Décret du 17 novembre 2021 portant dissolution d'un groupement de fait

Décret du 17 novembre 2021 portant dissolution d'un groupement de fait

Lecture: 10 min

Z364291R

Le Président de la République,

Sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l'intérieur,

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 10 et 11 ;

Vu le code des relations entre le public et l'administration, notamment ses articles L. 121-1 et L. 121-2 ;

Vu le code de la sécurité intérieure, notamment les 1° et 6° de son article L. 212-1 ;

Vu le courrier du 27 octobre 2021, notifié par voie administrative le 28 octobre 2021, par lequel M. A, dirigeant du groupement de fait « l'Alvarium » a été, d'une part, informé de l'intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de ce groupement et, d'autre part, invité à présenter ses observations dans un délai de dix jours à compter de cette notification ;

Vu le courriel en date du 6 novembre 2021 par lequel M. A a fait valoir ses observations écrites ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : « Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 1° Qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens ; 6° […] qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence […] » ; qu'en application de l'article L. 212-1-1 du même code « Pour l'application de l'article L. 212-1, sont imputables à une association ou à un groupement de fait les agissements mentionnés au même article L. 212-1 commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l'association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu'informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient » ;

Considérant que « l'Alvarium », créé le 17 janvier 2018 sur le réseau social Facebook et occupant depuis janvier 2019 un local associatif à Angers (49), se définit comme « centre communautaire d'actions sociales et culturelles en Anjou » ; que M. A revendique le rôle de dirigeant de ce groupement, lequel fonctionne en structure hiérarchisée, dotée d'un bureau composé d'une dizaine de personnes et comptant près de 130 membres qui s'acquittent d'une cotisation annuelle ; que ce groupement s'identifie au travers de symboles communs, tels que sa dénomination, son iconographie représentant une fleur de lys et une abeille, régulièrement affichés sur les publications des réseaux sociaux du mouvement, sur son site internet, sur les stickers apposés sur les murs de la commune d'Angers par ses membres, sur certaines affiches au sein du local et sur les vêtements de certains membres, leur permettant ainsi de se reconnaître lors des actions ; que par ailleurs, ce groupement utilise comme vitrine de ses idées et agissements, les réseaux sociaux et a créé, à cette fin, plusieurs comptes qui disposent d'une audience importante ; que l'ensemble de ces éléments permet ainsi d'établir l'existence d'un groupement de fait au sens de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ;

Considérant que sous couvert de son objet social, l'Alvarium diffuse l'idée d'une menace permanente pesant sur ses membres et ses idées afin notamment de légitimer le recours à la violence, inciter à celle-ci et revendiquer son droit à l'auto-défense ; que cette stratégie basée sur le sentiment de peur et de menace repose également sur un amalgame entre d'une part, immigration, Français d'origine étrangère et musulmans et, d'autre part, criminalité, terrorisme et violence ; que l'Alvarium entretient également des liens avec d'autres groupuscules connus pour leur idéologie xénophobe en participant à des évènements organisés par ceux-ci, confirmant ainsi qu'elle partage leur idéologie ; qu'enfin l'ensemble de cette stratégie d'action et de communication est amplifié par l'utilisation régulière des réseaux sociaux ;

Considérant en premier lieu que les membres de l'Alvarium sont impliqués de manière récurrente dans des faits de violence en réunion et de dégradations ; qu'ainsi, à titre d'illustration, le 28 décembre 2018, trois membres du groupement, ont été mis en cause pour des faits de violence en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours commis à Angers (49) ; que lors des investigations, la victime a indiqué avoir été forcée par ces personnes à effectuer un salut nazi ; que le 14 décembre 2019, lors de la Marche du souvenir vendéen organisée au Mans (72), un membre de l'Alvarium, accompagné de quarante militants d'extrême droite, a jeté des projectiles à l'encontre d'agents de police, ainsi que du mobilier de terrasse sur les vitres d'un bar où des militants d'extrême gauche se réunissaient ; que pour ces faits, l'intéressé a été condamné le 30 novembre 2020 à une peine d'amende et à une interdiction de détenir une arme pendant trois ans ; que les investigations ont par ailleurs permis de déterminer que d'autres membres de l'Alvarium étaient également présents lors de la commission de ces actes de violences ; que les 8 et 9 septembre 2020, trois autres membres du groupement ont été interpellés à la suite de faits de violences volontaires en réunion à l'encontre de deux individus cherchant à décrocher des banderoles déployées sur les murs d'un squat de l'Alvarium à Angers (49) ; que les banderoles supportaient des messages et slogans tels que : « LA FRANCE AUX FRANÇAIS », « REVOLTE CONTRE LE MONDE MODERNE », « LOGEMENT APPLIQUONS LA PREFERENCE NATIONALE » ; que dans la nuit du 20 au 21 octobre 2020, d'autres membres de l'Alvarium ont commis des dégradations dans un squat antifasciste d'Angers (49) ; qu'à l'aide notamment d'une masse, les intéressés ont démoli plusieurs vitrines et ont visité les cinq étages de l'immeuble en apposant sur les murs des inscriptions telles que des croix celtiques ; que le 13 mars 2021, plusieurs membres de l'Alvarium ont commis des dégradations, notamment en dessinant une croix celtique sur un morceau du Mur de Berlin exposé à Angers (49) ; que des membres du groupement se sont également rendus coupables d'une altercation dans la nuit du 21 mai 2021, entrainant des condamnations à des peines de prisons avec sursis pour deux membres et à de la prison ferme pour le troisième ; qu'à ces peines se sont ajoutées des interdictions de fréquenter l'Alvarium de 18 à 24 mois ; que l'Alvarium a justifié ces violences, sur les réseaux sociaux, s'estimant victime d'un acharnement continu de la part de ses opposants idéologiques ; qu'ainsi, par une publication en date du 23 mai sur son compte Instagram, le groupement appelle indirectement à la violence en indiquant « pour la défense de notre local, nous ne craignons ni les attaques organisées ni la prison » ;

Considérant que ces faits clairement attribués à des membres de l'Alvarium ne sont condamnés ni par M. A, son dirigeant, ni par ses membres ; qu'au contraire, le groupement publie des messages sur ses réseaux sociaux encourageant à ces agissements violents ou légitimant l'autodéfense ; que par une publication du 24 juillet 2021, le groupement a affiché sur ses réseaux sociaux, son soutien à M. B, membre condamné à de la prison ferme à la suite des faits du 21 mai 2021 ; que cette publication a donné lieu à un commentaire incitant à organiser son évasion ; que des banderoles ont été apposées dans les rues d'Angers et des soirées de soutien organisées à son profit ; que ces violences sont assumées par le groupement, comme ce fut le cas dans un tweet daté du 30 octobre 2020, « Dès le début de notre hommage, une petite bande de racailles extra-européennes a cru bon de lancer des “Allah Akbar” en notre direction. N'ayant pu les corriger en raison de la forte présence policière, nous avons continué dans le calme » ; que de la même façon, le 30 avril 2021, à l'occasion de l'anniversaire d'une bataille opposant une compagnie de la légion étrangère aux troupes mexicaines, l'Alvarium a publié sur son compte Twitter : « Avec le colonel Danjou, nous affirmons que nous aussi, nous avons des cartouches et ne nous rendrons pas » ; qu'en outre, le 14 mai 2021, sur ce compte Twitter, le groupement a posté un message de même nature : « soutien aux habitants de Belle-Beille ; contre la racaille et l'impuissance publique, auto-défense populaire » ; qu'enfin, les militants de l'Alvarium s'entraînent régulièrement à des sports de combat dans une salle installée en sous-sol d'un appartement appartenant à l'actuel propriétaire du local de l'Alvarium ; que les entrainements de ces militants et sympathisants sont valorisés et mis en scène, à l'instar de la publication sur le compte Twitter du 3 janvier 2021 ;

Considérant qu'ainsi par les agissements de ses membres qu'il s'est abstenu de faire cesser, par ses mots d'ordre justifiant les actions violentes et l'auto-défense, la publicité qu'il donne aux actions violentes de ses membres, leur caution et leur légitimation, ainsi que le soutien de leurs auteurs condamnés, le groupement de fait l'Alvarium doit être regardé comme provoquant à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens ;

Considérant, en deuxième lieu, que le groupement, qui se définit sur son site internet comme « résolument identitaire », promouvant « la culture angevine, composante de la civilisation française et européenne » propage depuis 2018, un discours et des idées assimilant l'immigration et l'islam à des menaces que les Français doivent combattre et entretient délibérément un amalgame insidieux entre, d'une part, les musulmans ou les immigrés et, d'autre part, la « racaille » ou les terroristes, en cherchant ainsi à attiser le ressentiment d'une partie de la population à l'encontre des étrangers ou des Français d'origine étrangère ; que cet amalgame se matérialise soit à l'occasion de manifestations dont le groupement est à l'origine, soit à travers ses publications sur les réseaux sociaux ; que l'Alvarium a ainsi procédé à la diffusion de messages, par voie d'affichage, par Internet ou par les réseaux sociaux, tels que « La France aux Français - Logement : appliquons la Préférence Nationale », « Agressions, attentats, l'immigration tue », « Vis ta vie hors d'Europe » ; que par ailleurs, à titre d'illustration, un message du 20 octobre 2020 sur le compte Twitter du groupement instrumentalise l'attentat commis à l'encontre de Samuel PATY et entretient un amalgame entre terrorisme et immigration en indiquant « C'est l'universalisme républicains et les pseudos “valeurs” du régime qui ont conduit à accueillir des millions d'immigrés dans une ambiance de repentance et d'islamo-laxisme, conduisant fatalement à la gangrène islamiste. » ; que de même un tweet du 30 octobre 2020 précise « Partout l'immigration tue. Qu'elle soit avec ou sans passeport français, que ce soit au couteau ou à la bombe, l'immigration tue. En acte ou en puissant la France compte des millions de terroristes ou de sympathisants de la cause islamiste #Immigration #Terrorisme #Attentat » ; que désignant à nouveau les immigrés à la vindicte, un nouveau tweet daté du 9 août 2021, concernant l'assassinat du prêtre Olivier Maire en Vendée, fait apparaître la photographie du suspect accolée à celle du prêtre, laquelle est accompagnée du commentaire « L'immigration tue. #Vendée#Prêtre#FrenchLivesMatter » ; que le 9 septembre 2021, le groupement a publié un message sur son compte Twitter « X Ni afghans, ni albanais : refusons les réfugiés : #Immigration #Ensauvagement #RefugeesNotWelcome » ; qu'un tweet daté du 10 septembre 2021 provoque également à la discrimination envers les immigrés « L'ensauvagement continue à #Angers. Mais trop occupé à courir le maroquin et accueillir les immigrés tout en faisant exploser les prix de l'immobilier, M. C continue à se comporter en grand fossoyeur de notre ville. » ; que par un tweet publié sur le compte du groupement le 19 septembre 2021, l'Alvarium indique encore « Après avoir fait du centre-ville d'@Angers un endroit inabordable pour les foyers modestes et rempli de #racailles immigrées qui agressent et dealent, M. C l'interdit aux voitures et aux personnes à mobilité réduite au nom d'une #écologie bidon ! » ;

Considérant enfin que l'Alvarium soutient des groupuscules appelant à la discrimination, à la violence ou à la haine contre les étrangers dont il partage et promeut l'idéologie xénophobe ; qu'ainsi l'Alvarium a manifesté son soutien à l'association Génération Identitaire récemment dissoute sur le fondement du 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure par le biais d'un message publié le 17 février 2021 sur son réseau social Twitter, en indiquant « soutien total à génération identitaire » ; que ce tweet a appelé par ailleurs à ne pas respecter les lois de la République et à faire sécession : « Nous ne capitulerons jamais et pour ce faire, faites sécession. Force à Génération identitaire ! » ; que l'adhésion du groupement à des théories provoquant à la haine ou à la discrimination raciale apparait encore au travers de sa participation les 19 et 20 septembre 2020, à la maison de la chimie à Paris, au colloque de « l'Iliade », ou « Institut pour la mémoire longue européenne » qui promeut au travers de ses activités la supériorité de « l'identité européenne et blanche » et sa mise en danger par « l'invasion migratoire » ; que le groupement apparaît également en lien avec le groupuscule néofasciste Auctorum, ou encore avec Casapound Italia, mouvement qui se réclame explicitement de l'idéologie fasciste et d'un « programme et destin commun » avec l'organisation néo-nazie grecque Aube dorée ; que l'Alvarium a ainsi organisé plusieurs réunions avec Casapound Italia, dont la fête nationale de Casapound Italia en 2021 ;

Considérant qu'à travers ses propos et ses publications, le groupement de fait l'Alvarium alimente un discours de haine assumé, construit sur un amalgame entre, d'une part, immigration, Français d'origine étrangère et musulmans et, d'autre part, violence et terrorisme, incitant à la discrimination ou à la violence envers des personnes en raison de leur origine ou de leur religion et contribuant à attiser les antagonismes au sein de la communauté nationale, ainsi que les passages à l'acte violent ; qu'au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de prononcer la dissolution du groupement de fait l'Alvarium sur les fondements des 1° et 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ;

Le conseil des ministres entendu,

Décrète :

Article 1

Le groupement de fait dénommé « l'Alvarium » est dissous.

Article 2

Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 17 novembre 2021.

Emmanuel Macron

Par le Président de la République :

Le Premier ministre,

Jean Castex

Le ministre de l'intérieur,

Gérald Darmanin

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Textes juridiques liés au document

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus