Circulaire CIV 2006-02
du 9 janvier 2006
relative aux mesures législatives et réglementaires applicables de la loi de sauvegarde des entreprises applicables aux procédures en cours
NOR : JUSC0620008C
POUR ATTRIBUTION
Procureurs généraux près les cours d'appel - Procureurs de la République près les tribunaux de grande instance - Procureur près le tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon - Procureur près le tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou - Premiers présidents des cours d'appel - Président du tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon - Président du tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou - Présidents des tribunaux de grande instance - Présidents des tribunaux de commerce - Présidents des tribunaux mixtes de commerce
Textes sources :
Livre VI du Code de commerce
loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises
décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005 pris en application de la loi de sauvegarde des entreprises.
La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et le décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005, pris pour son application, sont entrés en vigueur le 1er janvier 2006.
Ces textes ne sont pas applicables aux procédures en cours à l'exception, aux termes de l'article 191 de cette loi et de l'article 361 de ce décret, de certaines de leurs dispositions.
La présente circulaire a pour objet d'en exposer le contenu, sous réserve de l'application souveraine qu'en feront les juridictions.
1. Le chapitre IV du titre IV du livre VI du code de commerce ainsi que le chapitre IV du titre IV du décret du 28 décembre, permettent l'application de la liquidation judiciaire simplifiée lors des procédures de redressement ou de liquidation judiciaires en cours.
La procédure de liquidation judiciaire simplifiée peut être appliquée, dès le 1er janvier 2006, dans deux cas de figure, qui caractérisent l'existence d'une procédure en cours :
a) Une procédure de redressement judiciaire est en cours et le prononcé d'une liquidation judiciaire subséquente est envisagé par le tribunal. Celle-ci peut l'être directement sous le régime applicable à la procédure simplifiée dans les conditions de l'article 312 du décret. Cet article prévoit que le débiteur doit avoir été entendu ou dûment appelé. Cette condition peut être réunie lors de l'audience au cours de laquelle il est débattu du prononcé de la liquidation judiciaire. L'article L. 641-2 dispense par ailleurs du rapport du liquidateur dans ce cas de figure.
Les conditions du second alinéa de l'article L. 641-2 doivent être réunies, à savoir l'absence de bien immobilier dans l'actif, l'emploi par le débiteur d'au plus cinq salariés au cours des six mois précédent l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, et le constat qu'à la date de clôture du dernier exercice comptable son chiffre d'affaires était égal ou inférieur à 750.000 euros hors taxes (article 223 du décret).
b) Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle et les conditions mentionnées ci-dessus sont réunies. Le tribunal, s'il envisage de faire application de la procédure simplifiée, statue dans les conditions prévues à l'article 312 du décret.
Il est important de souligner :
- que l'ensemble des procédures de liquidation judiciaire, ouvertes à compter du 1er janvier 2006, devront, en application de l'article L. 641-2, comprendre un rapport du liquidateur sur la situation du débiteur, au regard de l'éventualité de l'application de la procédure simplifiée, établi dans le mois de sa désignation. Cette exigence n'est pas requise pour les procédures en cours ;
- que l'application des règles de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée ne signifie pas l'ouverture d'une nouvelle procédure, mais des conditions particulières pour son déroulement ;
- que cette application relève d'une initiative de la juridiction, qui en apprécie souverainement l'opportunité.
2. L'article L. 626-27 du code de commerce ainsi que les articles 158 et 159 du décret pris pour son application, déterminent la procédure de résolution des plans de redressement judiciaire en cours.
2.1. La résolution du plan
Les plans de continuation en cours sont soumis à la loi nouvelle lorsqu'ils ne sont pas respectés.
L'article L. 626-27, qui leur est applicable, permet le recouvrement forcé des dividendes par le commissaire à l'exécution du plan avant toute procédure en résolution de plan.
L'inexécution des engagements du débiteur peut conduire à la résolution du plan par le tribunal, hors de toute cessation des paiements. La déchéance des délais de paiements et des remises accordées est susceptible de conduire à celle-ci mais cette situation ne peut être présumée.
Lorsque la cessation des paiements est constatée au cours de l'exécution du plan, il en va différemment. Le tribunal doit alors, après avoir recueilli l'avis du ministère public, prononcer la résolution du plan, et, dans le même jugement, ainsi que le précise l'article 159 du décret, prononcer la liquidation judiciaire du débiteur.
Cette dernière disposition est conforme au droit en vigueur (Cass Com 10 mai 2005) mais les conséquences de cette mesure de rigueur sont atténuées du fait que désormais le plan de cession de l'entreprise peut être une issue de la liquidation judiciaire.
2.2. Le droit pour les créanciers de la procédure initiale de ne pas déclarer à nouveau leur créance
Le III de l'article L. 626-27 qui dispense les créanciers de déclarer à nouveau leur créance après ouverture ou prononcé d'une procédure suivant une résolution de plan n'est pas applicable aux procédures en cours, celles-ci ne pouvant être, du fait du droit en vigueur que liquidatives. Le 2° de l'article 191 de la loi de sauvegarde ne vise en effet que les procédures de redressement judiciaire.
En revanche, les procédures ouvertes à compter du 1er janvier 2006, en conséquence d'une résolution de plan, bénéficieront de cet apport de la loi nouvelle. Il s'agit en effet de procédures nouvelles.
Les articles 158 et 159 du décret comprennent les dispositions de procédure utiles dans ce cas.
2.3. L'article L. 643-11 du code de commerce ainsi que l'article 309 du décret pris pour son application, déterminent les conditions de la poursuite de la suspension des actions des créanciers, à la clôture des plans de cession et des procédures de liquidation judiciaire en cours.
Les règles nouvelles relatives au maintien de la suspension des poursuites individuelles ou à leur reprise sont applicables aux procédures de liquidation judiciaire en cours ainsi qu'aux procédures de redressement judiciaire conduisant ou ayant conduit à l'arrêté d'un plan de cession. Il se substitue, en ce qui les concerne, à l'article L. 622-32 (ancien) auquel renvoie l'article L. 621-95 (ancien) qui demeure applicable.
En conséquence, les juridictions auront à y prêter la plus grande attention lors des clôtures prononcées à compter du 1er janvier 2006.
Si l'initiative revient aux créanciers d'invoquer les nouvelles dispositions de la loi pour faire valoir leur droit de reprendre leurs poursuites, le tribunal est désormais appelé à statuer expressément sur la reprise de ces poursuites, pour cas de fraude. Il y procède lors du jugement de clôture ou par une requête ultérieure.
Les conditions de la reprise des poursuites individuelles sont régies par le V de l'article L. 643-11 et par l'article 309 du décret. Il importe d'appeler l'attention des juridictions sur la disposition nouvelle selon laquelle le juge appelé à délivrer un titre exécutoire lorsque la créance n'a pas été vérifiée est le juge du droit commun et non plus celui de la procédure collective.
L'interdiction de gérer n'est plus une cause de reprise des poursuites. Toutefois, l'article 191 de la loi de sauvegarde précise que les poursuites déjà engagées le 1er janvier 2006 sur ce fondement ne sont pas affectées et que les sommes perçues par les créanciers leur restent acquises.
L'application de ce texte aux procédures ouvertes sous le régime de la loi du 13 juillet 1967 demeure limitée, seules les procédures toujours en cours étant concernées.
2.4. Les articles 226 et 306 du décret du 28 décembre 2005 rendent applicables aux procédures de liquidation judiciaire en cours les règles relatives au compte-rendu de fin de mission du liquidateur, au dépôt des comptes du greffier et à la cessation des fonctions du juge-commissaire et des contrôleurs.
Pour toutes les procédures de liquidation judiciaire clôturées postérieurement au 1er janvier 2006, les règles relatives à la reddition de ses comptes sont remplacées par celles relatives au compte-rendu de fin de mission prévues aux articles 151 et 152 du décret et complétées par celles relatives à la reddition des comptes du greffier prévues à l'article 153 du même décret.
En conséquence, l'article 226 du décret qui diffère le terme des fonctions du juge-commissaire et des contrôleurs jusqu'à l'approbation de ce compte rendu de fin de mission par le premier sont, elles aussi, immédiatement applicables aux procédures en cours.
Les liquidations clôturées avant le 1er janvier 2006 ne sont pas affectées, n'étant plus en cours.
Les dispositions des articles 152 et 153 du décret nécessitant l'adaptation des documents édités par les professionnels concernés, une tolérance de quelques semaines peut leur être accordée. Le débiteur comme les contrôleurs ne sont néanmoins pas liés par cette suggestion.
2.5. L'article L. 643-13 du code de commerce détermine les conditions de la reprise des procédures de liquidation judiciaire en cours, après leur clôture.
L'article L. 643-13 régira les conditions de la reprise des liquidations judiciaires clôturées après le 1er janvier 2006.
Elles sont grandement facilitées, la saisine de la juridiction ne relevant plus des seuls créanciers.
Les règles de la liquidation judiciaire simplifiée seront immédiatement applicables si les actifs découverts ne consistent qu'en une somme d'argent. Dans ce cas l'article L. 644-4 sera suffisant à régir l'entière reprise de procédure.
En conséquence de quoi, il convient de veiller à ce que les pratiques de recours à un mandataire ad hoc aux fins de répartition, après clôture, de ce type d'actifs, n'aient plus lieu.
2.6. Les chapitres Ier et II du titre V du livre VI du code de commerce, ainsi que les chapitres Ier et II du titre V du décret du 28 décembre 2005 pris pour leur application, déterminent les conditions de l'action en comblement de l'insuffisance d'actif et de l'action en obligation aux dettes sociales, à l'occasion des procédures de redressement et de liquidation judiciaires en cours et suppriment les procédures collectives ouvertes à titre de sanction, y compris à l'occasion de ces procédures.
L'application aux procédures en cours des dispositions des chapitres Ier et II du titre V de la loi de sauvegarde, est limitée, du fait de l'exclusion, par son article 191, de l'article L. 651-2, aux conditions de l'action en comblement de l'insuffisance d'actif qui demeure régie par les textes anciens.
Elle concerne essentiellement l'action aux fins d'obligation aux dettes sociales qui se substitue, pour les procédures en cours, aux ouvertures de procédures à titre de sanction.
L'article L. 624-5 (ancien) n'est, dès lors, plus applicable aux procédures en cours et aucune condamnation de peut plus être prononcée sur son fondement.
Le chapitre Ier du titre V n'ayant pas repris les dispositions de l'article L. 624-1 (ancien), il ne peut plus être ouvert de procédure sur ce fondement. L'article 192 de la loi de sauvegarde le confirme en précisant que néanmoins, les procédures déjà ouvertes en vertu de cet article ne sont pas affectées par l'entrée en vigueur de la loi.
2.7. L'article L. 653-7 du code de commerce ainsi que l'article 324 du décret, pris pour son application, déterminent les conditions de saisine et de composition des juridictions, applicables aux actions aux fins de sanctions professionnelles, à l'occasion des procédures de redressement et de liquidation judiciaires en cours.
Les conditions de la saisine de la juridiction aux fins de sanction professionnelle sont modifiées et applicables aux procédures en cours.
Ainsi, les juridictions ne peuvent plus se saisir d'office.
Le juge-commissaire ne peut plus siéger dans la formation de jugement, ni participer au délibéré. Son rapport n'est pas prévu en ce qui concerne les procédures en cours. Il sera nécessaire, en application de l'article 348 du décret, pour les procédures ouvertes après le 1er janvier 2006.
Aucune condition de forme n'est requise pour ce rapport, mais il apparaît qu'un rapport écrit est préférable dans ce cas à un rapport oral, le juge-commissaire non appelé à siéger pouvant alors ne pas être présent à l'audience.
2.8. L'article L. 653-11 du code de commerce détermine les conditions du prononcé des sanctions professionnelles, à l'occasion des procédures de redressement et de liquidation judiciaires en cours ainsi que les conditions de leur relèvement.
L'article L. 653-11 détermine, en ce qui concerne les procédures en cours, l'étendue des sanctions professionnelles qui peuvent être prononcées ainsi que les règles relatives à la dispense ou au relèvement des déchéances, interdictions et incapacités, prononcées à leur occasion.
Les nouvelles conditions du relèvement ne sont ainsi pas applicables aux mesures prononcées à l'occasion de procédures clôturées avant le 1er janvier 2006.
Si l'article 326 du décret n'est pas immédiatement applicable, le caractère général de l'article L. 653-11 permet de considérer que les conditions du relèvement d'une interdiction de gérer prononcée à l'occasion d'une procédure en cours le 1er janvier 2006, peuvent consister en une formation professionnelle.
Par ailleurs, l'article 192 de la loi nouvelle dispose que les procédures de redressement ou de liquidation judiciaires ouvertes aux fins de sanction, en application des articles L. 621-98, L. 624-1, L. 624-4 et L. 624-5 du code de commerce, antérieurement au 1er janvier 2006 ne sont pas affectées par son entrée en vigueur.
Il résulte des termes de la loi que les actions engagées sur le fondement de ces articles, mais n'ayant pas abouti au prononcé d'une telle décision d'ouverture, ne peuvent être poursuivies.
Si ses conditions d'applications sont réunies, notamment en ce qui concerne son délai de prescription de trois ans, une action en obligation aux dettes sociales peut se substituer à la procédure " sanction " de l'article L. 624-5 (ancien).
Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 4 janvier 2006 vient de préciser " que la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte, à titre de sanction, contre un dirigeant social par une décision prononcée antérieurement au 1er janvier 2006, fut elle frappée de voies de recours, continue d'être régie par les dispositions du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi [du 26 juillet 2005], peu important que l'exécution provisoire ait été, le cas échéant, arrêtée. (Cass. Com. 4 janvier 2006)
Vous voudrez bien me faire part des difficultés que l'application de la présente circulaire pourrait soulever.
Pour le Garde des sceaux, ministre de la justice,
Le directeur des affaires civiles et du sceau, Marc GUILLAUME