Jurisprudence : Cass. soc., 19-01-2022, n° 20-10.057, FS-B, Rejet

Cass. soc., 19-01-2022, n° 20-10.057, FS-B, Rejet

A76997IY

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:SO00087

Identifiant Legifrance : JURITEXT000045067714

Référence

Cass. soc., 19-01-2022, n° 20-10.057, FS-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/77416631-cass-soc-19012022-n-2010057-fsb-rejet
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Abstract

► Le licenciement pour faute grave d'un salarié expert-comptable qui a alerté sa société d'une situation de conflit d'intérêts entre ses missions d'expert-comptable et celles de commissaire aux comptes, prohibée par le Code déontologique de la profession, est nul.


SOC.

ZB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022


Rejet


M. CATHALA, président


Pourvoi n° V 20-10.057
Arrêt n° 87 FS-B
sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses 1er et 2e branches


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JANVIER 2022


La société Diagnostic et investissement, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-10.057 contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à M. [G] [L], domicilié [… …], défendeur à la cassation.

M. [G] [L] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demandresse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours,
le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Diagnostic et investissement, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Aa], les plaidoiries de Me Lyon-Caen, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Ab, Mme A Ac, MM. Ad, Seguy, conseillers, Mmes Ae, Prieur, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 novembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 3 octobre 2018, pourvoi n° 16-23.075⚖️), M. [Aa] a été engagé à compter du 17 juillet 2000 en qualité d'assistant par la société d'expertise comptable et de commissariat aux comptes Diagnostic et investissement. A la suite de l'obtention de son diplôme d'expert-comptable et de commissaire aux comptes, le salarié a conclu un nouveau contrat de travail le 19 mai 2009, avec effet rétroactif au 5 janvier 2009.

2. Par lettre recommandée du 3 février 2011, le salarié a alerté son employeur sur une situation de conflit d'intérêts concernant la société entre ses missions d'expert-comptable et celles de commissaire aux comptes, en soulignant qu'à défaut de pouvoir discuter de cette question avec son employeur, il en saisirait la compagnie régionale des commissaires aux comptes. Il a saisi cet organisme par lettre du 14 mars 2011, veille de l'entretien préalable au licenciement, et il a été licencié pour faute grave le 18 mars 2011.

3. Contestant ce licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que le licenciement était nul ou sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement d'indemnités liées à la rupture et d'un rappel de salaires sur primes.


Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en sa troisième branche et sur le moyen du pourvoi incident du salarié, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est nul pour violation d'une liberté fondamentale et de le condamner en conséquence à payer au salarié des sommes à titre de salaire de mise à pied et congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement nul, alors :

« 1°/ que le licenciement d'un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité ; qu'en déclarant le licenciement du salarié nul pour cela qu'il pouvait légitimement dénoncer à des tiers, tels que la compagnie des commissaires aux comptes, tout fait répréhensible dont il aurait connaissance dans le cadre de ses fonctions et que son licenciement, prononcé ensuite d'une menace de dénonciation d'un conflit d'intérêts auprès de la compagnie des commissaire aux comptes, constituait en conséquence une mesure de rétorsion illicite et était frappé de nullité, quand la nullité susvisée s'applique aux seuls licenciements prononcés ensuite de la dénonciation d'infractions pénales, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail🏛 et l'article 10 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 ;

2°/ que le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en affirmant que la mauvaise foi du salarié n'était pas invoquée par l'employeur, quand la société alléguait expressément la mauvaise foi du salarié, qui l'avait menacée de saisir la compagnie régionale des commissaires aux comptes, en réponse aux reproches qu'elle lui avait adressés, afin de faire pression sur elle et faire échec à toute mesure destinée à sanctionner son comportement, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

6. En raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté d'expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d'un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement, est frappé de nullité.

7. La cour d'appel a relevé, d'une part, que la lettre de licenciement reprochait expressément au salarié d'avoir menacé son employeur de saisir la compagnie régionale des commissaires aux comptes de l'existence dans la société d'une situation de conflit d'intérêts à la suite de cas d'auto-révision sur plusieurs entreprises, situation prohibée par le code de déontologie de la profession, dont il l'avait préalablement avisé par lettre du 3 février 2011, et, d'autre part, que la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre concomitamment à cette alerte et à la saisine par le salarié de cet organisme professionnel après que l'employeur lui eut refusé toute explication sur cette situation. Ayant ainsi fait ressortir que le salarié avait été licencié pour avoir relaté des faits, dont il avait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser une violation du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes dans sa version issue du décret n° 2010-131 du 10 février 2010🏛, et ayant estimé, sans dénaturation dès lors que l'employeur ne soutenait pas que le salarié avait connaissance de la fausseté des faits qu'il dénonçait, que la mauvaise foi de ce dernier n'était pas établie, elle en a exactement déduit que le licenciement était nul.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ;

Condamne la société Diagnostic et investissement aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Diagnostic et investissement, demanderesse au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. [G] [L] par la société Diagnostic & Investissement était nul pour violation d'une liberté fondamentale et d'avoir en conséquence condamné la société Diagnostic & Investissement à payer à M. [Aa] les sommes de 1 876,72 € à titre de salaire de mise à pied, 187,67 € à titre de congés payés afférents, 21 155,80 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2 115,58 € à titre de congés payés afférents, 11 753 € à titre d'indemnité de licenciement et 70 000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

Aux motifs que « sur le bien-fondé et les conséquences du licenciement ; que Monsieur [G] [L] soutient que la véritable cause de son licenciement réside dans l'envoi de la lettre du 03. 02. 2011 soulevant une question déontologique et annonçant la saisine de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes à défaut de réponse de l'employeur ; qu'il est constant que cette lettre du 03.02.2011 a été reçue avant l'engagement de la procédure de licenciement initiée le 07.03.2011 avec fixation d'un entretien préalable le 15 mars ; que l'article 8 du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes mentionne que « dans le respect des obligations de la mission de contrôle légal, les commissaires aux comptes entretiennent entre eux des rapports confraternels.Ils se gardent de tout acte ou propos déloyal à l'égard d'un confrère ou susceptible de ternir l'image de la profession. Ils s'efforcent de résoudre à l'amiable leurs différends professionnels. Si nécessaire, ils recourent à la conciliation du président de leur compagnie régionale ou, s'ils appartiennent à des compagnies régionales distinctes, des présidents de leur compagnie respective. » ; que la lettre du 03.02.2011 faisait état de la difficulté déontologique rencontrée par le salarié dans l'exercice de ses fonctions au sein de la Sarl Diagnostic & Investissement en mentionnant : « … votre cabinet, via le pôle « Audit » dont je suis responsable, a réalisé au cours de l'année civile 2010 des prestations consistant – dans le cadre de l'allocation de goodwills – évaluer les contrats clients des sociétés Garderisettes SA, Tout Petit Monde SAS et la Ronde des Crèches SAS. Parallèlement à ces prestations, le cabinet a été nommé commissaire aux comptes de la société Babilou Management, société pour laquelle vous serez amené – en tant que signataire – à certifier les comptes consolidés 2010, comptes consolidés comprenant les valeurs des contrats clients que nous avons déterminées au cours de l'année 2010. Vous serez également amené – en tant que signataire – à certifier les comptes sociaux 2010 des sociétés Babilou Management, Evancia, Tout Petit Monde et Garderisettes, sociétés comprises dans le périmètre de consolidation du groupe Babilou Management. Cette configuration pourrait être analysée comme l'une des situations interdites visées à l'article 10 de notre code de déontologie. Etant donné que l'essentiel de nos contrôles afférents aux comptes annuels clos le 31 décembre 2010 seront effectués directement chez le client à compter du 14 février 2011, vous comprendrez mes interrogations et mon souhait de discuter rapidement avec vous de cette question déontologique. » ; que la société a convoqué par lettre du 07.03.2011 le salarié à un entretien préalable à son licenciement, fixé le 15.03.2011 ; que Monsieur [G] [L] a saisi la Compagnie régionale des commissaires aux comptes par courrier du 14.03.2011 sur le fondement de l'article 8 du code de déontologue, en constatant que son employeur ne lui avait pas donné d'explication et n'avait pas répondu à sa lettre du 03.02.2011 qui exposait une réelle difficulté dans l'exécution de ses missions, et donc antérieurement à son licenciement ; que la lettre de licenciement pour faute grave en date du 18.03.2011 mentionne différents griefs portés à l'encontre de Monsieur [G] [L] comprenant un défaut d'exécution des tâches et missions lui incombant, mais également un comportement déplacé ayant pour effet de créer une ambiance de travail détestable, ce, tant vis-à-vis des collaborateurs du cabinet et du gérant, que vis-à-vis de clients en indiquant : « … que dire également de vos menaces de saisie la Compagnie des commissaires aux comptes pour un prétendu conflit d'intérêts contraire à nos règles déontologiques, sur lequel pourtant vous n'avez pas et curieusement exercé votre droit de retrait. Vous êtes visiblement dans une volonté manifeste et délibérée de dégradation de nos relations professionnelles et de dégradation également de mon image de Dirigeant au sein du cabinet. », son employeur lui reprochant son dénigrement ; que le salarié a contesté ce licenciement par lettre du 24.03.2011 en alléguant notamment que son licenciement était le résultat d'une stratégie d'isolement professionnel de la part de son employeur et visait à contourner la discussion sur les problèmes déontologiques rencontrés dans son exercice professionnel, sans pour autant que cette situation constitue un dénigrement mais plutôt la volonté de rechercher une solution amiable au problème rencontré ; que le 30.03.2011, la Sarl Diagnostic & Investissement a maintenu la mesure ; que dès lors, la lettre de licenciement reproche au salarié expressément d'avoir menacé son employeur de saisir la Compagnie des commissaires aux comptes en raison d'un conflit d'intérêts que le salarié avait effectivement constaté dans l'exercice de ses fonctions et qui était prohibé par l'article 10 du code de déontologie de la profession ; que la société se borne dans ses écritures d'une part à affirmer que la Compagnie régionale des commissaires aux comptes n'avait pas donné suite à cette réclamation, et d'autre part, à produire les courriers recommandés des parties adressés à la Compagnie au soutien de leurs prétentions, les explications fournies au salarié dans ce cadre étant bien tardives ; que l'article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que « article 10 – Liberté d'expression 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent articule n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire » ; qu'un salarié peut légitimement dénoncer à des tiers, tels que la Compagnies des commissaires aux comptes, tout fait répréhensible dont il aurait connaissance dans le cadre de ses fonctions, sous réserve d'une mauvaise foi qui n'est en l'état pas alléguée dans les écritures de l'employeur en tant que telle ; qu'il convient en revanche de relever la concomitance de l'envoi par le salarié de son courrier de dénonciation du 03.02.2011 et de la convocation à un entretien préalable le 07.03.2011 soit un mois après, mais aussi l'absence de réaction de l'employeur à courrier adressé en recommandé AR et qui appelait une réponse écrite de sa part, et enfin la saisine de la Compagnie régionale des comptes par M. [L] le 14.03.2011, veille de l'entretien préalable et antérieurement à l'envoi de la lettre de licenciement ; qu'en dernier lieu, les termes employés dans la lettre de licenciement relatifs à cette saisine sont suffisamment ambigus pour soulever un doute qui doit profiter au salarié en qui concerne une mesure de rétorsion illicite ; que ce licenciement doit être déclaré nul au regard de la violation de la liberté d'expression dont bénéficiait Monsieur [G] [L] ; que le jugement rendu sera infirmé ; qu'en conséquence, eu égard au salaire moyen du salarié fixé à 5 288,95 € et en considération du fait que le salarié ne demande plus sa réintégration, il convient de condamner la société à verser à Monsieur [Af] [L] le rappel de mise à pied et l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement et une somme de 70 000 €, le salarié ayant été embauché dans l'entreprise le 17.07.2000 ; que cette somme répare le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement mais aussi des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de Monsieur [G] [L], de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à son formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour ; que cette somme à caractère indemnitaire est nette de tous prélèvements sociaux ; que sur les conditions vexatoires du licenciement et le préjudice moral subi, la cour considère que le salarié avait contesté à plusieurs reprises les décisions prises par son employeur à son égard, ce qui a contribué à l'instauration d'un climat de méfiance réciproque depuis 2009, et ce qui a concouru aux conditions dans lesquelles le contrat de travail a été rompu ; que Monsieur [G] [L] ne démontre pas à l'égard de la société l'existence d'une faute distincte de celle déjà réparée par l'octroi de dommages intérêts pour licenciement nul » (arrêt pages 5 à 7) ;

1°) Alors que le licenciement d'un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité ; qu'en déclarant le licenciement de M. [Aa] nul pour cela qu'il pouvait légitimement dénoncer à des tiers, tels que la Compagnie des commissaires aux comptes, tout fait répréhensible dont il aurait connaissance dans le cadre de ses fonctions et que son licenciement, prononcé ensuite d'une menace de dénonciation d'un conflit d'intérêts auprès de la Compagnie des commissaire aux comptes, constituait en conséquence une mesure de rétorsion illicite et était frappé de nullité, quand la nullité susvisée s'applique aux seuls licenciements prononcés ensuite de la dénonciation d'infractions pénales, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail🏛 et l'article 10 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 ;

2°) Alors que le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en affirmant que la mauvaise foi du salarié n'était pas invoquée par l'employeur, quand la société Diagnostic & Investissement alléguait expressément la mauvaise foi de M. [Aa], qui l'avait menacée de saisir la Compagnie régionale des commissaires aux comptes, en réponse aux reproches qu'elle lui avait adressés, afin de faire pression sur elle et faire échec à toute mesure destinée à sanctionner son comportement (conclusions pages 10 à 12), la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile🏛 ;

3°) Alors que en cas de pluralité de motifs de licenciement, dont l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression, les juges doivent rechercher si les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse ; que dans l'affirmative, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à l'exercice de sa liberté d'expression ; que dans la négative, il appartient à l'employeur de démontrer que la rupture du contrat de travail n'est pas motivée par l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression ; qu'en déclarant le licenciement nul, pour cela qu'il était intervenu concomitamment à l'envoi par le salarié d'une lettre de dénonciation d'un manquement déontologique de son employeur auprès de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes et que les termes employés dans la lettre de licenciement relatifs à cette saisine étaient suffisamment ambigus pour soulever un doute qui devait profiter au salarié en ce qui concerne une mesure de rétorsion illicite, quand il lui appartenait de rechercher, en premier lieu, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisaient une cause réelle et sérieuse de licenciement, et dans l'affirmative, d'exiger du salarié qu'il démontre que la rupture de son contrat de travail constituait une mesure de rétorsion à l'exercice de sa liberté d'expression, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil🏛, L.1221-1 du code du travail🏛 et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 ;


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux conseils pour M. [Aa], demandeur au pourvoi incident

M. [Aa] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande relative à un rappel de primes sur les années 2009, 2010 et 2011.

1) ALORS d'abord QUE, l'objet et les termes du litige sont déterminés par les prétentions respectives des parties, qui sont fixées par l'acte introductif d'instance et les écritures des parties ; que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; que pour refuser de faire droit à la demande du salarié de rappels de primes sur les années 2009, 2010 et 2011, la cour d'appel a considéré qu'il ressortait du courriel du 28 juin 2006, émanant du gérant de l'entreprise, que les primes dites exceptionnelles de montants variables figurant sur les bulletins de juin et décembre avaient pour but de récompenser les efforts individuels et de faire participer chacun au développement du cabinet, tout en précisant qu'elles étaient conditionnées à la bonne marche du cabinet tant en terme d'activité que de rentabilité financière, et qu'il était justifié par la production des bilans de l'entreprise de ce que le chiffre d'affaires avait certes progressé pour atteindre 757 K € au 30 juin 2011 après avoir diminué en 2009 cependant que le résultat d'exploitation s'était traduit par un bénéfice qui avait été en diminution constante puisqu'il était de 39,924 K € en 2008 mais de 30,965 K € en 2009, puis de 22,764 K € en 2010 pour atteindre 4,917 K € en juin 2011 que le résultat financier avait été négatif en 2009 (-1,67 K €) et 2010 (-12,948 K €) pour s'établir en 2011 (+1,359 K €), pour en déduire que la "bonne marche du cabinet tant en terme d'activité que de rentabilité financière" sur la période considérée n'était pas démontrée ; qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur n'avait jamais soutenu en cause d'appel que le versement des primes exceptionnelles était déterminé par la bonne marche du cabinet tant en terme d'activité que de rentabilité financière, mais simplement que ces primes avaient été remplacées par la prime d'intéressement prévue au contrat, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation des dispositions des articles 4 et 5 du Code de procédure civile🏛 ;

2) ALORS ensuite QUE les juges ne peuvent dénaturer les écritures des parties ; qu'en retenant, pour débouter le salarié, que le versement des primes exceptionnelles était soumis à la "bonne marche du cabinet tant en terme d'activité que de rentabilité financière" quand l'employeur faisait précisément valoir dans ses écritures que ces primes avaient été remplacées par la prime d'intéressement prévue au contrat mais non pas qu'elles étaient soumises à la "bonne marche du cabinet tant en terme d'activité que de rentabilité financière", la cour d'appel a dénaturé les conclusions du salarié en violation de l'article 4 du code de procédure civile🏛, ensemble le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit.

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