Cass. soc., Conclusions, 24-01-2024, n° 23-17.886
A85282RB
Référence
AVIS DE M. JUAN, AVOCAT GÉNÉRAL
Arrêt n° 137 du 24 janvier 2024 (B) – Chambre sociale (QPC) Pourvoi n° 23-17.886 Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier du 30 novembre 2022
Mme [U] [W] C/ la société Réside études seniors _________________
Rappel des faits et de la procédure Mme [U] [W], agent technique et d'entretien en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, était affectée à la résidence pour personnes âgées [2] à [Localité 1]. Le 5 octobre 2021 son employeur, la société L'Yser, aux droits de laquelle vient la société Réside études seniors SAS, lui a notifié la suspension de son contrat de travail et sa rémunération pour non présentation d'un passe sanitaire dans le cadre de la lutte contre la pandémie du covid-19. Le 24 février 2022 elle a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Sète afin de solliciter sa réintégration et le paiement de son salaire. Par ordonnance du 9 juin 2022, la juridiction a déclaré la salariée recevable et bien fondée en toutes ses demandes.
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Le 30 novembre 2022 la cour d'appel de Montpellier a infirmé cette décision et dit n'y avoir lieu à transmettre à la Cour de cassation la QPC dont elle était également saisie. À l'occasion du pourvoi formé le 28 juin 2023 contre cet arrêt, la salariée a soulevé, par mémoire distinct et motivé, la constitutionnalité de l'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en invoquant la violation par le législateur de certains droits et libertés fondamentaux à valeur constitutionnelle, à travers plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité.
Les questions de constitutionnalité Question n° 1 - «L'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en ce qu'il dispose qu'un salarié soumis à vaccination obligatoire qui n'a pas satisfait à cette obligation, à défaut de présenter un certificat médical de contre-indication ou un certificat de rétablissement, se voit interdit d'exercer son emploi et que la suspension de son contrat de travail s'accompagne de l'interruption du versement de sa rémunération, porte-t-il atteinte au principe de sécurité juridique, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789?»; Question n° 2 - «L'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en ce qu'il dispose qu'un salarié soumis à vaccination obligatoire qui n'a pas satisfait à cette obligation, à défaut de présenter un certificat médical de contre-indication ou un certificat de rétablissement, se voit interdit d'exercer son emploi et que la suspension de son contrat de travail s'accompagne de l'interruption du versement de sa rémunération, porte-t-il atteinte au principe d'égalité devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?»; Question n°3 - «L'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en ce qu'il dispose qu'un salarié soumis à vaccination obligatoire qui n'a pas satisfait à cette obligation, à défaut de présenter un certificat médical de contre-indication ou un certificat de rétablissement, se voit interdit d'exercer son emploi et que la suspension de son contrat de travail s'accompagne de l'interruption du versement de sa rémunération, porte-t-il atteinte au droit à l'emploi, garanti par l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ?» ; Question n° 4 - «L'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en ce qu'il dispose qu'un salarié soumis à vaccination obligatoire qui n'a pas satisfait à cette obligation, à défaut de présenter un certificat médical de contre-indication ou un certificat de rétablissement, se voit interdit d'exercer son emploi et que la suspension de son contrat de travail s'accompagne de l'interruption du versement de sa rémunération, porte-t-il atteinte au droit à la dignité de la personne humaine, garanti par l'alinéa 1er du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ?» ; 2
Question n° 5 - «L'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en ce qu'il dispose qu'un salarié soumis à vaccination obligatoire qui n'a pas satisfait à cette obligation, à défaut de présenter un certificat médical de contre-indication ou un certificat de rétablissement, se voit interdit d'exercer son emploi et que la suspension de son contrat de travail s'accompagne de l'interruption du versement de sa rémunération, porte-t-il atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? »; Question n° 6 - «L'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en ce qu'il dispose qu'un salarié soumis à vaccination obligatoire qui n'a pas satisfait à cette obligation, à défaut de présenter un certificat médical de contre-indication ou un certificat de rétablissement, se voit interdit d'exercer son emploi et que la suspension de son contrat de travail s'accompagne de l'interruption du versement de sa rémunération, porte-t-il atteinte à la liberté d'opinion, de conscience et de pensée, garantie par l'article 10 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ?»; Question n° 7 - «L'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en ce qu'il dispose qu'un salarié soumis à vaccination obligatoire qui n'a pas satisfait à cette obligation, à défaut de présenter un certificat médical de contre-indication ou un certificat de rétablissement, se voit interdit d'exercer son emploi et que la suspension de son contrat de travail s'accompagne de l'interruption du versement de sa rémunération, porte-t-il atteinte à la liberté individuelle, garantie par les articles 1, 2 et 4 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?»; Question n° 8 - «L'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en ce qu'il dispose qu'un salarié soumis à vaccination obligatoire qui n'a pas satisfait à cette obligation, à défaut de présenter un certificat médical de contre-indication ou un certificat de rétablissement, se voit interdit d'exercer son emploi et que la suspension de son contrat de travail s'accompagne de l'interruption du versement de sa rémunération, porte-t-il atteinte au droit de mener une vie familiale normale, garanti par l'alinéa 10 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ?» ; Question n° 9 - «L'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en ce qu'il dispose qu'un salarié soumis à vaccination obligatoire qui n'a pas satisfait à cette obligation, à défaut de présenter un certificat médical de contre-indication ou un certificat de rétablissement, se voit interdit d'exercer son emploi et que la suspension de son contrat de travail s'accompagne de l'interruption du versement de sa rémunération, porte-t-il atteinte au droit de propriété, garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?» ;
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Question n° 10 - «L'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en ce qu'il dispose qu'un salarié soumis à vaccination obligatoire qui n'a pas satisfait à cette obligation, à défaut de présenter un certificat médical de contre-indication ou un certificat de rétablissement, se voit interdit d'exercer son emploi et que la suspension de son contrat de travail s'accompagne de l'interruption du versement de sa rémunération, porte-t-il atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, garanties par l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?» ; Question n° 11 - «L'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en ce qu'il dispose qu'un salarié soumis à vaccination obligatoire qui n'a pas satisfait à cette obligation, à défaut de présenter un certificat médical de contre-indication ou un certificat de rétablissement, se voit interdit d'exercer son emploi et que la suspension de son contrat de travail s'accompagne de l'interruption du versement de sa rémunération, porte-t-il atteinte au principe à valeur constitutionnelle de proportionnalité des peines et des sanctions, garanti par l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? ».
Sur les conditions de forme et de recevabilité L'ensemble des questions prioritaires de constitutionnalité ont bien été présentées dans un mémoire distinct et motivé, remis au greffe dans le délai d'instruction de ce pourvoi, selon les formes applicables à la procédure du pourvoi en cassation. Il résulte des articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, qu'il est procédé au renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité lorsque trois conditions sont réunies: 1 - La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites; 2 - Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances; 3 - La question posée est nouvelle ou n'est pas dépourvue de caractère sérieux. ➙ En l'espèce, l'article 14-II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, constitue bien le fondement de la décision par la cour d'appel de Montpellier qui a constaté que la suspension du contrat de travail de la salariée sans rémunération a bien été mise en œuvre conformément aux dispositions contestées. ➙Cet article n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
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Il est certes, vrai que le Conseil constitutionnel avait bien été saisi par des sénateurs de la non-conformité de l'ensemble des dispositions de l'article 14 (voir Saisine par 60 sénateurs - 2 - Décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021, [Loi relative à la gestion de la crise sanitaire]) et notamment: - le paragraphe I A de l'article 14, sur le grief de la « sur la suspension immédiate de l'activité des personnes soumises à l'obligation vaccinale » invoqué par les sénateurs selon lesquels, « en imposant aux personnes soumises à l'obligation vaccinale, dès le lendemain de la publication, c'est-à-dire dans les tous prochains jours, des contraintes telles qu'elles devront soit renoncer à exercer leur activité, soit procéder à des examens de dépistages si fréquents que leur activité professionnelle en sera grandement entravée, le législateur a apporté au droit à l'emploi et à la liberté d'entreprendre une atteinte manifestement excessive. Si nous ne contestons nullement l'obligation vaccinale, à fortiori en ce qu'elle concerne le personnel soignant, c'est bien son application immédiate, sans aucun délai de carence, qui apparaît inconstitutionnelle». - les paragraphes II et III de l'article 14 sur le grief de l'illégalité de l'exigence du passe sanitaire (A) sur le fondement du droit à l'emploi (d) en même temps qu'était soulevée l'illégalité des articles 20 et 21, 23 et 24 de l'article 1er, dans les termes suivants: « Il ressort des dispositifs prévus par les dispositions litigieuses de la loi qu'un salarié ou un agent public qui ne produirait pas les documents nécessaires à la poursuite de son activité, notamment le passe sanitaire, pourrait se voir immédiatement notifié la suspension de son contrat de travail ou de ses fonctions, laquelle s'accompagne, tout aussi immédiatement, de l'interruption du versement de la rémunération. La personne ainsi concernée se retrouve donc, du jour au lendemain, sans aucun moyen de subsistance, ce qui la plonge inévitablement dans une situation de précarité. La loi déférée, alors qu'elle est appelée à déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, en vertu de l'article 34 de la Constitution, n'a prévu aucune sorte de compensation ou de revenu minimum au cours de cette période. Rappelons que cette situation peut être due au refus de la personne concernée de se faire vacciner et de faire un test de dépistage régulièrement. Mais elle peut aussi être due au retard pris dans le processus de vaccination de cette personne, laquelle serait donc néanmoins suspendue dans ses activités tant que ce processus ne serait pas achevé, ce qui peut durer plusieurs semaines. En procédant ainsi le législateur a porté une atteinte excessive et injustifiée aux dispositions invoquées des cinquième et onzième alinéas du Préambule de 1946. Il n'a pas non plus exercé la plénitude de sa compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution. Pour toutes ces raisons, les alinéas 20 et 21, 23 et 24 de l'article 1 ainsi que les paragraphes II et III de l'article 14 de la loi déférée devront être déclarées contraires à la Constitution ». Toutefois, dans sa décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021 le Conseil constitutionnel a statué uniquement sur le premier grief de «la suspension immédiate de l'activité des personnes soumises à l'obligation vaccinale». Il a alors déclaré conformes à la Constitution, les dispositions de l'article 14, §I, A de la loi dans les termes suivants: 5
«122. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions, prévoyant une entrée en vigueur progressive de l'obligation vaccinale, que les professionnels soumis à cette obligation peuvent, jusqu'au 14 septembre 2021, continuer d'exercer leur activité sous réserve de présenter soit un certificat de statut vaccinal, soit un certificat de rétablissement, soit un certificat médical de contre-indication à la vaccination, ou à défaut, un justificatif de l'administration des doses de vaccin requises par voie réglementaire ou un résultat de test de dépistage virologique négatif. 123. Dès lors, en adoptant les dispositions contestées, le législateur qui a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, n'a porté aucune atteinte au droit à l'emploi ou à la liberté d'entreprendre. 124. Il résulte de ce qui précède que le A du paragraphe I de l'article 14, qui ne méconnaît pas non plus la liberté d'aller et de venir ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.» Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a censuré la loi uniquement sur les dispositions relatives au défaut de présentation d'un passe sanitaire, constitutif d'une cause de rupture des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, pour violation du principe d'égalité devant la loi. ➙ Enfin, les questions ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, elles ne sont pas nouvelles. Il importe de rappeler que le critère de la nouveauté s'apprécie au regard de la norme constitutionnelle invoquée. Dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, cons 21, le Conseil constitutionnel précise la notion de question nouvelle, à savoir, «que le législateur organique a entendu, par l'ajout de ce critère, imposer que le Conseil constitutionnel soit saisi de l'interprétation de toute disposition constitutionnelle dont il n'a pas encore eu l'occasion de faire application; que, dans les autres cas, il a entendu permettre au Conseil d'État et à la Cour de cassation d'apprécier l'intérêt de saisir le Conseil constitutionnel en fonction de ce critère alternatif ; que, dès lors, une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être nouvelle au sens de ces dispositions au seul motif que la disposition législative contestée n'a pas déjà été examinée par le Conseil constitutionnel». En commentaire de cette décision, le Conseil souligne que ce critère «ne s'apprécie pas au regard de la disposition législative contestée (sinon, toute disposition qui n'a pas déjà été examinée par le Conseil constitutionnel serait toujours nouvelle), mais de la disposition constitutionnelle à laquelle elle est confrontée. Il a donc estimé que toute question de constitutionnalité invoquant une norme constitutionnelle que le Conseil constitutionnel n'a jamais eu à interpréter devait être qualifiée de « nouvelle ». En l'espèce, les questions évoquent une violation des droits et libertés constitutionnels garantis tant par les articles 1, 2, 4, 6, 8, 10, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que par les alinéas 1, 5, 10 et 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
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Le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé à de nombreuses reprises sur l'application de ces dispositions dont la violation est soulevée.
Sur le fond I - Sur le caractère sérieux du moyen tiré de l'illégalité de l' article 14 II au regard des principes garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. (Question n°1) L'article 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire prévoit que les personnes mentionnées à l'article 12, parmi lesquelles figurent les personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, devront présenter soit un schéma vaccinal complet, soit un certificat de rétablissement pour sa durée de validité, soit un certificat médical de contre indication. À défaut de régularisation, le salarié ou l'agent public fera l'objet d'une interdiction d'exercer. La suspension de ses fonctions ou de son contrat de travail qui s'accompagne d'une suspension du versement de la rémunération, lui sera notifiée par l'employeur.1 Le mémoire soutient que l'article 14 II contrevient au principe de sécurité juridique qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en raison du caractère aléatoire de la durée de l'obligation vaccinale. Il prétend que les modifications législatives et réglementaires successives sur la teneur de la vaccination, à travers l'exigence d'une, puis deux et enfin trois injections, pour satisfaire à l'obligation, de même que l'attente d'un décret sur la fin de l'application des mesures, pris sur avis de la Haute Autorité de Santé dont la date de consultation n'est pas précisée, de sorte que la durée de la suspension du contrat de travail du salarié et l'interruption du versement de sa rémunération étaient indéterminés, constituent un aléa imposé heurtant le principe de sécurité juridique qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Cet article dispose que « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». La suspension du contrat de travail et de la rémunération consécutive, affecte elle
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Art. 14 II. - Lorsque l'employeur constate qu'un salarié ne peut plus exercer son activité en application du I du présent article, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Le salarié qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. A défaut, son contrat de travail est suspendu. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent II, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, le salarié conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. La dernière phrase du deuxième alinéa du présent II est d'ordre public.
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« la garantie des droits » proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ou, comme le souligne le moyen, porter elle atteinte à la «sécurité juridique» de son titulaire ? Le Conseil constitutionnel rappelle qu'il est loisible au législateur statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant. 4. Considérant, en conséquence, que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;(Décision n° 2010-53 QPC du 14 octobre 2010)
Sans instaurer d' « effet cliquet » cette jurisprudence, souligne le Conseil constitutionnel, «protège les droits nés de la législation antérieure en veillant à ce que le législateur ne les remette pas en cause sans justification et, s'agissant de droits et libertés trouvant leur source dans la Constitution elle-même, à ce qu'un seuil de protection minimale demeure assuré.» (cahier n° 20, commentaire de la Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, cons 45).
En l'espèce, le Conseil constitutionnel reconnaît la protection de la santé comme une exigence constitutionnelle, découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel : « Elle [la nation] garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ». Dans le cadre de son contrôle, il considère qu'il appartient au législateur de concilier cet objectif de valeur constitutionnelle avec le respect des droits et libertés constitutionnellement garanties qui sont parfois contradictoires. Ce dernier, à ce titre, dispose d'une large marge d'appréciation pour la mise en œuvre cette exigence constitutionnelle. C'est ainsi que dans une décision n° 2015-458 QPC du 20 mars 2015, concernant l'obligation de vaccination, il est indiqué : «10. Considérant qu'il est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective ; qu'il lui est également loisible de modifier les dispositions relatives à cette politique de vaccination pour tenir compte de l'évolution des données scientifiques, médicales et épidémiologiques ; que, toutefois, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances scientifiques, les dispositions prises par le législateur ni de rechercher si l'objectif de protection de la santé que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé ;»
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Il en est de même dans la décision sus visée du 5 août 2021, s'agissant de la politique à mener pour lutter contre l'épidémie Covid-19, où le Conseil rappelle que : 29. «En premier lieu, en prévoyant la prorogation du régime de gestion de la sortie de crise sanitaire, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19. Il a estimé, au regard de la dynamique de l'épidémie, du rythme prévisible de la campagne de vaccination et de l'apparition de nouveaux variants du virus plus contagieux, qu'un risque important de propagation de l'épidémie persisterait jusqu'au 15 novembre 2021. Cette appréciation est corroborée par les avis des 6 et 16 juillet 2021 du comité de scientifiques prévu par l'article L. 3131-19 du code de la santé publique.» «Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause l'appréciation par le législateur de ce risque, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, cette appréciation n'est pas, en l'état des connaissances, manifestement inadéquate au regard de la situation présente.»
Dans son avis du 6 juillet 2021 intitulé « Réagir maintenant pour limiter une nouvelle vague annoncée au variant Delta », le comité de scientifiques a en effet relevé que : « De manière réaliste, une nouvelle vague due au variant Delta doit être collectivement anticipée. Elle ne pourra pas être complètement absorbée par le niveau élevé de la vaccination, qui reste encore insuffisant au sein de la population pour assurer une protection collective efficace. Des mesures prises maintenant peuvent limiter cette nouvelle vague et ses effets ». Le même comité s'est déclaré favorable aux mesures du projet de loi dans son avis du 19 juillet 2021, en relevant que « la progression très rapide du variant Delta (lignage B.1.617.2) ainsi qu'un relâchement des mesures barrières certain dû à la période estivale font observer un début de reprise épidémique qu'il est nécessaire d'anticiper dès à présent ». (Observations du Gouvernement, p.5 - Décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021, [Loi relative à la gestion de la crise sanitaire])
S'agissant plus particulièrement des obligations imposées au titre du «passe sanitaire» à certains salariés et agents publics, le Conseil constitutionnel ajoute : «en instaurant une obligation de présentation d'un «passe sanitaire» pour les salariés travaillant dans certains lieux et établissements, le législateur a entendu limiter la propagation de l'épidémie de covid-19». (cf décision du 5 août 2021 précitée, n° 77).
➣ Il en résulte que l'article 14, II de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, en ce qu'il dispose qu'un salarié soumis à vaccination obligatoire qui n'a pas satisfait à cette obligation, à défaut de présenter un certificat médical de contre-indication ou un certificat de rétablissement, se voit interdit d'exercer son emploi et que la suspension de son contrat de travail s'accompagne de l'interruption du versement de sa rémunération, ne heurte pas le principe de sécurité juridique, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ces dispositions, justifiées par une exigence de santé publique, dont l'objectif tend à assurer la protection des populations les plus vulnérables qui sont accueillies dans les établissements de santé, en réduisant considérablement les risques de contamination par le virus ou de transmission du virus, ne portent pas atteinte au principe constitutionnel de protection de la santé. En outre, il ne peut sérieusement être soutenu que les mesures prescrites «étaient d'autant plus aléatoires que la fin de leur application supposait la prise d'un décret 9
sur avis de la Haute Autorité de Santé, selon lequel il n'y a plus lieu de maintenir l'obligation vaccinale». En effet, cette critique fait abstraction de ce que le salarié dispose néanmoins du libre choix de mettre un terme à tout moment à la mesure le concernant, en régularisant sa situation par la présentation des justificatifs demandés. D'autant que cette mesure en soi, ne vise nullement à mettre fin au contrat de travail.
II - Sur le caractère sérieux des moyens tirés de l'illégalité de l' article 14 II au regard des principes garantis par les articles 6 et 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et des alinéas 5 et 11 du préambule de la Constitution de 1946. (Questions n° 2, 3, 5, 6 ) Le mémoire soutient que les dispositions législatives contestées se heurtent : - au principe d'égalité devant la loi résultant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dès lors qu'elles imposent la vaccination à certains salariés ou agents publics en contact avec le public, sans que cette différence de traitement soit en rapport avec l'intérêt général, ni avec l'objectif poursuivi par la loi qui est de lutter contre la covid-19 et d'atteindre l'immunité collective. (Question n°2) - au droit à l'emploi garanti par l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, en privant d'emploi les personnes exerçant dans le domaine de la santé ou qui se trouvent au contact de personnes âgées et qui ne sont pas vaccinées contre la covid -19. (Question n°3) - au droit à la protection de la santé garanti par l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, en imposant notamment à certains salariés de se faire inoculer un vaccin potentiellement à risque, dont on ignore quelles conséquences il pourra avoir, si ce n'est à court terme, tout au moins à moyen et long terme, sur la santé. (Question n°5) - à la liberté d'opinion, de conscience et de pensée garantie par l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, en contraignant les personnes à se conformer à l'obligation vaccinale et « en les asphyxiant financièrement». (Question n°6) Dans sa décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021 le Conseil constitutionnel n'a certes pas statué sur les dispositions particulières, concernant la suspension des salariés et agents publics intervenant dans les établissements de santé, instituées à l'article 14 II de la loi. Il est nécessaire cependant de rappeler d'une part, que cette mesure contestée de suspension du contrat de travail est la conséquence directe de l'interdiction d'exercer posée par l'article 14, I A dont les dispositions ont été déclarées conformes à la constitution, le Conseil considérant alors que : « 123. Dès lors, en adoptant les dispositions contestées, le législateur qui a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, n'a porté aucune atteinte au droit à l'emploi ou à la liberté d'entreprendre».
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De plus, dans le cadre de l'examen de l'article 1 de la loi du 5 août 2021 qui était déférée, portant sur la modification de l'article 1 de la loi n° 2021- 689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, le Conseil a statué sur la conformité des dispositions qui subordonnaient l'accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d'un «passe sanitaire». Ces dispositions, issues de l'article 1, II, C -1 de la loi, stipulaient que : «Lorsqu'un salarié soumis à l'obligation prévue aux 1° et 2° du A du présent II ne présente pas les justificatifs, certificats ou résultats dont ces dispositions lui imposent la présentation et s'il ne choisit pas d'utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés, ce dernier lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail. Cette suspension, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis.»
Le Conseil a alors jugé que les griefs invoqués, concernant les conséquences de la non justification du passe sanitaire pour les salariés et agents concernés à savoir, la suspension de l'emploi ou du contrat de travail et la perte de rémunération qui en découlent, n'étaient pas fondés au regard des principes à valeurs constitutionnelles définis aux alinéas 5 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946, dans les termes suivants: «En ce qui concerne les obligations imposées au titre du « passe sanitaire » à certains salariés et agents publics [..] : 80. En second lieu, aux termes du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : «Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances». Aux termes du onzième alinéa du même Préambule, la Nation «garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence». 81. Les deux premiers alinéas du 1 du C et le 2 de ce même C prévoient que lorsqu'un salarié ou un agent public, qui y est tenu, ne présente pas de «passe sanitaire» et qu'il ne choisit pas d'utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés, ce dernier lui notifie par tout moyen, le jour même, selon les cas, la suspension de son contrat de travail ou de ses fonctions. 82. Comme il a été dit au paragraphe 77, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu limiter la propagation de l'épidémie de covid-19. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 83. D'une part, l'obligation de présenter un «passe sanitaire» n'est imposée que pour la période comprise entre le 30 août et le 15 novembre 2021 et pour les seuls salariés et agents publics intervenant dans les lieux, établissements, services ou événements dont l'accès est soumis à cette obligation, lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l'exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue. 84. D'autre part, la suspension du contrat de travail ne peut intervenir que si le salarié ou l'agent public ne présente ni le résultat d'un examen de dépistage virologique négatif, ni un justificatif de statut vaccinal, ni un certificat de rétablissement. Si cette suspension
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s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, elle prend fin dès que le salarié ou l'agent public produit les justificatifs requis. 85. Enfin, lorsque la suspension du contrat de travail se prolonge au-delà d'une durée équivalente à trois jours travaillés, l'employeur doit convoquer le salarié ou l'agent public à un entretien afin d'examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d'affectation, le cas échéant temporaire, sur un autre poste non soumis à cette obligation. S'il s'agit d'un salarié, cet autre poste doit être proposé au sein de l'entreprise. 86. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées doivent être écartés. 87. Il résulte de ce qui précède que les deux premiers alinéas du 1 et le 2 du C du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, qui ne sont pas non plus entachés d'incompétence négative et qui ne méconnaissent ni le principe d'égalité ni le principe d'égal accès aux emplois publics, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.»(cf décision du 5 août 2021 précitée).
Cette analyse est parfaitement transposable à la situation des personnels exerçant dans les établissements de santé définis à l'article 12 et qui font l'objet d'une suspension de leur contrat de travail en application de l'article 14 II dont les dispositions sont rédigées dans les termes quasi identiques. C'est du moins ce qu'il ressort d'une décision que votre chambre a rendue le 5 juillet 2023 disant n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les trois questions prioritaires de constitutionnalité qui vous étaient soumises portant sur la violation : - du principe de protection de la santé garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; - du droit au travail et de l'interdiction de léser un travailleur dans son emploi en raison de ses opinions garanti par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi qu'au principe selon lequel tout être humain dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; - des droits de la défense garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Dans cette affaire relative à la suspension contestée d'une salariée soumise à l'obligation vaccinale prévue à l'article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 et prononcée en application de l'article 14 II de la même loi, votre chambre a jugé que les questions posées ne présentaient pas un caractère sérieux. Vous avez alors considéré que le législateur, en adoptant ces dispositions contestées, a poursuivi un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé qui justifie la différence de traitement, compte tenu des missions des établissements de santé et de la vulnérabilité des patients qui y sont admis. Votre cour n'a, par ailleurs, relevé aucune atteinte au droit à l'emploi, ni à l'interdiction de léser un travailleur dans son emploi en raison de ses opinions, ni au droit de tout être humain dans l'incapacité de travailler d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence, dans la mesure où d'une part, ces dispositions ne
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prévoient pas la rupture du contrat de travail mais uniquement sa suspension, ni une atteinte aux droits de la défense dans la mesure où les dispositions contestées n'instituent pas une sanction ayant le caractère d'une punition : « 9. En effet, en premier lieu, le législateur, en adoptant les dispositions contestées, a entendu, au regard de la dynamique de l'épidémie, du rythme prévisible de la campagne de vaccination, du niveau encore incomplet de la couverture vaccinale de certains professionnels de santé et de l'apparition de nouveaux variants du virus plus contagieux, en l'état des connaissances scientifiques et techniques, permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 par le recours à la vaccination, et garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des malades qui y étaient hospitalisés poursuivant ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 10. Par ailleurs, l'obligation vaccinale ne s'impose pas, en vertu de l'article 13 de la même loi du 5 août 2021, aux personnes qui présentent un certificat médical de contre-indication ainsi que, pendant la durée de sa validité, aux personnes disposant d'un certificat de rétablissement. Enfin, l'article 14 contesté donne compétence, en son IV, au pouvoir réglementaire, compte tenu de l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques et après avis de la Haute autorité de santé, pour suspendre cette obligation pour tout ou partie des catégories de personnes qu'elle concerne. 11. Ainsi, les dispositions contestées, qui sont justifiées par une exigence de santé publique et ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif qu'elles poursuivent, ne portent pas atteinte au principe constitutionnel de protection de la santé. 12. En deuxième lieu, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe d'égalité dès lors, d'une part, qu'elles s'appliquent de manière identique à l'ensemble des personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé du code de la santé publique, à l'exception de celles y effectuant une tâche ponctuelle, qu'elles fassent ou non partie du personnel soignant, et d'autre part, que la circonstance que les dispositions contestées font peser sur les personnes exerçant une activité au sein de ces établissements, une obligation vaccinale qui n'est pas imposée à d'autres personnes, constitue, compte tenu des missions des établissements de santé et de la vulnérabilité des patients qui y sont admis, une différence de traitement en rapport avec cette différence de situation, qui n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. 13. En troisième lieu, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au droit à l'emploi, ni à l'interdiction de léser un travailleur dans son emploi en raison de ses opinions, ni au droit de tout être humain dans l'incapacité de travailler d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence, dans la mesure où elles ne prévoient pas la rupture du contrat de travail mais uniquement sa suspension. Cette suspension prend fin dès que le salarié, qui n'est ainsi pas privé d'emploi, remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité et produit les justificatifs requis, conservant, pendant la durée de celle-ci, le bénéfice des garanties de protection complémentaires auxquelles il a souscrit. 14. En dernier lieu, les dispositions contestées, en ce qu'elles n'instituent pas une sanction ayant le caractère d'une punition dès lors que la suspension du contrat s'impose à l'employeur et ne présente aucun caractère disciplinaire, ne portent pas atteinte aux droits de la défense. En outre, elles prévoient que l'employeur informe le salarié des conséquences de l'absence de vaccination, des moyens de régulariser sa situation, donnent ensuite la possibilité au salarié d'utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou de congés payés.
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15. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ». (Soc., 5 juillet 2023, n° 22-24.712)
➣ Il en résulte que contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions contestées ne font pas obstacle aux principes à valeur constitutionnelle d'égalité, du droit à l'emploi et à la rémunération, de la protection de la santé et de la liberté d'opinion, de conscience et de pensée. La différence de traitement entre les salariés travaillant dans certains lieux et notamment le personnel de santé et les autres salariés, ne heurte pas le principe d'égalité devant la loi garantit par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1798, dans la mesure où elle est en lien direct avec l'objectif poursuivi de protection de la santé. Il s'agit notamment d'assurer la protection des populations les plus vulnérables qui sont accueillies dans ces établissements en réduisant considérablement les risques de contamination par le virus ou de transmission du virus. Les dispositions contestées ne font pas obstacle au principe du droit au travail et de l'interdiction de léser un travailleur dans son emploi en raison de ses opinions garanti par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, dès lors qu'elles ne visent nullement à mettre un terme au contrat de travail. *
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III - Sur le caractère sérieux du moyen tiré de l'illégalité de l' article 14 II au regard des principes énoncés aux articles 1,2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et à l'alinéa 1er du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. (Questions n° 4,7, 10 ) Le mémoire soutient que les dispositions législatives contestées se heurtent: - au droit à la dignité humaine et au principe de l'inviolabilité du corps humain en ce que le fait d'imposer une vaccination à celui qui ne la souhaite pas serait attentatoire à l'inviolabilité du corps humain et à la dignité de la personne humaine et potentiellement douloureuse, non seulement lors de l'injection, mais également en cas de survenue fréquente d'effets secondaires (Question n° 4); - au principe de la liberté individuelle, en privant les personnes concernées de tout libre arbitre dans le choix de se faire ou non vacciner (Question n° 7); - à la liberté d'entreprendre, en ce qu'elles privent le salarié à la fois du droit d'accéder à son domaine d'activité, d'exercer ladite activité et de cesser cette activité et également à la liberté contractuelles en portant atteinte à l'économie du contrat du travail à travers une modification imposée du contrat de travail, tenant au fait que le salarié devrait désormais, pour exercer sa profession, satisfaire à l'obligation vaccinale (Question n°10). Ces griefs ne sont pas fondés. Dans sa décision sus visée du 5 août 2021, le Conseil retient que le législateur a estimé qu' en l'état des connaissances scientifiques dont il disposait, les risques de circulation du virus de la covid-19 sont fortement réduits entre des personnes vaccinées, rétablies ou venant de réaliser un test de dépistage dont le résultat est 14
négatif. En instaurant par conséquent, une obligation de présentation d'un «passe sanitaire» pour les salariés travaillant dans certains lieux et établissements, le législateur a entendu «permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à limiter la propagation de l'épidémie de covid-19 et à assurer un contrôle effectif de leur respect». Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé (n° 38 de la décision). Il ne peut être raisonnablement affirmé que l'exigence posée du «passe sanitaire» porte une atteinte injustifiée au droit à la dignité, à l'intégrité physique et à la liberté individuelle, dès lors que le législateur, à aucun moment, n'oblige à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal et que le «passe sanitaire» peut tout aussi bien revêtir la forme d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination ou d'un résultat d'examen de dépistage négatif. . C'est ainsi que le Conseil constitutionnel souligne: «44. En quatrième lieu, les dispositions contestées prévoient que les obligations imposées au public peuvent être satisfaites par la présentation aussi bien d'un justificatif de statut vaccinal, du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination ou d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination. Ainsi, ces dispositions n'instaurent, en tout état de cause, ni obligation de soin ni obligation de vaccination ».
De plus, le grief de violation de la liberté d'entreprendre qui résulterait selon le moyen, pour le salarié de se voir, en l'absence de vaccination, «ipso facto privé tout à la fois du droit d'accéder à son domaine d'activité, d'exercer ladite activité et de cesser cette activité» et serait par conséquent, «manifestement disproportionnée à l'objectif de santé publique poursuivi par le législateur», n'est pas fondé. En effet, le législateur entend malgré tout préserver l'emploi du salarié à travers uniquement une suspension du contrat de travail . Et comme le souligne votre chambre dans sa décision sus visée du 5 juillet 2023, « Cette suspension prend fin dès que le salarié, qui n'est ainsi pas privé d'emploi, remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité et produit les justificatifs requis, conservant, pendant la durée de celle-ci, le bénéfice des garanties de protection complémentaires auxquelles il a souscrit.»
Enfin, la mesure de suspension prévue par la loi ne porte nullement atteinte à l'économie des contrats régulièrement conclus dès lors que le contrat de travail, qui n'est pas rompu, continuera à produire normalement ses effets dès que le salarié aura produit les justificatifs demandés. Par ailleurs, il doit être souligné que l'employeur ne dispose d'aucune marge d'appréciation dans la mise en oeuvre de la mesure de suspension qui lui est imposée et peut voir sa responsabilité pénale engagée par ailleurs. En effet, le législateur a prévu une sanction pénale à son encontre en cas de non respect de son obligation. L'article 16 de la loi prévoit en effet que: «La méconnaissance, par l'employeur, de l'obligation de contrôler le respect de l'obligation vaccinale mentionnée au I de l'article 12 de la présente loi est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Cette contravention peut faire l'objet de la procédure de l'amende forfaitaire prévue à l'article 529 du code de procédure pénale. Si une telle violation est verbalisée à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis d'un an d'emprisonnement et de 9 000 € d'amende. Les agents mentionnés à l'article L. 1312-1 du code de la santé publique peuvent constater et rechercher le manquement mentionné à la première phrase du présent alinéa.».
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IV - Sur le caractère sérieux du moyen tiré de l'illégalité de l'article 14 II au regard des principes énoncés à l'alinéa 10 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. (Questions n° 8) Le mémoire soutient que l'interdiction faite aux personnes ne se soumettant pas à l'obligation vaccinale d'exercer leur profession et de percevoir une rémunération, les prive en conséquence de moyens financiers pour subvenir aux besoins élémentaires de la sphère familiale et méconnaît le droit à mener une vie familiale normale, tel qu'il résulte de l'alinéa 10 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 selon lequel «la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement». Ce grief est en lien avec celui concernant la violation du droit à l'emploi. La critique apparaît également inopérante en raison du libre choix laissé au salarié de mettre un terme à tout moment à la mesure en régularisant sa situation, par la présentation des justificatifs demandés.
V - Sur le caractère sérieux du moyen tiré de l'illégalité de l'article 14 II au regard des principes énoncés aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. (Questions n° 9) Le moyen soutient que ce texte porte atteinte (restriction) au droit de propriété énoncé à l'article 17 de la déclaration, cette protection s'appliquant à toute forme de propriété dont celle portant sur une créance de nature salariale que le contrat de travail confère au salarié sur son employeur. Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, «10. La propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». En l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi » (Décision n° 2018-698 QPC du 6 avril 2018).
Seule une disposition ayant pour objet ou pour effet une privation de la propriété peut entrer dans le champ d'application de cet article. ( Décision n° 85-189 DC du 17 juillet 1985, cons 13) En l'espèce, il ne peut être contesté, que les dispositions contestées relatives à la suspension du contrat de travail et son corollaire, la suspension de la rémunération correspondante en raison du non respect de l'obligation relative au «passe sanitaire», sont justifiées par un motif d'intérêt général tenant à la poursuite de l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé qui est assigné au législateur.
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En outre, contrairement à ce que prétend le mémoire, le salarié n'est pas «définitivement privé» de sa rémunération dès lors que les dispositions ne visent nullement à mettre fin au contrat de travail. En effet, la suspension du contrat de travail et de la rémunération, au regard de l'absence de service effectué, dont peut faire l'objet un salarié est la conséquence directe de l'absence de production des justificatifs requis. Cette situation dont il a la seule maîtrise, peut en effet être évitée soit en utilisant le cas échéant, avec l'accord de son employeur, les jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés, soit en présentant les justificatifs nécessaires à l'exercice de son activité. Le moyen n'est par conséquent, pas sérieux.
VI - Sur le caractère sérieux du moyen tiré de l'illégalité de l' article 14 II au regard du principe de proportionnalité des peines énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme. (Questions n° 11) Le moyen prétend qu'à travers la suspension du contrat de travail et l'interruption de toute rémunération, le salarié se voit «infliger une sanction financière légale ou, à tout le moins, une punition». Ces mesures ne satisfont pas à l'exigence de proportionnalité de la sanction au comportement qu'elle réprime, à savoir le défaut de vaccination et s'opposent au principe énoncé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme. Il n'est pas contesté que toute sanction ayant le caractère d'une punition est concerné par le principe de proportionnalité. Ce principe est clairement énoncé par Le Conseil constitutionnel : «19. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée»; que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition (Décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015)»
Cependant, le Conseil constitutionnel juge avec constance que les exigences résultant de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ne s'appliquent qu'aux mesures constituant des «sanctions ayant le caractère d'une punition». Or cette qualification est examinée non pas au regard des conséquences de la mesure en cause, mais de son objet, apprécié à l'aune de l'intention du législateur et des caractéristiques de la mesure ((commentaire de la Décision n° 2021-966 QPC du 28 janvier 2022 p. 17). C'est ainsi que dans une décision 2011-114 QPC du 01 avril 2011, s'agissant de la déchéance de plein droit des fonctions de juge du tribunal de commerce instituée par l'article L. 724-7 du code de commerce, résultant d'une condamnation pénale, le Conseil constitutionnel a jugé que: «ces dispositions, sans caractère répressif, ont pour objet d'assurer que les professionnels appelés à exercer les fonctions de juge au tribunal de commerce ou à élire ces juges présentent les garanties d'intégrité et de moralité indispensables à l'exercice de fonctions juridictionnelles ; qu'elles n'instituent pas des sanctions ayant le caractère d'une punition; que, dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 sont inopérants ; Considérant que
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les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit».
En l'espèce, il ne peut être contesté qu'à travers les dispositions de la loi et notamment des articles 12 et 14 sus visés, le législateur entend prendre des mesures visant à lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'objectif de protection de la santé qui est poursuivi. L'article 14, II de la loi stipule que «lorsque l'employeur constate qu'un salarié ne peut plus exercer son activité en application du I du présent article, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Le salarié qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. A défaut, son contrat de travail est suspendu.» Notons que la loi n'institue aucun formalisme particulier pour la notification de l'interdiction d'exercer. Celle ci ne s'inscrit pas dans le cadre d'une procédure visant à sanctionner le salarié dans le cadre d'une quelconque procédure disciplinaire qui supposerait que l'employeur considère le comportement du salarié comme fautif. Cette mesure ne peut donc s'inscrire dans le cadre de la mise en œuvre des prérogatives de l'employeur dès lors que la mise en oeuvre de la mesure de suspension lui est imposée et pour laquelle il ne dispose d'aucune marge d'appréciation; le législateur ayant même prévu une sanction pénale à son encontre en cas de non respect à peut par ailleurs engager sa responsabilité pénale. L'article 16 de la loi prévoit en effet que: « La méconnaissance, par l'employeur, de l'obligation de contrôler le respect de l'obligation vaccinale mentionnée au I de l'article 12 de la présente loi est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Cette contravention peut faire l'objet de la procédure de l'amende forfaitaire prévue à l'article 529 du code de procédure pénale. Si une telle violation est verbalisée à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis d'un an d'emprisonnement et de 9 000 € d'amende. Les agents mentionnés à l'article L. 1312-1 du code de la santé publique peuvent constater et rechercher le manquement mentionné à la première phrase du présent alinéa.»
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel souligne que le législateur, dans le cadre des travaux préparatoires, a entendu exclure du champ disciplinaire « la méconnaissance de l'obligation de présentation des justificatif, certificat ou résultat précités». Ce motif ne pourrait servir de fondement à un licenciement pour faute, alors qu'il résulte de la jurisprudence constante de la cour de cassation que le refus d'un salarié de subir une vaccination prévue par la réglementation applicable au sein de l'entreprise qui l'emploie, constitue bien par ailleurs, une cause réelle et sérieuse de licenciement ( Soc., 11 juillet 2012, n° 10-27.888). On peut dès lors considérer que lorsque le salarié n'est pas en mesure de justifier des conditions exigées par la loi pour exercer son activité, le législateur entend privilégier une procédure incitative à travers l'information qui doit être donnée sans délai au salarié, sur les conséquences qu'emporte l'interdiction d'exercer sur son emploi, à savoir la suspension du contrat de travail et de la rémunération correspondante, ainsi que des moyens de régulariser sa situation.
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Alors même qu'elle peut être vécue comme une sanction par le salarié qui se voit malgré tout privé de rémunération pendant toute la période de suspension, il n'en demeure pas moins vrai que le législateur à travers cette mesure incitative, entend malgré tout préserver l'emploi du salarié dès lors que le contrat de travail n'est pas rompu. ➣ La mesure de suspension du contrat de travail n'apparaît pas en conséquence relever d'une «sanction ayant le caractère d'une punition» constitutive d'une violation du principe de proportionnalité garanti par la Constitution. D'une part en raison de l'objectif poursuivi de protection du salarié exerçant dans les établissements de santé contre les risques de contamination par le virus ou de transmission du virus. La mesure contestée est la conséquence directe de l'interdiction d'exercer posée par l'article 14, I A dont les dispositions ont été déclarées conformes à la constitution. D'autre part, en raison du libre choix laissé au salarié de mettre un terme à tout moment à la mesure en régularisant sa situation par la présentation des justificatifs demandés. Enfin, c'est également l'analyse retenue par votre chambre dans l'arrêt du 5 juillet 2023 sus visé, au terme duquel vous avez jugé que « les dispositions contestées, en ce qu'elles n'instituent pas une sanction ayant le caractère d'une punition dès lors que la suspension du contrat s'impose à l'employeur et ne présente aucun caractère disciplinaire ne portent pas atteinte aux droits de la défense ».
Avis proposé Je considère par conséquent que les questions prioritaires de constitutionnalité sont dépourvues de caractère sérieux. Je conclus qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soumises.
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