Cass. soc., Conclusions, 07-12-2022, n° 21-23.662
A84462RA
Référence
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AVIS DE Mme WURTZ, AVOCATE GÉNÉRALE
Arrêt n° 1279 du 7 décembre 2022 – Chambre sociale Pourvoi n° 21.23-662 Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers du 15 juillet 2021
M. [C] [J] C/ la société Ulysse Hervé et fils _________________
1. FAITS ET PROCÉDURE Engagé à compter du 3 mai 2004 en qualité de maçon par la société Ulysse Hervé, Monsieur [C] [J] a été déclaré le 11 avril 2017 inapte à son poste par le médecin du travail à la suite d'une série d'accidents du travail, dont le dernier, en date du 18 novembre 2016, a été pris en charge par la sécurité sociale au titre de la législation professionnelle. Licencié le 10 mai 2017 pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement, Monsieur [J] a saisi la juridiction prud'homale pour voir déclarer son licenciement nul ou subsidiairement dénué de cause réelle et sérieuse. Par jugement de départage du 4 février 2019, le conseil des prud'hommes a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes. Par arrêt du 15 juillet 2021, la cour d'appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions. 1
Monsieur [J] a formé un pourvoi en cassation fondé sur deux moyens. Le premier moyen fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement n'est pas nul et qu'il est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Il est articulé en trois branches qui reprochent à l'arrêt : - 1°) une violation du principe de non discrimination, ensemble les articles L.1132-1, L.1132-4, L.4624-4 et R.4624-42 du code du travail pour avoir jugé par motifs adoptés que si « la loi impose […] au médecin du travail d'effectuer ou de faire effectuer par un membre de l'équipe pluridisciplinaire un certain nombre de diligences avant de déclarer un salarié inapte physiquement », il s'agit « d'obligations imposées au médecin du travail, sans d'ailleurs que la loi n'ait prévu de sanction en cas de non respect de ces prescriptions », qu'il n'appartient pas « à l'employeur de vérifier le travail du médecin » et que ce dernier a « en revanche […] l'obligation de tenir compte de l'avis et des conclusions du médecin du travail » ; - 2°) une violation des articles L.4624-7 et R.4624-45 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige pour avoir considéré que « le législateur a dès la réforme de 2016 souhaité que les avis dans leur globalité soient contestés devant le conseil de prud'hommes en sa formation des référés » et estimer que « la régularité de l'avis, qu'elle concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de son poste, ne p[ouvait] plus être contestée et l'avis du médecin du travail s'impos[ait]à l'employeur comme au juge » ; - 3°) une violation ensemble des articles L.1132-1, L.1132-4, L.4624-4, L. 4624-7, dans sa rédaction applicable au litige, et R.4624-42 du code du travail, pour avoir débouté le salarié de ses demandes aux motifs propres que l'avis d'inaptitude n'a pas été contesté dans le délai de quinze jours de sorte que « la régularité de l'avis, qu'elle concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de son poste, ne pouvait plus être contestée et [que] l'avis du médecin du travail s'impos[ait] à l'employeur comme au juge »; Le second moyen fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de débouter le salarié de ses demandes. Il est développé en deux branches qui reprochent à la cour d'appel : - 1°) une violation des articles L.4121, L.4121-2 et L.4624-6 du code du travail pour avoir retenu que « l'employeur avait respecté son obligation de sécurité aux motifs que l'avis d'aptitude avec aménagement du 20 janvier 2015 émis lors de la visite de reprise ne précisait pas les aménagements envisagés, quand il appartenait à l'employeur d'interroger le médecin du travail sur les préconisations requises par celui-ci »; - 2°) une violation des articles L.4121, L.4121-2 et L.4624-6 du code du travail pour avoir retenu que « l'employeur avait respecté son obligation de sécurité aux motifs qu'il n'était pas établi de lien entre la visite de reprise du 20 janvier 2015 et le nouvel accident du travail survenu le 18 novembre 2016, quand cette circonstance est radicalement inopérante à établir que l'employeur s'est conformé aux préconisations du médecin du travail émise lors de la visite de reprise ». 2
2. DISCUSSION L'absence d'étude de poste peut-elle faire l'objet d'une contestation en application l'article L.4624-7 du code du travail ? Portée de l'absence d'étude de poste sur la validité de l'avis d'inaptitude.
2-1 Sur le premier moyen du pourvoi Le premier moyen du pourvoi entend faire juger que l'absence d'étude de poste préalable au constat de l'inaptitude entache la validité de cet avis, lequel ne peut donc fonder un licenciement pour inaptitude sauf à encourir la nullité pour discrimination liée à l'état de santé. 2-1-1 Le constat d'inaptitude depuis la loi du 8 aout 2016 : des conditions de fond et de procédure strictement encadrées par les textes. La loi n°2016-1088 du 8 aout 2016 a modifié le régime de constatation de l'inaptitude médicale d'un salarié à son poste de travail, en inscrivant plus fermement et explicitement le caractère ultime de l'inaptitude qui ne peut intervenir que si aucune mesure d'aménagement de poste n'est possible et si l'état de santé du salarié justifie un changement de poste.Outre le caractère ultime de l'inaptitude, le législateur et le pouvoir règlementaire ont précisé les démarches à accomplir par le médecin du travail en amont du constat d'inaptitude : Article L.4624-4 du code du travail : « Après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l'équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l'employeur, le médecin du travail qui constate qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d'indications relatives au reclassement du travailleur. » Article R.4624-42 du code du travail : «Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que : 1° S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ; 2° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ; 3° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ;
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4° S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur. Ces échanges avec l'employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser. S'il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n'excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date. Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». Enfin, un arrété du 16 octobre 2017 « fixant le modèle d'avis d'aptitude, d'avis d'inaptitude, d'attestation de suivi individuel de l'état de santé et de proposition de mesures d'aménagement de poste » prévoit en son annexe 3 , un modèle « d'avis d'inaptitude - article L4624-4 du code du travail » à remplir par le médecin du travail et récapitulant les différentes étapes de la procédure telles que prévues par l'article R.4624-42. 2-1-2 Le non respect des conditions énoncées par l'article R.4624-42 du code du travail : quel recours ? L'article L.4624-7 introduit par la loi du 8 aout 2016, a organisé le transfert du contentieux des avis du médecin du travail à la juridiction prud'homale et a précisé le périmètre de la contestation, ainsi que l'office du juge comme suit : « I-Si le salarié ou l'employeur conteste les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4, il peut saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de désignation d'un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel. L'affaire est directement portée devant la formation de référé. Le demandeur en informe le médecin du travail. II.-Le médecin-expert peut demander au médecin du travail la communication du dossier médical en santé au travail du salarié prévu à l'article L. 4624-8, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal. III.-La formation de référé ou, le cas échéant, le conseil de prud'hommes saisi au fond peut en outre charger le médecin inspecteur du travail d'une consultation relative à la contestation, dans les conditions prévues aux articles 256 à 258 du code de procédure civile. (..). » Dans un premier temps, le législateur a donc limité le champ de la contestation sur les seuls éléments de nature médicale ayant fondé les avis, justifiant, le cas échant,
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la désignation, par le conseil de prud'hommes, d'un expert judiciaire relevant de la spécialité médicale en cause dans la pathologie. Cette rédaction de l'article L.4624-7 du code du travail a suscité multiples interrogations chez les praticiens, y compris de la médecine du travail, dès lors que dans les faits, les contestations reposent rarement sur la pathologie même ou le handicap souffert par le salarié (par exemple la réalité d'un trouble musculosquelettique), mais davantage sur l' incidence de cet état de santé sur la capacité de l'intéressé à occuper son poste de travail ou la pertinence des aménagements de poste préconisés par le médecin du travail. Or le lien entre l'état de santé du salarié et sa capacité à occuper le poste de travail relève aussi d'un diagnostic médical qui appartient à la compétence exclusive du médecin du travail et c'est précisément ce lien qui justifie l'avis d'aptitude ou d'inaptitude ou encore les aménagements de poste préconisés. C'est pourquoi, non seulement dans un souci de clarification mais aussi face à un déficit d'experts qualifiés en médecine du travail, l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a modifié les termes de la loi de 2016 en précisant que : - la contestation peut porter « sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4 (...) - le conseil de prud'hommes « peut confier toute mesure d'instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l'éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s'adjoindre le concours de tiers. A la demande de l'employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, à l'exception des données recueillies dans le dossier médical partagé en application du IV de l'article L. 1111-17 du code de la santé publique, peuvent être notifiés au médecin que l'employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification. » Par ailleurs, saisie d'une demande d'avis sur le périmètre des actes pouvant être contestés, la chambre sociale s'est prononcée comme suit : « La contestation dont peut être saisi le conseil de prud'hommes, en application de l'article L.4624 -7 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du septembre 2017, doit porter sur l'avis du médecin du travail. Le conseil des prud'hommes peut, dans ce cadre, examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s'est fondé pour rendre son avis. » Le commentaire autorisé de cet avis, publié à la lettre de la chambre sociale n° 9, mars/avril 2021, précise : « Ainsi, à la question de savoir si le conseil des prud'hommes, statuant sur la procédure prévue à l'article L.4624-7 précité, est compétent pour connaître de l'irrespect, par le médecin du travail, des procédures et diligences prescrites par la loi et le règlement, notamment celles issues des articles L.4624-4 et R.4624-42 du code du travail, la chambre sociale répond que la contestation « doit porter sur l'avis du médecin du travail » : elle signifie par là que cette contestation porte sur le sens 5
même de l'avis exprimé par le médecin du travail. S'agissant de la contestation d'un avis d'inaptitude, comme dans l'espèce soumise au conseil de prud'hommes de Cayenne, la contestation ne peut donc porter que sur la question de fond sur laquelle le médecin du travail s'est prononcé : le salarié est-il effectivement inapte à son poste de travail? La chambre sociale précise que dès lors qu'il est saisi d'une contestation portant sur l'avis du médecin du travail, le conseil de prud'hommes peut « examiner tous les éléments ayant conduit à cet avis » : à cet égard, la juridiction peut estimer que ces éléments sont insuffisants, notamment parce que le médecin du travail se serait abstenu de procéder à l'une ou plusieurs des investigations prévues par l'article R.4624-42 du code du travail : une telle irrégularité, si elle ne permet pas au conseil de prud'hommes de déclarer l'avis « inopposable », peut toutefois justifier que le conseil de prud'hommes, s'il l'estime nécessaire, ordonne une mesure d'instruction confiée au médecin-inspecteur du travail, comme l'article L.4624-7 du code du travail lui en laisse la possibilité. Par conséquent, la chambre sociale, dans la réponse à la demande d'avis présentée par le conseil de prud'hommes de Cayenne, n'exclut pas tout examen de la procédure suivie par le médecin du travail ; mais elle considère que cette question s'insère dans l'appréciation, par le juge saisi d'une contestation sur l'avis lui-même, des éléments ayant conduit le médecin du travail à conclure à l'inaptitude du salarié : et c'est sur cette question de fond, l'aptitude du salarié à occuper son poste de travail, que le juge saisi de la contestation en application de l'article L.4624-7 du code du travail devra se prononcer, sa décision se substituant sur ce point à celle du médecin du travail. »1 Il résulte donc clairement de cet avis que le non-respect d'une des conditions fixées par l'article R 4624-42 peut être invoqué dans le cadre d'une contestation sur le fond de l'avis du médecin du travail, en application de l'article L.4624-7. A ce titre, les juges saisis devront vérifier que l'auteur de la contestation apporte des éléments utiles précisant en quoi les conditions non remplies sont susceptibles de modifier l'avis délivré. Cet avis de la chambre sociale a le mérite d'être pragmatique puisqu'il permet de vider le litige en une seule instance, dans tous ses aspects, sans contredire la lettre même des articles L.4624-7 et R.4624-42 du code du travail. Ainsi, en cas d'insuffisance dans les diligences effectuées par le médecin du travail en amont de son constat d'inaptitude et si cette insuffisance est de nature à avoir une incidence sur le fond de cet avis, le conseil de prud'hommes, saisi de la contestation, a la possibilité de purger la question en ordonnant une expertise. Cette expertise régularise les insuffisances commises en réalisant, à nouveau, l'ensemble des actes et démarches utiles à l'élaboration d'un nouvel avis et reformule un avis complet qui permet au juge de statuer, au vu de ce nouvel avis, par une décision qui va se substituer à l'avis initial.
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Avis du 17 mars 2021, n° 21-70.002, souligné par nous.
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Cette expertise présente en outre l'intérêt de rendre un avis actualisé sur l'état de santé du salarié et de ses conditions de travail, lesquels ont pu évoluer le temps de la procédure 2. 2-1-3 Le non respect des conditions énoncées par l'article R.4624-42 du code du travail : quelle portée sur la validité de l'avis d'inaptitude ? La chambre sociale n'a pas eu à trancher expressément, par voie d'arrêt, sur le caractère substantiel des différents actes à accomplir par le médecin du travail en amont de l'avis d'inaptitude et la portée de leur non respect sur la validité du dit avis. Mais il ressort tant des textes que de la pratique de la médecine du travail que les diligences énoncées à l'article R.4624-42 du code du travail sont le support nécessaire de l'avis d'inaptitude et participent donc de sa justification. Toutefois, aucun texte légal ou règlementaire ne prévoit de sanction spécifique en cas de non-respect ou insuffisance des démarches et diligences énoncées à l'article R.4624-42 bien qu'elles soient inscrites comme impératives et qu'elles forment le support de l'avis d'inaptitude. Le mémoire ampliatif vous renvoie donc à votre jurisprudence sur la nullité du licenciement prononcé en raison de l'état de santé d'un salarié, dont l'inaptitude n'a pas été constatée conformément aux exigences légales. En effet, seule l'inaptitude formellement et régulièrement constatée par le médecin du travail autorise le licenciement du salarié pour ce motif, sans encourir la sanction de la nullité pour discrimination liée à l'état de santé. Mais le courant jurisprudentiel évoqué par le salarié était en vigueur lorsque l'inaptitude devait, en vertu de la loi, faire l'objet de deux examens médicaux et tant que ces deux examens espacés de quinze jours n'avaient pas été accomplis, l'inaptitude n'était pas acquise, de sorte que le licenciement du salarié intervenu avant le second examen était frappé de nullité. Cette jurisprudence n'a plus cours depuis la loi du 8 aout 2016 qui a mis fin à la double visite médicale. Si vous entendiez la transposer à notre cas de figure, il faudrait considérer que les diligences fixées à l'article R 4624-42 sont des garanties de fond dont le non respect invalide l'avis d'inaptitude au moins partiellement de sorte qu'il ne peut fonder, en l'état, un licenciement.
A ce titre, même si l'article L.4624-7 ne l'impose pas expressément, compte tenu des délais qui s'écoulent entre l'avis initial et la décision à rendre laquelle doit se substituer à cet avis, ordonner une expertise me paraît préférable pour s'assurer de rendre une décision exécutable et adaptée à la situation actuelle du salarié. 2
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Cette approche pourrait en effet être retenue compte tenu de l'importance de ces actes pour asseoir l'avis d'inaptitude 3 . Mais il faut concilier cette approche avec votre avis du 17 mars 2021. En effet, en cohérence avec cet avis, il faut considérer que le contentieux de la méconnaissance de la procédure de constatation de l'inaptitude doit être élevé en même temps que le recours sur le fond de l'avis, soit dans les quinze jours de la notification de celui-ci. C'est également en accord avec le principe selon lequel les actes à accomplir par le médecin du travail s'inscrivent dans une même démarche médicale et contribuent au constat d'inaptitude. Dès lors et à défaut de toute contestation de l'avis, conformément à votre jurisprudence constante, celui-ci s'impose aux parties. Cette solution a, de plus, le mérite de permettre au CPH, saisi dans le cadre de l'article L.4624-7, d'ordonner une expertise de nature à purger les éventuels vices affectant l'avis d'inaptitude et en conséquence de sécuriser le nouvel avis médical et par suite, les relations contractuelles ou au contraire la rupture à intervenir. 2-1-4 Réponse au premier moyen : Sur les trois branches réunies : Si la cour d'appel a, pour fonder sa décision, retenu que : « [...]Cependant, si la loi Travail n° 2016-1088 du 8 août 2016 a transféré le recours contre les avis du médecin du travail aux juridictions prud'homales dans sa formation des référés, dans des termes qui pourraient laisser supposer que le salarié ou l'employeur ne pouvaient que contester « les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail », et non les autres éléments de ces avis et propositions, singulièrement ceux portant sur les postes de travail ou les aménagements demandés, l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a reformulé les termes de l'article L. 4624-7 pour plus de clarté. La contestation porte bien sur les «avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale».Compte tenu de ces éléments, et de l'évolution législative postérieure dans la rédaction de l'article L. 4624–7 du code du travail, il convient de considérer que le législateur a dès la réforme de 2016 souhaité que les avis dans leur globalité soient contestés devant le conseil de prud'hommes en sa formation des référés. » Elle a également relevé que : 3
Une importance dans leur globalité mais pris isolément un à un, leur non respect peut avoir une portée plus limitée sur le constat d'inaptitude. 8
« En l'espèce, comme l'a justement relevé le conseil de prud'hommes, l'avis d'inaptitude de M. [J] à son poste de travail, rendu par le médecin du travail le 11 avril 2017, lequel fait mention en bas de page des voies et délais de recours par le salarié ou l'employeur, n'a fait l'objet d'aucune contestation dans le délai de 15 jours tel que fixé par les textes susvisés. Puis en a déduit que : « En conséquence, et contrairement à ce que soutient M. [J], la régularité de l'avis, qu'elle concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de son poste, ne peut plus être contestée et l'avis du médecin du travail s'impose à l'employeur comme au juge. » Par ces seuls motifs, elle a légalement justifié sa décision. AVIS DE REJET
2-2 Sur le second moyen du pourvoi : Le second moyen, subsidiaire, reproche à l'arrêt attaqué d'avoir estimé que l'employeur démontrait avoir respecté son obligation de sécurité aux motifs qu'il ne pouvait être tenu de procéder à un aménagement de poste que le médecin du travail n'avait pas précisé dans son avis. Conformément à l'article L.4624-6 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4 ; En effet, le non respect par l'employeur des règles contribuant à la protection de la santé et de la sécurité des salariés et dont il doit assurer l'effectivité constitue un manquement à son obligation de sécurité prévue à l'article L.4121-1 du code du travail. Vous jugez que lorsque le salarié fait valoir que l'employeur n'a pas adapté son poste conformément aux recommandations du médecin du travail, il appartient à l'employeur de justifier qu'il a procédé à une telle adaptation ou que l'éventuelle méconnaissance de ces préconisations sont sans incidence sur l'inaptitude constatée par la suite 4.
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Soc.14 juin 2016, n°14-27.994 ;Soc. 14 octobre 2009, n° 08-42.878, Bull.V n° 221 9
En cas d'avis imprécis ou lapidaire, il appartient également à l'employeur de se rapprocher du médecin du travail pour obtenir des précisions ou un nouvel avis 5. Enfin, en cas d'avis successifs et contradictoires, la chambre sociale juge que la réalité et le sérieux du motif de licenciement s'appréciant à la date de la rupture, c'est l'avis le plus proche de cette rupture qui doit être pris en considération 6. En l'espèce, pour écarter tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel, retient notamment : « [...] si l'avis du 20 janvier 2015 prévoit bien un avis d'aptitude 'avec aménagement'. Il n'est nullement précisé quels aménagements doivent être envisagés. De plus, le médecin du travail a renseigné à la rubrique 'visite de reprise', la case 'maladie ou accident non professionnel'. M. [J] verse bien aux débats des certificats médicaux d'arrêts de travail pour un accident du travail qui serait survenu le 12 novembre 2014, mais il n'est pas justifié que cet accident a été pris en charge par la caisse primaire de Maine-et-Loire au titre de la législation professionnelle. M. [J] ne fournit pas non plus d'indications sur les circonstances de cet accident du travail et le lien qui pourrait exister avec la visite de reprise du 20 janvier 2015, ou encore le lien entre ces deux événements et un nouvel accident du travail en date du 18 novembre 2016, pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire au titre de la législation professionnelle. Sont en outre produites par l'employeur les attestations de vérification des appareils de levage de la société, notamment ceux venant en assistance de manutentions réalisées par un maçon, comme les chariots élévateurs. M. [J] produit aux débats deux attestations de collègues de travail, MM. [W] et [X]. Mais ces attestations apparaissent peu circonstanciées et donc insuffisantes pour établir le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Par conséquent, il convient de considérer que la SARL Ulysse Hervé et Fils démontre avoir respecté son obligation de sécurité à l'égard de M. [J]. » Sous couvert d'un grief de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond sur le respect par l'employeur de son obligation de sécurité. AVIS DE REJET
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Soc. 28 juin 2006, n° 04-47.672 ; Soc.24 avril 2001, n° 97-44.104
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Soc. 2 juillet 2014, n°13-18.696 ; Soc.28 mai 2014; n° 12-35.096 10