Directive communautaire
DIRECTIVE 93/6/CEE DU CONSEIL
du 15 mars 1993
sur l'adéquation des fonds propres des entreprises d'investissement et des établissements de crédit
LE CONSEIL DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 57 paragraphe 2 première et troisième phrases,
vu la proposition de la Commission (1),
en coopération avec le Parlement européen (2),
vu l'avis du Comité économique et social (3),
considérant que la directive 93/22/CEE du Conseil, du 10 mai 1993, concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières (4), a pour objectif principal de permettre aux entreprises d'investissement agréées et surveillées par les autorités compétentes de leur État membre d'origine d'établir des succursales et de fournir librement leurs services dans d'autres États membres; que ladite directive prévoit donc la coordination des règles relatives à l'agrément des entreprises d'investissement et à l'exercice de leur activité;
considérant que ladite directive ne définit cependant pas de règles communes concernant les fonds propres des entreprises d'investissement, pas plus d'ailleurs qu'elle ne fixe le montant de leur capital initial; qu'elle ne définit pas de cadre commun pour la surveillance des risques auxquels lesdites entreprises sont exposées; qu'elle fait référence, dans plusieurs de ses dispositions, à une autre initiative communautaire qui aurait précisément pour objet l'adoption de mesures coordonnées dans ces domaines;
considérant que la démarche retenue consiste à ne réaliser que l'harmonisation essentielle, nécessaire et suffisante pour parvenir à une reconnaissance mutuelle des agréments et des systèmes de contrôle prudentiel; que l'adoption de mesures de coordination en ce qui concerne la définition des fonds propres des entreprises d'investissement, la fixation du montant de leur capital initial et la définition d'un cadre commun pour la surveillance de leurs risques constituent des aspects essentiels de l'harmonisation nécessaire pour parvenir à cette reconnaissance mutuelle dans le cadre du marché financier intérieur;
considérant qu'il convient de fixer, pour le capital initial, des montants différents en fonction de la gamme des activités que les entreprises d'investissement sont autorisées à exercer;
considérant que les entreprises d'investissement existantes doivent être autorisées, sous certaines conditions, à poursuivre leur activité, même si elles ne respectent pas le montant minimal fixé pour le capital initial des nouvelles entreprises;
considérant que les États membres peuvent également édicter des règles plus strictes que celles énoncées dans la présente directive;
considérant que la présente directive s'inscrit dans l'effort international entrepris, à une échelle plus vaste, pour parvenir à un rapprochement des règles en vigueur en matière de surveillance des entreprises d'investissement et des établissements de crédit (ci-après dénommés collectivement "établissements");
considérant que des règles de base communes concernant les fonds propres des établissements sont un élément clé du marché intérieur dans le secteur des services d'investissement, puisque les fonds propres permettent d'assurer la continuité de l'activité de ces établissements et de protéger les investisseurs;
considérant que, sur un marché commun financier, les établissements, qu'il s'agisse d'entreprises d'investissement ou d'établissements de crédit, sont en concurrence directe les uns avec les autres;
considérant qu'il est donc souhaitable de réaliser l'égalité de traitement des établissements de crédit et des entreprises d'investissement;
considérant que, pour les établissements de crédit, des règles communes ont déjà été fixées pour le contrôle et la surveillance des risques de crédit par la directive 89/647/CEE du Conseil, du 18 décembre 1989, relative à un ratio de solvabilité des établissements de crédit (5);
considérant qu'il est nécessaire d'élaborer des règles communes concernant les risques de marché auxquels sont exposés les établissements de crédit et de prévoir un cadre complémentaire pour la surveillance des risques auxquels sont exposés les établissements, notamment les risques de marché et, plus particulièrement, les risques de position, de règlement/contrepartie et de change;
considérant qu'il est nécessaire d'introduire la notion de "portefeuille de négociation", comprenant des positions en titres et autres instruments financiers détenus à des fins commerciales et exposés principalement aux risques de marché et aux risques liés à certains services financiers fournis au client;
considérant qu'il est souhaitable que les établissements dont le portefeuille de négociation représente une part modeste, en termes tant absolus que relatifs, aient la faculté d'appliquer la directive 89/647/CEE plutôt que de devoir répondre aux exigences prévues aux annexes I et II de la présente directive;
considérant qu'il importe de tenir compte, dans la surveillance du risque de règlement/livraison, de l'existence de systèmes offrant une protection adéquate qui diminue ce risque;
considérant que, en tout état de cause, les établissements doivent se conformer aux dispositions de la présente directive en ce qui concerne la couverture des risques de change afférents à toutes leurs opérations; que les exigences de capital doivent être moindres lorsqu'il s'agit de couvrir des positions libellées en monnaies présentant une corrélation étroite, que celle-ci résulte de données statistiques ou d'accords interétatiques contraignants, en particulier de ceux conclus dans la perspective de l'union monétaire européenne;
considérant que l'existence, dans tous les établissements, d'un système interne de surveillance et de contrôle des risques de taux d'intérêt afférents à toutes leurs opérations est un moyen particulièrement important de limiter au maximum ces risques; qu'il est nécessaire, par conséquent, que ces systèmes fassent l'objet d'une surveillance des autorités compétentes;
considérant que la directive 92/121/CEE du Conseil, du 21 décembre 1992, sur la surveillance et le contrôle des grands risques des établissements de crédit (6), n'a pas pour objectif de fixer des règles communes pour la surveillance des grands risques liés aux activités qui sont principalement exposées aux risques de marché; que ladite directive fait référence à une autre initiative communautaire qui aurait pour objet d'instaurer la coordination des méthodes nécessaire dans ce domaine;
considérant qu'il est nécessaire d'adopter des règles communes pour la surveillance et le contrôle des grands risques des entreprises d'investissement;
considérant que, pour les établissements de crédit, il existe déjà une définition des fonds propres dans la directive 89/299/CEE du Conseil, du 17 avril 1989, concernant les fonds propres des établissements de crédit (7);
considérant que la définition des fonds propres des établissements devrait s'inspirer de cette définition;
considérant toutefois que, aux fins de la présente directive, on est fondé à s'écarter de la définition figurant dans la directive susmentionnée, afin de tenir compte des caractéristiques particulières des activités exercées par les établissements qui comportent principalement des risques de marché;
considérant que la directive 92/30/CEE du Conseil, du 6 avril 1992, sur la surveillance des établissements de crédit sur une base consolidée (8), énonce le principe de la consolidation; qu'elle n'instaure pas de règles communes concernant la consolidation des établissements financiers qui se consacrent à des activités principalement exposées à des risques de marché; que ladite directive fait référence à une autre initiative communautaire qui aurait pour objet l'adoption de mesures coordonnées dans ce domaine;
considérant que la directive 92/30/CEE ne s'applique pas aux groupes qui comprennent une ou plusieurs entreprises d'investissement mais pas d'établissements de crédit; que l'on a toutefois estimé souhaitable de prévoir un cadre commun pour l'instauration d'une surveillance des entreprises d'investissement sur une base consolidée;
considérant que des adaptations techniques aux règles détaillées figurant dans la présente directive pourront être nécessaire à certains intervalles de temps pour tenir compte de l'évolution de la situation dans le secteur des services d'investissement; que la Commission proposera, le cas échéant, les adaptations nécessaires;
considérant que le Conseil devrait adopter, à un stade ultérieur, des dispositions relatives à l'adaptation de la présente directive au progrès technique, conformément à la décision 87/373/CEE du Conseil, du 13 juillet 1987, fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (9); que, entre-temps, le Conseil devrait procéder lui-même à cette adaptation, sur proposition de la Commission;
considérant qu'il convient de prévoir le réexamen de la présente directive dans un délai de trois ans à compter de sa mise en application, compte tenu de l'expérience, de l'évolution sur les marchés financiers et des travaux effectués dans les enceintes internationales des autorités de réglementation; que ce réexamen devrait également inclure la révision de la liste des points appelant des adaptations techniques;
considérant que la présente directive et la directive 92/22/CEE sont liées si étroitement que leur entrée en vigueur à des dates différentes risquerait d'entraîner des distorsions de concurrence,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:
Article premier
1. Les États membres soumettent aux dispositions de la présente directive les entreprises d'investissement et les établissements de crédit au sens de l'article 2.
2. Un État membre peut imposer des exigences supplémentaires ou plus strictes aux entreprises d'investissement et aux établissements de crédit qu'il a agréés.
DÉFINITIONS
Article 2
Aux fins de la présente directive, on entend par:
1) "établissement de crédit": un établissement de crédit, au sens de l'article 1er premier tiret de la première directive 77/780/CEE du Conseil, du 12 décembre 1977, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice (10), qui est soumis aux exigences prévues par la directive 89/647/CEE;
2) "entreprise d'investissement": un établissement, au sens de l'article 1er point 2 de la directive 93/22/CEE, qui est soumis aux exigences prévues par la même directive, à l'exception:
- des établissements de crédit,
- des entreprises locales définies au point 20),
et
- des entreprises qui se limitent à recevoir et à transmettre des ordres d'investisseurs sans détenir elles-même des fonds et/ou des titres appartenant à leurs clients et qui, pour cette raison, ne risquent à aucun moment d'être débiteurs vis-à-vis de leurs clients;
3) "établissements": les établissements de crédit et les entreprises d'investissement;
4) "entreprises d'investissement reconnues de pays tiers": les entreprises qui, si elles étaient établies dans la Communauté, auraient été couvertes par la définition de l'entreprise d'investissement figurant au point 2, qui sont autorisées dans un pays tiers et qui sont soumises et satisfont à des règles prudentielles considérées par les autorités compétentes comme étant au moins aussi strictes que celles prévues par la présente directive;
5) "instrument financier": tout instrument au sens de la section B de l'annexe de la directive 93/22/CEE;
6) "portefeuille de négociation d'un établissement": portefeuille comprenant:
a) les positions propres en instruments financiers qui sont détenues par l'établissement en vue de leur revente et/ou qui sont prises par cet établissement dans l'intention de profiter à court terme des écarts réels et/ou escomptés entre leurs prix d'achat et de vente, ou d'autres variations de prix ou de taux d'intérêts, et les positions résultant d'achats et de ventes simultanés effectués pour compte propre (matched principal broking), ou les positions détenues en vue de couvrir d'autres éléments du portefeuille,
et
b) les risques liés aux opérations non dénouées, aux transactions incomplètes et aux instruments dérivés hors bourse, visés aux points 1, 2, 3 et 5 de l'annexe II, les risques liés aux opérations de mise en pension et aux prêts de titres, portant sur des titres compris dans le portefeuille de négociation au sens du point a) ci-dessus, visés au point 4 de l'annexe II, et, à condition que les autorités compétentes l'autorisent, les risques liés aux opérations de prise en pension et aux emprunts de titres, visés au même point 4, qui satisfont soit aux conditions énoncées aux points i), ii), iii) et v), soit aux conditions énoncées aux points iv) et v) figurant ci-après:
i) les risques sont évalués quotidiennement au prix du marché selon les procédures prévues à l'annexe II;
ii) la garantie est adaptée de manière à tenir compte des variations significatives de la valeur des titres sur lesquels porte l'opération ou la transaction en question, selon une règle jugée acceptable par les autorités compétentes;
iii) l'opération ou la transaction prévoit que les créances de l'établissement sont automatiquement et immédiatement compensées avec les créances de sa contrepartie en cas de défaillance de cette dernière;
iv) il s'agit d'une opération ou d'une transaction interprofessionnelle;
v) ces opérations et transactions sont réservées à leur usage accepté et approprié, les transactions artificielles, et plus spécialement celles qui ne sont pas à court terme, étant exclues,
et
c) les risques sous forme de droits de courtage, commissions, intérêts, dividendes et dépôts de marge concernant des instruments dérivés négociés en bourse qui sont directement liés aux éléments compris dans le portefeuille et visés au point 6 de l'annexe II.
L'inclusion d'éléments particuliers dans le portefeuille de négociation ou leur exclusion s'effectue selon des procédures objectives comprenant, le cas échéant, les normes comptables dans l'établissement concerné; ces procédures, ainsi que leur application sur une base continue, font l'objet d'un examen par les autorités compétentes;
7) "entreprise mère", "filiale" et "établissement financier": une entreprise mère, une filiale et un établissement financier tels que définis à l'article 1er de la directive 92/30/CEE;
8) "compagnie financière": un établissement financier dont les filiales sont exclusivement ou principalement des établissements de crédit, des entreprises d'investissement ou d'autres établissements financiers, l'une au moins de ces filiales étant un établissement de crédit ou une entreprise d'investissement;