N° M 21-85.148 F-D
N° 00173
1ER FÉVRIER 2022
SL2
RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER FÉVRIER 2022
M. [D] [Z] a présenté, par mémoire spécial reçu le 13 décembre 2021 une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la
cour d'appel de Nancy, en date du 1er juillet 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, de participation à une association de malfaiteurs et infraction à la législation sur les stupéfiants, a prononcé sur les demandes d'annulation de pièces de la procédure.
Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [D] [Z], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« En édictant les dispositions des
articles 706-102-1 et 230-1 et suivants du code de procédure pénale🏛 - lesquelles permettent au procureur de la République ou au juge d'instruction de procéder à la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet la captation de données informatiques, par le recours aux moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale – le législateur a-t-il, d'une part, méconnu sa propre compétence en affectant des droits et libertés que la Constitution garantit, en l'occurrence, les droits de la défense, les principes de l'égalité des armes et du contradictoire ainsi que le droit à un recours effectif, en ce qu'il s'est totalement abstenu de prévoir des garanties légales suffisantes et adéquates concernant le recours à ces moyens, ne fixant aucun critère pour y recourir, et ne prévoyant aucun contrôle a priori ou a posteriori pour encadrer cette décision, laquelle apparaît ainsi purement discrétionnaire, au surplus, sans contrôle préalable par une juridiction indépendante lorsque la mesure est édictée par le seul procureur et, d'autre part, porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à l'ensemble de ces mêmes droits et libertés que la Constitution garantit ? »
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée présente un caractère sérieux. En effet, le choix fait par le procureur de la République ou le juge d'instruction, qui n'est pas encadré par des critères spécifiques, de prescrire le recours aux moyens de la défense nationale, lesquels peuvent être utilisés pour l'ensemble de l'opération et pas seulement pour le décryptage des données captées, peut avoir pour conséquence que, par l'effet des règles concernant le secret-défense, de nombreuses informations utiles au contrôle de la régularité de l'opération ne puissent être soumises au débat contradictoire, ce qui est susceptible de constituer une atteinte excessive aux droits et libertés invoqués.
5. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du premier février deux mille vingt-deux.