Réf. : Cass. crim., 26 mai 2021, n° 20-80.884, FS-P (N° Lexbase : A88474SH)
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par Adélaïde Léon
le 09 Juin 2021
► Il doit désormais être jugé que le prévenu qui a offert de prouver la vérité des faits diffamatoires, conformément aux articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, reste recevable à soutenir, lors des débats au fond, que les propos poursuivis ne renferment pas l’imputation ou l’allégation d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité.
Rappel des faits. Le 3 juillet 2013, l’édition 19/20 région Île-de-France du journal de France 3 diffusait un reportage concernant le licenciement de trois gardiennes par la société Financière Saint-James, nouveau propriétaire des lieux désireux de récupérer les locaux. À la requête de cette société, la directrice de la publication de France télévision et la société France télévisions, en sa qualité de civilement responsable, ont été citées à comparaître devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation publique envers un particulier. Le tribunal a déclaré la prévenue coupable et l’a condamnée. L’ensemble des parties a interjeté appel.
En cause d’appel. La cour d’appel a débouté la société Financière Saint-James de l’ensemble de ses demandes. Cette dernière a formé un pourvoi.
Moyens du pourvoi. Il était reproché à la cour d’appel d’avoir débouté la société Financière Saint-James de ses demandes alors que les propos poursuivis constituaient une diffamation et, par ailleurs, que le prévenu qui a spontanément formé une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires ne peut ensuite soutenir que les termes ou expressions incriminées ne seraient pas diffamatoires faute de contenir l’imputation d’un fait précis susceptible de preuve.
Décision. La Cour censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3977AZC) estimant que la cour d’appel n’avait pas apprécié le caractère diffamatoire des propos poursuivis en se fondant sur toutes les circonstances, même extrinsèques au passage concerné.
Mais l’intérêt de cet arrêt réside dans la nouvelle règle que dégage la Cour de cassation s’agissant des conséquences de la signification d’une offre de preuve sur les moyens de défense ultérieurement présentés.
Assez logiquement, la Chambre criminelle jugeait auparavant que le prévenu qui a, conformément à l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW), signifié une offre de preuve de la vérité des faits ne saurait ensuite soutenir que les propos incriminés ne seraient pas diffamatoires faute de contenir l’imputation d’un fait précis (Cass. crim., 22 mai 1990, n° 87-81.387 N° Lexbase : A5647CIY). Citant ce dernier arrêt à propos de l’incidence de l’offre de preuve sur la contestation du caractère diffamatoire de l’imputation litigieuse, Madame Sylvie Menotti, conseiller référendaire à la Cour de cassation expliquait très distinctement que : « Partant de l’idée que l’offre de preuve n’est possible que lorsque les faits sont suffisamment précis et qu’il est donc paradoxal de prétendre, à la fois, faire la preuve d’un fait précis et contester la précision dudit fait, la Cour de cassation a posé en règle que "le prévenu qui a spontanément offert, dans les conditions précisées à l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881, de faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires ne saurait ensuite soutenir que les termes ou expressions incriminés ne seraient pas diffamatoires, faute de contenir l’imputation d’un fait précis susceptible de preuve" ».
La Cour admettait en revanche que le prévenu qui forme une offre de preuve conserve la faculté de soutenir la suite que les propos incriminés ne portent pas atteinte à l’honneur ou à la considération de la partie civile (Cass. crim., 2 septembre 2003, n° 03-80.349, F-P+F+I N° Lexbase : A5616C9U).
La Chambre criminelle rappelle ici que l’offre de preuve ne peut être présentée que dans les dix jours de la signification de la citation et avant que ne s’ouvrent les débats (Loi du 29 juillet 1881, art. 35 et 55).
La Cour affirme ensuite que l’exceptio veritatis constitue un moyen de défense subsidiaire à celui consistant à contester que les propos incriminés contiennent l’imputation d’un fait précis attentatoire à l’honneur ou la considération de la partie civile. La Chambre criminelle en déduit que le respect des droits de la défense oblige à admettre que le prévenu qui a, pour les besoins de ce moyen de défense subsidiaire que constitue l’offre de preuve, considéré que les propos incriminés renferment l’imputation d’un fait précis susceptible donc d’un débat sur la preuve de sa vérité, puisse ensuite librement, devant le tribunal, soutenir, à titre principal cette fois, que tel n’est pas le cas et ainsi participer au débat au terme duquel les juges ont d’office la charge de prononcer sur ce point.
La Chambre criminelle pose donc un nouveau principe selon lequel le prévenu qui a formé une offre de preuve conformément aux délais et formes prévus aux articles 35 et 44 de la loi du 19 juillet 1881 reste recevable à soutenir, lors des débats au fond, que les propos poursuivis ne renferment pas l’imputation ou l’allégation d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité.
En l’espèce, les juges ne pouvaient donc sur ce fondement déclarer irrecevable l’argumentation de la prévenue selon laquelle une partie des propos était trop lapidaire pour contenir l’imputation d’un fait précis. Les magistrats devaient, en tout état de cause, apprécier le sens et la portée dudit propos.
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