Cass. soc., Conclusions, 21-09-2022, n° 21-14.171
A84732RA
Référence
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AVIS DE Mme WURTZ, AVOCATE GÉNÉRALE
Arrêt n° 970 du 21 septembre 2022 – Chambre sociale Pourvoi n° 21.14-171 Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes du 28 janvier 2021 Mme [T] [M] C/ la société Cabinet de chirurgie dentaire Pasteur _________________
1- FAITS ET PROCÉDURE Un contrat de collaboration pour l'exercice libéral de leur profession a été conclu entre le Dr. [T] [M] et le Dr. [I] [K], chirurgiens-dentistes, à effet du 1er septembre 2011 et pour une durée indéterminée. Après l'échec des discussions relatives à une éventuelle association civile de moyens, Mme [M] a rompu le contrat de collaboration par courrier du 18 juin 2015 et a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir requalifier les relations contractuelles en contrat de travail et obtenir diverses sommes à titre de dommages et intérêts. Par jugement du 8 décembre 2017, le conseil de prud'hommes a déclaré les demandes de Mme [M] irrecevables, faute d'avoir saisi le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes pour tentative de conciliation préalable. Par arrêt du 23 janvier 2021, la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Mme [M] a formé un pourvoi fondé sur un moyen unique de cassation articulé en trois branches tirées : - d'un manque de base légale au regard de l'article 1103 du code civil de l'arrêt qui s'est borné à énoncer que Mme [M] invoquait la caducité de la convention sans s'expliquer sur la cessation, par la partie contractante, de son activité à titre individuel et de ses conséquences sur la caducité du contrat et l'inopposabilité de la clause de conciliation préalable ; - d'une violation de l'article L.1411-1 du code du travail par l'arrêt qui retient que la clause de conciliation incluse dans le contrat de chirurgien-dentiste collaborateur imposait à Mme [M] de saisir au préalable le président du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes, en vue d'une tentative de conciliation, quand cette clause ne l'empêchait pas de saisir directement le juge prud'homal pour voir requalifier le contrat de collaboration libérale en contrat de travail; - d'une violation de l'article R.4127-259 du code de la santé publique, ensemble l'article L.1411-1 du code du travail, le premier texte n'instituant pas une procédure de conciliation obligatoire avant la saisine du juge judiciaire ;
2- DISCUSSION Portée d'une clause de conciliation préalable devant une instance ordinale avant la saisine du juge prud'homal ? 2-1 Les textes applicables : L'article R.4127-201 du Code de la santé publique inséré à la section 2 consacrée au code de déontonlogie des chirurgiens-dentistes et à la sous section 1 relative aux «Devoirs généraux des chirurgiens-dentistes » précise que : « Les dispositions du présent code de déontologie s'imposent à tout chirurgien-dentiste inscrit au tableau de l'ordre (…) quelle que soit la forme d'exercice de la profession». L'article R.4127-259 du code de la santé publique, inséré dans une sous-section 4 relative aux «devoirs de confraternité» précise que : «Les chirurgiens-dentistes doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité. En cas de dissentiment d'ordre professionnel entre praticiens, les parties doivent se soumettre à une tentative de conciliation devant le président du conseil départemental de l'ordre ». Extrait du site du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) : «Le conseil départemental de l'Ordre des médecins remplit des missions administratives : il inscrit les médecins après avoir vérifié leur qualification, tient à jour le Tableau des médecins, délivre les autorisations de remplacement, organise la
permanence des soins… Le conseil départemental a également des missions juridiques : il examine et contrôle de tous les contrats conclus par les médecins… » Commentaires du CNOM sur les devoirs de confraternité dans leurs aspects « Différends et conciliation » : « Les origines des désaccords entre médecins sont multiples. Ils peuvent, du fait de leur importance, être portés devant les juridictions disciplinaires, voire civiles ou administratives. Compte tenu de l'implication de nombreux facteurs dans les situations litigieuses et de leurs intrications, il est souvent nécessaire, dans un souci de clarification, de recueillir les avis et conseils d'une personne tierce, expérimentée et capable de procéder à un réexamen de l'objet et des circonstances d'un désaccord. Non seulement c'est une recommandation de bon sens, mais plus encore une obligation : le médecin doit rechercher une conciliation, il s'agit là d'une règle déontologique. Le médecin qui s'y soustrait peut se le voir reprocher par la juridiction disciplinaire. Les contrats passés entre médecins la prévoient d'ailleurs dans une clause spécifique (voir note [1]). Le conseil départemental de l'Ordre constitue, par essence, l'intermédiaire privilégié entre les protagonistes d'un désaccord, le plus souvent par l'intermédiaire de son président, ou d'un membre choisi soit en raison de son expérience ou de sa spécialité, soit de sa notoriété, ou encore de deux membres choisis par les médecins concernés, selon la procédure prévue par le contrat. La mission dont ils sont chargés leur permet de rechercher une solution consensuelle qu'ils auront la charge de faire avaliser sous la forme d'un procès-verbal signé par chaque partie. En cas d'échec, le procès-verbal de non-conciliation constituera un document important pour les suites tant disciplinaires que judiciaires éventuelles. On ne saurait ainsi trop recommander aux praticiens de prendre un soin très particulier à l'étude des projets de contrats qu'ils signent, aux remarques des conseillers ordinaux chargés de leur examen lorsqu'ils leur ont été soumis. Rien ne vaut l'expérience de praticiens plus anciens et c'est, en l'occurrence, un bon exemple de confraternité ». Aux termes de l'article 9 du contrat de collaboration souscrit entre les parties au litige, il est stipulé : «Toutes les contestations qui pourraient s'élever entre les parties sur la validité ,l'interprétation, l'exécution ou la résolution de leur présente convention, devront, avant toute action en justice, être soumises à une tentative de conciliation devant le Président du Conseil départemental de l'ordre, , conformément aux dispositions de l'article R.4127-259 du code de la santé publique ». Conformément aux dispositions de l'article L.1411-1 du code du travail, « Le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les
employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti ». 2-2 Etat de la jurisprudence de la Cour de cassation : Il ressort de la jurisprudence, notamment celle citée au rapport de Madame le conseiller rapporteur, que dans un certain nombre d'hypothèses la chambre sociale a fait une application nuancée de la règle pourtant consacrée par la chambre mixte de la Cour de cassation, aux termes de laquelle : «Il résulte des articles 122 et 124 du code de procédure civile que les fins de nonrecevoir ne sont pas limitativement énumérées ; licite, la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en oeuvre suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent»1. Par cet arrêt, la chambre mixte de la Cour donne à une telle clause, lorsqu'elle n'est pas respectée, la même portée juridique qu'un défaut de qualité à agir ou d'intérêt à agir, une prescription ou une chose jugée, à savoir la possibilité pour une partie au litige de faire déclarer son adversaire irrecevable en sa demande; sans examen au fond. Pourtant, dans un arrêt de principe publié au rapport annuel de la Cour, la chambre sociale a entendu limiter en matière prud'homale une telle fin de non recevoir en jugeant comme suit : «Attendu
cependant, qu'en raison de l'existence en matière prud'homale d'une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de conciliation préalable en cas de litige survenant à l'occasion de ce contrat n'empêche pas les parties de saisir directement le juge prud'homal de leur différend ;2 Cette position ferme a été explicitée dans le commentaire au rapport annuel comme fondée sur une double raison : - une raison de fond : le risque que la clause de conciliation n'ait pas été librement consentie par le salarié, partie faible du contrat ; la loi protectrice devant prévaloir sur la clause contractuelle ; - une raison de procédure : l'existence d'une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire prévue à l'article L.1411-1 du code du travail qui ménage déjà la possibilité de rapprocher les parties et rend surabondante la conciliation préalable devant d'autres instances; un allongement déraisonnablement des délais de procédure si une double tentative de conciliation est imposée. Commentant cet arrêt, Monsieur le Doyen Bailly précisait :
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Ch. mixte, 14 février 2003, n° 00-19.423; 00-19.424, Bull.2003, n° 1
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Soc. 5 décembre 2012, n° 11-20.004, Bull.V n° 326
« Il faut rappeler à ce sujet que la nouvelle procédure « participative », destinée à favoriser la résolution amiable des différends civils et mise en place par la loi du 22 décembre 2010 ne s'applique pas aux différends qui s'élèvent à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et leurs salariés (art. 2064 c. civ.). En outre, le législateur a restreint le champ d'application de la procédure de médiation prévue par la directive n° 2008/52/CE du 21 mai 2008 « sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale », aux seuls litiges transfrontaliers, sans faire usage de la faculté reconnue aux Etats membres par la directive d'en étendre les effets aux «processus de médiation internes ». Le Conseil supérieur de la prud'homie a exprimé son opposition à une généralisation de la procédure de médiation à toute la matière prud'homale dans des avis des 26 mai et 9 septembre 2011. Et l'ordonnance du 16 novembre 2011 (n° 2011-1540) a exclu de la nouvelle procédure de médiation les différends qui s'élèvent à l'occasion d'un contrat de travail, en limitant sa mise en oeuvre aux seuls litiges transfrontaliers, au sens de la directive précitée (art. 24 modifié de la loi du 8 févr. 1995). Quant au décret du 20 janvier 2012 (n° 2012-66), il a repris cette exclusion à l'article R.1471-1 du code du travail, pour la médiation conventionnelle. La même restriction est aussi énoncée à l'article 1529 du code de procédure civile, issu du même décret. L'intervention du législateur et du pouvoir réglementaire avait été précédée d'une étude du Conseil d'Etat adoptée le 29 juillet 2010 (Développer la médiation dans le cadre de l'Union européenne, Doc. fr.). Ses auteurs exprimaient des réserves sur l'application de la médiation à la matière sociale, en raison de la prééminence de l'ordre public en ce domaine, de l'impossibilité d'y appliquer la procédure d'homologation des accords de médiation, confiée au président du tribunal de grande instance, et de l'existence d'une phase de conciliation devant la juridiction prud'homale à laquelle les partenaires sociaux et le Conseil de la prud'homie étaient fortement attachés. On peut donc observer qu'à l'occasion de ces réformes de la procédure en faveur d'une résolution amiable des litiges, les pouvoirs publics n'ont pas souhaité y inclure le contentieux du contrat de travail. Enfin, il faut tenir compte de la difficulté de mettre en place une procédure préalable de conciliation équilibrée, hors du cadre judiciaire, entre des parties qui ne sont pas sur un pied d'égalité dans la négociation du contrat et dans la conduite d'une procédure de conciliation. Lorsqu'il l'a jugé utile, le législateur a institué une procédure de règlement amiable des litiges, par exemple pour les professions de notaires salariés, d'huissiers de justice salariés ou de greffiers de tribunaux de commerce salariés. En l'absence d'autres dispositions en ce sens, la chambre sociale a considéré que l'accès à la juridiction du travail ne pouvait être entravé par des clauses du contrat de travail ou d'une convention collective subordonnant l'engagement de l'instance à l'échec d'une procédure de conciliation amiable, alors qu'un préliminaire de conciliation s'impose aux parties en matière prud'homale."3 Au fil de ses arrêts, la chambre sociale a également écarté la fin de non recevoir dans les hypothèses où la rupture du contrat de travail a été initiée par l'employeur 4. En 3 4
Recueil Dalloz 17 janvier 2013, actualités page 124
Soc. 7 décembre 2011, n°10-16.425, Bull.V n° 285 ; 12 septembre 2018, n° 16-26.853, Bull.V n° 149 : 11 septembre 2019, n° 17-16.599 ; 14 novembre 2019, n° 18-11.125 cités au rapport.
effet, dans ce contexte où l'employeur est à l'origine de la rupture, il appartient à lui seul de mettre en oeuvre la procédure contractuelle de conciliation de sorte qu'il ne saurait opposer, au salarié qui saisit la juridiction prud'homale, une fin de non recevoir tirée du défaut d'accomplissement de la tentative préalable de conciliation dans les formes et conditions prévues au contrat. Au sein des chambres civiles de la Cour de cassation, la chambre commerciale précise que :«La clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en oeuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci. »5 La troisième chambre civile juge au contraire qu'une clause «qui institue une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, ainsi libellée "pour tous les litiges pouvant survenir dans l'application du présent contrat, les parties s'engagent à solliciter l'avis d'un arbitre choisi d'un commun accord avant tout recours à une autre juridiction", constitue une fin de non-recevoir »6. Toutefois, s'agissant d'une procédure obligatoire de conciliation fixée par voie réglementaire et préalable à la saisine d'une juridiction, la chambre sociale est revenue à la position de principe fixée par la chambre mixte. Ainsi, elle a jugé irrecevable le marin à saisir le tribunal d'instance de demandes au titre de la rupture de son contrat d'engagement maritime, faute pour lui de les avoir préalablement soumises à l'administrateur des affaires maritimes pour tentative de conciliation, conformément à la procédure prévue au décret n°59-1337 du 20 novembre 1959 7 . Cette position de principe a également été adoptée par la troisième chambre civile qui juge que : « La clause, qui stipule qu' "en cas de litige portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire", institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge.» 8 La première chambre civile, s'agissant également d'un litige entre architectes a statué comme suit : « Mais attendu qu'aux termes de l'article 25 du décret n o 80-217 du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes, tout litige entre architectes concernant l'exercice de la profession doit être soumis au conseil régional de l'ordre aux fins de conciliation, avant la saisine de la juridiction compétente ; qu'après avoir rappelé les dispositions de ce texte, lequel fixe une obligation générale et préalable de conciliation, en la subordonnant à la seule condition que le litige en cause porte sur l'exercice par les architectes de leur profession, et énoncé que l'absence de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes constituait une fin de nonrecevoir, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que la demande formée par la société 5
Com., 29 avril 2014, pourvoi n° 12-27.004, Bull. 2014, IV, n° 76
6 3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-14.464, Bull. 2016, III, n° 65 7 Soc. 22 juin 2016, n° 15-12.824 ; 26 septembre 2018, n° 17-18.453 8 3e Civ., 16 novembre 2017, pourvoi n° 16-24.642, Bull. 2017, III, n° 123
DPV Architecture, qui n'avait pas satisfait à cette obligation, était irrecevable, peu important qu'aucune stipulation contractuelle instituant une procédure préalable de conciliation n'ait été conclue entre les architectes, ni que ceux-ci ne relèvent pas du même conseil régional de l'ordre des architectes ; que le moyen n'est pas fondé ;»9 De même, au sujet d'une clause de conciliation obligatoire insérée dans une convention collective, la chambre sociale a retenu qu'elle s'imposait aux parties comme au juge 10. Une telle solution est en effet justifiée eu égard au caractère mixte, conventionnel et réglementaire des conventions collectives négociées par les partenaires sociaux et à la nécessité d'en assurer la sécurité juridique. Il faut toutefois relever que dans les affaires susvisées, le préalable de la conciliation devait avoir lieu avant la saisine d'une juridiction où la tentative de conciliation n'est pas organisée de façon obligatoire sur le plan procédural, comme elle l'est devant la juridiction prud'homale. Or, c'est cette spécificité prud'homale qui a amené la chambre sociale à aménager la position de principe fixée par la chambre mixte de la Cour.
En considération de l'ensemble de ces éléments et pour trancher sur le mérite du pourvoi, la chambre pourra retenir que: - la clause contractuelle en cause est fixée en application de l'article R 4127-259 du code de la santé publique, dont les termes sont sans ambiguïté sur le caractère obligatoire d'une telle tentative de conciliation devant l'instance ordinale d'une profession réglementée; - la tentative préalable de conciliation est également considérée comme obligatoire sur le plan déontologique par la plus haute instance ordinale des médecins qu'est le CNOM, quelle que soit la nature du litige en cause et quelle que soit la juridiction civile ou administrative amenée à statuer ; - la jurisprudence de la chambre écartant la portée d'une telle clause devant le CPH vise les seuls litiges nés de contrats de travail, eu égard à la position de faiblesse du salarié dans la négociation des clauses, alors que tel n'est pas nécessairement le cas d'un contrat de collaboration libérale ; - le président du conseil départemental de l'ordre, en sa double qualité de professionnel de santé et de membre du conseil de l'ordre est plus à même de mener un conciliation utile et éclairée. - la conciliation gagnant en effectivité lorsqu'elle est portée devant l'ordre professionnel, elle contribue à une bonne administration de la justice, sans supprimer, en cas d'échec, une nouvelle tentative de conciliation devant le CPH. 2-3 Réponse au moyen 9
Civ, 1ère, 29 mars 2017, n°16-16.585
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Soc. 4 novembre 2020, n° 19-13.923
La cour d'appel, après avoir rappelé les termes de la clause contractuelle et de l'article R4127-259 du code de la santé publique, a retenu que : « Contrairement à ce que soutient Mme [T] [M], et comme l'invoque à bon droit la partie intimée, dans la mesure où il s'agit d'une clause de tentative de conciliation pré- contentieuse insérée dans un contrat de collaboration libérale conclu entre deux professionnels de santé, contrat dont l'appelante a demandé par ailleurs la requalification en un contrat de travail par une saisine directe du juge prud'homal en violation de fait de ladite clause, pareille situation ne peut être sanctionnée sur un plan procédural que par une fin de non-recevoir au sens des articles 122 et 124 du code de procédure civile. En effet, il est admis que, licite, la clause d'un contrat instituant une procédure de tentative de conciliation obligatoire et préalable à toute saisine d'un juge, et dont la mise en œuvre suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge déjà saisi si l'une des parties l'invoque. En l'espèce, il est un fait constant et acquis aux débats que Mme [T] [M] n'a pas porté son différend avec la partie adverse devant le conseil départemental de l'ordre des chirurgiensdentistes en vue d'une tentative de conciliation, et cela préalablement à sa saisine du conseil de prud'hommes de Saint Malo intervenue le 22 juillet 2016 [...] Il importe peu en définitive que Mme [T] [M] ait cherché à régulariser a posteriori la situation par la saisine seulement le 20 septembre 2017, postérieure de 14 mois à l'introduction de son action prud'homale, du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes qui a finalement établi un procès-verbal de non-conciliation le 23 octobre 2017. Sur ce dernier point en effet, si l'article 126 du code de procédure civile à son premier alinéa énonce que : « Dans les cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue », il est précisément admis que la situation sanctionnée par une fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge en vue de la recherche d'une solution amiable en cas de différend, cela par le recours à un tiers, ne peut pas être régularisée par la mise en œuvre de ladite clause en cours d'instance.»
Sur la première branche du moyen : grief de manque de base légale au regard de l'article 1103 du code civil L'éventuelle caducité de la clause litigieuse liée à une absence de transfert du contrat de collaboration lors de la cession de clientèle du cocontractant est sans emport dès lors que la tentative de conciliation préalable devant l'instance ordinale est prévue par voie réglementaire. Vous pourrez donc rejeter cette branche du moyen comme inopérante ; Sur la deuxième branche du moyen : grief de violation de l'article L.1411-1 du code du travail : Votre jurisprudence issue de l'arrêt du 5 décembre 2012 aux termes de laquelle vous avez précisé qu'« en raison de l'existence en matière prud'homale d'une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de conciliation préalable en cas de litige survenant à l'occasion de ce contrat n'empêche pas les parties de saisir directement le juge prud'homal de leur différend » n'a pas vocation à s'appliquer dans la présente espèce où les parties en litige :
- relèvent d'une profession réglementée soumise au code de la santé publique et à une déontologie exigeant un devoir de confraternité lequel se caractérise notamment par une procédure de conciliation préalable obligatoire devant l'instance ordinale ; - ont conclu un contrat de collaboration libérale excluant a priori lors de sa conclusion tout déséquilibre contractuel; Vous pourrez donc rejeter ce moyen. Sur la troisième branche du moyen : grief de violation de l'article R.4127-259 du code de la santé publique, ensemble l'article L.1411-1 du code du travail Contrairement à ce que prétend le moyen, les termes de l'article R.4127-259 du code de la santé publique sont clairs sur le caractère obligatoire d'une tentative de conciliation, le texte employant l'impératif avec la mention « doivent ». La décision du Conseil d'Etat invoquée par le moyen, s'inscrivant dans une procédure disciplinaire qui exclut toute tentative obligatoire de conciliation, ne peut être utilement invoquée dans la présente espèce.
AVIS DE REJET