Cass. soc., Conclusions, 23-03-2022, n° 20-20.047
A84332RR
Référence
AVIS DE Mme ROQUES, AVOCATE GÉNÉRALE RÉFÉRENDAIRE
Arrêt n° 373 du 23 mars 2022 – Chambre sociale Pourvoi n° 20-20.047 Décision attaquée : 25 août 2020 du tribunal judiciaire de Versailles _________________ Syndicat Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT et M. [L] [P] C/ SAS Assystem Engineering and Operation Services (AEOS) syndicat CGT des Bureaux d'Etudes
D2020047
1. Faits et procédure Fin 2019, la SAS Assystem Engineering and Operation Services (la société) a organisé les élections des membres du Comité Social et Economique (CSE). En vertu du protocole préélectoral signé par une parties des organisations syndicales, le premier tour devait se dérouler du 12 au 22 novembre et, si besoin, un second tour devait avoir lieu du 27 novembre au 6 décembre 2019. Le vote a eu lieu par voie électronique. Par requête en date du 4 décembre 2019, le syndicat Fédération Communication Conseil Culture (F3C) CFDT et M. [P] ont saisi les juridictions judiciaires d'une demande d'annulation du premier tour de ces élections. Par lettre du 6 février 2020, ils ont sollicité également l'annulation du second tour. Dans un jugement rendu le 25 août 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a notamment : - déclaré irrecevable pour forclusion la demande d'annulation du second tour des élections professionnelles, - et débouté le syndicat F3C CFDT et M. [P] de leur demande tendant à l'annulation du premier tour. C'est l'arrêt attaqué par l'organisation syndicale et M. [P]. Ils reprochent au tribunal judiciaire d'avoir déclaré leur demande d'annulation du second tour irrecevable alors même que l'annulation du premier tour entraîne nécessairement celle du second tour (premier moyen). Ils contestent la motivation du jugement qui a considéré que l'une des candidates était bien éligible quand bien même elle n'aurait pas eu l'ancienneté requise pour se porter candidate au jour de l'ouverture du scrutin (deuxième moyen). Ils estiment en effet que l'ancienneté dans l'entreprise de chaque candidat doit s'apprécier non pas au dernier jour du scrutin, lorsqu'il se déroule sur plusieurs jours, mais au jour de son ouverture. Enfin, ils estiment que le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R.2314-16 du code du travail et les principes généraux du droit électoral lorsqu'il a estimé qu'ils ne pouvaient se plaindre du défaut d'accès aux listes d'émargement des électeurs. Tant la société que la seule organisation syndicale constituée à hauteur de cassation, à savoir le syndicat CGT des Bureaux d'Etude, concluent au rejet du pourvoi.
2
D2020047
2. Discussion et avis $
sur la recevabilité de la contestation portant sur le second tour des élections
Comme le soulèvent les demandeurs au pourvoi dans leur mémoire complémentaire, il me semble que la contestation du second tour est liée à celle du premier et qu'écarter ce premier moyen pourrait rendre vains les autres griefs relatifs au rejet de la demande d'annulation du premier tour. L'article R2314-24 du code du travail prévoit ce qui suit : « Le tribunal judiciaire est saisi des contestations par voie de requête. Lorsque la contestation porte sur l'électorat, la requête n'est recevable que si elle est remise ou adressée dans les trois jours suivant la publication de la liste électorale. Lorsque la contestation porte sur une décision de l'autorité administrative, sur demande du greffe, cette dernière justifie de l'accomplissement de la notification de sa décision auprès de la juridiction saisie ou, à défaut, de sa réception de la contestation. Si le juge le demande, elle communique tous les éléments précisant les éléments de droit ou de fait ayant fondé sa décision. Lorsque la contestation porte sur la régularité de l'élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la requête n'est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation. » Dans un arrêt du 26 janvier 20001, la chambre a énoncé que " les délais en matière électorale sont des délais judiciaires dont l'expiration entraîne forclusion sans qu'aucune exception puisse être admise ". Si elle a jugé que « l'annulation du premier tour des élections contestées entraîne nécessairement celle du second »2, elle l'a fait dans des espèces où les deux tours avaient fait l'objet de requêtes en annulation, et d'instances distinctes, et où ne se posait donc pas la question de la recevabilité de la contestation du second tour. Par ailleurs, à plusieurs reprises, la chambre a censuré des juridictions du fond qui avaient eu une appréciation extensive des conséquences de l'annulation d'une étape du processus électoral. Ainsi, a-t-elle estimé que : 1
Soc., 26 janvier 2000, pourvoi n° 98-60.534 dans cette espèce, une cause d'inéligibilité d'un représentant du personnel avait été révélée après les élections ; l'employeur soutenait que le délai pour agir courrait à compter de cette révélation et non à compter du jour de l'élection, raisonnement que la chambre n'a pas retenu. 2
Soc., 26 octobre 2011, pourvoi n° 11-14.767
3
D2020047 - il n'était plus possible de contester le protocole préélectoral dès lors que les élections s'étaient tenues et n'avaient pas fait l'objet d'une contestation3, - l'annulation du jugement ayant défini les modalités de scrutin n'entraînait pas par elle-même l'annulation des élections qui ont suivi4, - la rectification des listes électorales n'invalidait pas tout le processus électoral, faute de contestation des élections5. Elle a également censuré une décision qui avait annulé la désignation des membres du CHSCT, en raison de l'annulation des opérations électorales la précédant6. Dès lors, cette jurisprudence conduirait, dans notre espèce, à retenir que, puisque le second tour des élections n'a pas été contesté, par requête séparée ou par conclusions additionnelles, dans le délai de 15 jours suivants la fin du second tour, l'élection serait purgée de tout vice et la contestation de la régularité du premier tour, quelle que soit la pertinence des motifs invoqués, serait sans effet sur la proclamation des résultats. Il doit être relevé qu'en matière d'élections politiques, le Conseil d'Etat ne tient pas le même raisonnement. En effet, il a jugé, dans plusieurs décisions, que « L'annulation des opérations du premier tour de scrutin doit, par voie de conséquence, entraîner d'office l'annulation
3
Cf. Respectivement Soc., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-21.100, Bull. 2018, V, n° 135 : « que par jugement du 28 juin 2017, le tribunal d'instance a fait droit à la demande du syndicat et ordonné sous astreinte la négociation d'un nouveau protocole préélectoral ; Attendu qu'aucune demande d'annulation des élections n'a été formée dans le délai de quinze jours prévu par les articles R. 2314-28 et R. 2324-24 du code du travail, de sorte que les élections intervenues postérieurement à la clôture des débats devant le tribunal d'instance sont purgées de tout vice ; Attendu que le jugement se trouve ainsi privé de fondement juridique ; » 4 Cf. Soc., 18 novembre 2015, pourvoi n° 14-29.779 5
Soc., 19 décembre 2007, pourvoi n° 07-60.016, Bull. 2007, V, n° 220 « Attendu selon le jugement attaqué [...], que le syndicat CGT a saisi le tribunal d'instance le 20 novembre 2006 d'une contestation des listes électorales établies en vue des élections des représentants du personnel dont le 1er tour était fixé au 28 novembre 2006 ; que par des conclusions ultérieures déposées à l'audience le 15 décembre 2006, il a demandé l'annulation des élections ; Attendu que le syndicat fait grief au jugement de l'avoir déclaré irrecevable en sa demande d'annulation des élections et de l'avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen, que l'irrégularité des listes électorales a nécessairement pour effet de vicier les élections professionnelles qui se sont déroulées avant que le juge saisi d'une contestation sur l'électorat ne statue ;[...] Mais attendu que le tribunal qui a constaté qu'il n'avait pas été saisi d'une demande d'annulation des élections dans le délai de quinze jours prévu par les articles R. 423-3 et R. 433-4 du code du travail, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ; » 6 Soc., 16 novembre 2011, pourvoi n° 11-11.486, Bull. 2011, V, n° 267 Au visa de l'ancien R. 4613-11 du code du travail, la chambre a énoncé qu'« Attendu qu'il résulte du texte susvisé que la contestation relative à la désignation des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) est effectuée dans le délai de quinze jours suivant cette désignation ; que l'annulation ultérieure des élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel n'a pas pour effet d'ouvrir un nouveau délai de forclusion ; »
D2020047 de l'ensemble des opérations électorales du second tour de scrutin, alors même que les protestataires n'ont pas présenté de conclusions expresses en ce sens » 7. En procédure civile, et plus particulièrement s'agissant de la procédure d'appel, il est prévu que les demandes nouvelles sont en principe irrecevables, conformément à l'article 564 du code de procédure civile, à moins notamment qu'elles ne soient « l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire » des prétentions soumises aux premiers juges, en vertu de l'article 566 de ce même code.
Dans notre espèce, pour contester la régularité du premier tour des élections, les demandeurs ont argué de plusieurs faits : - l'inéligibilité d'une des candidates, qui sera finalement élue, - le défaut d'accès à la liste d'émargement et donc la privation de la possibilité de vérifier la régularité des opérations de vote, - la composition du bureau de vote, qui ne serait pas conforme aux prévisions de l'accord préélectoral. Or, le premier de ces trois griefs, à tout le moins, pouvait aussi être invoqué pour contester la régularité du second tour. Par ailleurs, si elles étaient avérées, ces irrégularités entachaient le processus électoral dans son ensemble. Enfin, la demande d'annulation du second tour a été formée en février 2020 et l'audience de plaidoiries n'a eu lieu que le 9 juin. Elle a donc été formulée bien avant la clôture des débats et les parties représentées ou assistées ont pu s'expliquer sur ce point. Dès lors, je considère que la demande d'annulation du premier tour contenait nécessairement une demande d'annulation du second tour, conséquence ou accessoire de la demande initiale, et que le fait que cette seconde prétention ait été formalisée plus tard ne la rendait pas irrecevable. Je suis donc à la cassation sur le premier moyen. $
Sur la question des conditions d'appréciation de l'ancienneté des candidats
Je n'évoquerai pas la première branche de ce deuxième moyen qui est inopérante puisque, comme le souligne le rapport de Mme Lanoue, elle conteste des motifs sur lesquels ne repose pas la décision des juges du fond. 7
Cf. Notamment CE, 5 juillet 2004, N° 261687, et CE 14 novembre 2008, N°317174
5
D2020047 Devant le tribunal judiciaire, les demandeurs au pourvoi contestaient l'éligibilité d'une candidate dont ils estimaient qu'elle ne remplissait pas la condition d'ancienneté au sein de l'entreprise. A hauteur de cassation, ils reprochent au tribunal d'avoir violé l'article L.2314-19 du code du travail en se plaçant à la date du dernier jour du scrutin pour apprécier l'ancienneté de cette salariée. Aux termes de l'alinéa premier de cet article, « Sont éligibles les électeurs âgés de dix-huit ans révolus, et travaillant dans l'entreprise depuis un an au moins, à l'exception des conjoint, partenaire d'un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l'employeur. » La chambre a jugé de façon constant que « les conditions d'électorat et d'éligibilité aux élections des délégués du personnel et de membres d'un comité d'établissement s'apprécient au jour du premier tour du scrutin »8. Elle a également précisé dans l'arrêt du 26 septembre 2012 que « si un protocole préélectoral peut, par des dispositions plus favorables, déroger aux conditions d'ancienneté exigées par les articles L. 2314-17 et L. 2324-16 du code du travail, dans les entreprises de travail temporaire, il ne peut modifier la date d'appréciation de ces critères ; que les conditions d'ancienneté pour qu'un salarié soit électeur ou éligible s'apprécient au jour du premier tour de scrutin ». Comme l'indique le rapporteur sous cet arrêt, « cette condition d'ancienneté doit s'apprécier au jour du premier tour de l'élection car c'est au moment où le droit de vote est exercé qu'il faut se placer pour en apprécier les conditions ». Selon moi, le fait que le vote électronique puisse avoir lieu sur plusieurs jours ne doit pas modifier ce raisonnement. En effet, électeur et candidat doivent remplir les conditions requises dès le premier jour du scrutin puisqu'ils peuvent potentiellement exprimer leur vote ou recueillir des voix dès l'ouverture des opérations de vote. Je considère donc que l'accord préélectoral ne pouvait valablement prévoir que les conditions prévues pour être électeur et éligible devaient s'apprécier au dernier jour du scrutin. Pour toutes ces raisons, je suis également à la cassation sur le deuxième moyen.
8
Cf. Notamment Soc., 1 décembre 2010, pourvoi n° 10-60.163, 10-60.192, Bull. 2010, V, n° 278 et Soc., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-25.420, Bull. 2012, V, n° 238
D2020047
s'agissant des modalités d'accès à la liste d'émargement
Les demandeurs au pourvoi estiment qu'ils auraient dû avoir accès à la liste d'émargement, en vertu de dispositions du code électoral mais également des principes généraux du droit électoral, qui garantissent notamment la sincérité des votes. L'article L. 2314-26 du code du travail prévoit la possibilité d'organiser un vote électronique dont les modalités pratiques sont régies par les articles R. 2314-5 et suivants. Ces textes détaillent notamment un certain nombre d'opérations techniques à réaliser tout au long du scrutin. Ainsi, l'article R. 2314-7 dispose dans son premier alinéa que « Lors de l'élection par vote électronique, les fichiers comportant les éléments d'authentification des électeurs, les clés de chiffrement et de déchiffrement et le contenu de l'urne sont uniquement accessibles aux personnes chargées de la gestion et de la maintenance du système. » L'article R. 2314-15 prévoit la réalisation par la cellule technique constituée pour ces élections diverses opérations de contrôle du bon fonctionnement du système de vote « en présence des représentants des listes de candidats »9. Certaines données sont scellées et ne sont consultables que par des personnes énumérées par ces textes. Tel est le cas de la liste d'émargement pour laquelle il est prévu que : - elle « n'est accessible qu'aux membres du bureau de vote et à des fins de contrôle de déroulement du scrutin. Aucun résultat partiel n'est accessible pendant le déroulement du scrutin. Toutefois, le nombre de votants peut, si l'employeur ou l'accord prévu à l'article R. 2314-5 le prévoit, être révélé au cours du scrutin. Lorsque le vote sous enveloppe n'a pas été exclu, l'ouverture du vote n'a lieu qu'après la clôture du vote électronique. Le président du bureau de vote dispose, avant cette ouverture, de la liste d'émargement des électeurs ayant voté par voie électronique. » (article R.2314-16), - « A la clôture du vote par voie électronique à distance, le président et les assesseurs du bureau du vote, après avoir déclaré le scrutin clos, procèdent au scellement de l'urne électronique et de la liste d'émargement. » (article R. 2122-67),
9
Cet article dispose qu' « En présence des représentants des listes de candidats, la cellule d'assistance technique : 1° Procède, avant que le vote ne soit ouvert, à un test du système de vote électronique et vérifie que l'urne électronique est vide, scellée et chiffrée par des clés délivrées à cet effet ; 2° Procède, avant que le vote ne soit ouvert, à un test spécifique du système de dépouillement à l'issue duquel le système est scellé ; 3° Contrôle, à l'issue des opérations de vote et avant les opérations de dépouillement, le scellement de ce système. »
7
D2020047 - « L'employeur ou le prestataire qu'il a retenu conserve sous scellés, jusqu'à l'expiration du délai de recours et, lorsqu'une action contentieuse a été engagée, jusqu'à la décision juridictionnelle devenue définitive, les fichiers supports comprenant la copie des programmes sources et des programmes exécutables, les matériels de vote, les fichiers d'émargement, de résultats et de sauvegarde. La procédure de décompte des votes doit, si nécessaire, pouvoir être exécutée de nouveau. A l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'une action contentieuse a été engagée, après l'intervention d'une décision juridictionnelle devenue définitive, l'employeur ou, le cas échéant, le prestataire procède à la destruction des fichiers supports. » (cf. Article R.2314-17). L'arrêté du 25 avril 2007 pris en application du décret n° 2007-602 du 25 avril 2007 relatif aux conditions et aux modalités de vote par voie électronique pour l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise et modifiant le code du travail indique en son article 6 que « L'électeur accède aux listes de candidats et exprime son vote. Son choix doit apparaître clairement à l'écran ; il peut être modifié avant validation. La transmission du vote et l'émargement font l'objet d'un accusé de réception que l'électeur a la possibilité de conserver. » Il ajoute à l'article suivant que « Dès la clôture du scrutin, le contenu de l'urne, les listes d'émargement et les états courants gérés par les serveurs sont figés, horodatés et scellés automatiquement sur l'ensemble des serveurs. » Selon moi, ces dispositions dérogent aux règles prévues par le code électoral pour les scrutins « classiques » et notamment aux articles L68 et R71 du code électoral10, en vertu du principe selon lequel un texte spécial déroge à une règle générale. D'ailleurs, saisi d'un contentieux relatif à la désignation des représentants du personnels au sein de différentes commissions administratives de la fonction publique hospitalière, le Conseil d'Etat a, dans plusieurs décisions en date du 26 janvier 202111, énoncé que « Si le vote électronique par internet est susceptible de constituer une modalité de vote au même titre que le vote à l'urne et le vote par correspondance, il implique, en raison de ses spécificités et des conditions de son utilisation, que des garanties adaptées soient prévues pour que le respect des principes généraux du droit électoral de complète information de l'électeur, de libre choix de celui-ci, d'égalité entre les candidats, de secret du vote, de sincérité du scrutin et de contrôle du juge soit assuré à un niveau équivalent à celui des autres modalités de vote. »
10
Qui prévoient respectivement que « les listes d'émargement déposées à la préfecture ou à la souspréfecture sont communiquées à tout électeur requérant pendant un délai de dix jours à compter de l'élection et, éventuellement, durant le dépôt des listes entre les deux tours de scrutin, soit à la préfecture ou à la souspréfecture, soit à la mairie. » et que « Dès la fin des opérations électorales, les délégués des candidats, des binômes de candidats ou des listes en présence ont priorité pour consulter les listes d'émargement déposées dans les conditions fixées à l'article L 68. » 11 Cf. affaires N° 437989, N° 437986, N° 437992 et N° 437993
D2020047 Ainsi, il convient d'apprécier si les modalités spécifiques au vote électronique prévues par le code du travail, permettent effectivement de garantir le respect de ces principes généraux du droit électoral. Or, il me semble que toutes les opérations techniques à réaliser avant, pendant ou après le scrutin ont justement pour vocation d'assurer son bon déroulement mais aussi « le caractère personnel, libre et anonyme du vote » et ainsi la sincérité des opérations électorales. En effet, il doit être relevé que l'arrêté du 25 avril 2007 a été pris après avis de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) du 14 septembre 200612 qui n'avait pas émis de réserves sur les textes relatifs à la liste d'émargement. Par ailleurs, dans une délibération du 21 octobre 201013, la CNIL a énuméré « de façon pragmatique, les garanties minimales que doit respecter tout dispositif de vote électronique, celles-ci pouvant être, le cas échéant, complétées par des mesures supplémentaires. » Cette délibération vise « également à orienter les futures évolutions des systèmes de vote électronique en vue d'un meilleur respect des principes de protection des données personnelles et à éclairer les responsables de traitement sur le choix des dispositifs de vote électronique à retenir. » Parmi les mesures préconisées figurent des procédés inclus dans les articles du code du travail relatifs au vote électronique, comme par exemple le scellement du dispositif de vote avant et après le scrutin. S'agissant plus précisément de la liste d'émargement, la CNIL indique ce qui suit : « 3. L'émargement L'émargement doit se faire dès la validation du vote de façon à ce qu'un autre vote ne puisse intervenir à partir des éléments d'authentification de l'électeur déjà utilisés. L'émargement comporte un horodatage. Cette liste, aux fins de contrôle de l'émargement, ainsi que le compteur des votes ne doivent être accessibles qu'aux membres du bureau de vote et aux personnes autorisées. 4. Le dépouillement La fermeture du scrutin doit immédiatement être suivie d'une phase de scellement de l'urne et de la liste d'émargement, phase qui précède le dépouillement. L'ensemble des informations nécessaires à un éventuel contrôle a posteriori doit également être recueilli lors de cette phase. Ces éléments sont enregistrés sur un support scellé, non réinscriptible et probant.»
12
Cf. Délibération 2006-200 du 14 septembre 2006
13
Cf. CNIL Délibération n° 2010-371 du 21 octobre 2010 portant adoption d'une recommandation relative à la sécurité des systèmes de vote électronique
9
Les articles R. 2314-16, R. 2122-67 et R. 2314-17 précités respectent les exigences posées par la CNIL. Ainsi, les dispositions du code du travail ont prévu des modalités permettant en cas de vote électronique de s'assurer de la régularité et de la sincérité du scrutin par d'autres moyens et à d'autres moments du processus électoral que ceux prévus pour les élections « classiques ». Je considère que les demandeurs ne pouvaient valablement se plaindre de l'impossibilité de consulter la liste d'émargement et je suis au rejet du troisième moyen. Je suis d'avis de casser le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 25 août 2020 sur les premier et deuxième moyens.