CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 5970
Ville de DORMANS
Lecture du 02 Juin 1982
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 6ème Sous-Section
Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 4 février 1977, et le mémoire complémentaire, enregistré le 7 avril 1977, présentés pour la Ville de Dormans (Marne) représentée par son maire en exercice, à ce dûment autorisé par délibération du Conseil municipal en date du 19 janvier 1977 et tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1°) - annule le jugement du 7 décembre 1976 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a partiellement rejeté sa demande en condamnant l'entreprise Caroni à lui verser une indemnité jugée insuffisante en réparation des conséquences dommageables du fonctionnement défectueux de la station d'épuration des eaux usées de la commun; 2°) - déclare l'entreprise Caroni entiêrement responsable les dommages survenus et la condamne à lui verser la somme de 656 667,52 F;
Vu le Code des tribunaux administratifs;
Vu la loi du 28 Pluviôse An VIII;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Sur le partage de responsabilité:
Considérant d'une part qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par l'ordonnance de référé du Président du tribunal administratif, que les désordres constatés dans les installations de la station d'épuration des eaux usées de la ville de Dormans sont imputables au défaut de conception et à l'insuffisance du rendement des appareils utilisés; que la ville requérante a donné toutes les précisions utiles pour l'établissement du projet à l'entreprise Caroni chargée de la conception et de la réalisation de l'ouvrage et qu'aucune faute ne peut être relevée à sa charge dans l'utilisation ou l'entretien des installations; que, dans ces conditions, la responsabilité des malfaçons de la station d'épuration incombe à l'entreprise Caroni;
Considérant d'autre part que, dans le cadre de la responsabilité contractuelle, le choix que fait le maître de l'ouvrage de l'entreprise avec laquelle il contracte ne peut lui être imputé à faute, lorsque ce choix se porte sur une entreprise ne présentant pas des garanties suffisantes; que, dès lors, les premiers juges ne pouvaient pas, en se référant aux conclusions de l'expert, se fonder sur ce que les services de l'équipement, conseiller technique de la ville de Dormans, avaient recommandé à cette dernière de choisir l'entreprise Caroni dont les références étaient, de leur aveu même, insuffisantes, pour mettre à la charge de la ville 25% des dommages qui se sont produits; que la ville de Dormans est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif lui fait supporter une part de la responsabilité; que les conclusions du recours incident de l'entreprise Caroni tendant à ce que sa propre part de responsabilité soit ramenée à moins de 50% doivent en conséquence être rejetées;
Sur l'indemnité:
Considérant que le montant des travaux nécessaires à la remise en état de la station s'élève à la somme non contestée de 423 250 F; que la ville n'est pas fondée à demander une majoration de 10% du montant de ces derniers pour imprévus et honoraires qu'elle devra verser à un homme de l'art, le préjudice allégué étant éventuel; qu'elle n'apporte aucune justification à l'appui de sa demande de remboursement des frais de vidange de la station et des intérêts des emprunts qu'elle aurait contractés; que les dépenses de consommation d'électricité ont été incluses dans la somme de 96.069,88 F allouée par le jugement à la ville; que le préjudice total s'établissant ainsi à la somme de 519.319,88 F, la ville de Dormans est fondée à soutenir que compte tenu de ce qu'aucune part de responsabilité ne doit être laissée à sa charge, c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fixé l'indemnité à laquelle elle peut prétendre à une somme inférieure à ce montant et lui a fait supporter le quart des frais d'expertise;
Sur les intérêts des intérêts:
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 29 avril 1980; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts; que, dès lors conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.
DECIDE
ARTICLE 1er - La somme que l'entreprise Caroni a été condamnée, par le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 7 décembre 1976 à payer à la ville de Dormans est portée de 389.480,91 F à 519.319,88 F.
ARTICLE 2 - Les intérêts de l'indemnité due à la ville de Dormans et échus le 29 avril 1980 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
ARTICLE 3 - Les frais d'expertise sont mis en totalité à la charge de l'entreprise Caroni.
ARTICLE 4 - Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 7 décembre 1976 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
ARTICLE 5 - Le surplus des conclusions de la requête de la ville de Dormans et le recours incident de l'entreprise Caroni sont rejetés.