Jurisprudence : CE 10/3 SSR, 17-02-1992, n° 53014

CE 10/3 SSR, 17-02-1992, n° 53014

A5939ARE

Référence

CE 10/3 SSR, 17-02-1992, n° 53014. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/976666-ce-103-ssr-17021992-n-53014
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 53014

VIEUILLE

Lecture du 17 Février 1992

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 5 août et 25 novembre 1983, présentés pour M. Jean-Charles VIEUILLE, demeurant à Bellepierre à Saint-Denis de la Réunion (97400) ; M. VIEUILLE demande à ce que le Conseil d'Etat : 1°) réforme le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en date du 1er juin 1983 en tant qu'il a limité à 50 % la responsabilité de l'Etat, d'Electricité de France et de la Compagnie générale des eaux dans les dommages survenus à sa propriété à la suite d'une inondation consécutive aux chutes de pluie du 15 décembre 1979 ; 2°) condamne l'Etat, Electricité de France et la compagnie générale des eaux à lui verser une indemnité de 172 854 F avec les intérêts et les intérêts des intérêts ; 3°) subsidiairement réduise la part des dommages causés à la charge du requérant, évaluée sur ladite base ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Gerville-Réache, Conseiller d'Etat, - les observations de Me Parmentier, avocat de M. VIEUILLE, de la S.C.P. Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France et de la S.C.P. Vier, Barthélemy, avocat de la Compagnie Générale des Eaux, - les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que par une ordonnance en date du 15 juillet 1980, le président du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion statuant en référé a désigné, à la demande de M. VIEUILLE, un expert à l'effet de rechercher les causes du débordement des eaux de la ravine "Bras de source" qui a entraîné la destruction du mur de soutènement implanté au nord de la propriété du requérant à la suite des fortes pluies survenues le 15 décembre 1979 ; qu'il ressort du rapport de l'expert que la compagnie générale des eaux n'a pas été convoquée à l'expertise ; qu'ainsi le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière ; que la Compagnie générale des eaux est par suite fondée, par la voie du recours incident, à en demander l'annulation en ce qui le concerne ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'une part, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. VIEUILLE devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion et dirigées contre la Compagnie générale des eaux, et d'autre part, de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres points du litige ; Au fond :
Considérant que l'écoulement normal des eaux dans la zone concernée est assuré par la ravine "Bras de source", ouvrage qui appartient à l'Etat et longe la partie ouest du terrain de M. VIEUILLE ; qu'il résulte de l'istruction qu'au moment des faits litigieux des branchages s'étaient accumulés sous un ponceau franchissant cette ravine et situé en amont de la propriété du requérant ; que la présence de ces branchages était imputable à la fois à des travaux d'élagage effectués pour le compte d'Electricité de France et à la présence sous le ponceau de canalisations appartenant à la Compagnie générale des eaux ; que ni cette dernière, ni l'Etat, ni l'Electricité de France n'ont pris en temps utile les mesures nécessaires au dégagement de ces obstacles ; que leur responsabilité conjointe se trouve ainsi engagée dans les dégâts subis par la propriété de M. VIEUILLE ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que le mur de soutènement dont la destruction a causé les dommages dont s'agit avait été construit par le requérant lui-même sans que soient observées les règles de l'art ; qu'il convient par suite de limiter à 50 % la part de responsabilité incombant à l'Etat, à l'Electricité de France et à la Compagnie générale des eaux ;
Considérant que M. VIEUILLE ne saurait utilement prétendre que l'évaluation du préjudice soit fondée sur le coût de reconstruction de son mur selon les règles de l'art ; que, dans ces conditions, il sera fait une suffisante appréciation de l'évaluation du préjudice global en le fixant à 120 000 F ; que par suite il y a lieu de condamner l'Etat, l'Electricité de France et la Compagnie générale des eaux à verser chacun 20 000 F avec tous intérêts de droit à M. VIEUILLE, ainsi qu'à un sixième des frais d'expertise ;
Sur les recours en garantie de l'Etat et de la Compagnie générale des eaux contre la ville de Saint-Denis de la Réunion :
Considérant qu'il n'appartenait pas à la ville de Saint-Denis d'entretenir la ravine "Bras de source", et que la présence du ponceau, lequel est un ouvrage communal, est étrangère au défaut d'entretien de la ravine qu'il franchit ; que les recours en garantie de l'Etat et de la Compagnie générale des eaux contre la ville de Saint-Denis ne sauraient dès lors être accueillis ;
Sur le recours de l'Etat contre la Compagnie générale des eaux et Electricité de France :
Considérant que, par la voie de l'appel provoqué, l'Etat demande à être déchargé de la part de responsabilité qui lui incombe ; que, dès lors que, par l'effet de la présente décision, la part de responsabilité retenue à l'encontre de l'Etat par le jugement entrepris ne se trouve pas aggravée, ces conclusions ne sont pas recevables ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. VIEUILLE les 5 août 1983, 26 avril 1985, 2 février 1987 et 5 octobre 1989 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en date du 1er juin 1983 est annulé en tant qu'il a prononcé une condamnation à l'encontre de la Compagnie générale des eaux.
Article 2 : L'Etat, Electricité de France et la Compagnie des eaux sont condamnés conjointement et solidairement à verser à M. VIEUILLE une indemnité de 60 000 F ; la charge définitive de cette somme et de la moitié des frais d'expertise, sera supportée à raison d'un tiers par l'Etat, un tiers par Electricité de France et un tiers par la Compagnie générale des eaux. Les intérêts échus les 5 août 1983, 26 avril 1985, 2 février 1987 et 5 octobre 1989 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. Le surplus des frais d'expertise est laissé à la charge de M. VIEUILLE.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. VIEUILLE devant le tribunal administratif de Saint-Denis de laRéunion et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours incident de laCompagnie générale des eaux est rejeté.
Article 5 : Les recours incidents d'Electricité de France et de l'Etat, et les conclusions d'appel provoqué de l'Etat sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. VIEUILLE, à la Compagnie générale des eaux, à l'Electricité de France, service national, à la ville de Saint-Denis de la Réunion et au ministre de l'environnement.

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