TA Montpellier, du 04-04-2023, n° 2106167
A67759MU
Référence
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 novembre 2021, 20 janvier 2022, 31 octobre 2022 et 2 novembre 2022, Mme D B demande au tribunal :
1°) l'annulation de la décision du 19 octobre 2021 par laquelle la directrice de la caisse d'allocations familiales de l'Aude a rejeté son recours préalable obligatoire du 6 juin 2021 tendant à la remise gracieuse d'un trop perçu de prime d'activité (IM3/001) d'un montant de 7 864,89 euros pour la période de mars 2020 à mai 2021 ;
2°) l'annulation de la décision implicite par laquelle la directrice de la caisse d'allocations familiales de l'Aude a rejeté son recours préalable obligatoire du 6 juin 2021 tendant à la remise gracieuse d'un trop perçu de prestations familiales (IN1/001) d'un montant de 1 492,92 euros pour la période de mars à août 2020 ;
3°) l'annulation de la décision du 24 juin 2021 par laquelle la directrice de la caisse d'allocations familiales de l'Aude l'a informée du transfert de son dossier à la mutualité sociale agricole (MSA) Grand Sud en raison de sa vie maritale et a mis à sa charge les indus de prime d'activité (IM3/001) et de prestations familiales (IN1/001) d'un montant total de 9 357,81 euros.
Elle soutient que :
- elle a aménagé chez M. C le 1er mars 2020 et était hébergée chez ce dernier à titre gratuit ;
- ils n'étaient, au cours de la période litigieuse, ni mariés, ni pacsés, ni concubins et déclaraient séparément leurs revenus à l'administration fiscale ;
- la situation financière de son foyer est précaire et ne permet pas le remboursement de sa dette ;
- l'administration n'a pas pris en compte le changement de sa situation depuis le mois de mars 2020 alors qu'elle a correctement déclaré son changement d'adresse chez M. C ;
- elle a toujours correctement effectué ses déclarations.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 octobre 2022 et 3 mars 2023, la caisse d'allocations familiales de l'Aude, représentée par Me Font, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de Mme B à lui verser la somme de 7 844,89 euros correspondant à l'indu en litige et à ce que soit mise à sa charge une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 27 janvier 2022, le président du tribunal a rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions de Mme B relatives aux prestations familiales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A ;
- les observations de Mme B.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
1. Mme B a bénéficié d'une ouverture de droits à la prime d'activité dans le département de l'Aude. Estimant qu'elle vivait en couple depuis le 1er mars 2020 et qu'elle n'avait pas déclaré cette situation, la caisse d'allocations familiales de l'Aude lui a notifié, par décision du 24 juin 2021, un indu d'allocations familiales, de prime d'activité et d'allocation de rentrée scolaire d'un montant total de 9 357,81 euros. Le président du tribunal ayant rejeté, par ordonnance du 27 janvier 2022, les conclusions de Mme B relatives aux prestations familiales comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, il n'y a plus lieu de statuer que sur les conclusions relatives à l'indu de prime d'activité d'un montant de 7 864,89 euros pour la période du 1er mars 2020 au 31 mai 2021.
Sur le bien-fondé de l'indu de prime d'activité :
2. Aux termes de l'article L. 842-1 du code de la sécurité sociale🏛 : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective qui perçoit des revenus tirés d'une activité professionnelle a droit à une prime d'activité, dans les conditions définies au présent titre ". Aux termes de l'article L. 843-1 du même code : " La prime d'activité est attribuée, servie et contrôlée, pour le compte de l'Etat, par les caisses d'allocations familiales et par les caisses de mutualité sociale agricole pour leurs ressortissants ". Aux termes de l'article R. 846-5 du même code🏛 : " Le bénéficiaire de la prime d'activité est tenu de faire connaître à l'organisme chargé du service de la prestation toutes informations nécessaires à l'établissement et au calcul des droits, relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer. Il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l'un ou l'autre de ces éléments ". Aux termes de l'article R. 842-3 du même code : " Le foyer mentionné au 1° de l'article L. 842-3 est composé : / 1° Du bénéficiaire ; / 2° De son conjoint, concubin, ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité () ". Aux termes de l'article L. 842-7 du même code🏛 : " () Est considérée comme isolée une personne veuve, divorcée, séparée ou célibataire, qui ne vit pas en couple de manière notoire et permanente et qui, notamment, ne met pas en commun avec un conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ses ressources et ses charges () ".
3. Aux termes de l'article 515-8 du code civil🏛 : " Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple. ".
4. Il résulte des dispositions citées aux points précédents que, pour le bénéfice de la prime d'activité, le foyer s'entend notamment du demandeur ainsi que, le cas échéant, de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin. Pour l'application de ces dispositions, le concubin est la personne qui mène avec le demandeur une vie de couple stable et continue. Une telle vie de couple peut être établie par un faisceau d'indices concordants, au nombre desquels la circonstance que les intéressés mettent en commun leurs ressources et leurs charges.
5. Il résulte de l'instruction que par lettre du 1er juin 2021, la mutualité sociale agricole Grand Sud a informé la caisse d'allocations familiales de l'Aude que Mme B avait débuté une vie commune avec M. C le 1er mars 2020. La caisse d'allocations familiales en a déduit que Mme B, qui s'était déclarée comme personne isolée avec deux enfants à charge, avait fourni de fausses déclarations qui lui avaient permis de percevoir indument 7 864,89 euros de prime d'activité pour la période du 1er mars 2020 au 31 mai 2021. Mme B conteste avoir entretenu une relation de concubinage avec M. C, celui-ci s'étant limité à l'héberger à titre gratuit, et expose qu'ils n'étaient ni pacsés, ni mariés et qu'ils déclaraient chacun séparément leurs revenus à l'administration fiscale. Il résulte également de l'instruction, laquelle s'est poursuivie au cours de l'audience, et des explications fournies par Mme B, que l'appréciation de la situation de Mme B par la caisse d'allocations familiales se fonde non sur un contrôle qu'elle aurait effectué mais sur le seul indice fourni par la mutualité sociale agricole. En conséquence, en l'absence d'un faisceau d'indices concordants, la vie de couple de Mme B ne peut être regardée comme établie.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B est fondée à demander la décharge de l'indu de prime d'activité d'un montant de 7 864,89 euros pour la période du 1er mars 2020 au 31 mai 2021 et l'annulation de la décision du 19 octobre 2021 rejetant son recours préalable. Par voie de conséquence, les conclusions de la caisse d'allocations familiales de l'Aude tendant à la condamnation de Mme B à lui reverser l'indu doivent, en tout état de cause, être rejetées ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 1er : Mme B est déchargée de l'indu de prime d'activité d'un montant de 7 864,89 euros pour la période du 1er mars 2020 au 31 mai 2021.
Article 2 : La décision du 19 octobre 2021 rejetant le recours préalable de Mme B est annulée.
Article 3 : Les conclusions de la caisse d'allocations familiales de l'Aude sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme D B, au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées et à la caisse d'allocations familiales de l'Aude.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.
Le président,
D. ALa greffière,
F. Roman
La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Montpellier, le 4 avril 2023.
La greffière,
F. Roman
No 2106167
Article, 515-8, C. civ. Article, L842-1, CSS Décision implicite Prestations familiales Mutualité agricole Déclaration des revenus Déclaration des changements Changement d'adresse Allocations familiales Rentrée scolaire Bénéficiaire des primes Service de prestations Vie commune Vie de couple Enfant à charge Fausses déclarations Faisceau d'indices