Cass. soc., Conclusions, 11-05-2023, n° 21-18.117
A84112RX
Référence
AVIS DE Mme WURTZ, AVOCATE GÉNÉRALE
Arrêt n° 507 du 11 mai 2023 – Chambre sociale Pourvoi n° 21-18.117 Décision attaquée : 15 avril 2021 de la cour d'appel de Paris Société Le We Club C/ M. [M] [L] _________________
I. FAITS ET PROCEDURE M. [L] a été engagé par la société Le We Club selon contrat à durée indéterminée à compter du 7 juillet 2016, en qualité d'employé polyvalent. A l'issue de deux entretiens en date des 17 et 24 mars 2017, les parties ont conclu une rupture conventionnelle du contrat, précisant une date de rupture le 20 avril 2017. Sans observation de l‘autorité administrative dans les 15 jours, ni exercice du droit de rétractation par le salarié, la société a remis au salarié les documents de fin de contrat. M. [L] a saisi la juridiction prud'homale le 20 juin 2018 en vue de voir constater l'existence d'un licenciement verbal antérieur à la rupture conventionnelle et obtenir le paiement de diverses sommes. Par jugement du 24 mai 2019, le conseil de prud'hommes l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
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Par arrêt du 15 avril 2021, la cour d'appel a partiellement infirmé le jugement et statuant à nouveau, a dit que le salarié avait fait l'objet d'un licenciement verbal le 18 mars 2017, constitutif d'une rupture abusive du contrat et a condamné l'employeur à lui verser diverses sommes. C'est l'arrêt attaqué par le pourvoi formé par la société Le We Club, fondé sur trois moyens de cassation. Le premier moyen fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande de l'intéressé au titre de la rupture sans cause réelle et sérieuse. Il est développé en une branche unique tirée de la violation de l'article L.1237-14 du code du travail pour avoir jugé que : « M. [L], qui avait saisi le conseil de prud'hommes le 20 juin 2018, soit plus d'un an après l'homologation de la rupture conventionnelle, pouvait remettre en cause les effets de celle-ci en se prévalant d'un licenciement verbal antérieur ». Le deuxième moyen fait grief à l'arrêt de dire que le salarié a fait l'objet d'un licenciement verbal constitutif d'une rupture abusive « ALORS QUE lorsque le contrat de travail a été rompu unilatéralement par l'une ou l'autre des parties, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue ; que le salarié qui accepte de conclure une rupture conventionnelle renonce donc par là même à se prévaloir d'un licenciement verbal qui serait intervenu antérieurement ; qu'en l'espèce, il était constant que M. [L] avait conclu avec son employeur une rupture conventionnelle signée le 24 mars 2017, qui avait ensuite été homologuée par la Direccte le 30 avril 2017 ; qu'il ne pouvait donc plus se prévaloir d'un licenciement verbal qui serait intervenu le 18 mars précédent ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé le principe susvisé et les articles L.1237-11 et suivants du code du travail, ensemble l'article 1134 devenu 1103 du code civil » Le troisième moyen fait grief à l'arrêt de condamner la société au paiement d'une somme à titre d'indemnité pour travail dissimulé et reproche un manque de base légale au regard de l'article L.8221-5 du code du travail, pour avoir affirmé que l'élément intentionnel du travail dissimulé était caractérisé. Votre formation restreinte a renvoyé cette affaire devant la formation de section plus particulièrement pour les questions soulevées par les premier et deuxième moyens sur lesquels je réserverai mes développements. Je partage, par ailleurs, l'avis de madame le conseiller rapporteur, pour les motifs qu'elle énonce, sur le rejet du troisième moyen.
2. DISCUSSION Opposabilité de la prescription applicable en matière d'action en contestation d'une rupture conventionnelle au salarié qui se prévaut d'un licenciement verbal antérieur à la convention de rupture ? Autrement dit, un salarié qui a signé une rupture conventionnelle sans exercer son droit de rétractation, ni la contester dans le délai de prescription de l'article L.1237-14 du code du travail, peut-il invoquer dans le délai de prescription de l'article L.1471-1 2
du code du travail, l'existence d'un licenciement abusif intervenu antérieurement à la convention de rupture ?
2-1 Sur le premier moyen : A travers ce moyen, il est demandé à votre chambre de trancher une fois de plus sur la délicate articulation de régimes de prescription distincts et de préciser à cette occasion quelle règle doit prévaloir pour juger de la recevabilité d'une action. La question est importante dès lors que les délais de prescription des actions en cause qui concernent la rupture du contrat de travail, selon qu'elle intervient unilatéralement ou par voie de convention ne sont pas identiques, tout du moins à la date du litige en cause : L'article L. 1237-14 du code du travail inséré dans la section spécifique à la rupture conventionnelle dispose en effet que «Tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention.». Et l'article L1471-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, donc antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 et qui couvre toutes les actions portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Des arguments de texte et de jurisprudence nous guident dans la réponse à donner à cette question. 2-1-1 S'agissant des textes L'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail a instauré un nouveau mode de résiliation du contrat de travail à durée indéterminée, à savoir la rupture conventionnelle. Aux termes de l'article 12 de l'ANI, il est précisé : “ Il convient, par la mise en place d'un cadre collectif, de sécuriser les conditions dans lesquelles l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie...”. Dans le respect de la volonté des partenaires sociaux, le législateur 1 a donc instauré un dispositif spécifique de rupture conventionnelle du contrat de travail, destiné à se substituer aux ruptures amiables qui avaient cours, sans protection des intérêts des parties, ni procédure à suivre. La rupture conventionnelle est dès lors encadrée avec des conditions de validité, une procédure et des voies de recours qui lui sont propres. 1
Loi n°2008-596 du 25 juin 2008
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Il faut donc lire les termes de l'article L.1237-14 du code du travail qui organise notamment le recours juridictionnel contre une rupture conventionnelle, à la lumière des autres articles qui fixent les conditions de validité d'une telle convention et la procédure applicable. Ainsi, l'article L.1237-11 du code du travail précise que « la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties ». Cette liberté du consentement est protégée non seulement par la possibilité pour le salarié de se rétracter dans le délai de quinze jours de la signature de la convention, mais aussi par la soumission à l'autorité administrative de ladite convention pour homologation, à l'occasion de laquelle celle-ci s'assure du respect des conditions de validité de la convention et de la liberté de consentement des parties et enfin, par le recours qui peut être exercé dans le délai d'un an de l'homologation2. Ces conditions et différentes étapes de la procédure sont précisément fixées pour protéger les intérêts de chacune des parties, tout en assurant à l'expiration d'une année à compter de l'homologation de la convention, la sécurité juridique de la rupture contractuelle. Ainsi, en cas de litige entre les parties, antérieurement à la convention de rupture ou de climat de nature à vicier le consentement du salarié à la rupture, celui-ci dispose de ces différentes phases de la convention de rupture pour la remettre en cause. Et le court délai d'un an fixé par le législateur, qui enserre le droit d'action, répond à l'objectif de sécurisation de la rupture du contrat. 2-1-2 S'agissant de la jurisprudence La jurisprudence de la chambre sociale est très stricte sur l'application de ces textes et les possibilités de remettre en cause une rupture conventionnelle. Elle juge en effet que l'annulation de la convention de rupture doit être demandée dans le délai de 12 mois de son homologation, passé ce délai, la convention devient définitive et toute demande au titre de la rupture du contrat de travail est irrecevable 3. Dans cette affaire, le salarié avait initié une demande de résiliation judiciaire du contrat avant la signature d'une rupture conventionnelle. L'avocat général Richard de la Tour faisait valoir : « En effet, si le salarié a bien pris l'initiative de la résiliation judiciaire, la conclusion d'une convention de rupture suppose, aux termes de l'article L 1237-12 du code du travail, un accord des deux parties sur le principe de la rupture. Le principe de la rupture conventionnelle est étranger à la notion d'action unilatérale. S'il s'avère que le 2
Articles L.1237-13 et L.1237-14 du code du travail
3 Soc.10 avril 2013, n° 11-1551, Bull.V n° 98
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salarié a été plus ou moins contraint de consentir à la rupture, il a la possibilité de retirer son consentement ou de faire annuler la convention. Or, encore une fois, le salarié a eu un comportement d'acquiescement à cette convention en en demandant l'exécution en justice et en n'en demandant jamais l'annulation expressément ou alors, très tardivement. La signature d'une convention de rupture alors qu'une demande en résiliation judiciaire à l'initiative du salarié est pendante, traduit nécessairement l'accord du salarié sur la rupture du contrat. Dès lors, le juge qui constate la conclusion d'une telle convention n'est plus tenu de statuer sur la demande de résiliation. Le simple maintien de cette demande ne peut pas s'analyser en une demande d'annulation de la convention. Cependant, la contestation de la convention peut s'analyser en une demande d'annulation si elle est formulée dans le cadre de l'instance en résiliation, pendant le délai de l'article L 1237-14 du code du travail.» De même, a été jugé qu' « une cour d'appel, qui a relevé que le salarié et l'employeur avaient signé une convention de rupture et devant laquelle il n'était pas contesté que la convention avait reçu exécution, a fait ressortir que ce salarié avait disposé du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai prévu à l'article L. 1237-14 du code du travail, peu important qu'il ait pu ne pas avoir connaissance de la date exacte de la décision implicite d'homologation » 4. Et encore : « la cour d'appel, qui a relevé que le salarié et l'employeur avaient, le 8 octobre 2010, signé une convention de rupture, et devant laquelle il n'était pas contesté que la convention avait reçu exécution, a fait ressortir que ce salarié avait disposé du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai prévu à l'article L. 1237-14 du code du travail ; qu'elle en a exactement déduit que sa demande en nullité de la convention de rupture, introduite postérieurement à ce délai, était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ».5 Les possibilités d'annulation d'une rupture conventionnelle sont en l'état du droit positif limitées à la fraude à condition qu'elle ait eu pour finalité de permettre l'accomplissement de la prescription, aux vices du consentement ou aux vices procéduraux pouvant avoir un impact sur le consentement du salarié, tel le défaut d'entretien prévu à l'article L.1237-12 du code du travail 6. La nullité est en revanche écartée pour un défaut d'information du salarié de la possibilité de se faire assister par un conseiller extérieur à défaut de représentant du personnel 7. De même, pour l'absence de délai entre, d'une part l'entretien et d'autre part, la signature de la convention de rupture 8. Une clause de renonciation à tout recours contenue dans une convention de rupture n'affecte pas davantage la validité de la convention mais doit être réputée non écrite 9. 4
Soc.06/12/2017, n°1610220
5 Soc. 20 novembre 2019, n° 18-10.499 6 Soc.22/06/2016, n°1516994; Soc. 29 janvier 2014, n° 12-27.594, Bull.V n° 39 ; Soc. 19 novembre 2014, n° 13-21-207 7 Soc. 29 janvier 2014, précité. 8 Soc. 3 juillet 2013, n°12-19.268, Bull.V n° 178 ; Soc. 19 novembre 2014, n°13-21979 9
Soc. 26 juin 2013, n° 12-15.208, Bull.V n° 167 5
Une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d'expiration du délai de rétractation ne peut entrainer la nullité de la convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l'une des parties ou de la priver de la possibilité d'exercer ce droit 10. Par ailleurs, vous avez jugé qu'il résulte des articles L.1237-13 et L.1237-14 qu'en l'absence de rétractation de la convention de rupture, un salarié ne peut prendre acte de la rupture du contrat de travail, entre la date d'expiration du délai de rétractation et la date d'effet prévue de la rupture conventionnelle, que pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période. Ainsi, une fois la rupture acquise faute de rétractation, les manquements antérieurs ne peuvent plus être invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte sauf s'il n'en a pas encore eu connaissance11. Ce raisonnement peut parfaitement être transposé à la demande du salarié tendant à voir reconnaître l'existence d'un licenciement verbal abusif antérieurement à la rupture conventionnelle, passé le délai d'un an du recours organisé par l'article L.1237-14 du code du travail. Vous avez d'ailleurs précisé, à l'occasion d'une affaire où les parties avaient conclu une convention de rupture après la notification d'un licenciement que « lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice par l'une ou l'autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue » 12. C'est ce que soutient le deuxième moyen du pourvoi qui est argué de nouveauté par le mémoire en défense. Si une partie de la doctrine s'est interrogée sur cette décision qui revenait sur le principe « rupture sur rupture ne vaut », elle me paraît néanmoins en pleine cohérence avec l'ensemble jurisprudentiel que vous avez élaboré, marquant la volonté ferme de la chambre de sécuriser la rupture conventionnelle quand l'ensemble des droits et garanties prévues par le dispositif légal a été rempli et en particulier le plein consentement des parties au principe de la rupture. Or, admettre la possibilité de faire reconnaître l'existence d'un licenciement verbal, donc abusif, postérieurement à une convention de rupture régulière et non contestée dans le délai d'un an, a pour effet direct de la remettre en cause dans son principe et dans ses effets. Cette solution ne serait pas cohérente avec la volonté du législateur ayant encadré la rupture conventionnelle comme rappelé plus haut et ayant expressément précisé à l'article L.1471-1 du code du travail, que le délai biennal ne fait pas obstacle à des délais plus courts, « notamment ceux prévus par les articles L.1233-67, L.124-20, L.1235-7 et L.1237-14, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L.1134-5 ».
10 Soc. 29 janvier 2014, n° 12-24539, Bull.V n° 40 11 Soc.6 octobre 2015, n°14-17.539, Bull.V 188 12 Soc. 3 mars 2015, n° 13-20.549, Bull.V n° 35
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Elle ne serait pas davantage cohérente avec votre jurisprudence citée ci-dessus tendant à sécuriser ce mode de rupture, sauf cas limités aux vices du consentement ou au non respect de la procédure permettant un consentement éclairé. Enfin, votre jurisprudence la plus récente en matière de prescription 13 ,qui rappelle que le régime applicable est déterminé par la nature de la créance invoquée, son objet précis et non son fondement, justifie également l'irrecevabilité de l'action du salarié qui, sous couvert d'une demande en indemnisation d'un licenciement abusif, remet en cause le principe et les effets de la rupture conventionnelle, y compris dans ses aspects indemnitaires, rupture conventionnelle acquise entre les parties et devenue définitive, faute de recours exercé dans le délai d'un an.
2-1-3 Réponse au moyen En l'espèce, la cour d'appel a énoncé que « la prescription abrégée d'un an prévue par l'article L.1237-14 du code du travail invoquée par l'intimée ne porte que sur la contestation d'une rupture conventionnelle et ne s'applique pas à l'action en reconnaissance d'un licenciement verbal soumise à un délai de deux ans, en l'espèce non prescrite. » Elle a ensuite retenu que les faits caractérisaient un licenciement verbal, nécessairement abusif en l'absence d'énonciation dans une lettre de licenciement des motifs de la rupture. Puis elle a jugé que la rupture conventionnelle intervenue postérieurement était sans objet, le contrat étant d'ores et déjà rompu. En admettant la recevabilité de l'action du salarié qui avait pour effet de remettre en cause dans son principe et dans ses effets la rupture conventionnelle acquise définitivement entre les parties, la cour d'appel a violé l'article L.1237-14 du code du travail.
AVIS DE CASSATION
2-2 Subsidiairement, sur le deuxième moyen : Le moyen en une branche soutient que lorsque le contrat de travail a été rompu unilatéralement par l'une ou l'autre partie, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue. Ce moyen est argué de nouveauté par le mémoire en défense et d'incompatibilité avec la défense soutenue devant les juges du fond par l'employeur qui ne reconnaissait pas l'existence d'un licenciement verbal. Toutefois, ce moyen étant de pur droit, le grief de nouveauté doit être écarté ; il est donc recevable. Sur le fond, comme vous l'avez jugé dans votre arrêt du 3 mars 2015, précité, « Lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice par l'une ou l'autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue ». 13
Soc.30 juin 2021, n° 19-10.161, B
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En effet, dès lors qu'elle acte le consentement des deux parties au principe d'une rupture négociée et à ses modalités, la rupture conventionnelle emporte nécessairement renonciation à une rupture unilatérale antérieure. Le commentaire à la RJS de cet arrêt précise observe ceci : « L'employeur qui a pris l'initiative d'un licenciement ne peut y renoncer que s'il obtient l'accord du salarié (...). Il en va de même si le contrat de travail a pris fin par une décision de mise à la retraite (Cass. soc. 28 février 2006 n° 04-40.303 : RJS 5/06 n° 559). Cet effet définitif de la rupture s'applique également au salarié démissionnaire : il ne peut revenir sur sa démission que si l'employeur y consent, l'accord de celui-ci pouvant se déduire notamment de la poursuite effective de l'exécution du contrat (Cass. soc. 28 mars 2006 n° 04-42.228 : RJS 6/06 n° 701). L'application de cette jurisprudence est moins évidente lorsque les parties concluent une convention de rupture, après que l'une d'elles a pris l'initiative de résilier unilatéralement le contrat. Dans cette situation, il n'y a pas de rétractation de la décision de mettre fin au contrat mais choix ultérieur d'un autre mode de rupture. On pourrait alors considérer que, puisque le contrat de travail a pris fin auparavant par la décision de l'une des parties, exerçant son droit de résiliation, la conclusion d'une convention par la suite est sans portée. Seule aurait alors sa place une transaction conclue après le licenciement ou la démission. Mais, en sens inverse, on peut aussi penser que, puisque l'employeur et le salarié ont tous deux choisi de passer un accord relevant de l'article L.1237-13 du Code du travail, malgré la notification antérieure d'une résiliation unilatérale, c'est que l'un et l'autre ont entendu renoncer aux effets de cette résiliation pour lui préférer un autre mode de rupture consensuel, renonçant par là même, d'un commun accord, aux conséquences du licenciement ou de la démission antérieure. C'est la position que suit la chambre sociale de la Cour de cassation. Elle permet ainsi aux parties de s'entendre sur un mode de rupture qui peut être plus avantageux pour elles qu'une résiliation unilatérale et tire les conséquences d'une décision commune impliquant son abandon. Car si la renonciation à un droit ne se présume pas, elle peut toutefois résulter d'actes non équivoques dont la réalisation implique nécessairement l'abandon des droits ou obligations antérieurs. Tel est le cas d'un accord qui substitue un mode de rupture à un autre. » Un arrêt postérieur a d'ailleurs précisé que la rupture conventionnelle doit être effectivement signée pour valoir renonciation ; que tel n'est pas le cas si la rupture conventionnelle n'est qu'au stade des entretiens préalables 14. En l'espèce, la cour d'appel qui a retenu l'existence d'un licenciement verbal intervenu antérieurement à la rupture conventionnelle acquise entre les parties et non contestée dans le délai de prescription qui lui était applicable a violé l'article L.1237-11 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil.
AVIS DE CASSATION
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Soc.16 septembre 2015, n° 14-10.291
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