'audition libre ni à éviter qu'il opère des choix contraires à ses intérêts. Dès lors, en ne prévoyant pas de procédures appropriées de nature à garantir l'effectivité de l'exercice de ses droits par le mineur dans le cadre d'une enquête pénale, le législateur a contrevenu au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ».
La mention « Sans préjudice des garanties spécifiques applicables aux mineurs » a donc été ajoutée à l’alinéa premier de cet article encadrant l’audition libre.
En pratique, ce droit est relatif et rarement mis œuvre dans la mesure où il expose le suspect à un placement en garde à vue immédiate. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que les droits attachés à l’audition libre sont équivalents à ceux de la garde à vue.
La lecture de la circulaire du 19 décembre 2014 N° Lexbase : L4208I7Y permet de comprendre que « À la différence de la procédure de garde à vue, le législateur n’a pas prévu de délai de carence, à l’issue duquel l’audition d’une personne peut débuter quand bien même l’avocat, régulièrement sollicité, ne se serait pas présenté. Un tel dispositif est en effet apparu inutile dans la mesure où, la personne étant libre de quitter les locaux de police ou de gendarmerie à tout moment, elle ne peut, par définition, être retenue pendant une durée de temps déterminée ».
L’avocat doit être informé, comme la personne suspectée, au titre du 1° de l’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN, de la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction que la personne est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre (circulaire DACG, du 19 décembre 2014, de présentation des dispositions applicables à compter du 1er janvier 2015 de la loi n° 2014-535, du 27 mai 2014, portant transposition de la Directive (UE) n° 2012/13 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 N° Lexbase : L4208I7Y). De telles prévisions font échos à l’article 63-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4971K8M énonçant les droits de la personne en garde à vue.
Entretien préalable. L’assistance de l’avocat concerne uniquement les auditions et les confrontations avec d’autres personnes mises en cause, libres ou gardées à vue, témoins ou victimes.
L’article 61-1, 5° du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN ne prévoit pas expressément la possibilité de s’entretenir avec son avocat avant l’audition, alors qu’un entretien de 30 minutes est prévu pour la garde à vue (C. proc. pén., art. 63-4 N° Lexbase : L9746IPN).
Néanmoins, l’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN renvoie à l’article 63-4-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9632IPG qui fait référence à l’entretien de l’avocat avec son client, à l’issue duquel l’avocat peut présenter des observations écrites.
En outre, la circulaire du 19 décembre 2014 a apporté un correctif en précisant qu'« afin de garantir toute l'effectivité du droit à l'assistance de l'avocat et plus généralement des droits de la défense, il conviendra, lorsque la personne souhaitera s'entretenir avec son avocat, de lui accorder, avant toute audition, un temps suffisant afin que cet entretien ait lieu, dans des conditions qui en garantissent la confidentialité ».
Aucune indication n’est donnée quant à la durée de l’entretien. Là encore, il conviendrait d’observer un parallélisme des formes.
Selon la circulaire, le refus par l’enquêteur de l’entretien préalable est susceptible de constituer une cause de nullité de l’audition libre.
Accès au dossier. L’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN ne prévoit pas expressément la possibilité pour l’avocat d’une personne entendue librement d’accéder au dossier.
Toutefois, il renvoie à l’article 63-4-4 N° Lexbase : L9633IPH du même code qui prévoit l’interdiction pour l’avocat de faire état des informations qu’il a recueillies « en consultant les procès-verbaux ».
Par ailleurs, la circulaire du 19 décembre 2014 est venue préciser que « rien ne paraît devoir s’opposer » à ce que l’avocat consulte sous les mêmes restrictions qu’en garde à vue, les auditions de la personne qu’il assiste, réalisées antérieurement ou hors sa présence. La prise de note est donc possible, à l’exclusion des copies.
La même possibilité est prévue pour la personne soupçonnée, si elle le demande, dans les conditions prévues par l’article 63-4-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3162I3I.
La circulaire ajoute que le refus de l’enquêteur de permettre à l’avocat d’accéder au dossier est une cause de nullité de l’audition libre.
De même, si la personne gardée à vue sollicite durant le renouvellement de la mesure, un entretien avec son avocat et qu’aucun procès-verbal en ce sens n’a été dressé par les officiers de police judiciaire (OPJ), la nullité de la prolongation de la garde à vue est encourue (Cass. crim., 14 mars 2017, n° 16-84.352, FS-D N° Lexbase : A2708UCB).
Au cours de l’audition. L’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN renvoie aux règles prévues par l’article 63-4-3 du même code N° Lexbase : L9632IPG, aux termes duquel il est rappelé que :
À l’issue de l’audition. L’article 63-4-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9632IPG, applicable à l’audition libre, rappelle que l’avocat peut présenter des observations écrites, jointes à la procédure, dans lesquelles il peut consigner les questions refusées. L’avocat peut adresser ses observations ou copie de celles-ci au procureur de la République.
L’article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN renvoie à l’article 63-4-4 du même code N° Lexbase : L9633IPH selon lequel « sans préjudice des droits de la défense, l'avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu'il assiste, ni des informations qu'il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations ».
La personne auditionnée librement doit être informée de ce droit avant l’audition au moyen, le cas échéant, d’un formulaire de notification des droits (C. proc. pén., art. 61-1, 4° N° Lexbase : L7280LZN). Une fois encore, un parallélisme s’observe avec les dispositions de l’article 63-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4971K8M en matière de garde à vue. Cependant, l'article 61-1, imposant d'informer un suspect de son droit au silence, n'est applicable que pour des auditions libres réalisées dans les locaux de police, mais pas dans le cas d'une interpellation sur la voie publique (Cass. crim., 22 janvier 2019, n° 18-82.026, FS-D N° Lexbase : A3154YUD).
En application de l’article 63, III du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7438LP8, lorsque l’audition libre est immédiatement suivie d’un placement en garde en vue, l’heure du début de la garde à vue est fixée à l’heure où la personne a été appréhendée. Les heures déjà effectuées au titre de l’audition libre s’imputent donc sur le délai de garde à vue.
Une telle imputation des délais ne semble pas pouvoir être invoquée lorsque les mesures d’audition libre et de garde à vue se sont étalées dans le temps. C’est en tout cas la décision qui avait été prise par la Cour de cassation dans une espèce où les mesures étaient espacées de plusieurs mois (Cass. crim., 31 octobre 2001, n° 01-85.341 N° Lexbase : A1035AXM).
Par ailleurs, à tout moment de la procédure, même en l’absence de demande, le procureur de la République peut communiquer tout ou partie de la procédure à la personne mise en cause ou à la victime pour recueillir leurs éventuelles observations ou celles de leur avocat (C. proc. pén., art. 77-2, II).
► Pour en savoir plus. – Pour tout connaître de l'assistance des personnes soupçonnées dans le cadre de l'audition libre en un coup d'oeil, v. infographie INFO230, Assistance des personnes soupçonnées dans le cadre de l'audition libre, Procédures N° Lexbase : X9708ATQ
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En présence, de tels indices, le juge d’instruction doit envisager une audition de la personne en qualité de témoin assisté ou envisager la mise en examen de la personne.
Sur ce point, il convient de souligner que toute personne nommément visée par un réquisitoire introductif ou un réquisitoire supplétif et qui n’est pas mise en examen ne peut être entendue que comme témoin assisté (C. proc. pén., art. 113-1 N° Lexbase : L0928DYZ). Dans toutes ces situations, il s’agit d’éviter la méconnaissance des droits de la défense.
De même, le juge d’instruction est tenu d’entendre comme témoins assistés, les personnes contre lesquelles il a été décerné un mandat de comparution, d’amener ou d’arrêt, sauf à les mettre en examen conformément aux dispositions de l’article 116 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7479LPP. Ces personnes ne peuvent pas être mises en garde à vue pour les faits ayant donné lieu à la délivrance du mandat (C. proc. pén., art. 122, al. 7 N° Lexbase : L5538DYR).
Par ailleurs, une personne mise en examen pour un crime ou un délit ne peut pas être entendue, dans une même procédure, sur d’autres faits connexes ou non, que ceux qui ont donné lieu à sa mise en examen (Cass. crim., 19 juin 1990, n° 90-81.535 N° Lexbase : A3034ABY).
Le ministère public et les avocats des parties peuvent poser directement des questions au prévenu, à la partie civile, aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre, en demandant la parole au président. Le prévenu et la partie civile peuvent également poser des questions par l’intermédiaire du président (C. proc. pén., art. 442-1 N° Lexbase : L3849AZL).
De façon pratique, les témoins déposent séparément, soit sur les faits reprochés au prévenu, soit sur sa personnalité et sur sa moralité. En principe, les témoins produits par la partie poursuivante sont entendus les premiers, sauf pour le président à régler lui-même souverainement l’ordre d’audition des témoins. Selon l’article 444, alinéa 3, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3207DGU, « peuvent également, avec l’autorisation du tribunal, être admises à témoigner, les personnes, proposées par les parties, qui sont présentes à l’ouverture des débats sans avoir été régulièrement citées » (C. proc. pén., art. 444 N° Lexbase : L3207DGU).
Le faux témoignage est également sanctionné pénalement. L’article 434-13 du Code pénal N° Lexbase : L1785AM3 dispose à ce sujet que : « Le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Toutefois, le faux temoin est exempt de peine s’il a retracté spontanément son témoignage avant la décision mettant fin à la procédure rendue par la juridiction d’instruction ou par la juridiction de jugement ».
Si, au cours de l'audition de cette personne entendue librement, il apparaît qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, elle doit être entendue en application de l'article 61-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7280LZN et les informations prévues aux 1° à 6° du même article lui sont alors notifiées sans délai, sauf si son placement en garde à vue s'impose en application de l'article 62-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9627IPA.
Dans le cadre d’une commission rogatoire du juge d’instruction, les témoins ont l’obligation de déposer après avoir prêté serment sous réserve des dispositions des articles 226-13 N° Lexbase : L5524AIG et 226-14 N° Lexbase : L7491L9C du Code pénal. Les enfants au-dessous de l’âge de seize ans sont entendus sans prestation de serment (C. proc. pén., art. 108 N° Lexbase : L3441AZH, 109 N° Lexbase : L4313AZR et 153 N° Lexbase : L0042LB8).
L’officier de police judiciaire (OPJ) peut appeler et entendre toutes les personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents saisis (C. proc. pén., art. 61 N° Lexbase : L4985K87).
Les personnes convoquées par un officier de police judiciaire (OPJ) sont tenues de comparaître et celui-ci peut les y contraindre par la force publique.
L’officier de police judiciaire (OPJ) peut également contraindre à comparaître par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n'ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation.
Le procureur de la République peut enfin autoriser la comparution par la force publique sans convocation préalable en cas de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pressions sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches, ou de concertation entre les coauteurs ou complices de l'infraction.
L'officier de police judiciaire (OPJ) dresse un procès-verbal des déclarations des témoins. Les personnes entendues procèdent elles-mêmes à sa lecture, peuvent y faire consigner leurs observations et y apposent leur signature. Si elles déclarent ne pas savoir lire, lecture leur en est faite par l'officier de police judiciaire (OPJ) préalablement à la signature.
En cas de refus de signer le procès-verbal, mention en est fait sur celui-ci.
En application de l’article 62, alinéa 4, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3155I3A, si, au cours de l'audition d'une personne retenue sous contrainte, il apparaît qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue.
Son placement en garde à vue lui est alors notifié dans les conditions prévues à l'article 63-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4971K8M.
Le juge d’instruction a la possibilité de faire citer devant lui, par un huissier ou par un agent de la force publique, toutes les personnes dont la déposition lui paraît utile (C. proc. pén., art. 101 N° Lexbase : L3434AZ9). Les témoins sont ainsi tenus de prêter serment selon les termes de l’article 103 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3436AZB qui dispose que : « les témoins prêtent serment de dire toute la vérité, rien que la vérité. Le juge leur demande leurs nom, prénoms, âge, état, profession, demeure, s'ils sont parents ou alliés des parties et à quel degré ou s'ils sont à leur service. Il est fait mention de la demande et de la réponse. »
La loi reconnaît le droit pour la victime confrontée avec une personne gardée à vue d'être assistée par un avocat (C. proc. pén., art. 61-2 N° Lexbase : L2751I3B).
Par ailleurs, ne constitue par une cause de nullité, le placement en garde à vue et l’audition, par les policiers sur commission rogatoire, d’une personne, dès lors qu’il existe à son encontre des indices faisant présumer qu’elle a commis l’infraction, objet de l’information, ou qu’elle y a participé, quand bien même se serait-elle constituée partie civile dans cette procédure (Cass. crim., 28 avril 2004, n° 01-84.554, F-P+F N° Lexbase : A1576DCD).