Loi n° 83-608, 08-07-1983, renforçant la protection des victimes d'infractions

Loi n° 83-608, 08-07-1983, renforçant la protection des victimes d'infractions

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L8216HI7



Loi n° 83-608

du 8 juillet 1983

renforçant la protection des victimes d'infractions (1)

L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

PREMIERE PARTIE : DISPOSITIONS DE DROIT PENAL

Article 1er

Après l'article 404 du code pénal, il est ajouté un article 404-1 rédigé ainsi qu'il suit :

" Art. 404-1. - Sera puni d'un emprisonnement de six mois a trois ans et d'une amende de 6 000 F à 120 000 F tout débiteur qui, même avant la décision judiciaire, aura organisé ou aggravé son insolvabilité, soit en augmentant le passif ou en diminuant l'actif de son patrimoine, soit en dissimulant certains de ses biens, en vue de se soustraire à l'exécution d'une condamnation pécuniaire prononcée par une juridiction répressive ou, en matière délictuelle, quasi délictuelle ou d'aliments, par une juridiction civile.

" Sera puni des mêmes peines le dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale, qui aura organisé ou aggravé l'insolvabilité de celle-ci dans les conditions définies à l'alinéa précédent, lorsque cette personne morale sera tenue à des obligations pécuniaires résultant d'une condamnation prononcée en matière pénale, délictuelle ou quasi délictuelle.

" Sans préjudice de l'application de l'article 55, le tribunal pourra décider que la personne condamnée comme complice de l'infraction définie ci-dessus sera tenue solidairement, dans la limite des fonds ou de la valeur vénale des biens reçus à titre gratuit ou onéreux, aux obligations pécuniaires résultant de la condamnation à l'exécution de laquelle l'auteur de l'infraction a voulu se soustraire.

" Lorsque ces obligations résultent d'une condamnation pénale, le tribunal pourra décider que la peine qu'il prononce ne se confondra pas avec celle précédemment prononcée.

" La prescription de l'action publique ne courra qu'à compter de la condamnation à l'exécution de laquelle le débiteur a voulu se soustraire ou, s'il lui est postérieur, du dernier agissement ayant pour objet d'organiser ou d'aggraver l'insolvabilité d'aggraver l'insolvabilité du débiteur.

" Pour l'application du présent article, sont assimilées aux condamnations au paiement d'aliments les décisions judiciaires et les conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser des prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage. "

DEUXIEME PARTIE : Dispositions de procédure pénale

Chapitre Ier : Dispositions relatives à l'action civile

Article 2

Après l'article 5 du code de procédure pénale, il est ajouté un article 5-1 rédigé ainsi qu'il suit :

" Art. 5-1. - Même si le demandeur s'est constitué partie civile devant la juridiction répressive, la juridiction civile, saisie en référé, demeure compétente pour ordonner toutes mesures provisoires relatives aux faits qui sont l'objet des poursuites, lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. "

Article 3

L'article 88 du code de procédure pénale est rédigé ainsi qu'il suit :

" Art. 88. - La partie civile qui met en mouvement l'action publique doit, si elle n'a obtenu l'aide judiciaire, consigner au greffe la somme présumée nécessaire pour les frais de procédure.

" Le juge d'instruction constate, par ordonnance, le dépôt de la plainte. En fonction des ressources de la partie civile, il fixe le montant de la consignation et le délai dans lequel celle-ci devra être faite sous peine de non-recevabilité de la plainte. Il peut également dispenser de consignation la partie civile dépourvue de ressources suffisantes. "

Chapitre II : Dispositions relatives au contrôle judiciaire

Article 4

Le deuxième alinéa de l'article 138 du code de procédure pénale est complété ainsi qu'il suit :

" 14° Ne pas détenir ou porter une arme et, le cas échéant, remettre au greffe contre récépissé les armes dont il est détenteur;

" 15° Constituer, dans un délai, pour une période et un montant déterminés par le juge d'instruction, des sûretés personnelles ou réelles destinées à garantir les droits de la victime;

" 16° Justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les aliments qu'il a été condamné à payer conformément aux décisions judiciaires et aux conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser des prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage. "

Article 5

L'article 142-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa rédigé ainsi qu'il suit :

" Ce versement peut aussi être ordonné, même sans le consentement de l'inculpé, lorsqu'une décision de justice exécutoire a accordé à la victime ou au créancier une provision à l'occasion des faits qui sont l'objet des poursuites. "

Chapitre III : Dispositions relatives à l'intervention de l'assureur du prévenu ou de la partie civile au procès pénal

Article 6

Après l'article 385 du code de procédure pénale, sont ajoutés les articles 385-1 et 385-2 rédigés ainsi qu'il suit :

" Art. 385-1. - Dans les cas prévus par les articles 388-1 et 388-2, l'exception fondée sur une cause de nullité ou sur une clause du contrat d'assurance et tendant à mettre l'assureur hors de cause est, à peine de forclusion, présentée par celui-ci avant toute défense au fond. Elle n'est recevable que si elle est de nature à exonérer totalement l'assureur de son obligation de garantie à l'égard des tiers.

" L'assureur mis en cause dans les conditions prévues par l'article 388-2 qui n'intervient pas au procès pénal est réputé renoncer à toute exception; toutefois, s'il est établi que le dommage n'est pas garanti par l'assureur prétendu, celui-ci est mis hors de cause par le tribunal.

" Art. 385-2. - En ce qui concerne les intérêts civils, le tribunal, après avoir mis les parties en demeure de conclure au fond, statue dans un seul et même jugement sur l'exception d'irrecevabilité et sur le fond du litige. "

Article 7

Après l'article 388 du code de procédure pénale, sont ajoutés les articles, 388-1, 388-2 et 388-3 rédigés ainsi qu'il suit :

" Art. 388-1. - La personne dont la responsabilité civile est susceptible d'être engagée à l'occasion d'une infraction d'homicide ou de blessures involontaires qui a entraîné pour autrui un dommage quelconque pouvant être garanti par un assureur doit préciser le nom et l'adresse de celui-ci, ainsi que le numéro de sa police d'assurance. Il en est de même pour la victime lorsque le dommage qu'elle a subi peut être garanti par un contrat d'assurance. Ces renseignements sont consignés dans les procès-verbaux d'audition.

" Lorsque des poursuites pénales sont exercées, les assureurs appelés à garantir le dommage sont admis à intervenir et peuvent être mis en cause devant la juridiction répressive, même pour la première fois en cause d'appel; ils doivent se faire représenter par un avocat ou un avoué.

" En ce qui concerne les débats et les voies de recours, les règles concernant les personnes civilement responsables et les parties civiles sont applicables respectivement à l'assureur du prévenu et à celui de la partie civile sous réserve des dispositions de l'alinéa ci-dessus et des articles 385-1, troisième alinéa, 388-2 et 509, deuxième alinéa.

" Art. 388-2. - Dix jours au moins avant l'audience, la mise en cause de l'assureur est faite par toute partie qui y a intérêt au moyen d'un acte d'huissier ou d'une lettre recommandée, avec demande d'avis de réception, qui mentionne la nature des poursuites engagées, l'identité du prévenu, de la partie civile et, le cas échéant, de la personne civilement responsable, le numéro des polices d'assurance, le montant de la demande en réparation ou, à défaut, la nature et l'étendue du dommage, ainsi que le tribunal saisi le lieu, la date et l'heure d l'audience.

" Art. 388-3. - La décision concernant les intérêts civils est opposable à l'assureur qui est intervenu au procès ou a été avisé dans les conditions prévues par l'article 388-2. "

Article 8

Le 2° de l'article 497 du code de procédure pénale est rédigé ainsi qu'il suit :

" 2° A la personne civilement responsable quant aux intérêts civils seulement. "

Article 9

L'article 509 du code de procédure pénale est complété par un alinéa rédigé ainsi qu'il suit :

" L'appel de l'assureur produit effet à l'égard de l'assuré en ce qui concerne l'action civile. Il est, dans un délai de trois jours, notifié à l'assuré par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par l'assureur. "

Article 10

Les deuxième et troisième alinéas de l'article 515 du code de procédure pénale sont remplacés par l'alinéa suivant :

" La cour ne peut, sur le seul appel du prévenu, du civilement responsable, de la partie civile ou de l'assureur de l'une de ces personnes, aggraver le sort de l'appelant. "

Article 11

L'article 533 du code de procédure pénale est rédigé ainsi qu'il suit :

" Art. 533. - Les articles 385-1, 385-2, 388-1, 388-2, 388-3 et 390 à 392 sont applicables devant le tribunal de police. "

Chapitre IV : Dispositions relatives à la constitution de partie civile

Article 12

Au premier alinéa de l'article 420-1 du code de procédure pénale, les mots : " dont le montant n'excède pas le seuil de compétence à charge d'appel des tribunaux d'instance " sont remplacés par les mots : " dont le montant n'excède pas le plafond de la compétence de droit commun des tribunaux d'instance en matière civile ".

Chapitre V : Dispositions relatives à la compétence civile des tribunaux répressifs en cas de relaxe

Article 13

I. - Après l'article 470 du code de procédure pénale, il est ajouté un article 470-1 rédigé ainsi qu'il suit :

" Art. 470-1. - Le tribunal saisi, à l'initiative du ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction, de poursuites exercées pour homicide ou blessures involontaires qui prononce une relaxe demeure compétent, sur la demande de la partie civile ou de son assureur formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles de droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite.

" Toutefois, lorsqu'il apparaît que des tiers responsables doivent être mis en cause, le tribunal renvoie l'affaire, par une décision non susceptible de recours, devant la juridiction civile compétente qui l'examine d'urgence selon une procédure simplifiée déterminée par décret en Conseil d'Etat. "

II. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur à une date qui sera fixée par décret en Conseil d'Etat et ne pourra être postérieure au 1er janvier 1984.

Article 14

L'article 541 du code de procédure pénale est complété par un alinéa rédigé ainsi qu'il suit :

" Les dispositions de l'article 470-1 sont applicables. "

Chapitre VI : Dispositions relatives à l'indemnisation des victimes d'infractions pénales dont l'auteur est inconnu ou insolvable

Article 15

Les 2° et 3° du premier alinéa de l'article 706-3 du code de procédure pénale sont rédigés ainsi qu'il suit :

" 2° Le préjudice consiste en un trouble grave dans les conditions de vie résultant d'une perte ou d'une diminution de revenus, d'un accroissement de charges, d'une inaptitude à exercer une activité professionnelle ou d'une atteinte à l'intégrité soit physique, soit mentale;

" 3° La personne lésée ne peut obtenir, à un titre quelconque, la réparation ou une indemnisation effective et suffisante de ce préjudice. "

Article 16

L'article 706-4 du code de procédure pénale est rédigé ainsi qu'il suit :

" Art. 706-4. - L'indemnité est allouée par une commission instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance. Cette commission a le caractère d'une juridiction civile qui se prononce en premier et dernier ressort.

" La commission est composée de deux magistrats du siège du tribunal de grande instance et d'une personne majeure, de nationalité française et jouissant de ses droits civiques, s'étant signalée par l'intérêt qu'elle porte aux problèmes des victimes. Elle est présidée par l'un des magistrats.

" Les membres de la commission et leurs suppléants sont désignés pour une durée de trois ans par l'assemblée générale des magistrats du siège du tribunal.

" Les fonctions du ministère public sont exercées par le procureur de la République ou l'un de ses substituts.

" Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article. "

Article 17

Dans la dernière phrase de l'article 706-5 du code de procédure pénale, aux mots : " lorsqu'il justifie d'un motif légitime " sont substitués les mots : " lorsqu'il n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis ou lorsqu'il a subi une aggravation de son préjudice ou pour tout autre motif légitime ".

Article 18

L'article 706-6 du code de procédure pénale est rédigé ainsi qu'il suit :

" Art. 706-6. - La commission ou son président peut procéder ou faire procéder à toutes auditions et investigations utiles, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel. Ils peuvent notamment se faire communiquer copie des procès-verbaux constatant l'infraction ou de toutes les pièces de la procédure pénale, même en cours. Ils peuvent également requérir :

" 1° De toute personne ou administration, la communication de renseignements sur la situation professionnelle, financière, fiscale ou sociale des personnes ayant à répondre du dommage causé par l'infraction ou du requérant;

" 2° De tout service de l'Etat, collectivité publique, organisme de sécurité sociale, organisme assurant la gestion des prestations sociales ou compagnies d'assurance susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la communication des renseignements relatifs à l'exécution de leurs obligations éventuelles.

" Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d'autres fins que l'instruction de la demande d'indemnité et leur divulgation est interdite.

" Des provisions peuvent être accordées par le président. Lorsqu'une provision est demandée, dès le dépôt de la requête en indemnisation, le président statue dans le délai d'un mois; dans ce cas, elle ne peut excéder le quart du maximum fixé en application de l'article 706-9. "

Article 19

L'article 706-10 du code du procédure pénale est complété par les mots : " ou de la provision ".

Article 20

L'article 706-11 du code de procédure pénale est rédigé ainsi qu'il suit :

" Art. 706-11. - L'Etat est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes.

" L'Etat peut exercer ses droits par toutes voies utiles, y compris par voie de constitution de partie civile devant la juridiction répressive et ce, même pour la première fois, en cause d'appel. "

TROISIEME PARTIE : DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Article 21

Les dispositions de procédure prévues par la présente loi sont applicables devant les juridictions pour mineurs.

Article 22

Le code de l'organisation judiciaire (partie Législative) est modifié ainsi qu'il suit :

I. - Dans le titre Ier du livre III, il est inséré un chapitre III rédigé ainsi qu'il suit :

" Chapitre III : Commission juridictionnelle fonctionnant auprès du tribunal de grande instance : la commission d'indemnisation de certains dommages corporels

" Art. L. 313-1. - Il y a dans le ressort de chaque tribunal de grande instance une commission juridictionnelle chargée de statuer sur les demandes d'indemnité présentées par les victimes de dommages corporels résultant d'une infraction.

" Cette commission a le caractère d'une juridiction civile.

" Art. L. 313-2. - Les règles concernant la compétence et la composition de la Commission prévue à l'article précédent, ainsi que celles qui sont relatives au ministère public près cette commission, sont fixées par l'article 706-4 du code de procédure pénale. "

II. - Le titre III du livre II est abrogé.

Article 23

La présente loi entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication au Journal officiel. Toutefois, les dispositions des articles 15 à 20 entreront en vigueur à une date qui sera fixée par décret en Conseil d'Etat et ne pourra être postérieure au 1er janvier 1984.

Pour l'application de l'article 706-4 du code de procédure pénale, les actes, formalités et décisions intervenus antérieurement demeureront valables et les procédures seront déférées de plein droit aux commissions devenues compétentes en vertu de la présente loi.

La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 8 juillet 1983.

FRANÇOIS MITTERRAND

Par le Président de la République :

Le Premier ministre, PIERRE MAUROY

Le ministre de l'économie, des finances et du budget, JACQUES DELORS

Le garde des sceaux, ministre de la justice, ROBERT BADINTER


(1) Travaux préparatoires :
Assemblée nationale :
Projet de loi n° 1399;
Rapport de Mme Cacheux, au nom de la commission des lois, n° 1461;
Discussion et adoption le 5 mai 1983.
Sénat :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, n° 303 (1982-1983);
Rapport de M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission des lois, n° 330 (1982-1983);
Avis de la commission des finances n° 326 (1982-1983);
Discussion et adoption le 25 mai 1983.
Assemblée nationale :
Projet de loi, modifié par le Sénat, n° 1531;
Rapport de Mme Cacheux, au nom de la commission des lois, n° 1567;
Discussion et adoption le 13 juin 1983.
Sénat :
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, n° 386 (1982-1983);
Rapport de M. Girault, au nom de la commission des lois, n° 433 (1982-1983);
Discussion et adoption le 24 juin 1983.
Assemblée nationale :
Projet de loi, modifié par le Sénat en deuxième lecture, n° 1640;
Rapport de Mme Cacheux, au nom de la commission des lois, n° 1664;
Discussion t adoption le 29 juin 1983.

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