Directive communautaire
DIRECTIVE 94/45/CE DU CONSEIL
du 22 septembre 1994
concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs
LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu l'accord sur la politique sociale, annexé au protocole (no 14) sur la politique sociale, annexé au traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 2 paragraphe 2,
vu la proposition de la Commission (1),
vu l'avis du Comité économique et social (2),
statuant conformément à la procédure prévue à l'article 189 C (3),
considérant que, sur la base du protocole sur la politique sociale annexé au traité instituant la Communauté européenne, le royaume de Belgique, le royaume de Danemark, la république fédérale d'Allemagne, la République hellénique, le royame d'Espagne, la République française, l'Irlande, la République italienne, le grand-duché de Luxembourg, le royaume des Pays-Bas et la République portugaise (ci-après dénommés " États membres "), désireux de mettre en oeuvre la charte sociale de 1989, ont arrêté entre eux un accord sur la politique sociale;
considérant que l'article 2 paragraphe 2 dudit accord autorise le Conseil à adopter, par voie de directive, des prescriptions minimales;
considérant que, selon l'article 1er de cet accord, la Communauté et les États membres ont notamment pour objectif de promouvoir le dialogue social;
considérant que le point 17 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs prévoit entre autres que " l'information, la consultation et la participation des travailleurs doivent être développées, selon des modalités adéquates, en tenant compte des pratiques en vigueur dans les différents États membres "; que " cela vaut en particulier dans des entreprises ou des groupes comportant des entreprises ou des établissements situés dans plusieurs États membres ";
considérant que le Conseil, malgré l'existence d'un large consensus entre la majorité des États membres, n'a pas été en mesure de statuer sur la proposition de directive concernant la constitution d'un comité d'entreprise européen dans les entreprises ou les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (4), telle qu'amendée le 3 décembre 1991 (5);
considérant que la Commission, conformément à l'article 3 paragraphe 2 de l'accord sur la politique sociale, a consulté les partenaires sociaux au niveau communautaire sur l'orientation possible d'une action communautaire en matière d'information et de consultation des travailleurs dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire;
considérant que la Commission, estimant après cette consultation qu'une action communautaire était souhaitable, a de nouveau consulté les partenaires sociaux sur le contenu de la proposition envisagée conformément à l'article 3 paragraphe 3 dudit accord et que ceux-ci ont transmis à la Commission leur avis;
considérant que, au terme de cette seconde phase de consultation, les partenaires sociaux n'ont pas informé la Commission de leur volonté d'engager le processus qui pourrait aboutir à la conclusion d'un accord, tel que prévu à l'article 4 dudit accord;
considérant que le fonctionnement du marché intérieur comporte un processus de concentrations d'entreprises, de fusions transfrontalières, d'absorptions et d'associations et, par conséquent, une transnationalisation des entreprises et des groupes d'entreprises; que, pour assurer un développement harmonieux des activités économiques, il faut que les entreprises et les groupes d'entreprises opérant dans plusieurs États membres informent et consultent les représentants de leurs travailleurs touchés par leurs décisions;
considérant que les procédures pour l'information et la consultation des travailleurs prévues dans les législations ou pratiques des États membres ne sont souvent pas adaptées à la structure transnationale de l'entité qui prend la décision affectant ces travailleurs; que cette situation peut entraîner un traitement inégal des travailleurs touchés par les décisions au sein d'une même entreprise ou d'un même groupe;
considérant que des dispositions appropriées doivent être prises pour veiller à ce que les travailleurs employés dans des entreprises de dimension communautaire ou dans des groupes d'entreprises de dimension communautaire soient correctement informés et consultés lorsque des décisions qui les affectent sont prises dans un État membre autre que celui dans lequel ils travaillent;
considérant que, pour s'assurer que les travailleurs des entreprises ou des groupes d'entreprises opérant dans plusieurs États membres soient correctement informés et consultés, il faut instituer un comité d'entreprise européen, ou mettre en place d'autres procédures adéquates pour l'information et la consultation transnationale des travailleurs;
considérant que, à cet effet, une définition de la notion d'entreprise qui exerce le contrôle, se rapportant exclusivement à la présente directive et ne préjugeant pas des définitions des notions de groupe et de contrôle qui pourraient être adoptées dans des textes qui seront élaborés à l'avenir, s'avère nécessaire;
considérant que les mécanismes pour l'information et la consultation des travailleurs de ces entreprises ou de ces groupes doivent englober tous les établissements ou, selon le cas, toutes les entreprises membres du groupe, situés dans les États membres, que la direction centrale de l'entreprise ou, s'il s'agit d'un groupe, de l'entreprise qui en exerce le contrôle, soit ou ne soit pas située sur le territoire des États membres;
considérant que, conformément au principe de l'autonomie des parties, il appartient aux représentants des travailleurs et à la direction de l'entreprise ou de l'entreprise qui exerce le contrôle d'un groupe, de déterminer d'un commun accord la nature, la composition, les attributions, les modalités de fonctionnement, les procédures et les ressources financières du comité d'entreprise européen ou d'autres procédures pour l'information et la consultation, de manière à ce qu'elles soient adaptées à leur propre situation particulière;
considérant que, conformément au principe de subsidiarité, il appartient aux États membres de déterminer qui sont les représentants des travailleurs, et notamment de prévoir, s'ils l'estiment adéquat, une représentation équilibrée des différentes catégories de travailleurs;
considérant, toutefois, qu'il convient de prévoir certaines prescriptions subsidiaires qui seront applicables si les parties le décident, en cas de refus de la part de la direction centrale d'entamer des négociations ou en cas d'absence d'accord à l'issue de celles-ci;
considérant, en outre, que les représentants des travailleurs peuvent décider de ne pas demander l'institution d'un comité d'entreprise européen, ou bien que les parties intéressées peuvent convenir d'autres procédures pour l'information et la consultation transnationale des travailleurs;
considérant que, sans préjudice de la faculté des parties d'en convenir autrement, le comité d'entreprise européen institué en l'absence d'accord entre elles, afin de mettre en oeuvre l'objectif de la présente directive, doit être informé et consulté au sujet des activités de l'entreprise ou du groupe d'entreprises, de manière à pouvoir en mesurer l'impact possible sur les intérêts des travailleurs d'au moins deux États membres différents; que, à cet effet, l'entreprise ou l'entreprise qui exerce le contrôle doit être tenue de communiquer aux représentants désignés des travailleurs des informations générales concernant les intérêts des travailleurs et des informations concernant plus spécialement les aspects des activités de l'entreprise ou du groupe d'entreprises qui affectent les intérêts des travailleurs; que le comité d'entreprise européen doit pouvoir émettre un avis à l'issue de cette réunion;
considérant qu'un certain nombre de décisions affectant considérablement les intérêts des travailleurs doivent faire l'objet d'une information et d'une consultation des représentants désignés des travailleurs dans les meilleurs délais;
considérant qu'il convient de prévoir que les représentants des travailleurs agissant dans le cadre de la directive jouissent, dans l'exercice de leurs fonctions, de la même protection et des garanties similaires prévues pour les représentants des travailleurs par la législation et/ou la pratique de leur pays d'emploi; qu'ils ne doivent subir aucune discrimination du fait de l'exercice légitime de leur activité et doivent jouir d'une protection adéquate en matière de licenciement et d'autres sanctions;
considérant que les dispositions de la présente directive concernant l'information et la consultation des travailleurs doivent être mises en oeuvre, dans le cas d'une entreprise ou d'une entreprise exerçant le contrôle d'un groupe dont la direction centrale est située en dehors du territoire des États membres, par son représentant dans un État membre, le cas échéant désigné, ou, à défaut de représentant, par l'établissement ou l'entreprise contrôlée employant le plus grand nombre de travailleurs dans les États membres;
considérant qu'il convient d'accorder un traitement spécifique aux entreprises et groupes d'entreprises de dimension communautaire dans lesquelles il existe, à la date de mise en application de la présente directive, un accord applicable à l'ensemble des travailleurs, prévoyant une information et une consultation transnationale des travailleurs;
considérant que les États membres doivent prendre des mesures appropriées en cas de non-application des obligations prévues par la présente directive,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:
SECTION I DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article premier
Objet 1. La présente directive a pour objectif d'améliorer le droit à l'information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire.
2. À cet effet, un comité d'entreprise européen ou une procédure d'information et de consultation des travailleurs est institué dans chaque entreprise de dimension communautaire et chaque groupe d'entreprises de dimension communautaire, lorsque la demande en est faite suivant la procédure prévue à l'article 5 paragraphe 1, dans le but d'informer et de consulter lesdits travailleurs dans les conditions, selon les modalités et avec les effets prévus par la présente directive.
3. Par dérogation au paragraphe 2, lorsqu'un groupe d'entreprises de dimension communautaire au sens de l'article 2 paragraphe 1 point c) comprend une ou plusieurs entreprises ou groupes d'entreprises qui sont des entreprises de dimension communautaire ou des groupes d'entreprises de dimension communautaire au sens de l'article 2 paragraphe 1 points a) ou c), le comité d'entreprise européen est institué au niveau du groupe, sauf dispositions contraires des accords visés à l'article 6.
4. Sauf si un champ d'application plus large est prévu par les accords visés à l'article 6, les pouvoirs et les compétences des comités d'entreprise européens et la portée des procédures d'information et de consultation des travailleurs, mis en place afin de réaliser l'objectif visé au paragraphe 1, concernent, dans le cas d'une entreprise de dimension communautaire, tous les établissements situés dans les États membres et, dans le cas d'un groupe d'entreprises de dimension communautaire, toutes les entreprises membres du groupe situées dans les États membres.
5. Les États membres peuvent prévoir que la présente directive ne s'applique pas au personnel navigant de la marine marchande.
Article 2
Définitions 1. Aux fins de la présente directive, on entend par:
a) " entreprise de dimension communautaire ": une entreprise employant au moins 1 000 travailleurs dans les États membres et, dans au moins deux États membres différents, au moins 150 travailleurs dans chacun d'eux;
b) " groupe d'entreprises ": un groupe comprenant une entreprise qui exerce le contrôle et les entreprises contrôlées;
c) " groupe d'entreprises de dimension communautaire ": un groupe d'entreprises remplissant les conditions suivantes:
- il emploie au moins 1 000 travailleurs dans les États membres,
- il comporte au moins deux entreprises membres du groupe dans des États membres différents
et
- au moins une entreprise membre du groupe emploie au moins 150 travailleurs dans un État membre et au moins une autre entreprise membre du groupe emploie au moins 150 travailleurs dans un autre État membre;
d) " représentants des travailleurs ": les représentants des travailleurs prévus par les législations et/ou pratiques nationales;
e) " direction centrale ": la direction centrale de l'entreprise de dimension communautaire ou, dans le cas d'un groupe d'entreprises de dimension communautaire, de l'entreprise qui exerce le contrôle;
f) " consultation ": l'échange de vues et l'établissement d'un dialogue entre les représentants des travailleurs et la direction centrale ou tout autre niveau de direction plus approprié;
g) " comité d'entreprise européen ": le comité institué conformément à l'article 1er paragraphe 2 ou aux dispositions de l'annexe, afin de mettre en oeuvre l'information et la consultation des travailleurs;
h) " groupe spécial de négociation ": le groupe institué conformément à l'article 5 paragraphe 2, afin de négocier avec la direction centrale l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation des travailleurs conformément à l'article 1er paragraphe 2.
2. Aux fins de la présente directive, les seuils d'effectifs sont fixés d'après le nombre moyen de travailleurs, y compris les travailleurs à temps partiel, employés au cours des deux années précédentes, calculé selon les législations et/ou pratiques nationales.
Article 3
Définition de la notion d'" entreprise qui exerce le contrôle " 1. Aux fins de la présente directive, on entend par " entreprise qui exerce le contrôle " une entreprise qui peut exercer une influence dominante sur une autre entreprise " entreprise contrôlée ", par exemple du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent.
2. Le fait de pouvoir exercer une influence dominante est présumé établi, sans préjudice de la preuve du contraire, lorsqu'une entreprise, directement ou indirectement, à l'égard d'une autre entreprise:
a) détient la majorité du capital souscrit de l'entreprise
ou
b) dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par l'entreprise