Directive communautaire
Première directive du Conseil
du 21 décembre 1988
rapprochant les législations des États membres sur les marques
(89/104/CEE)
LE CONSEIL DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté économique européenne,
et notamment son article 100 A,
vu la proposition de la Commission (1),
en coopération avec le Parlement européen (2),
vu l'avis du Comité économique et social (3),
Considérant que les législations qui s'appliquent actuellement aux marques dans les États membres comportent des disparités qui peuvent entraver la libre circulation des produits ainsi que la libre prestation des services et fausser les conditions de concurrence dans le marché commun; qu'il est donc nécessaire, en vue de l'établissement et du fonctionnement du marché intérieur, de rapprocher les législations des États membres;
Considérant qu'il importe de ne pas méconnaître les solutions et les avantages que le régime de la marque communautaire peut offrir aux entreprises désireuses d'acquérir des marques;
Considérant qu'il n'apparaît pas nécessaire actuellement de procéder à un rapprochement total des législations des États membres en matière de marques et qu'il est suffisant de limiter le rapprochement aux dispositions nationales ayant l'incidence la plus directe sur le fonctionnement du marché intérieur;
Considérant que la présente directive n'enlève pas aux États membres le droit de continuer à protéger les marques acquises par l'usage mais ne régit que leurs rapports avec les marques acquises par l'enregistrement;
Considérant que les États membres gardent également toute liberté pour fixer les dispositions de procédure concernant l'enregistrement, la déchéance ou la nullité des marques acquises par l'enregistrement; qu'il leur appartient, par exemple, de déterminer la forme des procédures d'enregistrement et de nullité, de décider si les droits antérieurs doivent être invoqués dans la procédure d'enregistrement ou dans la procédure de nullité ou dans les deux, ou encore, dans le cas où des droits antérieurs peuvent être invoqués dans la procédure d'enregistrement, de prévoir une procédure d'opposition ou un examen d'office ou les deux ;
que les États membres conservent la faculté de déterminer les effets de la déchéance ou de la nullité des marques;
Considérant que la présente directive n'exclut pas l'application aux marques des dispositions du droit des États membres, autres que le droit des marques, telles que les dispositions relatives à la concurrence déloyale, à la responsabilité civile ou à la protection des consommateurs;
Considérant que la réalisation des objectifs poursuivis par le rapprochement suppose que l'acquisition et la conservation du droit sur la marque enregistrée soient en principe subordonnées, dans tous les États membres, aux mêmes
conditions; qu'à cette fin, il convient d'établir une liste exemplative de signes susceptibles de constituer une marque s'ils sont propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises; que les motifs de refus ou de nullité concernant la marque elle-même, par exemple l'absence de caractère distinctif, ou concernant les conflits entre la marque et des droits antérieurs, doivent être énumérés de façon exhaustive, même si certains de ces motifs sont énumérés à titre facultatif pour les États membres qui pourront donc maintenir ou introduire dans leur législation les motifs en question; que les États membres pourront maintenir ou introduire dans leur législation des motifs de refus ou de nullité liés à des conditions d'acquisition ou de conservation du droit sur la marque pour lesquelles il n'existe pas de dispositions de rapprochement et qui sont relatives, par exemple, à la qualité du titulaire de la marque, au renouvellement de la marque, au régime des taxes ou au non-respect des règles de procédure;
Considérant que, pour réduire le nombre total des marques enregistrées et protégées dans la Communauté et, partant, le nombre des conflits qui surgissent entre elles, il importe d'exiger que les marques enregistrées soient effectivement utilisées sous peine de déchéance; qu'il est nécessaire de prévoir que la nullité d'une marque ne peut être prononcée en raison de l'existence d'une marque antérieure non utilisée, tout en laissant aux États membres la faculté d'appliquer le même principe en ce qui concerne l'enregistrement d'une marque ou de prévoir qu'une marque ne peut être valablement invoquée dans une procédure en contrefaçon s'il est établi, à la suite d'une exception, que le titulaire de la marque pourrait être déchu de ses droits; que, pour tous ces cas, il appartient aux États membres de fixer les règles de procédure applicables :
Considérant qu'il est fondamental, pour faciliter la libre circulation des produits et la libre prestation des services, de faire en sorte que les marques enregistrées jouissent désormais de la même protection dans la législation de tous les États membres; que cela, cependant, n'enlève pas aux États membres la faculté d'accorder une protection plus large aux marques ayant acquis une renommée;
Considérant que la protection conférée par la marque enregistrée, dont le but est notamment de garantir la fonction d'origine de la marque, est absolue en cas d'identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services; que la protection vaut également en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services; qu'il est indispensable d'interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion; que le risque de confusion, dont l'appréciation dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l'association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés, constitue la condition spécifique de la protection; que les moyens par lesquels le risque de confusion peut être constaté, et en particulier la charge de la preuve, relèvent des règles nationales de procédure auxquelles la présente directive ne porte pas préjudice;
Considérant qu'il importe, pour des raisons de sécurité juridique et sans porter atteinte de manière inéquitable aux intérêts du titulaire d'une marque antérieure, de prévoir que ce dernier ne peut plus demander la nullité ou s'opposer à l'usage d'une marque postérieure à la sienne dont il a sciemment toléré l'usage pendant une longue période, sauf si la marque postérieure a été demandée de mauvaise foi;
Considérant que tous les États membres de la Communauté sont liés par la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle; qu'il est nécessaire que les dispositions de la présente directive soient en harmonie complète avec celles de la convention de Paris; que les obligations des États membres découlant de cette convention ne sont pas affectées par la présente directive; que, le cas échéant, l'article 234 deuxième alinéa du traité s'applique,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE :
Article premier
Champ d'application
La présente directive s'applique aux marques de produits ou de services individuelles, collectives, de garantie ou de certification, qui ont fait l'objet d'un enregistrement ou d'une demande d'enregistrement dans un État membre ou auprès de l'Office des marques du Benelux ou qui ont fait l'objet d'un enregistrement international produisant ses effets dans un État membre.
Article 2
Signes susceptibles de constituer une marque
Peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d'une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises.
Article 3
Motifs de refus ou de nullité
1. Sont refusés à l'enregistrement ou susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés :
a) les signes qui ne peuvent constituer une marque;
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif :
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci;
d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce;
e) les signes constitués exclusivement :
- par la forme imposée par la nature même du produit,
- par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique,
- par la forme qui donne une valeur substantielle au produit;
f) les marques qui sont contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs;
g) les marques qui sont de nature à tromper le public, par exemple sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service;
h) les marques qui, à défaut d'autorisation des pouvoirs compétents, sont à refuser ou à invalider en vertu de l'article 6 ter de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, ci-après dénommée «convention de Paris ».
2. Chaque État membre peut prévoir qu'une marque est refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle lorsque et dans la mesure où
a) l'usage de cette marque peut être interdit en vertu de la législation autre que celle en matière de droit des marques de l'État membre concerné ou de la Communauté;
b) la marque comporte un signe de haute valeur symbolique, et notamment un symbole religieux;
c) la marque comporte des badges, emblèmes et écussons autres que ceux visés par l'article 6 ter de la convention de Paris et présentant un intérêt public, à moins que leur enregistrement n'ait été autorisé conformément à la législation de l'État membre par l'autorité compétente;
d) la demande d'enregistrement de la marque a été faite de mauvaise foi par le demandeur.
3. Une marque n'est pas refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, n'est pas susceptible d'être déclarée nulle en application du paragraphe 1 points b), c) ou d) si, avant la date de la demande d'enregistrement et après l'usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif. En outre, les États membres peuvent prévoir que la présente disposition s'applique également lorsque le caractère distinctif a été acquis après la demande d'enregistrement ou après l'enregistrement.
4. Un État membre peut prévoir que, par dérogation aux paragraphes 1, 2 et 3, les motifs de refus ou de nullité qui étaient applicables dans cet État avant la date à laquelle les dispositions nécessaires pour se conformer à la présente directive entrent en vigueur s'appliquent aux marques dont la demande a été déposée avant cette date.
Article 4
Motifs supplémentaires de refus ou de nullité concernant les conflits avec des droits antérieurs
1. Une marque est refusée à l'enregistrement ou est susceptible d'être déclarée nulle si elle est enregistrée :
a) lorsqu'elle est identique à une marque antérieure et que les produits ou services pour lesquels la marque a été demandée ou a été enregistrée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée;
b) lorsqu'en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association avec la marque antérieure.
2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par «marques antérieures »:
a) les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l'appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes :
i) les marques communautaires;
ii) les marques enregistrées dans l'État membre ou, pour ce qui concerne la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, auprès de l'Office des marques du Benelux;
iii) les marques qui ont fait l'objet d'un enregistrement international ayant effet dans l'État membre;
b) les marques communautaires qui revendiquent valablement l'ancienneté, conformément au règlement sur la marque communautaire, par rapport à une marque visée aux points a) sous ii) et a) sous iii), même si cette dernière marque a fait l'objet d'une renonciation ou s'est éteinte;
c) les demandes de marques visées aux points a) et b), sous réserve de leur enregistrement;
d) les marques qui, à la date de dépôt de la demande de marque, ou, le cas échéant, à la date de la priorité invoquée à l'appui de la demande de marque, sont «notoirement connues» dans l'Etat membre au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris.
3. Une marque est également refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle si elle est identique ou similaire à une marque communautaire antérieure au sens du paragraphe 2 et si elle est destinée à être enregistrée ou a été enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire antérieure est enregistrée, lorsque la marque communautaire antérieure jouit d'une renommée dans la Communauté et que l'usage de la marque postérieure sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire antérieure ou qu'elle leur porterait préjudice.
4. Un État membre peut en outre prévoir qu'une marque est refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle lorsque et dans la mesure où :
a) la marque est identique ou similaire à une marque nationale antérieure au sens du paragraphe 2 et si elle est destinée à être enregistrée ou a été enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque la marque antérieure jouit d'une renommée dans l'État membre concerné et que l'usage de la marque postérieure sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu'il leur porterait préjudice;
b) des droits à une marque non enregistrée ou un autre signe utilisé dans la vie des affaires ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque postérieure ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l'appui de la demande de marque postérieure, et que cette marque non enregistrée ou cet autre signe donne à son titulaire le droit d'interdire l'utilisation d'une marque postérieure;