Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l'intérieur,
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 10 et 11 ;
Vu le code des relations entre le public et l'administration, notamment ses articles L. 121-1 et L. 121-2 ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment les 1° et 6° de son article L. 212-1 ;
Vu les statuts de l'association « Coordination contre le racisme et l'islamophobie » (CRI) déclarée le 23 octobre 2008 à la préfecture du Rhône sous le numéro W691072284 ;
Vu le courrier du 4 octobre 2021, notifié par voie administrative le même jour, par lequel M. A., président de l'association « Coordination contre le racisme et l'islamophobie » (CRI) a été, d'une part, informé de l'intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de cette association et, d'autre part, invité à présenter ses observations dans un délai de huit jours à compter de cette notification ;
Vu le courriel en date 10 octobre 2021, par lequel M. A, président de l'association « Coordination contre le racisme et l'islamophobie » (CRI) a fait valoir ses observations écrites ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : « Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 1° Qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens ; 6° […] qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence […] » ;
Considérant que la CRI est une association déclarée le 23 octobre 2008 à la préfecture du Rhône, avec pour dirigeant, M. A et pour secrétaire M. B ; que si son objet statutaire est notamment de « lutter par tous les moyens légaux contre toutes les formes de racisme et particulièrement contre l'islamophobie », elle œuvre activement, en particulier par l'intermédiaire des réseaux sociaux, à cultiver le soupçon d'islamophobie au sein de la société française ; qu'à cette fin, elle instrumentalise des évènements qu'elle présente comme islamophobes et utilise les réseaux sociaux comme vecteur de communication directe, ses publications visant à provoquer des réactions violentes et un sentiment de révolte auprès de son public ; que la fréquence et la persistance de ces communications démontrent une véritable stratégie d'influence en ce sens ; qu'il résulte de cette stratégie que ces publications suscitent des commentaires provoquant à des agissements violents ou à la discrimination, volontairement maintenus en ligne par les dirigeants de l'association ; que, dès lors, en l'absence de modération par l'association, ces commentaires haineux doivent être considérés comme étant cautionnés par celle-ci ;
Considérant en premier lieu que la CRI, par ses déclarations et celles des dirigeants de ses représentations locales, légitime directement ou indirectement, le recours à la violence contre les forces de l'ordre ou à des représailles contre les auteurs d'actes qu'elle prétend islamophobes ; qu'ainsi, en 2016, M. C, le représentant local de la CRI à Perpignan a, lors d'une manifestation publique de soutien à des personnes de confession musulmane visant à dénoncer la partialité des forces de l'ordre, de la municipalité et des magistrats présentés comme islamophobe, proféré des propos incitant les jeunes des quartiers populaires à se rebeller « nous Arabes sommes traités comme des chiens par les politiques, qu'attendons-nous ? réveillons nous, aujourd'hui nous sommes une cinquantaine demain on ira chercher les jeunes dans les cité…et là on verra ! ! . […] » ; que, le 23 octobre 2019, l'association a posté un message sur son compte Facebook afin de dénoncer « les violences policières », provoquant ainsi des commentaires appelant notamment à s'en prendre physiquement aux forces de l'ordre sans que l'association pourtant intervenue sur ce même réseau le même jour, n'ait modéré ni supprimé ces messages ; que de même, le 5 novembre 2019, une publication sur ce même compte Facebook, relative à l'intervention de D. dans une émission sur la chaîne de télévision Cnews, a généré un commentaire appelant au meurtre « Un jour c'est elle qui va se faire assassinée Si elle continue » ; que le 22 novembre 2020, un internaute a posté sur la page du réseau social de l'association un portrait du Président de la République Emmanuel Macron avec une légende constituant une menace de mort à son encontre « Et ceux qui insultent le messager d'Allah leur attend une punition douloureuse » puis en arabe « Que Dieu te maudisse » ; que le 9 juin 2021, une publication de la CRI à l'occasion de la convocation devant la justice d'une personne de confession musulmane, à la suite d'un accident, a généré un commentaire appelant ouvertement à répondre par la force : « maintenant cest clair si il tarrive une merde tu fume le mec point barre la justice ni ca mere », commentaire délibérément maintenu en ligne ; qu'en juillet 2021, l'association dénonçait depuis le même compte Facebook, ce qu'elle considère comme un acte anti-musulman commis sur le chantier de la mosquée Eyyub Sultan de Strasbourg (67) ; que cette publication a généré un commentaire qui appelle clairement à répondre par la violence : « mais bordel nattendez plus de justice dans un pays qui est tout simplement raciste et islamophobe alors donner nom et adresse de ce FDP et on ferra juste nous-même wallah comme ça le suivent pensez à deux fois avant de faire une chose pareille » ; qu'en dépit de leur teneur, aucun de ces commentaires n'a été modéré ni supprimé par l'association alors même qu'elle ne pouvait les ignorer au regard de la fréquence et la récurrence de ses interventions sur les mêmes réseaux sociaux, y compris le jour même de ces publications ;
Considérant, en deuxième lieu, que sous couvert de dénoncer des actes d'islamophobie, la CRI distille par ses publications en ligne et l'instrumentalisation de tout évènement mettant en cause des personnes de confession musulmane ou affectant, d'une manière ou d'une autre, l'image de l'islam, un message incitant à percevoir les institutions françaises comme islamophobes, alimentant ainsi un soupçon permanent de persécution religieuse de nature à attiser la haine, la violence ou la discrimination envers les non-musulmans ; qu'ainsi par exemple, l'association présente comme islamophobes les dispositions relatives à l'interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public ; que de même, en septembre 2020, le représentant de la CRI à Marseille a apporté son soutien à l'un de ses correspondants locaux, condamné à une peine de prison pour avoir agressé des policiers lors d'une manifestation de gilets jaunes, en transformant la condamnation en acte raciste « Soutien total aux militants anti raciste prisonniers politiques », cautionnant ainsi les actes de violence à l'encontre des forces de l'ordre ; qu'en octobre 2020, le représentant de la CRI à Belfort a publié sur son profil Facebook un message sur la liberté d'expression faisant apparaître un commentaire hostile à Charlie hebdo où on y voit une personne uriner sur la tombe de « Charlie hebdo » ; que la CRI a également publié un message avant l'hommage à Samuel PATY dans les établissements scolaires, en encourageant les familles à ne pas céder aux provocations des « laïcards » ;
Considérant en troisième lieu, que la CRI tient un discours antisioniste appelant des messages à teneur antisémite, lesquels ne font pas davantage l'objet de condamnation ; qu'ainsi, dès 2014, la CRI a publié sur son compte Facebook une vidéo dite des « derniers instants d'un palestinien abattu par des soldats israéliens », laquelle a généré des propos ouvertement antisémites : « Ce pseudo Etat comme Israel doit être supprimer de la carte du monde » « bande de batard ! mécréants ! ! Qu'allah fasse justice », « race de merde » ; qu'en mai 2020, l'association a intitulé l'une de ses publications portant sur l'assassinat d'un Palestinien en situation de handicap mental par l'armée israélienne « Les criminels sionistes sont comme les nazis » ; qu'à la suite d'un message publié par la CRI, le 4 novembre 2020, au sujet d'un incident survenu dans un établissement scolaire du Mans (72), un internaute a répondu en faisant l'apologie du négationniste et antisémite M. E, message maintenu en ligne par la CRI ; qu'en novembre 2020, un article publié par la CRI concernant le fait que des enfants de 10 ans aient été entendus par la police pour apologie de terrorisme a entrainé un commentaire hostile à Israël, ainsi que des propos menaçants : « ne vous étonnez pas de la haine que vous avez allumé va falloir assumer on ne touche pas au enfants » ; que le 25 mai 2021, M. A a partagé une vidéo dans laquelle F apparaît en discussion avec des militaires israéliens, qui a généré des commentaires appelant à la haine et à la violence, qualifiant F de « dégénéré », « ordure », « vendu », « bande de chiens à vendre », « cafard indésirable à la moquée de Drancy », « sale porc », indiquant qu'il doit aller « au diable », que « ce charlatan est le suppôt de Satan et il semble aimer lécher les pieds de ces criminels [i.e. les Juifs]. Il ne fait que se tirer une balle dans le pieds en agissant comme il le fait mais un jour la roue va tourner et la justice divine s'appliquera », et qu'« il paiera le prix fort dans ce monde et dans l'au-delà… » ; que par ailleurs, à la suite de cette publication, le président de la CRI a indiqué par un post du 6 septembre 2021 sur son compte Facebook, qu'il faisait l'objet d'un dépôt de plainte de la part de F, ce qui a provoqué des commentaires antisionistes et détournant le slogan « Je suis Charlie » : « l'esprit Charlo.eux Charlie » ? ? ! Total soutien à toi frérot face à la vermine, à la maladie du monde : les sionistes, la cause du mal » ; que le 16 septembre 2021, le président de l'association a partagé un article du journal Le Figaro évoquant la relaxe de l'imam de Toulouse jugé pour incitation à la haine raciale en intitulant sa publication : « Les sionistes à l'œuvre » ; qu'aucun des commentaires haineux et antisémite, comparant les Israéliens à des « criminels » et qualifiant Israël de « détestable entité sioniste scélérat véritable cancer du monde » n'appelle de condamnation ni de modération ou de suppression de la part des responsables de l'association, qui doivent ainsi être regardés comme les cautionnant ;
Considérant qu'enfin, la CRI légitime et justifie les actes terroristes par la circonstance que la France serait un pays hostile aux musulmans ; qu'à travers ses commentaires sur les réseaux sociaux et son soutien aux associations faisant l'objet de mesures de dissolution pour incitation à la discrimination, à la haine et à la violence, elle minimise la responsabilité des auteurs d'attentats ou des personnes légitimant le djihad armé en admettant que « la libération de la parole raciste et des stigmatisations de certaines catégories de la population ont favorisé les passages à l'acte […] » ; qu'ainsi, à l'occasion d'un débat avec M. G, interrogé sur les attentats commis par Mohamed MERAH, M. A a prétendu que l'opinion avait été manipulée, que s'il ne s'était pas agi de victimes de confession juive « peut-être qu'on aurait pas arrêté le bonhomme » ; qu'il a en outre indiqué que l'Etat français était « une machine à fabriquer des KOUACHI », revendiquant la formule « Islamophobie institutionnelle » ; que le 22 octobre 2020, le secrétaire de l'association publiait en ligne un article amalgamant les interventions étrangères de l'armée française en Libye, en Syrie ou au Mali aux attentats commis sur le sol français, les présentant comme des actions terroristes de même nature ; que dans ce message, tout en condamnant l'attentat commis à l'encontre de Samuel PATY, il présentait cet enseignant comme un « professeur islamophobe » encourageant « ses élèves à pratiquer l'intolérance raciale et religieuse au nom d'une perverse conception de la liberté d'expression » et indiquait « ne pas être surpris si à cette forme de provocation extrémiste répond une autre forme d'extrémisme » ; que par ailleurs, il ajoutait, dans ce même article que les attentats étaient « attribués aux islamistes » à des fins politiques ; que poursuivant sa stratégie de désinformation et de manipulation, il concluait que Mohammed MERAH, les frères KOUACHI et Amedy COULIBALY auraient été assassinés à dessein par les forces de sécurité intérieure et s'interrogeait sur la véritable volonté du Gouvernement de faire la lumière sur ces attentats ;
Considérant qu'à travers ses publications sur les réseaux sociaux, l'association vise à provoquer à des agissements violents à l'encontre de certaines catégories de personnes déterminées, soit directement, soit indirectement par la diffusion de publications destinées à susciter en retour la haine, la violence et la discrimination à l'encontre des personnes en raison de leur origine, de leur appartenance à une ethnie, à une race ou à une religion les réactions que ses messages suscitent et qu'elle ne supprime ni ne modère ; qu'au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de prononcer la dissolution de l'association « Coordination contre le racisme et l'islamophobie » sur les fondements des 1° et 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ;
Le conseil des ministres entendu,
Décrète :
Article 1
L'association dénommée « Coordination contre le racisme et l'islamophobie » est dissoute.
Article 2
Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.