La lettre juridique n°129 du 15 juillet 2004 : Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] L'absence d'équivalence de la non-continuation du contrat et de sa résiliation en l'absence de mise en demeure

Réf. : Cass. com., 19 mai 2004, n° 01-13.542, Société La Brûlerie d'Adamville c/ M. Bruno Sapin, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2479DCS)

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur des Universités, Directeur du Master Droit de la Banque de la Faculté de Toulon et du Var

le 07 Octobre 2010

Aux termes de l'article L. 621-28, alinéa 1er, du Code de commerce, "l'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours" (N° Lexbase : L6880AIN). Ce texte poursuit en indiquant que "le contrat est résilié de plein droit après une mise en demeure adressée à l'administrateur restée plus d'un mois sans réponse". La Cour de cassation a précisé que la réponse négative à la mise en demeure de la part de l'administrateur judiciaire, intervenant dans ce délai du mois, valait identiquement résiliation du contrat (Cass. com., 18 mars 2003, n° 00-12.693, Société immobilière du Palais des congrès (SIPAC) c/ Société Bel, FS-P N° Lexbase : A5489A7G, Bull. civ. IV, n° 47 ; D. 2003, AJ p. 972, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll. 2003/8, n° 96, obs. C. Régnaut-Moutier ; JCP éd. E 2003, chron. 1396, p. 1573, n° 12, obs. M. Cabrillac ; RD bancaire et financier 2003/5, p. 292, n° 191, obs. F.-X. Lucas ; RTD com. 2004, p. 152, n° 1, obs. A. Martin-Serf ; Rev. proc. coll. 2003, p. 234, n° 1, obs. Ph. Roussel-Galle ; note E. Le Corre-Broly N° Lexbase : N7189AAI). Mais que décider si l'administrateur judiciaire opte pour la non-continuation du contrat, alors qu'il n'a pas été mis en demeure ? C'est à cette question que répond l'arrêt ici commenté. En l'espèce, une société civile immobilière avait consenti à une société d'exploitation et à une personne physique des baux commerciaux portant sur des locaux situés dans un centre commercial. Le bailleur devait être mis en redressement judiciaire et son administrateur, quelques mois plus tard, sans qu'aucune mise en demeure ne lui ait été adressée de prendre parti sur la poursuite des baux commerciaux, devait faire parvenir aux locataires une lettre indiquant sa volonté de procéder à la résiliation des baux commerciaux, du fait de la situation actuelle du centre commercial qui ne permettait pas à la société civile immobilière d'exécuter le contrat de bail. Le juge-commissaire, saisi par l'administrateur, devait prononcer ladite résiliation. Sur opposition, le tribunal confirmait la décision et la cour d'appel déclarait irrecevable l'appel à l'encontre du jugement statuant sur ordonnance du juge-commissaire. La Cour de cassation casse la décision, en relevant qu'"en l'absence de mise en demeure par le cocontractant, la renonciation de l'administrateur à la poursuite du contrat n'entraîne pas la résiliation de plein droit de la convention à son initiative mais confère au seul cocontractant le droit de la faire prononcer en justice et qu'une telle demande n'entre pas dans les attributions du juge-commissaire".

Il faut d'abord rappeler que la mise en demeure ne présente aucun caractère obligatoire (Cass. com., 2 avril 1996, n° 94-14.651, Société Unipierre II c/ M. Samson et autres N° Lexbase : A1415ABZ, Bull. civ. IV, n° 108 ; Rev. proc. coll. 1997, 68, obs. C. Saint-Alary-Houin ; Cass. com., 20 juin 2000, n° 97-18.204, Société DKV euro service France c/ M. Langlais, ès qualités de commissaire à l''exécution du plan de cession de la société des Transports Jacques et autre N° Lexbase : A3474AU9, D. 2000, AJ p. 343, obs. P. Pisoni ; RTD com. 2000, p. 1007, obs. A. Laude ; P. M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, n° 43.31). Il s'agit d'une modalité de dissipation de l'incertitude sur le sort du contrat. Il est donc loisible à l'administrateur judiciaire d'exercer spontanément - sans mise en demeure du cocontractant - son option. Aucune difficulté ne se présente s'il opte pour la continuation du contrat. Tout se passera ici comme s'il avait préalablement été mis en demeure. En revanche, et c'est l'apport de l'arrêt, les conséquences de l'option de non-continuation ne sont pas identiques selon que l'administrateur a ou non précédemment reçu une mise en demeure. Dans le premier cas, depuis la loi du 10 juin 1994 (N° Lexbase : L9127AG7), il y a résiliation de plein droit. Deux conséquences immédiates peuvent en être tirées, qui dépassent largement le strict cadre du contrat de bail commercial. D'une part, s'ouvre le délai de déclaration de la créance d'indemnité de résiliation, dans les prévisions de l'article 66, alinéa 2, du décret nº 85-1388 du 27 décembre 1985 (N° Lexbase : L5358A49). D'autre part, commence à courir le délai de la demande d'acquiescement en revendication de l'article L. 621-115, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L6967AIU). Dans le second cas, celui dans lequel l'administrateur opte pour la non-continuation du contrat sans avoir reçu préalablement une mise en demeure, il n'y a pas résiliation de plein droit. Il y a seulement possibilité ouverte au cocontractant de saisir le juge de droit commun pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat. Bien que le contrat ne soit pas continué, le contrat n'est pas davantage résilié. Le contrat reste donc en cours. Deux conséquences doivent en être tirées. D'une part, le délai de déclaration de l'indemnité de résiliation ne peut commencer à courir. D'autre part, le délai de la demande en acquiesce revendication ne peut davantage courir, faute de résiliation du contrat. Le point de départ de ces deux délais sera décalé au jour de l'intervention de la décision qui prononcera la résiliation dont se sera prévalu le cocontractant.

Ainsi, on le voit, en introduisant cette distinction, la Cour de cassation complique la situation du créancier de l'indemnité en résiliation d'une part, celle du propriétaire confronté à présenter une demande en revendication d'autre part.

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