Jurisprudence : CAA Paris, 3e, 28-11-2023, n° 22PA03749

CAA Paris, 3e, 28-11-2023, n° 22PA03749

A997814C

Référence

CAA Paris, 3e, 28-11-2023, n° 22PA03749. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/101955445-caa-paris-3e-28112023-n-22pa03749
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Salis a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a déclaré cessibles au profit d'Île-de-France Mobilités les parcelles et droits réels nécessaires à la réalisation de la ligne de bus en site propre dénommée " Tzen 5 " sur le territoire de la commune de Vitry-sur-Seine ou, à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté en tant qu'il déclare immédiatement cessible la parcelle cadastrée H 230 à Vitry-sur-Seine.

Par un jugement n° 2106311 du 21 juin 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 août 2022, la société Salis, représentée par Me Raimbert, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 21 juin 2022 ;

2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Melun ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté préfectoral du 16 octobre 2020 en tant qu'il déclare immédiatement cessible la parcelle cadastrée H 230 au profit d'Île-de-France Mobilités ;

4°) de mettre à la charge de l'État et d'Île-de-France Mobilités la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il rejette à tort sa demande comme irrecevable ; l'arrêté de cessibilité litigieux, décision individuelle, ne lui ayant été notifié que le 11 janvier 2021 et ayant fait l'objet d'un recours gracieux implicitement rejeté par le préfet, sa demande n'était pas tardive ;
- l'arrêté préfectoral du 16 octobre 2020 est entaché d'incompétence ;
- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet du Val-de-Marne n'était pas compétent pour édicter seul l'arrêté du 22 octobre 2019 prescrivant l'ouverture de l'enquête parcellaire ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce qu'il ne porte que sur les parcelles situées sur le territoire de la commune de Vitry-sur-Seine, et non également sur celles situées à Ivry-sur-Seine et Choisy-le-Roi, en méconnaissance des dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- il est dépourvu de base légale dès lors que l'acte déclaratif d'utilité publique du 16 décembre 2016 est illégal, faute d'estimation sommaire sérieuse des dépenses.


Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2023, l'établissement public Île-de-France Mobilités, représenté par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Salis en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.


La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.


Vu les autres pièces du dossier.


La clôture de l'instruction a été fixée au 11 octobre 2023.


Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique,
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Thao, représentant la société Salis.



Considérant ce qui suit :


1. Par un arrêté du 16 décembre 2016, le préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, et le préfet du Val-de-Marne ont déclaré d'utilité publique les travaux et acquisitions nécessaires à la réalisation de la ligne de bus en site propre dénommée " T Zen 5 " entre la station " Grands Moulins " et la station " Régnier-Marcailloux " sur le territoire des communes de Paris, Ivry-sur-Seine, Vitry-sur-Seine et Choisy-le-Roi et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de Choisy-le-Roi et Vitry-sur Seine. Par un arrêté du 16 octobre 2020, le préfet du Val-de-Marne a déclaré cessibles les parcelles et droits réels nécessaires à la réalisation de la ligne de bus en site propre dénommée " T Zen 5 " sur le territoire de la commune de Vitry-sur-Seine, parmi lesquelles figurait en partie une parcelle appartenant à l'établissement public foncier d'Île-de-France, occupée par la société Salis en vertu d'un bail commercial conclu le 1er janvier 2007. Le 5 mars 2021, cette société a formé auprès du préfet du Val-de-Marne un recours gracieux à l'encontre de l'arrêté du 16 octobre 2020. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration préfectorale sur ce recours. La société Salis demande à la cour d'annuler le jugement du 21 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2021 en tant qu'il déclare immédiatement cessible au profit d'Île-de-France Mobilités la parcelle cadastrée H 230 à Vitry-sur-Seine.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 131-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Notification individuelle du dépôt du dossier à la mairie est faite par l'expropriant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, aux propriétaires figurant sur la liste établie conformément à l'article R. 131-3, lorsque leur domicile est connu d'après les renseignements recueillis par l'expropriant ou à leurs mandataires, gérants, administrateurs ou syndics. / En cas de domicile inconnu, la notification est faite en double copie au maire, qui en fait afficher une, et, le cas échéant, aux locataires et aux preneurs à bail rural. ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 131-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique que la notification individuelle de l'arrêté déclarant une parcelle cessible en vue d'une expropriation pour cause d'utilité publique, de nature à déclencher le délai de recours contentieux prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative, doit être faite au propriétaire de cette parcelle, lorsque le domicile de ce dernier est connu ; une telle notification n'est faite, le cas échéant, au commerçant locataire que si le domicile du propriétaire est inconnu. Le délai de recours contentieux court à l'égard des tiers, dont le locataire auquel l'arrêté de cessibilité n'a pas été notifié, à compter de la publication de cet arrêté.

5. En l'espèce, alors qu'il suit de ce qui vient d'être dit que la notification individuelle à la société Salis, locataire d'une parcelle déclarée cessible, de l'arrêté préfectoral litigieux du 16 octobre 2020 n'était pas obligatoire, il ressort des pièces du dossier que cet arrêté a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne n° 57 du 22 au 23 octobre 2020, et qu'il mentionnait les voies et délai de recours à son encontre. Par suite, à la date d'enregistrement de la demande de la société Salis devant le tribunal administratif de Melun, le 2 juillet 2021, le délai de recours contentieux mentionné à l'article R. 421-1 précité du code de justice administrative était expiré. Les circonstances que l'appelante a présenté un recours gracieux auprès du préfet du Val-de-Marne le 5 mars 2021, date à laquelle le délai de recours était également expiré, et qu'elle n'aurait eu connaissance de l'arrêté litigieux que le 11 janvier 2021 à l'occasion d'une instance en cours devant le tribunal judiciaire de Créteil, à laquelle elle est partie, sont sans incidence à cet égard sur l'expiration de ce délai. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la demande de première instance présentée par la société Salis était tardive.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Salis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande comme irrecevable.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de de l'État et de l'établissement public Île-de-France Mobilités, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la société Salis au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 500 euros à l'établissement public Île-de-France Mobilités en application des mêmes dispositions.



D E C I D E :



Article 1er : La requête de la société Salis est rejetée.
Article 2 : La société Salis versera la somme de 1 500 à l'établissement public Île-de-France Mobilités en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Salis, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'établissement public Île-de-France Mobilités.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.


La rapporteure,
G. A...La présidente,
M. B...
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03749



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