Lexbase Droit privé n°806 du 12 décembre 2019 : Copropriété

[Textes] Le syndicat des copropriétaires après l’ordonnance du 30 octobre 2019

Réf. : Ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis (N° Lexbase : Z955378U) ; modifiant la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (N° Lexbase : L5536AG7)

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par Vivien Zalewski-Sicard, Enseignant-chercheur, Université Toulouse Capitole, IEJUC

le 12 Décembre 2019

Suivant l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, la collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile. Tant son objet que les conditions d’engagement de sa responsabilité sont modifiées par l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 (I) qui apporte, également, des précisions sur les différents évènements relatifs au syndicat des copropriétaires, de sa naissance à sa disparition (II).

I - Le syndicat : un objet et une responsabilité corrigés

L’article 11 de l’ordonnance du 30 octobre 2019 modifie l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 en prévoyant un objet plus vaste pour le syndicat et une responsabilité élargie.

A - Un objet légal plus vaste

L’objet du syndicat est, avec l’article 11 de l’ordonnance du 30 octobre 2019, plus vaste. En effet, au-delà de la conservation et de l’administration des parties communes, celui-ci intègre l’amélioration de l’immeuble. Il peut être remarqué que cette modification de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 conduit à prendre en considération une possibilité qui était déjà ouverte au syndicat. Ainsi, l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que le syndicat peut décider d’une amélioration des parties communes dès lors que cette amélioration est conforme à la destination de l’immeuble. De même, l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 précise que c’est à la majorité des voix de tous les copropriétaires que peut être adoptée une décision concernant l’ensemble des travaux comportant transformation, addition ou amélioration. Par ailleurs, le syndicat secondaire a un objet visant la gestion, l’entretien et l’amélioration interne du (ou des) bâtiment(s), ainsi que le précise l’article 27 de la loi du 10 juillet 1965.

Il n’en demeure pas moins vrai qu’il est possible que cet objet plus vaste ait des répercussions sur l’appréhension de ce qu’il convient d’entendre par travaux collectifs au sens de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965. En effet, ledit article est également modifié par l’ordonnance du 30 octobre 2019. Ledit article précise que, si les circonstances l'exigent et à condition que l'affectation, la consistance ou la jouissance des parties privatives comprises dans son lot n'en soient pas altérées de manière durable, aucun des copropriétaires ou de leurs ayants droit ne peut faire obstacle à l'exécution, même à l'intérieur de ses parties privatives, des travaux régulièrement et expressément décidés par l'assemblée générale. Etait, ensuite, présente une liste de travaux pouvant être réalisés et qualifiés de travaux d’intérêt collectif. Cette liste est supprimée. Une telle suppression peut conduire les copropriétaires à contester la qualification des travaux votés par l’assemblée générale. C’est alors le caractère plus vaste de l’objet du syndicat qui pourrait conduire les magistrats à retenir plus facilement que les travaux en cause sont bien d’intérêt collectif.

B - Une responsabilité élargie

Alors que l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 énonçait que le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires, l’article 11 de l’ordonnance du 30 octobre 2019 supprime de l’article 14 les termes «vice de construction» et «défaut d’entretien».

Suivant le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 30 octobre 2019 (N° Lexbase : Z954828U), le but est de «clarifier les conditions d'engagement de la responsabilité objective du syndicat pour des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, en supprimant la référence au vice de construction et au défaut d'entretien. S'agissant du défaut d'entretien, cette formulation semblait renvoyer à la notion de faute, alors qu'il était admis en jurisprudence que le syndicat était responsable des désordres ayant pour origine les parties communes, sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'un comportement fautif de la part du syndicat. S'agissant du vice de construction, ce concept se rapproche de la responsabilité prévue à l'article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ), qui ne se réfère qu'au dommage. Ainsi, la loi disposera désormais clairement que la responsabilité du syndicat est engagée de plein droit dès lors que le siège du dommage se situe dans les parties communes. Cette mesure de clarification aura pour effet de simplifier et de réduire un contentieux relativement abondant, notamment sur le défaut d'entretien».

Relativement à cette modification, il peut être précisé que l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 permettait d’engager la responsabilité du syndicat indépendamment de l’existence d’une faute de sa part, raison pour laquelle ladite responsabilité est qualifiée tantôt d’objective, tantôt de plein droit. Autrement dit, il ne servait à rien au syndicat de démontrer son absence de faute pour faire échec à une action en responsabilité. A cet égard, la présentation faite de cette modification par le rapport précité s’avère inexacte dès lors qu’il était indifférent de déterminer si le défaut d’entretien résultait ou non d’une faute du syndicat. En revanche, il revenait à la victime, copropriétaire ou tiers à la copropriété, d’établir que la cause du dommage résidait dans un vice de construction ou un défaut d’entretien. Toutefois, la jurisprudence a progressivement atténué la charge de la victime en la dispensant d’établir l’existence d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction. C’est, alors, uniquement la preuve d’un dommage s’étant produit dans les parties communes ou ayant pour origine les parties communes qu’il s’avérait nécessaire de prouver. Dès lors qu’une telle preuve était rapportée, la responsabilité du syndicat était engagée, sauf pour ce dernier à établir l’existence d’un cas de force majeure (Cass. civ. 3, 18 septembre 2013, n° 12-17.440, FS-P+B N° Lexbase : A4870KLX) ou l’existence d’une faute de la victime (Cass. civ. 3, 29 octobre 2013, n° 12-23.953, F-D N° Lexbase : A8142KNU ; Cass. civ. 3, 9 mai 2019, n° 18-13.670, F-D N° Lexbase : A0864ZBM). En modifiant, ainsi, l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, l’ordonnance du 30 octobre 1965 consacre la jurisprudence de la Cour de cassation favorable à la victime d’un dommage s’étant produit dans les parties communes ou ayant pour origine les parties communes. Il reste tout de même nécessaire à la victime de rapporter une double preuve : celle de l’existence d’un dommage et celle que les parties communes sont bien à l’origine du dommage qu’elle a subi. Sans cette double preuve, la responsabilité du syndicat ne pourra être engagée sur le fondement de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965.

II - Le syndicat : de sa naissance à sa disparition

La loi «ELAN» du 23 novembre 2018 (loi n° 2018-1021 N° Lexbase : L8700LM8) a créé l’article 1-1 de la loi du 10 juillet 1965, précisant le moment de la naissance du syndicat, directement et maladroitement inspiré de l’article 2 du projet de réforme du GRECCO. C’est à cette naissance qu’entend contribuer l’ordonnance du 30 octobre 2019, sans cependant apporter de modification à l’article 1er ou à l’article 1-1 de la loi du 10 juillet 1965. Ainsi, l’article 11 vient supprimer de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 la précision suivant laquelle le syndicat des copropriétaires ne peut prendre la forme d’un syndicat coopératif que si le règlement de copropriété le prévoit expressément. Une telle suppression permettra, ainsi, plus aisément à de tels syndicats de voir le jour.

Au-delà de cette modification, ce sont également les modalités relatives à la création d’un syndicat secondaire (A) et à la division en volumes du syndicat (B) qui sont revues par l’ordonnance, tout en apportant des précisions sur les conséquences de la disparition du syndicat en cas de réunion de tous les lots entre les mains d’un unique propriétaire (C).

A - Le syndicat secondaire

L’objectif de la création de syndicats secondaires est de décentraliser les pouvoirs de l’unique syndicat de copropriétaires en créant de nouveaux syndicats de copropriétaires au niveau d’un ou plusieurs bâtiments qui font toujours partie, même après cette création, d’une copropriété unique. Ainsi, il peut être prévu que le syndicat principal gèrera les parties communes générales tandis que des syndicats secondaires gèreront les parties communes spéciales, propres à chaque bâtiment. Il n’y a pas alors de syndicats indépendants les uns des autres, mais des syndicats autonomes, secondaires, qui demeurent intégrés dans un syndicat principal, central.

L’article 27 de la loi du 10 juillet 1965 énonce clairement les conditions nécessaires à la création d’un syndicat secondaire. Il faut, tout d’abord, que l’immeuble comporte plusieurs bâtiments. Il faut, ensuite, que les copropriétaires dont les lots composent l'un ou plusieurs de ces bâtiments se réunissent en assemblée spéciale et décident, aux conditions de majorité prévues à l'article 25, la constitution entre eux d'un syndicat, dit secondaire. La décision prise ne peut, alors, être implicite. Si ces conditions ne sont pas respectées, l’existence d’un syndicat secondaire ne peut être retenue.

Pour autant, la Cour de cassation a admis qu’une résolution en assemblée spéciale n’était pas toujours nécessaire. En effet, avec le soutien de la doctrine, la Cour a jugé que l’absence de résolution pouvait être suppléée par les stipulations du règlement de copropriété (Cass. civ. 3, 19 novembre 2015, n° 14-21.862, F-D N° Lexbase : A5445NXX ; J.-R. Bouyeure, La création de syndicats secondaires : AJPI, 1968, p. 764). Dans cette hypothèse, c’est donc dès la création de la copropriété qu’a été envisagée la création d’un (ou plusieurs) syndicat(s) secondaire(s).

Restait, alors, à définir le degré de précision attendue du règlement de copropriété pour que puisse être retenue l’existence d’un syndicat secondaire. Faut-il ainsi nécessairement que soit utilisés les termes «syndicat secondaire» dans le règlement de copropriété pour que l’existence d’un tel syndicat puisse être retenue ? Pour la Cour de cassation, l’absence des termes «syndicat secondaire» dans le règlement de copropriété n’est pas dirimante (Cass. civ. 3, 17 juin 2014, n° 13-15.069, F-D N° Lexbase : A5839MRP ; Cass. civ. 3, 14 mars 2019, n° 18-10.214, FS-P+B+I N° Lexbase : A0258Y4C). Cette absence peut être supplée par des éléments intrinsèques au règlement de copropriété. Ainsi, progressivement, l’on s’éloigne des exigences de l’article 27 de la loi du 10 juillet 1965 permettant de caractériser clairement l’existence d’un syndicat secondaire : de l’exigence d’une résolution d’une assemblée spéciale créant ledit syndicat, on passe à une stipulation du règlement de copropriété la prévoyant puis à des éléments intrinsèques au règlement de copropriété dont il sera déduit l’existence d’un syndicat secondaire.

L’article 31 de l’ordonnance du 30 octobre 2019 ne remet pas en cause cette jurisprudence, mais modifie, en revanche, l’une des conditions prévues par l’article 27 de la loi du 10 juillet 1965 pour pouvoir recourir à un syndicat secondaire. En effet, le recours à un syndicat secondaire est possible, non seulement lorsqu’existe une pluralité de bâtiments, mais également plusieurs entités homogènes susceptibles d'une gestion autonome. L’objectif est de faciliter le recours au syndicat secondaire. Cet ajout est directement inspiré de l’article 99 du projet GRECCO.

Relativement à cet ajout, il reste à déterminer ce qu’il faut entendre par «entité homogène». Le rapport au Président de la République n’apporte sur ce point aucun élément, se contentant de préciser que «cette mesure permettra de favoriser une gestion de proximité et individualisée des entités distinctes, sans recourir à la scission en volumes qui est techniquement et juridiquement moins aisée à mettre en œuvre, tout en maintenant le fonctionnement d'un syndicat principal pour la gestion des parties communes générales et éléments communs».

Pour autant, les termes d’«entité homogène» ne sont pas nouveaux puisque déjà présents dans l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965 lorsqu’il est envisagé de procéder à une division en volumes. Par rapport, d’ailleurs, à l’article 28, il doit être remarqué qu’il n’est pas exigé pour la création d’un syndicat secondaire que ces entités soient affectées à des usages différents. Un usage unique pour l’ensemble des lots de copropriété ne fera dès lors pas obstacle à la création d’un syndicat secondaire en présences d’entités homogènes susceptibles d’une gestion autonome.

Compte tenu de l’objet du syndicat secondaire, à savoir assurer la gestion, l'entretien et l'amélioration interne de ce (ou ces) bâtiment(s) ou entités homogènes, il convient à notre sens nécessairement que les parties de bâtiment qui correspondront à ces entités homogènes soient techniquement indépendantes. Ainsi, et par exemple, si dans un bâtiment unique, il est possible d’entrer par deux escaliers différents et qu’entre les deux parties desservies par leur propre escalier, il n’existe pas d’accès, alors l’existence d’une entité homogène susceptible d’une gestion autonome pourra être retenue et le recours à un syndicat secondaire admis.

B - La division en volumes

La division en volumes d’une copropriété doit être distinguée de la scission du syndicat, toutes deux envisagées dans l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965.

La scission emporte division de la copropriété et indépendance. Il y a, alors, naissance de nouveaux syndicats de copropriétaires, disparition du syndicat de copropriétaires initial et division du sol. Autrement dit, chaque syndicat est indépendant, du fait de la division du sol. Une telle scission, outre qu’elle nécessite l’existence d’au moins deux bâtiments et la possibilité de diviser le sol, ne peut intervenir qu’après que la division ait été décidée par une assemblée spéciale des copropriétaires des bâtiments concernés, dont la décision doit ensuite être approuvée par l'assemblée générale de tous les copropriétaires. Elle ne peut, à la différence d’une subdivision de lot, être régie par une clause spécifique du règlement de copropriété qui autoriserait une telle scission sans décision d’une assemblée générale. En effet, le choix, lors de la création de la copropriété, de n’effectuer aucune division du sol, et dès lors de se soumettre au statut de la copropriété, est immuable sans nouvelle décision prise par une assemblée générale des copropriétaires.

La division en volumes conduit, également, à la division de la copropriété et à la disparition du syndicat des copropriétaires. Toutefois, à la différence de la scission, elle ne débouche pas obligatoirement sur la naissance de nouveaux syndicats. Tel ne sera le cas que si, à l’intérieur des volumes, est mise en place une copropriété, ce qui n’est en rien obligatoire. En ce dernier cas, à la division en volumes, se superpose une division d’un volume en lots de copropriété.

Si la scission du syndicat n’est pas modifiée par l’article 32 de l’ordonnance du 30 octobre 2019, il en va différemment de la division en volumes. En effet, l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965 soumettait la division en volumes à avis du maire de la commune de situation de l'immeuble et à autorisation du représentant de l'Etat dans le département. C’est cet avis et cette autorisation qui sont supprimés par l’article 32 de l’ordonnance. Pour le Gouvernement, en effet, la nécessité d’un tel avis et d’une telle autorisation ne sont pas justifiées dès lors que «le contrôle de l'autorité publique s'avère la plupart du temps très formel. La suppression de cette procédure administrative se justifie également par le fait que la décision de diviser en volumes la copropriété relève, par principe et en dehors des hypothèses de copropriétés en difficulté, de la volonté souveraine du syndicat des copropriétaires». Ces justifications n’apparaissent pas pleinement convaincantes. En quoi, en effet, le fait que la décision de diviser en volumes la copropriété relève de la volonté souveraine du syndicat des copropriétaires interdit que la mise en œuvre soit contrôlée ? La législation ne manque pas d’exemples où la qualité de propriétaire d’un immeuble est loin de suffire pour écarter tout contrôle de l’usage qui en est fait.

L’article 32 de l’ordonnance ne modifie pas les autres conditions pour pouvoir diviser en volumes une copropriété. Ainsi, il est toujours nécessaire qu’existent soit plusieurs bâtiments distincts sur dalle soit plusieurs entités homogènes affectées à des usages différents, pour autant que chacune de ces entités permette une gestion autonome. Il demeure toujours interdit d’user de la division en volumes pour un bâtiment unique soumis au statut de la copropriété.

C - La disparition du syndicat

L’article 39 de l’ordonnance du 30 octobre 2019 crée un article 46-1 précisant les conséquences de la réunion de tous les lots entre les mains d’un unique propriétaire. Le nouvel article 46-1 de la loi du 10 juillet 1965 précise que cette réunion entraîne de plein droit disparition de la copropriété et dissolution du syndicat des copropriétaires qui ne survit que pour les besoins de sa liquidation, laquelle n’est pas soumise aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965. Il revient au syndic de procéder aux opérations de liquidation et à défaut, un mandataire ad hoc peut être désigné judiciairement.

Ainsi que l’expose le rapport au Président de la République, est ainsi consacrée la jurisprudence de la Cour de cassation (v. par ex : Cass. civ. 3, 6 juin 2019, n° 17-30.923, F-D N° Lexbase : A9310ZD8). Si cette consécration est bienvenue, on regrettera, toutefois, que le Gouvernement n’est pas posé une règle plus générale pour régir toutes les situations où la copropriété peut disparaître. Ainsi, tel peut être le cas lorsqu’une organisation différente est mise en place, ainsi que l’autorise l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965. Il en va de même en cas de destruction définitive du bâtiment soumis au régime de la copropriété.

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