CIV. 2 I.G
COUR DE CASSATION
Audience publique du 30 juin 2004
Rejet
M. ANCEL, président
Arrêt n° 1148 F D
Pourvoi n° X 03-14.614
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ M. Michel Z,
2°/ Mme Hélène YZ, épouse YZ,
demeurant Houdan,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 mars 2003 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre civile), au profit
1°/ de la société Cardif Assurance Vie, dont le siège est Paris et actuellement Rueil Malmaison ,
2°/ de M. Angélo W,
3°/ de M. Eric W,
demeurant Dreux Cedex, défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 juin 2004, où étaient présents M. Ancel, président, Mme Aldigé, conseiller rapporteur, M. Guerder, conseiller doyen, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat des époux Z, de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat des consorts W, de Me Ricard, avocat de la société Cardif Assurance Vie, les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mars 2003) que par l'intermédiaire de MM. W, courtiers, les époux Z ont souscrit auprès de la société Cardif (Cardif) en juin 1993 un contrat d'assurance vie et en janvier 1994 ont signé une demande d'avance d'un certain montant réinvestie sur un nouveau contrat "multi croissance" du même jour ; que n'ayant pas remboursé à son échéance l'avance consentie, ils sont devenus débiteurs d'une somme comprenant le montant de l'avance en capital, outre les intérêts, qui a été débitée sur leur contrat de 1993 ; qu'estimant avoir été victimes d'une erreur quant à la nature des contrats signés en 1994 ils ont assigné MM. W et la Cardif en nullité desdits contrat ;
Sur le premier moyen
Attendu que les époux Z font grief à l'arrêt de les avoir déclarés irrecevables en leur demande d'annulation des contrats du 26 janvier 1994, alors, selon le moyen
1°/ que la prescription biennale ne s'applique qu'aux actions dérivant du contrat d'assurance ; qu'en l'espèce, les époux Z avaient conclu le 26 janvier 1994, un contrat aux termes duquel la Cardif leur consentait une avance de 500 000 francs, gagée sur la valeur du portefeuille d'assurance vie résultant du contrat souscrit le 1er juin 1993 ; qu'ils sollicitaient l'annulation de ce contrat qu'ils qualifiaient de contrat de prêt à intérêt ; qu'en déclarant néanmoins, que cette action était prescrite comme ayant été engagée plus de deux ans après la conclusion de ce contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du Code des assurances ;
2°/ que les époux Z avaient soutenu que la prescription n'était pas applicable à l'opération consistant pour la Cardif à effectuer une avance gagée sur la valeur du portefeuille résultant du contrat d'assurance vie Multi Croissance du 1er juin 1993, laquelle ne pouvait être qualifiée de contrat d'assurance ; qu'en appliquant indistinctement la prescription biennale à ce contrat et à celui, conclu le même jour, opérant placement de cette avance sur un produit d'assurance vie, la cour d'appel a laissé sans réponse le moyen des conclusions des époux Z en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que la prescription biennale de l'article L. 114-1 du Code des assurances s'applique au contrat d'assurance vie et à l'acte d'avance sur police prévu à l'article L. 132-21 du Code des assurances qui dérive du contrat d'assurance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen
Attendu que les époux Z font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en dommages-intérêts dirigée contre la Cardif et MM. W, alors, selon le moyen
1°/ que l'établissement financier, banquier ou assureur, et son courtier, qui offrent à leur clientèle des produits d'investissement ou d'épargne à caractère spéculatif sont tenus de mettre en garde le client contre les risques encourus ; que, la cour d'appel, qui constate que les époux Z ont souscrit en 1994 un contrat d'assurance vie fondé sur un support spéculatif, s'est bornée à relever qu'ils avaient reçu des documents contractuels comportant les mentions exigées par la loi et qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que la Cardif et MM. W auraient manqué à leur obligation d'information et de conseil ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si les époux Z avaient été informés du caractère spéculatif de l'investissement et des risques qui en résultaient ou qu'ils disposaient des connaissances et de l'expérience de ce genre de produits financiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
2°/ que l'assureur et les courtiers sont tenus d'un devoir de conseil particulièrement étendu à l'égard de l'assuré profane sur les caractéristiques du produit d'assurance proposé et son adéquation avec la situation de l'assuré ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, que les époux Z ont été démarchés par le courtier, le cabinet Colocucci, pour reporter en 1994 la moitié de leur investissement effectué initialement sur un support à rendement garanti sur un support spéculatif ; qu'il résulte encore des constatations de l'arrêt attaqué, que "la performance limitée" (en réalité les pertes considérables) de ce réinvestissement résulte de l'inadéquation entre le mode de financement du nouveau contrat souscrit en 1994 au moyen d'une avance sur le contrat initial souscrit en 1993 d'une durée maximum de cinq ans alors que le réinvestissement sur le nouveau contrat ne pouvait être optimisé que sur une durée de huit ans ; qu'en estimant néanmoins que le courtier et l'assureur n'avaient pas manqué à leur devoir d'information et de conseil envers les époux Z, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'ensemble de l'opération s'est déroulée conformément aux prévisions contractuelles et au mécanisme de l'assurance vie ; qu'il ressort des circonstances de la cause que les époux Z, qui affirment n'avoir pas mesuré les conséquences des contrats par eux souscrits, reprochent, en réalité, à leurs cocontractant de ne pas leur procurer le profit escompté ; que les documents contractuels, qui contiennent toutes les mentions exigées par la loi, ont été remis aux époux Z au moment de la souscription du contrat et aucun élément du dossier ne permet d'établir que la Cardif, d'une part, ou les consorts W, d'autre part, auraient manqué à leur devoir de conseil ; que les époux Z ont également été informés, par l'assureur et par les courtiers, de la nécessité de rembourser l'avance à l'expiration du délai de cinq ans ; qu'en réalité l'opération effectuée le 26 janvier 1994 correspondait au désir des époux Z de reporter la moitié de l'investissement effectué en 1993 sur des supports plus spéculatifs et que la performance limitée du contrat est liée au défaut de respect de la durée de cinq ans à laquelle est limitée une avance ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis aux débats, la cour d'appel a retenu exactement que ni la Cardif ni MM. W n'avaient commis de faute ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes les demandes présentées de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille quatre.