CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 62638
Mlle WOLFF
Lecture du 14 Octobre 1988
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 septembre 1984 et 15 janvier 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mlle Ginette WOLFF, demeurant 191 rue des Pyrénées à Paris (75020), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 7 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande qui tendait à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1977, 1978 et 1979 dans les rôles de la ville de Paris ; 2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code civil ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes, - les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que, dans le mémoire en défense qu'elle a produit devant le tribunal administratif le 30 mars 1984, l'administration fiscale, qui s'est bornée à confirmer ses précédentes observations, n'a fait état d'aucun élément nouveau susceptible d'exercer une influence sur la solution du litige ; que, par suite, la circonstance que ce mémoire n'aurait pas été communiqué à Mlle WOLFF n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie devant le tribunal administratif ; Considérant, en second lieu, que, l'administration étant tenue d'établir l'impôt d'après la situation du contribuable au regard de la loi fiscale, le moyen tiré par Mlle WOLFF de ce que l'imposition contestée procéderait d'un détournement de pouvoir était inopérant ; que, dès lors, en s'abstenant de répondre à ce moyen, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'insuffisance de motifs ; Considérant, enfin, qu'en estimant que les sommes versées par Mlle WOLFF à ses parents au cours des années 1977, 1978 et 1979 n'étaient pas nécessaires à la satisfaction de leurs besoins, compte tenu tant des ressources dont ils disposaient que des dépenses supplémentaires auxquelles ils devaient faire face en raison de leur invalidité et dont le montant n'était pas précisé, le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen tiré par Mlle WOLFF de ce que, la notion de besoin n'étant pas définie par le code civil, cette notion devait, par suite, être appréciée de façon concrète ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : "L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque contribuable. Le revenu net est déterminé ... sous déduction : ... II. Des charges ci-après : ... 2° ... pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 du code civil ..." ; qu'aux termes de l'article 205 du code civil : "Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin" ; qu'aux termes de l'article 208 du même code : "Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame ..." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les contribuables sont autorisés à déduire du montant total de leurs revenus, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, les versements qu'ils font à leurs parents dans le besoin, il incombe à ceux qui ont pratiqué ou demandé à pratiquer une déduction de cette nature de justifier que leurs ascendants étaient privés de ressources suffisantes et, dès lors, en droit de demander des aliments ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'ensemble des revenus dont les parents de Mlle WOLFF ont disposé a atteint 74 572 F en 1977, 84 114 F en 1978 et 99 387 F en 1979 ; qu'ainsi, ils ne se trouvaient pas dans le besoin ; que, si Mlle WOLFF soutient que leur état de santé engendrait des dépenses exceptionnelles qui justifiaient qu'elle leur apportât une aide, elle n'apporte à l'appui de cette affirmation aucune justification précise ; que, dans ces conditions, Mlle WOLFF ne justifie pas qu'elle se trouvait, en vertu des dispositions de l'article 205 du code civil, dans l'obligation de servir une pension alimentaire à ses parents ; que, par suite, c'est à bon droit que les sommes de 5 400 F, 6 000 F et 6 600 F qu'elle avait déduites, de ce chef, de ses revenus imposables de 1977, 1978 et 1979 y ont été réintégrées par le service des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle WOLFF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de Mlle WOLFF est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle WOLFF et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.