Jurisprudence : Cass. soc., Conclusions, 12-06-2024, n° 23-13.975

Cass. soc., Conclusions, 12-06-2024, n° 23-13.975

A20056CA

Référence

Cass. soc., Conclusions, 12-06-2024, n° 23-13.975. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/112311307-cass-soc-conclusions-12062024-n-2313975
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AVIS DE Mme ROQUES, AVOCATE GÉNÉRALE RÉFÉRENDAIRE

Arrêt n° 634 du 12 juin 2024 (B) – Chambre sociale Pourvoi n° 23-13.975⚖️ Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles du 26 janvier 2023 Mme [Z] [T] C/ SAS ESERVGLOBAL _________________

1. Faits et procédure Mme [Z] [T] (la salariée) a été embauchée par la société ESERVGLOBAL (l'employeur) dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, ayant pris effet le 6 novembre 2008, en qualité de directrice des ressources humaines. Du 18 novembre 2013 au 4 avril 2014, la salariée a subi un arrêt de travail. Elle a, par la suite, repris son emploi dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Par avenant en date du 1er novembre 2017, son contrat à temps plein a été modifié en contrat à mi-temps. Le 18 octobre 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 29 octobre. Elle a été licenciée pour faute grave le 4 novembre 2019.

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Elle a contesté son licenciement devant le conseil des prud'hommes de BoulogneBillancourt, soutenant notamment qu'elle avait été victime de faits de harcèlement moral. Elle estimait que son licenciement était nul, entre autres, parce qu'il avait été décidé après sa dénonciation du harcèlement moral dont elle avait été victime. Par jugement en date du 10 mars 2022, le conseil des prud'hommes a notamment : - dit le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, - et condamné l'employeur à lui régler diverses sommes à ce titre, - rejeté le surplus des demandes de la salariée, parmi lesquelles figuraient des demandes indemnitaires au titre du harcèlement moral et d'une exécution déloyale et fautive du contrat de travail. La salariée a interjeté appel de cette décision. Dans un arrêt du 26 janvier 2023, la cour d'appel de Versailles a notamment : - jugé que la salariée avait renoncé à sa demande au titre de la rémunération variable pour l'année 2019 et à sa « demande autonome » de dommages et intérêts pour harcèlement moral, - déclarée irrecevable, car nouvelle, sa demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, - confirmé le jugement, sauf en ce qu'il a alloué à la salariée une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - condamné l'employeur à verser à la salariée à ces deux titres des indemnités d'un montant supérieur à celui retenu par les premiers juges. C'est la décision attaquée par la salariée. Dans les trois premiers moyens qu'elle développe, elle conteste tant le constat de sa renonciation à certaines demandes que l'irrecevabilité de sa prétention au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement. La salariée soutient que la cour d'appel a violé les textes du code de procédure civile applicables à la procédure d'appel, et notamment les articles 4, 910-4, 954 et 564 à 576. Dans un quatrième moyen, elle critique le rejet de sa demande au titre du harcèlement moral et de la nullité de son licenciement. Elle estime que les juges du fond n'ont pas respecté le régime probatoire en la matière, et qu'ils n'ont pas, non plus, suffisamment motivé leur décision, ni recherché si le licenciement n'était pas une mesure de rétorsion aux faits de harcèlement moral qu'elle avait dénoncés. Dans un cinquième moyen, elle conteste le rejet de sa demande indemnitaire au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Elle soutient qu'un manquement à cette obligation peut être caractérisé, quant bien même le harcèlement moral ne serait pas retenu.

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Elle ajoute que son employeur a manqué à cette obligation en ne prenant aucune mesure, et notamment en n'ordonnant pas d'enquête interne, après sa dénonciation des faits de harcèlement moral. Enfin, elle conteste le montant du salaire de référence pris en compte par la cour d'appel pour calculer les indemnités qu'elle lui a allouées. Elle soutient que, puisque son placement en temps partiel a été imposé par son état de santé, le salaire de référence aurait dû être « selon la formule la plus avantageuse pour [elle], celui des douze mois ou des trois derniers mois précédant son mi-temps thérapeutique ». Retenir celui des douze derniers mois précédant son licenciement, comme cela a été fait, constitue une discrimination directe fondée sur son état de santé ou une discrimination indirecte fondée sur le sexe car les femmes sont sur-représentées parmi les bénéficiaires de mi-temps thérapeutiques. Elle estime aussi que la cour d'appel ne pouvait retenir une moyenne de ses salaires et devait calculer les indemnités auxquelles elle a droit « proportionnellement aux périodes d'emploi » à plein temps et à mi-temps. En réplique, l'employeur conclut au rejet du pourvoi.

2. Discussion et avis Je ne consacrerai de développements qu'aux quatre derniers moyens présentés par la salariée, estimant, tout comme Mme le rapporteur Ott que les deux premiers peuvent faire l'objet de rejets non spécialement motivés. En effet, comme Mme Ott le relève dans son rapport, les seuls jeux de conclusions, dont la preuve de la signification à la partie adverse est rapportée et qui ont été produits par le défendeur au pourvoi, ne comportent pas dans leur dispositif la mention d'une demande au titre de la rémunération variable pour l'année 2019 ou d'une « demande autonome » d'indemnités au titre du harcèlement moral. La cour d'appel a donc, à juste titre, estimé que la salariée avait renoncé à ces deux prétentions. Compte tenu des questions différentes posées par les quatre autres moyens, je les examinerai successivement. sur l'irrecevabilité de la demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement La salariée conteste le prononcé de l'irrecevabilité de sa demande indemnitaire au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, soutenant que la cour d'appel n'a pas recherché si cette demande était le complément des autres prétentions qu'elles avaient présentées devant les premiers juges.

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En revanche, elle ne conteste pas l'avoir formulée pour la première fois en cause d'appel. L'article 564 du code de procédure civile🏛 dispose qu' « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. » Aux termes des articles 565 et 566 de ce même code🏛🏛, dans leur version applicable au litige : - « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. » - « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. » Si aucune définition de ces dernières notions n'a été donnée par la Cour de cassation, la deuxième chambre civile a énoncé, dans plusieurs arrêts, qu'une cour d'appel ne peut déclarer irrecevable, comme nouvelle, une prétention présentée pour la première fois devant elle, sans avoir recherché au besoin d'office si celle-ci « n'était pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celle présentée au premier juge ou ne tendait pas aux mêmes fins que cette dernière ».1 Comme a pu le rappeler Mme Philippart, dans son rapport sous un arrêt du 9 novembre 2023 rendu par la deuxième chambre, cette jurisprudence « impose au juge d'appel d'examiner, au regard de chacune des exceptions prévues par ces textes, si une demande est nouvelle. Quant bien même le mémoire ampliatif ne reprend pas les termes de l'article 566 précité, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, le visa de ce texte suffit à mon sens pour examiner le bien-fondé de ce moyen. Devant les juges d'appel, la salariée soutenait que sa demande était « intimement liée aux demandes relatives à la contestation du licenciement » et en constituait l'accessoire. L'employeur s'opposait à cette analyse, soutenant que cette demande ne tendait pas aux mêmes fins que celles présentées en première instance et n'en était pas non plus l'accessoire, la conséquence ou le complément. Pour déclarer cette demande irrecevable, la cour d'appel a retenu les motifs suivants : «Il ne s'agit pas d'une demande tendant aux mêmes fins que l'indemnisation d'un préjudice lié à la nullité du licenciement ni d'une demande accessoire aux prétentions soumises aux premiers juges mais d'une prétention nouvelle formée en cause d'appel, tendant à voir indemniser un nouveau préjudice, sur un fondement juridique différent. » La cour d'appel s'est donc limitée à l'examen des moyens des parties, sans examiner d'office les autres exceptions à l'irrecevabilité prévues par l'article 566 précité. 1

Voir notamment en ce sens 2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 19-17.449⚖️, 2e Civ., 16 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.561⚖️, 2e Civ., 12 octobre 2023, pourvoi n° 21-19.580⚖️ ou 2e Civ., 9 novembre 2023, pourvoi n° 22-17.388⚖️

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De même, le fait de retenir que la demande indemnitaire nouvelle repose sur un fondement juridique différent est, à mon sens, insuffisant pour caractériser que celle-ci ne peut être la conséquence ou le complément nécessaire de la contestation par la salariée de son licenciement et de ses demandes d'indemnisation des préjudices qui en résultent. Enfin, la salariée soutenait que la procédure de licenciement était irrégulière car elle avait été conduite par une personne étrangère à l'entreprise. Elle sollicitait une indemnité à ce titre et demandait également, à titre principal, que son licenciement soit déclaré nul et, subsidiairement, qu'il soit dit sans cause réelle et sérieuse. Or, la chambre a énoncé, à plusieurs reprises, que « la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement ». Et, s'il est prononcé par une personne étrangère à l'entreprise, le licenciement n'est pas nul mais dépourvu de cause réelle et sérieuse2. Il est vrai que ces décisions ont été rendues avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 1235-2, issues de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui prévoient, notamment que « Lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 123313 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire. » Cependant, il me semble que cette demande au titre d'une irrégularité de la procédure s'analyse bien plus en une contestation des conditions de validité de fond de son licenciement. Elle revient, en effet, à soutenir que le licenciement a été décidé par une personne qui n'était ni l'employeur, ni quelqu'un pouvant valablement le représenter pour mener à bien cette procédure. Dans un commentaire d'une des décisions rendues3, M. Mouly écrivait ceci : « la procédure instituée en 1973 constitue une formalité substantielle, qui entretient en réalité des rapports étroits avec le fond du droit. Notamment, tant que l'entretien avec le salarié n'a pas eu lieu, le licenciement ne peut être qu'envisagé par l'employeur. Celuici ne peut prendre sa décision de licencier qu'une fois le salarié entendu, et encore 2

Voir notamment en ce sens Soc., 26 mars 2002, pourvoi n° 99-43.155⚖️, Bulletin civil 2002, V, n° 105, Soc., 7 décembre 2011, pourvoi n° 10-30.222⚖️, Bull. 2011, V, n° 289, Soc., 20 novembre 2014, pourvoi n° 13-22.581⚖️ ou Soc., 26 avril 2017, pourvoi n° 15-25.204⚖️, Bull. 2017, V, n° 68 3

« Licenciement. Procédure. Entretien préalable. Notification. Interdiction de la représentation de l'employeur par une personne étrangère à l'entreprise », Droit social 2002 p.784

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après avoir respecté un délai d'un jour franc, afin d'éviter toute décision prise sur un coup de tête. Il faut laisser au salarié une chance de convaincre l'employeur de renoncer à la rupture à laquelle celui-ci entend procéder. Or il est bien évident que si, comme en l'espèce, ce dernier confie le soin d'entendre le salarié et de lui notifier son licenciement à un prestataire de services, même mandaté à cet effet, la procédure légale devient une pure formalité sans aucune utilité réelle, la décision de licencier ayant été en fait déjà prise avant le début de la procédure ». Je considère donc qu'il s'agit d'une demande tendant aux mêmes fins que la demande subsidiaire de la salariée ou un moyen supplémentaire au soutien du prononcé de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement bien plus que d'une demande relative à une irrégularité de procédure. Et, quant bien même elle serait analysée en une telle irrégularité, il me semble que cette demande indemnitaire pouvait entrer dans les exceptions prévues aux articles 565 et 566 du code de procédure, en ce qu'elle constituait un motif supplémentaire de contestation de la validité du licenciement. La cour d'appel aurait donc dû la déclarer recevable, quitte à la rejeter dès lors qu'elle retenait que le licenciement était privé de cause réelle et sérieuse 4. Pour toutes ces raisons, je suis d'avis de casser l'arrêt sur ce point.

sur le harcèlement moral et le licenciement prononcé en rétorsion de la dénonciation faite par la salariée La salariée soutenait qu'elle avait été victime de harcèlement moral, qui avait entraîné la dégradation de son état de santé et son placement en mi-temps thérapeutique, mais également qu'elle avait été licenciée, suite à la dénonciation de ce harcèlement. La cour d'appel n'a pas retenu les faits de harcèlement moral aux motifs suivants : « S'il est ainsi établi que les relations entre Mme [I] et [la salariée] étaient tendues, l'existence d'un harcèlement moral de la part de l'employeur n'est pas avérée. L'épuisement professionnel et la situation douloureuse au travail que [la salariée] a décrits à son médecin traitant et au médecin du travail, lequel n'a manifestement pas procédé à une évaluation de la situation dans l'entreprise, qui se sont traduits par des arrêts de travail à compter de début octobre 2019, ne sauraient à eux seuls justifier de l'existence d'un harcèlement moral. Il n'est pas davantage prouvé que c'est la dénonciation de faits supposés de harcèlement moral qui a motivé le licenciement de [la salariée]. » Il me semble, tout d'abord, que ces motifs sont contradictoires puisque la cour avait, dans un premier temps, examiné les éléments produits par la salariée et retenu que « sont ainsi matériellement établis des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ».

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les dispositions de l'article L. 1235-2 ne s'appliquant que lorsque le licenciement est entaché dune irrégularité procédurale « mais pour une cause réelle et sérieuse »

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Dès lors, je considère qu'elle ne pouvait écarter ce harcèlement que si l'employeur prouvait « que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. », conformément aux dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail🏛, et non en retenant que les faits n'étaient finalement pas établis. En outre, il apparaît qu'elle s'est bien plus fondée sur les pièces produites par la salariée, qu'elle vise dans la seconde partie de sa motivation, que sur des éléments apportés par l'employeur. Je considère donc qu'il ne résulte pas des termes de l'arrêt contesté que la cour d'appel a parfaitement respecté le régime probatoire prévu à l'article L. 1154-1 du code du travail.

Enfin, puisque la salariée soutenait que son licenciement constituait une mesure de rétorsion, suite à sa dénonciation des faits de harcèlement moral, il me semble que la cour d'appel ne pouvait écarter ce moyen tel qu'elle l'a fait. En effet, dans cette hypothèse, la chambre a énoncé ce qui suit : « Vu les articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail🏛🏛 : 5. Il résulte de ces textes que lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. Dans le cas contraire, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement. »5 Elle avait déjà retenu une solution identique lorsqu'un salarié avait été licencié après s'être plaint de faits de discrimination6 ou après avoir sollicité la tenue d'élections professionnelles7. Ainsi, dans ce cas de figure, les juges du fond doivent, d'abord, examiné les motifs du licenciement puis se pencher sur les faits de harcèlement pour rechercher s'il existe un lien entre ceux-ci et le licenciement. La charge de preuve incombe tantôt au salarié, si le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et que ce dernier soutient qu'il est, en réalité une mesure de rétorsion, tantôt sur l'employeur qui doit établir l'absence de tout lien avec la dénonciation des faits de harcèlement, lorsque le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse. Or, dans notre espèce, la cour d'appel a examiné les demandes au titre du harcèlement, et de la nullité du licenciement, puis celles fondées sur l'absence de cause réelle et sérieuse de cette mesure. 5

Soc., 18 octobre 2023, pourvoi n° 22-18.678⚖️

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Voir, par exemple, Soc., 5 décembre 2018, pourvoi n° 17-17.687⚖️ ou, a contrario, Soc., 22 mars 2023, pourvoi n° 22-10.556⚖️ 7

Voir Soc., 28 juin 2023, pourvoi n° 22-11.699⚖️

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Par ailleurs, elle a considéré que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse. Elle ne pouvait donc, selon moi, procéder ainsi et faire reposer sur la salariée la preuve d'un lien entre sa dénonciation des faits de harcèlement et son licenciement, intervenu peu de temps après, dès lors qu'elle retenait que celui-ci n'avait pas de cause réelle et sérieuse. Pour l'ensemble de ces raisons, je suis d'avis de casser l'arrêt sur le quatrième moyen. sur le manquement l'obligation de sécurité La salariée reproche à la cour d'appel de n'avoir pas retenu un manquement de la part de son employeur à son obligation de sécurité au motif que les faits de harcèlement moral n'étaient pas établis et alors même que ce dernier n'avait pas diligenté d'enquête interne après qu'elle avait dénoncé de tels faits. La cour d'appel a rejeté sa demande en indiquant que : « En l'espèce, il n'a pas été retenu que [la salariée] a été victime de pressions, brimades injustifiées et comportements humiliants de la part de [sa collègue] s'apparentant à du harcèlement moral. Lorsque [la salariée] a fait appel à M. [H] au sujet des différents qui l'opposaient à [sa collègue], ce dernier a pris position sur le sujet. Lorsqu'elle a demandé des éclaircissements sur son positionnement dans la nouvelle organisation le 16 août 2019, elle a obtenu une réponse [..]. » L'article L. 4121-1 du code du travail🏛 dispose que « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. » L'article L. 4121-2 précise que : « L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

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5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. » Par ailleurs, l'article L. 1152-4 de ce même code🏛 impose à l'employeur de prendre « toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. » Ainsi, l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur lui impose de prendre des mesures préventives mais également de réagir et prendre des mesures adéquates dès lors que des situations susceptibles de porter atteinte à la santé ou à la sécurité des salariés sont portées à sa connaissance. Il ne peut rester passif, même s'il n'est pas débiteur d'une obligation de résultat. D'ailleurs, en matière de harcèlement sexuel, l'obligation pesant sur l'employeur est plus détaillée puisque l'article L. 1153-5 du code du travail🏛 dispose que l'employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir de tels faits « d'y mettre un terme ou de les sanctionner », ce qui implique, selon moi, qu'il tente de faire la lumière sur les faits qui ont pu lui être signalés par des salariés et qu'il procède donc à une enquête interne ou, à tout le moins, aux auditions des protagonistes. Une telle enquête est-elle impérative lorsque des faits de harcèlement moral sont dénoncés à l'employeur ? Dans ce cas de figure, il est attendu de l'employeur que : - il fasse en sorte de prévenir de tels actes, - il y mette un terme s'ils venaient à se produire, - il prenne des mesures pour protéger la ou les éventuelles victimes, - il exerce son pouvoir disciplinaire dans le délai qui lui est imparti si un ou plusieurs salariés s'étaient effectivement rendus coupables de tels faits. Dès lors, pour remplir toutes ces obligations, il se doit de réaliser un minimum d'investigations pour essayer d'établir si ces faits sont ou non avérés, après qu'il lui ont été dénoncés. En ne diligentant pas une enquête interne, qui lui aurait permis de faire la lumière sur les faits dénoncés et ainsi d'en sanctionner l'auteur à temps, il peut lui être reproché une abstention fautive8. 8

Soc., 29 juin 2011, pourvoi n° 09-70.902⚖️, Bull. 2011, V, n° 172 l'employeur n'avait pas diligenté d'enquête et pas sanctionné l'auteur de faits de harcèlement, tant que ceux-ci n'avaient pas été établis par une instance prud'homale l'opposant au salarié qui en avait été victime

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Par ailleurs, l'absence d'enquête interne, suite à la dénonciation de fait de harcèlement, peut caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité 9. Au contraire, s'il décide d'y recourir, il peut être considéré qu'il se conforme à cette même obligation10. Ainsi, l'enquête interne est l'un des éléments qui permet à l'employeur d'établir qu'il a pris la mesure des faits qui ont été portés à sa connaissance et qu'il a essayé de faire la lumière dessus pour prendre les mesures les plus opportunes. Il me semble que c'est aussi dans cet esprit que l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 relatif au harcèlement et à la violence au travail, auquel fait référence Mme Ott dans son rapport, a prévu, dans son article 4, que : - « L'employeur, en concertation avec les salariés et/ou leurs représentants, prend les mesures nécessaires en vue de prévenir et gérer les agissements de harcèlement et de violence au travail. » - « 2. Identification et gestion des problèmes de harcèlement et de violence au travail Sans préjudice des procédures préexistantes dans l'entreprise, une procédure appropriée peut être mise en place pour identifier, comprendre et traiter les phénomènes de harcèlement et de violence au travail. Elle sera fondée sur les éléments suivants, sans pour autant s'y limiter : [...] – les plaintes doivent être suivies d'enquêtes et traitées sans retard ; – toutes les parties impliquées doivent bénéficier d'une écoute impartiale et d'un traitement équitable ; – les plaintes doivent être étayées par des informations détaillées ; [...] ». De même, s'agissant des agents de la fonction publique, l'ancien article 11 IV de la loi du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoyait ce qui suit : « IV.-La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. Lorsqu'elle est informée, par quelque moyen que ce soit, de l'existence d'un risque manifeste d'atteinte grave à l'intégrité physique du fonctionnaire, la collectivité publique prend, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d'urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l'aggravation des dommages directement causés par ces faits. Ces mesures sont mises en œuvre pendant la durée strictement nécessaire à la cessation du risque. » Et, le guide sur la protection fonctionnelle des agents publics rédigé par le ministère de la transformation et de la fonction publiques précise qu'en la matière, les mesures de protection « peuvent prendre la forme : 9

Voir Soc., 7 avril 2016, pourvoi n° 14-23.705 : «⚖️ Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, [..], a constaté que l'employeur n'avait pris aucune mesure telle que la décision d'ordonner une enquête interne à la suite des correspondances adressées par le salarié les 23 septembre et 14 octobre 2011 évoquant des agissements inadaptés de la part d'un collègue avec lequel deux incidents étaient intervenus ; qu'elle a pu en déduire l'existence d'un manquement de la part de l'employeur à son obligation de résultat en matière de santé et de sécurité des salariés ; que le moyen n'est pas fondé ; » 10

Soc., 18 février 2014, pourvoi n° 12-17.557⚖️, Bull. 2014, V, n° 52 et Soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 21-11.437⚖️

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- d'une protection matérielle et physique de l'agent ou de sa famille (changement du numéro de téléphone et/ou de l'adresse électronique professionnels, changement d'affectation, signalement aux autorités policières ou judiciaires, demande de protection du domicile, dépôt de plainte) ; - d'une enquête administrative au sein des services, susceptible de conduire au déplacement d'office et/ou au déclenchement d'une procédure disciplinaire à l'encontre de l'auteur de l'attaque, si celui-ci est agent public. » Ainsi, l'enquête interne apparaît comme le meilleur moyen : - pour l'employeur de tenter de faire la lumière sur les faits qui lui ont été dénoncés et ainsi de prendre les mesures opportunes au vu de ce que ces investigations ont révélé, - pour les parties d'être éventuellement entendues rapidement mais surtout de pouvoir fournir des éléments pour étayer leur position, tout en voyant leurs droits préservés puisque les conclusions de cette mesure ne lient pas les juridictions qui pourraient être saisies du litige11. Il me semble donc qu'eu égard aux gardes-fous dont elle est entourée mais également au fait qu'elle permet à l'employeur de réagir rapidement, l'enquête interne est effectivement le moyen le plus opportun et opérant lorsque des faits de harcèlement ou de violences lui sont dénoncés. Ainsi je considère, tout comme M. Patrice Adam12, que « L'employeur ne peut pas prétendre avoir correctement rempli son obligation de prévention si, n'ayant point mené d'enquête, il ne compte que sur la providence, ou sa bonne fortune, pour, a posteriori, justifier son inaction. L'absence de harcèlement avéré ne légitime pas après coup son inaction, puisqu'en restant passif l'employeur a pris le risque de laisser l'un de ses salariés subir un processus harcelant. » Par ailleurs, dans notre espèce, il semble que l'appréciation de la cour d'appel a aussi reposé sur le fait qu'elle a estimé les faits de harcèlement moral non établis et a donc considéré que des réponses par mail aux interrogations de la salariée s'avéraient suffisantes. Pour toutes ces raisons, je considère que la cour d'appel ne pouvait valablement retenir que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de sécurité à l'égard de la salariée alors qu'il n'avait pas procédé à une enquête interne après qu'elle lui avait dénoncé des faits de harcèlement moral. Je suis donc d'avis de casser l'arrêt également sur le cinquième moyen. Si vous estimiez que la cassation est encourue sur le quatrième moyen, la question d'une cassation par voie de conséquence sur ce cinquième moyen, indépendamment de l'appréciation portée à la pertinence des arguments avancés par la salariée à ce titre, pourrait se poser.

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L'arrêt du 29 juin 2022 précité rappelant, à ce titre, qu' « Il appartient aux juges du fond, dès lors qu'il n'a pas été mené par l'employeur d'investigations illicites, d'en apprécier la valeur probante, au regard le cas échéant des autres éléments de preuve produits par les parties » 12

« Harcèlement moral », répertoire droit du travail, Dalloz

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sur le salaire de référence pour le calcul des indemnités auxquelles a droit la salariée

Cette dernière conteste, enfin, le salaire de référence retenue par la cour d'appel pour calculer les indemnités auxquelles elle a droit à raison de son licenciement, dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de l'absence d'exécution de son préavis. Elle soutient que, puisque son travail à temps partiel est justifié par des raisons de santé, retenir le salaire qu'elle percevait avant son licenciement, et non celui qui était le sien lorsqu'elle était à temps plein, constitue une discrimination directe fondée sur son état de santé ou, à tout le moins, une discrimination indirecte puisque les femmes sont sur-représentées parmi les bénéficiaires de mi-temps thérapeutiques. Elle estime qu'en tout état de cause, les juges du fond auraient dû tenir compte de façon proportionnelle des périodes pendant lesquelles elle a travaillé à temps plein et à temps partiel. Les premiers juges ont calculé le salaire de référence en se fondant sur les revenus des douze derniers mois précédant le licenciement de la salariée. La cour d'appel a retenu le même salaire de référence. Or, il n'est pas contesté que, pendant cette période, cette dernière travaillait à mi-temps pour des raisons médicales, caractérisées notamment par une reconnaissance d'invalidité. L'article L. 1132-1 du code du travail🏛, dans sa version applicable au litige, dispose ce qui suit : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008🏛 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de

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santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français. » L'article 1er de la loi du 27 mai 2008 définit les discriminations directe et indirecte ainsi : « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. » S'agissant de la question des indemnités dues à raison de la rupture d'un contrat de travail, la chambre a eu l'occasion de rendre plusieurs décisions dans lesquelles elle a retenu l'existence d'une discrimination directe fondée sur l'état de santé, lorsque les sommes auxquelles avait droit le salarié avaient été calculés en se fondant sur une rémunération moindre parce qu'il se trouvait en arrêt de travail pendant tout ou partie de la période de référence. Cela a été le cas pour : - le calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (Soc., 23 mai 2017, pourvoi n° 15-22.223⚖️, Bull. 2017, V, n° 90), - celui de l'indemnité réparant le préjudice résultant de la nullité d'un licenciement prévue à l'article L. 1235-11 du code du travail🏛 (Soc., 26 juin 2019, pourvoi n° 1817.120) - et celui de l'indemnité due pendant la période d'éviction d'un salarié protégé licencié sans autorisation administrative (Soc., 1 juin 2023, pourvoi n° 21-21.191⚖️). Dans ces hypothèses, la chambre a considéré que, pour que le salarié concerné ne soit pas soumis à un traitement discriminatoire, il fallait ne pas tenir compte des périodes pendant lesquelles il était en arrêt de maladie pour calculer son salaire de référence. Cela revenait à « neutraliser » ces périodes et à ne prendre en considération que les salaires versés avant ces arrêts de travail.

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Il est vrai que, comme le souligne le mémoire en défense, les salariés dans ces affaires n'étaient pas dans la même situation que la salariée de notre espèce qui a été placée en mi-temps thérapeutique. Son contrat de travail n'est donc plus suspendu, comme il peut l'être en cas d'arrêt de travail. Toutefois, la chambre a également jugé, dans une espèce relative au calcul des droits d'une salariée au titre de la réserve spéciale de participation et au visa de l'article L. 1132-1 précité, que : « 11. Il résulte de la combinaison de ces textes que la période pendant laquelle un salarié, en raison de son état de santé, travaille selon un mi-temps thérapeutique doit être assimilée à une période de présence dans l'entreprise, de sorte que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'assiette de la participation due à ce salarié est le salaire perçu avant le mi-temps thérapeutique et l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé. »13 Il s'agissait alors de déterminer le temps de présence de cette salariée dans l'entreprise qui était pris en compte pour le calcul de ses droits au titre de la participation. Toutes ces décisions vont, selon moi, dans le sens d'une « neutralisation » des effets néfastes que l'état de santé du salarié peut ou pourrait avoir sur ses droits. Dans notre espèce, la question porte sur le calcul d'indemnités dues à raison de la rupture du contrat de travail. Il me semble que les arguments qui avaient pu être avancés dans le cadre de la dernière espèce trouvent également à s'appliquer ici. En effet, et contrairement à ce qui est soutenu par l'employeur dans son mémoire, je considère qu'un salarié en temps partiel thérapeutique ne se trouve pas dans la même situation que le salarié travaillant à temps partiel. Il résulte des dispositions du code du travail14 que le salarié doit avoir donné son accord pour travailler à temps partiel et que celui-ci ne peut lui être imposé en cours d'exécution de son contrat de travail. Ainsi, le travail à temps partiel induit une manifestation de la volonté du salarié d'en accepter le principe. En revanche, le temps partiel thérapeutique est décidé après que le salarié concerné a subi une période d'arrêt de travail et sur avis de son médecin traitant, voire du médecin du travail.

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Soc., 20 septembre 2023, pourvoi n° 22-12.293⚖️

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Cf. Articles L. 3123-1 et suivants

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S'il est vrai que le salarié est dans une démarche volontaire de reprise de son emploi, il n'en reste pas moins que les modalités selon lesquelles celle-ci a lieu lui sont imposées par son état de santé et les avis médicaux. Ce temps partiel est donc bien la résultante de son état de santé. Il n'est, dès lors, pas justifié, selon moi, de traiter de façon identique un salarié ayant accepté un travail à temps partiel et un salarié qui le subit. En outre, le temps partiel thérapeutique est défini par le code de la Sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, comme la « reprise d'un travail léger autorisé par le médecin traitant » qui est « de nature à favoriser la guérison ou la consolidation de la blessure »15 et implique normalement la fin de la suspension du contrat de travail. Cette mesure est une modalité de reprise du travail qui se veut favorable au salarié. Pour autant, il se trouverait pénalisé puisque son salaire étant moindre, les indemnités auxquelles il pourrait prétendre en cas de rupture de son contrat de travail le seraient également.

C'est pourquoi, il me semble que prendre en compte le temps partiel thérapeutique pour le calcul des droits de la salariée constitue une discrimination directe fondée sur son état de santé. Je suis donc également à la cassation sur le dernier moyen portant sur le calcul du salaire de référence.

Pour toutes ces raisons, je suis d'avis de casser partiellement l'arrêt.

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Cf. Article L 433-1 alinéa 3 qui détermine les droits des salariés à des indemnités journalières en cas de reprise d'une activité professionnelle

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