Jurisprudence : TA Lille, du 06-03-2023, n° 2209806


Références

Tribunal Administratif de Lille

N° 2209806

6ème chambre
lecture du 06 mars 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 décembre 2022 et le 9 février 2023, le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs, représenté par Me Rilov, demande au tribunal :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société par actions simplifiée (SAS) ACIAM ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

- la décision du 18 octobre 2022 est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 1233-57-4 du code du travail🏛 ;

- la décision attaquée est entachée d'une irrégularité, en raison de l'insuffisance de l'information communiquée par l'employeur aux élus ; en particulier, il n'est pas démontré que l'expert a disposé d'un délai suffisant pour réaliser sa mission dans des conditions permettant aux élus de se prononcer en connaissance de cause ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit en l'absence de contrôle sur la proportionnalité du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens du groupe auquel la société ACIAM appartient ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence de contrôle quant aux recherches effectuées par les liquidateurs judiciaires sur les possibilités de reclassement et de contribution financière auprès de chacune des sociétés de ce groupe ;

- le plan de sauvegarde de l'emploi n'est proportionné ni aux moyens de l'entreprise, ni au moyens du groupe ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit, en l'absence de contrôle par l'administration du respect par la société ACIAM de ses obligations en matière de santé et de sécurité dans le cadre de la procédure de licenciement collectif pour motif économique ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, la société ACIAM ayant manqué à ses obligations de santé et de sécurité dans le cadre de la procédure de licenciement collectif pour motif économique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête dans l'ensemble de ses conclusions.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'insuffisance de l'information communiquée par l'employeur aux élus est irrecevable, en l'absence de précision suffisante pour en apprécier le bien-fondé ;

- les autres moyens soulevés par le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 16 janvier 2023 et le 16 février 2023, la Selarl Miquel Aras et associés et la Selarl Perin Borkowiak, agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de la société ACIAM, représentées par Me Pavon-Grangier, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat requérant une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le moyen tiré de l'insuffisance de l'information communiquée par l'employeur aux élus est irrecevable, en l'absence de précision suffisante pour en apprécier la portée ;

- le moyen tiré du manquement de la société ACIAM à ses obligations de sécurité dans le cadre de la procédure de licenciement collectif est irrecevable, car dépourvu de précision suffisante ;

- les autres moyens du syndicat requérant ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 20 février 2023, a été présenté pour le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs.

Un mémoire, enregistré le 22 février 2023, a été présenté pour la Selarl Miquel Aras et associés et la Selarl Perin Borkowiak.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A,

- les conclusions de Mme Michel, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rilov, représentant le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs, de Me Khefacha, représentant les liquidateurs judiciaires et de M. B, représentant le préfet du Nord.

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement en date du 1er août 2022, le tribunal de commerce de Lille Métropole a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS ACIAM, exerçant sous l'enseigne Camaïeu. Par jugement du 28 septembre 2022, ce même tribunal, constatant que la situation économique de la société était irrémédiablement compromise, a prononcé une liquidation judiciaire à son encontre. Le plan de sauvegarde de l'emploi préparé par le liquidateur judiciaire, prévoyant le licenciement de tout le personnel de la société ACIAM, a été homologué par décision du 18 octobre 2022 de la DREETS Hauts-de-France. Par la présente requête, le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs sollicite l'annulation de la décision précitée du 18 octobre 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la motivation de la décision :

2. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur () la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise (). La décision prise par l'autorité administrative est motivée ". En vertu de ces dispositions, la décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs.

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail🏛 que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière et de vérifier la conformité du plan aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables. Elle doit également, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. A ce titre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, pour cela, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe.

4. Si le respect de la règle de motivation énoncée au point 2 n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler ainsi qu'il a été dit au point 3, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen. Doivent ainsi y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe ainsi que, à ce titre, ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement. En outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.

5. En premier lieu, la décision contestée, après avoir visé les articles applicables du code du travail, précise les différentes étapes de la procédure et indique que la procédure d'information et de consultation est régulière. La décision, qui a mentionné la désignation d'un expert et la possibilité effective, pour les élus, de poser des questions auxquelles il a été répondu, comporte les éléments essentiels de l'examen auquel s'est livré l'administration sur la régularité de la procédure d'information et de consultation.

6. En deuxième lieu, après avoir détaillé les différentes mesures destinées notamment à favoriser la mobilité et le reclassement des salariés, en relevant notamment que les salariés seront accompagnés pendant un an par un cabinet de reclassement et que le plan prévoit des mesures renforcées pour certains salariés, tels que ceux en situation de handicap ou âgés de plus de 50 ans, la décision contestée mentionne que le plan de sauvegarde de l'emploi, qui prévoit un budget global de 7,244 millions d'euros, est suffisant au regard des moyens dont dispose la société ACIAM, rappelant que cette société est en état de cessation de paiement, avec un passif de 251 millions d'euros. La décision, qui n'avait pas à apprécier la proportionnalité des mesures, comporte également, sur ce point, les éléments essentiels de l'examen effectué par l'administration. La circonstance, à la supposer établie, que l'administration ait apprécié les efforts de reclassement à partir du contenu du plan et non des échanges qu'elle a pu avoir avec le liquidateur, ne constituerait pas une insuffisance de motivation sur l'examen auquel l'administration doit se livrer mais une insuffisance de cet examen lui-même, moyen qui relèverait de la légalité interne de la décision contestée. Il en est de même, à la supposer elle aussi établie, de la circonstance que l'administration, qui a mentionné le périmètre du groupe, se serait méprise sur ce périmètre.

7. En dernier lieu, si, parmi les éléments essentiels de l'examen des mesures figure celui des mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail🏛 au titre des modalités d'application de l'opération projetée, la décision contestée souligne l'adoption dans le plan de mesures destinées à limiter les effets des risques psychosociaux sur les salariés, visés par les licenciements.

8. Il résulte de ce qui précède que la décision en litige comporte les considérations de droit et de faits permettant aux personnes auxquelles cette décision a été notifiée d'en comprendre et d'en contester utilement les motifs. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision contestée :

9. En premier lieu, aux termes de l'alinéa 1er de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié () la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, ()". Aux termes de l'article L. 1233-30 du code du travail🏛 : " I.-Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. () " Aux termes de l'article L. 1233-31 du même code🏛 : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées ; 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ". Aux termes de l'article L. 1233-34 du même code🏛 : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité d'entreprise peut recourir à l'assistance d'un expert-comptable en application de l'article L. 2325-35. "

10. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail🏛 et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. A ce titre, il appartient à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Lorsque l'assistance d'un expert-comptable a été demandée selon les modalités prévues par ces dispositions, l'administration doit s'assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de formuler ses avis en toute connaissance de cause.

11. En se bornant à invoquer une irrégularité en raison de l'insuffisance de l'information communiquée par la société ACIAM aux élus, notamment à la suite de la saisine d'un expert, le syndicat requérant, qui ne mentionne aucune demande d'information à laquelle l'employeur n'aurait pas répondu, n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes pour permettre au tribunal d'en apprécier le bien-fondé. En particulier, compte tenu du délai de 12 jours imparti par l'article L. 641-1 du code de commerce🏛 pour l'avis du comité social et économique à compter de la fin de la période d'activité, soit à compter du 1er octobre 2022, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir, sans autre précision, que l'expert n'a nécessairement pas pu rendre ses conclusions pour que le comité social et économique se prononce, le 17 octobre 2022, postérieurement à l'expiration du délai, en toute connaissance de cause.

12. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail🏛, applicable aux entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaire : " Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise ".

13. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, dans le cas des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, d'une part, que l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur a recherché, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient et, d'autre part, que le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas insuffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise.

14. Il résulte des dispositions qui précèdent que, dès lors que la société ACIAM a été placée en liquidation judiciaire, ainsi qu'il a été dit au point 1, le syndicat requérant ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que l'autorité administrative aurait commis une erreur de droit en s'abstenant de contrôler le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens du groupe auquel la société ACIAM appartient, ou une erreur d'appréciation quant au caractère suffisant des mesures du plan au regard des moyens de ce groupe.

15. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'entreprise ACIAM, qui a été, ainsi qu'il a été dit, placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lille-métropole du 28 septembre 2022, avec une poursuite d'activité uniquement jusqu'au 1er octobre 2022, la période de redressement judiciaire ayant entraîné de nouvelles dettes évaluées à 14,7 millions d'euros, présentait, à la date de la décision litigieuse, un passif exigible supérieur à 218 millions d'euros, pour un actif estimé, trésorerie comprise, à moins de 42 millions d'euros. Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit différentes mesures pour accompagner la mobilité professionnelle, ainsi que des aides à la formation ou à la création ou à la reprise d'entreprise, pour un budget de 3 200 euros brut par salarié, le budget global s'établissant à environ 7 millions d'euros. Ainsi, compte tenu des moyens limités de la société ACIAM, les mesures figurant dans le plan peuvent être regardées par l'administration comme étant, prises dans leur ensemble, suffisantes par rapport aux moyens dont dispose l'entreprise.

16. En quatrième lieu, la recherche des moyens du groupe auquel l'employeur appartient n'implique pas nécessairement, contrairement à ce que fait valoir le syndicat requérant, de justifier qu'outre l'entreprise dominante contrôlant l'ensemble des entreprises du groupe, chacune des sociétés du groupe a été individuellement saisie d'un courrier de demande d'abondement au plan de sauvegarde de l'emploi et d'une demande de reclassement.

17. Il ressort des pièces du dossier que la société ACIAM est intégralement détenue par la SAS Multi Projet Investments, intégralement détenue par Immo Prom, elle-même intégralement détenue par Hermione People et Brands (HPB), détenue majoritairement par la société O Invest. Par une sommation du 4 octobre 2022, rappelée le 9 octobre suivant, les liquidateurs de la société Aciam ont demandé à la société O Invest, en tant qu'entreprise dominante du groupe, de faire connaître toute possibilité d'abondement du plan et de reclassement auprès de toutes les sociétés du groupe. Par suite, le moyen tiré du défaut de contrôle par l'administration de la réalité des recherches d'abondement financier et de reclassement auprès des sociétés du groupe doit être écarté.

18. En dernier lieu, l'article L. 4121-1 du code du travail dispose : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ".

19. Dans le cadre d'une réorganisation qui donne lieu à élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative de vérifier le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A cette fin, elle doit contrôler, dans le cadre de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée.

20. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'un contrôle a bien été effectué sur la nature et l'existence des mesures prévues dans le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de contrôle par l'administration de l'exécution par l'employeur de ses obligations en matière de santé et de sécurité doit être écarté.

21. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACIAM a tenu compte des risques psycho-sociaux dans une partie 9 et a ainsi prévu, outre la possibilité pour les salariés de saisir les médecins du travail et les services de santé au travail, la mise en place d'une cellule d'écoute et de rencontre face à face pour accompagner l'ensemble des salariés du 1er septembre 2022 au 30 avril 2023, avec un numéro vert accessible sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Par suite, et dès lors que la société ACIAM n'a plus d'activité, les mesures mentionnées au plan de sauvegarde de l'emploi homologué par la décision en litige sont suffisantes pour protéger la santé physique et mentale des salariés. Le moyen tiré de la méconnaissance par la société ACIAM de ses obligations de santé et de sécurité dans le cadre de la procédure de licenciement collectif pour motif économique doit donc être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs la somme demandée par la Selarl Miquel Aras et associés et la Selarl Perin Borkowiak, agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de la société ACIAM, au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs et de la Selarl Miquel Aras et associés et la Selarl Perin Borkowiak présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs, au préfet du Nord, à la Selarl Miquel Aras et associés, à la Selarl Perin Borkowiak, en qualité de liquidateurs judiciaires de la société par actions simplifiée ACIAM et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience du 24 février 2023, à laquelle siégeaient :

M.Riou, président,

M. Fougères, premier conseiller,

Mme Bruneau, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2023.

Le rapporteur,

signé

V. FOUGERES

Le président,

signé

J-M. RIOU La greffière,

signé

J. VANDEWYNGAERDE

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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